COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 07 JUIN 2011
(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller)
(PH)
PRUD'HOMMES
N° de rôle : 09/07438
Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFACB)
c/
Madame [K] [T] épouse [W]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par
voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 décembre 2009 (R.G. n° F 08/00253) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bergerac, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 21 décembre 2009,
APPELANTE :
Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment
(FFACB), prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],
Représentée par Maître Jean-Marie Léger, avocat au barreau de Paris,
INTIMÉE :
Madame [K] [T] épouse [W], née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 3] ([Localité 3]), de nationalité Française, profession secrétaire, demeurant [Localité 7], [Localité 4] [Localité 4],
Représentée par Maître Guillaume Deglane, avocat au barreau de Périgueux,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 avril 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,
Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,
Madame Myriam Laloubère, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal Tamisier.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
Mme [K] [W] a été engagée à compter du 5 décembre 2005, par la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFCAB), en qualité d'assistante administrative, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein (CNE) de 35 heures par semaine pour une rémunération brute mensuelle de 1.800 € sur 13 mois et demie au prorata de présence.
Par avenant en date du 5 décembre 2005, la durée de travail est passée à 39 heures hebdomadaires avec perception d'une prime pour heures supplémentaires de 226,28 €, le salaire brut de Mme [W] étant alors de 2.026,28 € brut.
Le 18 juillet 2008, Mme [K] [W] a adressé une lettre de démission à la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFCAB).
Les 18 septembre 2008 et 4 octobre 2008, Mme [K] [W] a réclamé à son employeur paiement de nombreuses heures supplémentaires, ce qui lui a été refusé.
Le 4 décembre 2008, Mme [K] [W] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac pour réclamer paiement de ces heures supplémentaires, une indemnité au titre du travail dissimulé , des dommages et intérêts pour perte de gains en réparation de repos compensateur non pris outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la remise sous astreinte de bulletins de salaires rectifiés.
Par jugement en date du 14 décembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de Bergerac a dit que Mme [K] [W] est bien fondée en son action, condamnant la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFCAB) à lui payer les sommes suivantes :
- 23,336,95 € à titre de rappel de salaires outre les congés payés afférents (2.333,69 €)
- 12.308,76 € à titre de dommages et intérêts pour perte de gains en réparation de
repos compensateur non pris
- 15.428,16 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé
- 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 21 décembre 2009, la FFCAB a régulièrement relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 30 juin 2010 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme [K] [W] conclut à l'irrecevabilité de l'appel de la FFACB.
Par conclusions déposées le 30 novembre 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFCAB) conclut tout d'abord à la recevabilité de son appel et à la réformation de la décision dont appel à la motivation succincte basée sur les tableaux unilatéralement établis par Mme [W].
Si elle reconnaît que des heures supplémentaires ont été effectuées par Mme [W], elle demande à la Cour de réduire à de plus justes proportions le quantum des heures supplémentaires effectuées et non payés et les dommages et intérêts sollicités au titre du repos compensateur.
Elle soutient de plus que Mme [W], au regard des salaires et avantages perçus n'établit pas la réalité de son préjudice financier pas plus que n'est établie son intention frauduleuse et elle conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
Elle réclame enfin à Mme [W] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 30 juin 2010 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme [K] [W] conclut à l'irrecevabilité de l'appel de la FFACB et demande subsidiairement la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre la remise de bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard.
Motifs de la décision
* Sur la recevabilité de l'appel
Mme [K] [W] soutient que le Président de la FFACB ne justifie pas le pouvoir, aux termes des statuts, de représenter l'association devant les tribunaux et n'a de plus reçu aucun mandat du par le Conseil d'Administration d'interjeter appel du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bergerac le 14 décembre 2009.
La Cour note tout d'abord que la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment n'est pas une société classique structurée mais une association dont les statuts très elliptiques précisent seulement que l'organe de gestion et de direction est le Conseil d'Administration.
Certes, ledit Conseil d'Administration n'a pas pris une délibération expresse pour autoriser le Président de l'Association à exercer un recours en appel mais la Cour considère qu'il n'est pas nécessaire au vu de ce qui précède que ce mandat que ce mandat ait été donné par écrit à la condition qu'il soit exprès.
Ainsi, la FFACB produit aux débats huit attestations de personnes ayant assisté à la réunion du conseil d'administration du 27 mars 2009 qui affirment qu'il y a été décidé à l'unanimité de donner pouvoir au président de l'Association de faire appel des jugements du Conseil de Prud'hommes de Bergerac dans l'hypothèse où ces décisions seraient défavorables à la Fédération.
L'appel est donc recevable.
* Sur l'exécution du contrat
A l'époque des faits litigieux, la FFACB disposait d'un siège situé à [Localité 6] et des bureaux situés à [Localité 5] en Dordogne ; Mme [C], secrétaire générale et responsable de l'Association, gérait les deux structures depuis le siège et Mme [H] était responsable de l'unité d'[Localité 5].
Ainsi, Mme [K] [W] travaillait, avec quatre autres salariées, dans
les bureaux d'[Localité 5] sous la responsabilité de Mme [H], elle-même sous l'autorité de Mme [C], en charge du personnel et de la gestion du temps de travail.
La Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFCAB) ne conteste pas le principe des heures supplémentaires effectuées par Mme [W] tout en expliquant que :
- sa mission ( association professionnelle sans but lucratif de plus de 3000 entreprises artisanales représentant plus de 16.000 salariés, qui défend et promeut les structures coopératives qui obéissent à des principes de fonctionnement spécifiques et qui a pour but de donner à ces petites entreprises un cadre d'organisation et des services de formation et d'aide à la gestion, un ensemble d'outils nécessaires à l'obtention du meilleur prix des polices d'assurance obligatoires pour leur activité et un soutien au quotidien tant professionnel qu'humain) est une lourde tâche qui nécessite de la part de ses collaborateurs un grand dévouement et une adhésion à cet esprit de service auprès de ses membres ;
- les salariés disposaient d'un salaire confortable, très largement au-dessus des salaires prévus par la convention collective, outres des avantages en nature intéressants (Chèques CAD HOC et CESU).
Il n'en demeure pas moins que la gestion juridique et comptable de ces heures supplémentaires n'était pas très orthodoxe et que si un employeur peut demander à son salarié de réaliser son travail avec disponibilité et efficacité, il ne peut lui imposer, même avec quelques avantages en nature, des rythmes de travail peu compatibles avec le code du travail.
Ainsi, si l'horaire journalier de travail de Mme [W] était normalement le suivant : 8h30/12h30 et 14h/18h, les pièces versées aux débats démontrent que :
- Mme [W], comme toutes les autres salariées du site de Dordogne, devait rester à proximité de son poste de travail pendant la pause déjeuner pour être réactive aux appels des adhérents (audition de Mme [H] par le Conseil de Prud'hommes de Bergerac. Elles restaient dans l'entreprise. On devait être là pour répondre au téléphone.... On était toutes là entre 12h30 et 13h30) ;
- Mme [W] quittait le bureau le soir bien après 18 heures, le plus souvent vers 19 heures et parfois vers 20 heures comme l'atteste les mails de fermeture qu'elle devait adresser à Mme [C] avant de partir (preuve de cette obligation, le mail du 27 août 2007 de Mme [C] qui reproche aux quatre salariés d'[Localité 5] d'être partie le vendredi soir à 18 heures, heure normale de fermeture, sans prévenir de leur départ).
Comme les premiers juges, la Cour, après avoir analysé précisément toutes les semaines de travail de Mme [W] au regard des horaires conventionnels et de ceux réellement effectués (pas de réel temps de pause le midi, fermeture du soir souvent différée), au regard des éléments apportés sur les absences autorisées de quelques heures de la salariée ou des congés pris par elle, estime devoir valider les calculs et le décompte faits par Mme [W].
La Cour considère ensuite que la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFCAB), tout en reconnaissant que ses salariées réalisaient des heures supplémentaires ne les a pas rémunérées conformément au code du travail :
- soit par un paiement à un taux majoré
- soit par un repos compensateur.
La décision des premiers juges qui a condamné la FFCAB à régler à Mme [W] 1231, 50 heures de travail supplémentaires sur une période contractuelle de prés de 32 mois, sera confirmée, Mme [W] recevant la somme de 23.336,95 € à titre de rappel de salaires outre 2.333,69 € de congés payés afférents et la somme de 12.308,76 € de dommages et intérêts correspondant à la perte de gains pour repos compensateur non pris.
La Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment devra remettre à Mme [K] [W], dans les meilleurs délais mais sans astreintes les bulletins de salaire rectifiés conformes à la présente décision.
La Cour confirme également la décision du Conseil de Prud'hommes de
Bergerac en ce qu'elle a alloué à Mme [W] la somme de 15.428,16 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
En effet, la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment avait pleinement conscience des très nombreuses heures supplémentaires faites par ses salariés (mail de Mme [W] à Mme [C] en mai 2008 duquel il ressort que le gain pour la FFACB est de 69.000 € par rapport aux heures non rémunérées ... M. [O] a fait remarquer que l'on faisait beaucoup d'heures non payées , mais ils ne doivent pas s'attendre à ces chiffres là) ; la FFCAB, qui a pour mission de donner à des petites entreprises artisanales un cadre d'organisation et des services de formation et d'aide à la gestion, avait instauré une technique de gestion du temps de travail de ses salariés totalement illégale, même si elle consentait auxdites salariées quelques avantages en nature.
* Sur les autres demandes
L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [K] [W] qui se verra allouer la somme de 100 € à ce titre.
La Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment supportera les dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
' déclare recevable l'appel de la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment,
' confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant :
' condamne la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment à remettre à Mme [K] [W], dans les meilleurs délais mais sans astreintes les bulletins de salaire rectifiés conformes à la présente décision,
' condamne la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment à verser à Mme [K] [W] la somme de 1.000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamne la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment aux dépens de la procédure d'appel.
Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A-M. Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud