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07/06/2011 | FRANCE | N°09/07439

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 07 juin 2011, 09/07439


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 07 JUIN 2011



(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/07439











Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFACB)



c/



Madame [N] [U]













Nature de la décision : AU FOND







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Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 07 JUIN 2011

(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/07439

Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFACB)

c/

Madame [N] [U]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 décembre 2009 (R.G. n° F 08/00217) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bergerac, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 21 décembre 2009,

APPELANTE :

Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment

(FFACB), agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Jean-Marie Léger, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE :

Madame [N] [U], née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 3] [Localité 3] (Allemagne) de nationalité Française, demeurant [Adresse 6],

Représentée par Maître Guillaume Deglane, avocat au barreau de Périgueux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 avril 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal Tamisier.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige

Mme [N] [U] a été engagée en qualité d'assistante administrative par la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFACB), selon contrat de travail à durée indéterminée (CNE) à temps plein en date du 15 mars 2007, pour une durée de 39 heures avec une rémunération brute mensuelle de 1.600 € sur 13 mois et demie au prorata de présence et une prime pour heures supplémentaires de 201,14 €.

Après avoir vainement tenté d'obtenir paiement d'heures supplémentaires (courrier recommandé du 8 juillet 2008), le 4 novembre 2008, Mme [N] [U] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac pour réclamer paiement de ces heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour perte de gains en réparation de repos compensateur non pris, des dommages et intérêts au titre de la discrimination, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la remise sous astreinte de bulletins de salaires rectifiés.

Entre l'audience de conciliation et l'audience de jugement devant le Conseil de Prud'hommes de Bergerac, Mme [N] [U] a été licenciée.

Mme [N] [U] a, en effet, été convoquée, le 3 mars 2009 à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire, entretien qui a eu lieu le 13 mars 2009.

Par courrier en date du 25 mars 2009, Mme [N] [U] a été licenciée pour faute grave aux termes d'une longue lettre qui lui reproche principalement :

- une mésentente grave avec la supérieure hiérarchique Mme [X] avec impossibilité d'une collaboration

- un détournement de correspondance.

Par jugement en date du 14 décembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de Bergerac a dit que Mme [N] [U] est bien fondée en son action, que son licenciement est sans cause réelle ni sérieuse, condamnant la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFCAB) à lui payer les sommes suivantes :

- 9.202,83 € à titre de rappel de salaires 2007 et 2008 outre les congés payés

afférents (920,28 €)

- 7.791,80 € pour travail dissimulé

- 4.323,00 € à titre de dommages et intérêts pour perte de gains en réparation de

repos compensateur non pris

- 2.000,00 € de dommages et intérêts pour préjudice financier

- 1.744,30 € de dommages et intérêts pour la mise à pied outre les congés payés

afférents (174,43 €)

- 1.202,37 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 5.930,60 € au titre des indemnités de préavis outre les congés payés afférents

(596,30 €)

- 12.000,00 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif

- 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 18 décembre 2009, la FFACB a relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 10 juin 2010 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme [N] [U] conclut à l'irrecevabilité de l'appel de la FFACB.

Par conclusions déposées le 22 novembre 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFACB) conclut tout d'abord à la recevabilité de son appel, puis elle demande à la Cour d'écarter les pièces adverses numéro 6, 7, 8, 9, 10, 15, 20, 42, 44, emails dont elle n'est ni l'expéditeur ni le destinataire, soustraits illégalement et conclut ensuite à la réformation de la décision.

Si elle reconnaît que des heures supplémentaires ont été effectuées, elle demande à la Cour de réduire, à de plus justes proportions, le quantum des heures supplémentaires effectuées et non payés et les dommages et intérêts sollicités au titre du repos compensateur ; elle soutient de plus que Mme [U], au regard du salaire et avantages perçus n'établit pas la réalité de son préjudice financier ; elle conclut également au rejet de la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé faute de voir établie son intention frauduleuse.

Elle affirme ensuite que le licenciement pour faute grave de Mme [U] est parfaitement justifié et conclut au débouté de toutes les demandes de la salarié sur ce point.

Elle réclame enfin à Mme [U] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 10 juin 2010 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme [N] [U] conclut à l'irrecevabilité de l'appel de la FFACB et demande subsidiairement la confirmation du jugement entrepris sauf à porter le quantum des dommages et intérêts pour licenciement à la somme de 35.683,60 € et sauf à rectifier l'erreur matérielle de l'indemnité pour travail dissimulé (17.791,80 €) et sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre la remise de bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard.

Elle développe les mêmes moyens et arguments concernant les heures supplémentaires, le travail dissimulé et les dommages et intérêts pour absence de repos compensateur.

Concernant son licenciement, elle soutient sa nullité d'abord (l'auteur du licenciement n'avait pas qualité pour agir) et ensuite pour violation des dispositions combinées des articles L 1132-1 et L 1134-4 du code du travail, contestant les motifs de son licenciement.

Motifs de la décision

* Sur la recevabilité de l'appel

Mme [N] [U] soutient que le Président de la FFACB ne justifie pas le pouvoir, aux termes des statuts, de représenter l'association devant les tribunaux et n'a de plus reçu aucun mandat par le Conseil d'Administration d'interjeter appel du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bergerac le 14 décembre 2009.

La Cour note tout d'abord que la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment n'est pas une société classique structurée mais une association dont les statuts très elliptiques précisent seulement que l'organe de gestion et de direction est le Conseil d'Administration.

Certes, ledit Conseil d'Administration n'a pas pris une délibération expresse pour autoriser le Président de l'Association à exercer un recours en appel mais la Cour considère qu'il n'est pas nécessaire au vu de ce qui précède que ce mandat ait été donné par écrit à la condition qu'il soit exprès.

Ainsi, la FFACB produit aux débats huit attestations de personnes ayant assisté à la réunion du conseil d'administration du 27 mars 2009 qui affirment qu'il y a été décidé à l'unanimité de donner pouvoir au président de l'Association de faire appel des jugements du Conseil de Prud'hommes de Bergerac dans l'hypothèse où ces décisions seraient défavorables à la Fédération.

L'appel est donc recevable.

* Sur le rejet des pièces

La Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment demande à la Cour de rejeter un certain nombres de pièces (emails) dont Mme [U] n'était ni l'expéditeur ni le destinataire et que dés lors celle-ci aurait soustrait frauduleusement.

La Cour note tout d'abord que Mme [X] avait elle-même autorisé l'accès à sa boîte mails à Mme [U], afin de permettre à celle-ci de traiter les urgences qui y arrivaient en son absence.

Cette pratique de se rendre sur les boîtes aux lettres de collègues en leur absence était d'ailleurs habituelle dans l'entreprise et il apparaît au vu des pièces versées aux débats que tout le monde avait les mots de passe de tout le monde : il est donc difficile de caractériser une soustraction frauduleuse de mails dans ce contexte de transparence totale.

Plus précisément sur les pièces que la FFACB demande d'écarter des débats, il s'agit de 5 mails du 9 juin 2008, de deux mails de juillet 2008 et de deux mails de septembre 2008 qui correspondent à la période pendant laquelle Mme [U] tentait d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires et se voyait opposer diverses mesures de rétorsion.

La Cour note que si la FFACB se plaint du comportement de Mme [U] vis à vis de ces correspondances, elle a agi elle-même, par l'intermédiaire de sa secrétaire générale Mme [X], véritable pivot de la Fédération, de manière tout à fait inappropriée et discutable.

Ainsi quand Mme [U], faute d'obtenir paiement des heures supplémen-taires auxquelles elle estime avoir droit, envoie un mail le 9 juin 2008 à la seule Mme [X] pour lui indiquer qu'elle effectuera désormais les heures mentionnées sur les plannings de bureau et qu'elle prendra ses repas en dehors des locaux de la FFACB, Mme [X] s'empresse d'envoyer ce mail à deux autres salariées, Mme [M], responsable du site d'[Localité 4] et à Mme [G], simple assistante administrative en faisant des commentaires (plus aucune prime ne lui sera accordée, je regrette la forte augmentation faite en début d'année) et en demandant à Mme [G] de la renseigner sur la possibilité légale des mesures de 'rétorsion' qu'elle envisage ; les autres mails, également adressés à Mme [M] et Mme [G], s'inscrivent dans la démarche répressive de Mme [X] à l'encontre de Mme [U].

Mme [X] fait donc participer, dans un contestable mélange des genres, d'autres salariés aux problèmes qu'elle rencontre Mme [U], sachant que Mme [G] a également fait convoquer depuis son employeur devant le Conseil de Prud'hommes.

La Cour rejette en conséquence la demande de la FFACB tendant à voir écarter les pièces 6, 7, 8, 9, 10, 15, 20, 42, 44 qui sont nécessaires à la défense de Mme [U] en ce qu'ils constituent des éléments de preuve à l'appui de ses demandes.

* Sur l'exécution du contrat

A l'époque des faits litigieux, la FFACB disposait d'un siège situé à [Localité 5] et des bureaux situés à [Localité 4] en Dordogne ; Mme [X], secrétaire générale et responsable de l'Association, gérait les deux structures depuis le siège et Mme [M] était responsable de l'unité d'[Localité 4].

Ainsi, Mme [N] [U] travaillait, avec quatre autres salariées, dans les bureaux d'[Localité 4] certes sous la responsabilité de Mme [M], mais sous l'autorité constante de Mme [X], en charge du personnel et de la gestion du temps de travail.

Le 8 juin 2008, un peu plus d'un an après son embauche, estimant faire de très nombreuses heures de travail non rémunérées, Mme [N] [U] a informé par email sa supérieure hiérarchique, Mme [X], de ce qu'à compter de cette date, elle effectuerait l'horaire de travail prévu par la loi et prendrait ses repas en dehors des locaux de la Fédération.

Cette revendication non satisfaite est à l'origine de la saisine par Mme [X] de la juridiction prud'homale.

La Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFCAB) ne conteste plus désormais le principe des heures supplémentaires effectuées par Mme [U] tout en expliquant que :

- sa mission (association professionnelle sans but lucratif de plus de 3000 entreprises artisanales représentant plus de 16.000 salariés, qui défend et promeut les structures coopératives qui obéissent à des principes de fonctionnement spécifiques et qui a pour but de donner à ces petites entreprises un cadre d'organisation et des services de formation et d'aide à la gestion, un ensemble d'outils nécessaires à l'obtention du meilleur prix des polices d'assurance obligatoires pour leur activité et un soutien au quotidien tant professionnel qu'humain) est une lourde tâche qui nécessite de la part de ses collaborateurs un grand dévouement et une adhésion à cet esprit de service auprès de ses membres ;

- les salariés disposaient d'un salaire confortable, très largement au-dessus des salaires prévus par la convention collective, outres des avantages en nature intéressants (Chèques CAD HOC et CESU).

Il n'en demeure pas moins que la gestion juridique et comptable de ces heures supplémentaires n'était pas très orthodoxe et que si un employeur peut demander à son salarié de réaliser son travail avec disponibilité et efficacité, il ne peut lui imposer, même avec quelques avantages en nature, des rythmes de travail peu compatibles avec le code du travail.

Ainsi, si l'horaire journalier de travail de Mme [U] était normalement le suivant : 8h30/12h30 et 14h/18h (17H le vendredi), les pièces versées aux débats démontrent que :

- Mme [U], comme toutes les autres salariées du site de Dordogne, devait rester à proximité de son poste de travail pendant la pause déjeuner pour être réactive aux appels des adhérents (audition de Mme [M] par le Conseil de Prud'hommes de Bergerac. Elles restaient dans l'entreprise. On devait être là pour répondre au téléphone.... On était toutes là entre 12h30 et 13h30, attestations d'autres salariés) ;

- Mme [U] quittait le bureau le soir bien après 18 heures, le plus souvent vers 19 heures et parfois vers 20 heures comme l'atteste les mails de fermeture qu'elle devait adresser à Mme [X] avant de partir (preuve de cette obligation, le mail du 27 août 2007 de Mme [X] qui reproche aux quatre salariés d'[Localité 4] d'être partie le vendredi soir à 18 heures, heure normale de fermeture, sans prévenir de leur départ).

Comme les premiers juges, la Cour, après avoir analysé précisément toutes les semaines de travail de Mme [U] au regard des horaires conventionnels et de ceux réellement effectués (pas de réel temps de pause le midi, fermeture du soir souvent différée), au regard des éléments apportés sur les absences autorisées de quelques heures de la salariée ou des congés pris par elle, estime devoir valider les calculs et le décompte faits par Mme [U].

La Cour considère ensuite que la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment, tout en reconnaissant que ses salariées réalisaient des heures supplémentaires ne les a pas rémunérées conformément au code du travail :

- soit par un paiement à un taux majoré

- soit par un repos compensateur.

La décision des premiers juges, qui a condamné la FFCAB à régler à Mme [U] 560 heures de travail supplémentaires en 2007 et 2008, sera confirmée, Mme [G] recevant la somme de 9.202,83 € à titre de rappel de salaires outre 920,28 € de congés payés afférents et la somme de 4.323 € de dommages et intérêts correspondant au repos compensateur non pris.

La Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment devra remettre à Mme [N] [U], dans les meilleurs délais, mais sans astreinte, les bulletins de salaire rectifiés conformes à la présente décision.

La Cour confirme également la décision du Conseil de Prud'hommes de Bergerac en ce qu'elle a alloué à Mme [U] la somme de 17.791,80 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé (et non 7.791,80 € comme indiqué par suite d'une erreur matérielle).

En effet, la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment avait pleinement conscience des très nombreuses heures supplémentaires faites par ses salariés (mail de Mme [G] à Mme [X] en mai 2008 duquel il ressort que le gain pour la FFACB est de 69.000 € par rapport aux heures non rémunérées ... M. [I] a fait remarquer que l'on faisait beaucoup d'heures non payées, mais ils ne doivent pas s'attendre à ces chiffres là) ; la FFCAB, qui a pour mission de donner à des petites entreprises artisanales un cadre d'organisation et des services de formation et d'aide à la gestion, avait instauré une technique de gestion du temps de travail de ses salariés totalement illégale, même si elle consentait aux dites salariées quelques avantages en nature.

* Sur le licenciement

Mme [U] soutient tout d'abord que sa décision de licenciement a été prise par le seul Président de la FFACB qui n'était pas investi de ce pouvoir par les statuts ou par le Conseil d'Administration.

Cependant la Cour considère qu'une délégation écrite de pouvoir de licencier n'est pas nécessaire dés lors qu'elle émane d'une personne en apparence habilitée à prononcer le licenciement et que d'ailleurs lors du Conseil d'Administration du 21 novembre 2008, la possibilité d'une rupture du contrat de travail de Mme [U] a été évoquée par le Président, l'intégralité des points évoqués lors de cette réunion ayant été adoptés à l'unanimité.

Mme [U] soutient ensuite que son licenciement est nul pour violation des dispositions combinées des articles L 1132-1 et L 1134-4 du code du travail, car motivé par des actes de discrimination; toutefois, ces textes légaux prévoient la nécessité que ces actes de discrimination vis à vis du salarié soient fondés sur son origine, son sexe, ses moeurs, son orientation sexuelle ; son âge, sa situation de famille ou sa grossesse, ses caractéristiques génétiques, son appartenance ou sa non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou mutualistes, ses convictions religieuses, son apparence physique, son nom de famille, son état de santé ou son handicap, ce qui n'est pas le cas d'espèce.

Mme [U] soutient ensuite que son licenciement est nul pour violation de l'article L1134-4 du code du travail car ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse mais intervenant après ses réclamations amiables pour obtenir paiement d'heures supplémen-taires et en raison de son engagement d'une procédure prud'homale ; il convient dés lors d'examiner le bien fondé ou non du licenciement de Mme [U].

La lettre de licenciement pour faute grave dont les motifs énoncés fixent les limites du litige est articulée autour des griefs suivants :

- une mésentente grave avec la supérieure hiérarchique Mme [X] avec impossibilité d'une collaboration: notamment, contestation permanente des directives de l'employeur, mise en cause systématique de Mme [X] et attitude très hostile envers celle-ci, impossibilité de collaborer contraignant Mme [X] à transférer au Président de l'Association le management de Mme [U], déstabilisation de l'équipe des salariés, état de santé et volonté de démissionner de Mme [X] ;

- un détournement de correspondance, à savoir des emails strictement confiden-tiels non destinés à Mme [U] avec utilisation non autorisée des codes confidentiels de Mme [X] et de Mme [M].

Aux termes de l'article L 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.

Toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur et tel est le cas d'espèce

Selon une jurisprudence constante, la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

La Cour a déjà analysé plus haut le problème du détournement de correspondance et de violation du devoir de confidentialité pour les rejeter, comme l'ont fait les premiers juges.

La Cour note ensuite qu'avant sa réclamation concernant le paiement de ses heures supplémentaires, Mme [U] n'avait fait l'objet d'aucun reproche de sa supérieure hiérarchique sur sa qualité de son travail et que ce n'est qu'à compter du moment où elle a décidé de s'en tenir aux horaires de travail contractuels, qu'elle s'est attirée les foudres de Mme [X] qui fonctionnait sur le dévouement inconditionnel et l'affectif.

A partir de cette date, il ressort des pièces versées aux dossiers (mails et attestations d'autres salariés) que Mme [X], s'estimant trompée et abusée par le comportement de Mme [U], a décidé de lui supprimer la plupart des avantages en nature jusque là octroyés et de lui imposer ses congés d'été, a limité son accès aux dossiers et sa participation à la vie générale de la Fédération (pas d'Assemblée Générale en juin 2008 avec annulation de la chambre prévue pour elle) a fermé l'accès Internet de la FFACB depuis le domicile de la salariée et a largement commenté l'attitude de Mme [U] (elle a un très mauvais état d'esprit et refuse de faire des heures supplémentaires) auprès des autres salariés; Mme [X] a ensuite refusé de continuer à travailler avec Mme [U], lui reprochant de créer des difficultés sur les dossiers et en référant au Président de la Fédération avec la menace de démissionner.

La Cour a reconnu le bon droit de la salariée quant au paiement des nombreuses heures supplémentaires effectuées par elle tout en stigmatisant la méthode de gestion du temps de travail de ses salariés par la FFACB, gestion que trois autres salariés réprouvent dans leurs attestations, Mme [G] qui a démissionné, Mme [K] qui a été licenciée, M. [P] qui dit avoir été mis au placard comme Mme [U].

Ces salariés, s'ils font état d'une ambiance de travail devenue difficile ne mettent pas en cause Mme [U], mais font plutôt état des pressions et du harcèlement employés par Mme [X] à leur encontre en notant l'omni présence de la Secrétaire Générale qui use et abuse du pouvoir que lui confère son poste de secrétaire générale ... a tendance à faire la pluie et le beau temps au sein de l'entreprise (attestation de Mme [K] qui précise également quand j'ai signé mon contrat, j'ai appris par une précédente secrétaire que j'étais au moins la 16éme à intégrer la fédération. je pense donc qu'il y a un problème non avec les postulantes mais avec Mme [X]).

La Cour rejette dés lors le reproche fait à Mme [U] d'avoir instauré par son attitude une mésentente grave avec sa supérieure hiérarchique Mme [X] avec impossibilité d'une collaboration.

Comme les premiers juges, la Cour estime donc que le licenciement de Mme [U] est sans cause réelle et sérieuse sans aller cependant jusqu'à prononcer sa nullité, estimant que les conditions de l'article L 1134-4 du code du travail ne sont pas clairement réunies.

La Cour considère ensuite que le Conseil de Prud'homes de Bergerac a fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme [U] en lui allouant la somme de 12.000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif outre le paiement de sommes au titre de la mise à pied injustifiée, le paiement des indemnités de préavis et de licenciement (qui selon la Cour peuvent se cumuler dans le cas d'espèce avec l'indemnité de travail dissimulé).

Comme les premiers juges, la Cour estime également que Mme [U] a fait l'objet de mesures de sanction financières liées à sa demande de paiement d'heures supplémentaires ; la FFACB ne peut soutenir que les avantages en nature et les autorisations d'absences qu'elle octroyait rémunéraient les heures supplémentaires faites par les salariées qui s'en voyaient dés lors privées faute de réalisation d'heures supplémentaires, les heures supplémentaires ne pouvant être rémunérées par l'octroi de primes de chèques cadeau ou l'octroi de congés, sauf accord collectif.

Ces faits de discrimination ont causé un préjudice certain à Mme [U] qui a, justement, été évalué par les premiers juges à la somme de 2.000 €.

La Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment devra remettre à Mme [N] [U], dans les meilleurs délais mais sans astreintes les documents de rupture conformes à la présente décision.

* Sur les autres demandes

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [N] [U] qui se verra allouer la somme de 1.000 € à ce titre.

La Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment supportera les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' déclare recevable l'appel de la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment,

' confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à rectifier l'erreur matérielle concernant la condamnation de la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment à payer à Mme [U] la somme de 17.791,80 € (dix sept mille sept cent quatre vingt onze euros et quatre vingt centimes) (et non 7.791,80 € sept mille sept cent quatre vingt onze euros et quatre vingt centimes) au titre du travail dissimulé,

y ajoutant :

' condamne la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment devra remettre à Mme [N] [U], dans les meilleurs délais, mais sans astreinte, les bulletins de salaire et les documents de rupture rectifiés conformes à la présente décision,

' condamne la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment à verser à Mme [N] [U] la somme de 750 € (sept cent cinquante euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/07439
Date de la décision : 07/06/2011

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/07439 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-07;09.07439 ?
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