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29/03/2011 | FRANCE | N°10/01794

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mars 2011, 10/01794


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 29 MARS 2011



(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 10/01794











Monsieur [G] [Y]



c/



SA Schroder & [C] & Cie











Nature de la décision : AU FOND











Notifié par LRAR le :
>

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MARS 2011

(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 10/01794

Monsieur [G] [Y]

c/

SA Schroder & [C] & Cie

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 février 2010 (R.G. n° F 08/01873) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 19 mars 2010,

APPELANT :

Monsieur [G] [Y], né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 5] (Tunisie),

demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Marjorie Schnell, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SA Schroder & [C] & Cie, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représentée par Maître Régis Lassabe, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 février 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le 14 octobre 1992, M. [G] [Y] a été engagé comme chef de culture et de production par la SA Schroder et [C].

Au mois d'août 2002, il est devenu directeur de production.

Au mois de mars 2008, il a été licencié pour faute grave, soit critiques et attaques personnelles contre le nouveau directeur et consignes données au personnel contraire à la bonne exécution du contrat de travail et volonté de provoquer un départ négocié.

M. [Y] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux pour contester les motifs de son licenciement et par jugement en date du 12 février 2010, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux statuant sous la présidence du juge départiteur a considéré que le grief fondé sur les attaques personnelles n'étaient pas établis, les courriers échangés entre M. [Y] et ses supérieurs traduisant seulement ses inquiétudes et ses questions vis à vis de sa nouvelle direction sur son positionnement.

De même, il a estimé non critiquable le fait pour M. [Y] d'avoir cherché à peut être trouver un autre poste et avoir demandé ce qu'il allait devenir alors que la direction avait été profondément remaniée.

En revanche, il a considéré comme établi le fait qu'il empêchait un de ses collaborateurs, M. [H] dont il savait qu'il était un proche de M. [E] son nouveau supérieur de communiquer directement avec lui, contrairement aux directives hiérarchiques qui avaient été données.

Le juge en a déduit que le licenciement était justifié mais qu'il n'était pas fondé sur une faute grave et il a condamné la SA Schroder et [C] et Cie à verser les sommes suivantes à M. [Y] :

- 66.341,44 euros au titre de l'indemnité de licenciement conventionnelle,

- 22.113,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.212,38 euros au titre des congés payés afférents,

- 3.869,92 euros au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire,

- 386,99 euros au titre des congés payés afférents,

- 1.500,80 euros au titre du treizième mois.

Il a fait droit pour partie à une demande de M. [Y] d'avantages en nature, soit la somme de 2.128 euros, le déboutant de ses demandes de remise de bouteilles et il a condamné la société Schroder et [C] à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1.000 euros.

M. [Y] a régulièrement relevé appel du jugement.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, il soutient que son licenciement est en réalité dénué de cause réelle et sérieuse. Il sollicite une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 198.934,32 euros.

Pour le surplus il demande confirmation du jugement déféré.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société Schroder et [C] forme appel incident et maintient que le salarié devait être licencié pour faute grave.

Motifs de la décision

Sur le licenciement

La société Schroder et [C] est une société familiale qui exploite un domaine viticole de 35 hectares où M. [Y] occupait au moment de son licenciement un poste de directeur de production.

A la suite de restructurations internes et de l'arrivée dans le capital et les organes de direction de la famille [T], M. [T] étant le conjoint d'une Mademoiselle [C], M. [E] était nommé directeur général au mois d'avril 2007.

Il est constant que M. [Y] occupait un poste de responsabilité et qu'il disposait d'une large autonomie de décisions et était appelé à participer assez souvent à des réunions du directoire.

Il est également constant que jusqu'à la fin de l'année 2007, le contrat de travail de M. [Y] s'est déroulé sans difficultés. Les parties si elles s'accordent à dire que les relations se sont dégradées à partir de cette réorganisation et de l'arrivée de M. [E], sont en opposition sur les circonstances de fait qui ont conduit au licenciement.

L'employeur soutient que M. [Y] voulait être nommé directeur général et qu'il a mal supporté la nomination de M. [E], faisant tout pour l'isoler et le couper des salariés.

De son côté, M. [Y] prétend que la réorganisation de l'entreprise était destinée à l'évincer et qu'il a compris que son licenciement était en tout état de cause programmé.

C'est dans ce contexte qu'est intervenue la lettre de licenciement adressée le 5 mars 2008 à M. [Y] dont les termes fixent les limites du litige ; cette lettre longuement motivée fait état des griefs suivants :

- le contenu de la lettre du 5 février 2008 qu'il a adressée à son employeur et d'avoir posé sa candidature dans une autre entreprise et d'avoir demandé à s'en aller dans le cadre d'un départ négocié,

- il lui est fait grief d'avoir cherché à couper M. [H] et M. [V] de la direction générale,

- il lui est également reproché de faire obstruction aux fonctions du directeur général.

L'employeur ayant allégué l'existence d'une faute grave, a la charge de la preuve.

Il sera relevé que les griefs allégués trouvent leur source uniquement dans l'articulation des relations de travail entre M. [Y] et M. [E], sans que les qualités professionnelles de M. [Y] soient remises en cause.

Dès lors, les attestations que produit la société, dans la mesure où elles font état de manquements professionnels de M. [Y], sont inopérantes.

Les organigrammes produits aux débats permettent de constater que la nomination de M. [E] au poste de directeur général n'a pas modifié la position hiérarchique de M. [Y] qui se trouvait en sa qualité de directeur de production, responsable du chai, de la vigne, du parc/gardiennage et de l'entretien.

Sur le premier grief, le premier juge a retenu que les courriers échangés entre les parties au début de l'année 2007puis au début de l'année 2008 n'avaient pas été diffusés dans l'entreprise, avaient un contenu qui n'était pas diffamatoire et M. [Y] qui de fait avait peut être espéré avoir ce poste de directeur général même s'il a fait des recherches extérieures bien avant l'arrivée de M. [E], était resté dans la limite de l'exercice normal de sa liberté d'expression.

Il a exactement relevé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à M. [Y] sur ce point.

Sur le deuxième grief, le premier juge a, là aussi, très exactement considéré que M. [Y] qui était dans la même entreprise depuis une quinzaine d'années au sein de laquelle il avait progressé pour occuper des fonctions de respon-sabilité, pouvait légitimement exprimer le souhait d'aller travailler dans une autre exploitation.

M. [Y] n'avait pas de clause de non concurrence et n'a fait aucune manoeuvre déloyale, se bornant à présenter sa candidature, sans apporter de critique sur l'entreprise qu'il souhaitait quitter.

Il est manifeste que M. [Y] avait évolué depuis de nombreuses années dans une entreprise à dimension familiale dans laquelle il avait la confiance totale de ses supérieurs, participant régulièrement aux instances de décisions et il a pu légitimement se sentir menacé dans son avenir, en raison des modifications de structures et des conflits qui opposaient les administrateurs.

La société Schroder et [C] ne démontre aucune déloyauté de la part de M. [Y] et le fait d'avoir souhaité partir et d'avoir proposé une rupture conven-tionnelle ne constitue pas en lui-même un élément fautif alors que les circonstances expliquaient cette volonté de M. [Y] et qu'il n'a en rien modifié ses pratiques professionnelles.

Sur le troisième motif, le premier juge a estimé que l'interdiction faite à M. [H], technicien de chai et à M. [V] technicien de vigne de communiquer en direct avec M. [E], directeur général par M. [Y] était établie et constituait une cause réelle et sérieuse dans la mesure où M. [E] avait souhaité avoir des relations directes avec ces salariés.

La réalité du grief est effectivement avérée mais il ressort de l'organigramme de l'entreprise qu'effectivement, M. [Y] constituait un échelon hiérarchique intermédiaire entre M. [E] et M. [V] et M. [H] et dès lors, le fonctionnement normal de l'entreprise impliquait qu'effectivement M. [Y] en sa qualité de directeur de production avait le pouvoir de direction par rapport à ses deux salariés.

En outre, il ressort des attestations produites qu'en réalité, M. [H] a déploré ne pas pouvoir s'adresser directement à M. [E] sur des détails d'organisation de service qui s'inscrivent totalement dans les attributions de M. [Y].

Il est manifeste que les relations de travail étaient difficiles entre M. [E] et M. [Y] et il appartenait à M. [E] de prendre les mesures nécessaires pour que M. [Y] se sente sécurisé dans l'exercice de ses fonctions alors que manifestement il était amené à adopter des comportements rigides afin de conforter sa situation dans l'entreprise qu'il sentait à juste titre menacée.

Ce troisième grief ne peut être analysé comme fautif et a fortiori comme constituant une faute grave pour un salarié ayant plus de quinze ans d'ancienneté dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune remarque.

Le jugement sera réformé et le licenciement de M. [Y] sera considéré comme étant dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement qui a accordé à M. [Y], l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement ainsi que le rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire sera confirmé, le montant de ces indemnités n'étant pas contesté.

En outre, compte tenu de son ancienneté et du fait que M. [Y] a retrouvé un emploi lui garantissant une rémunération très inférieure à celle qu'il percevait, la Cour dispose des éléments pour lui allouer une indemnité pour licen-ciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 70.000 euros, dans le cadre des dispositions de l'article L 1235-3 du contrat de travail.

Sur les autres demandes de M. [Y]

Compte tenu de l'analyse du licenciement, M. [Y] devait prétendre à une partie de l'indemnité correspondant au treizième mois, prorata temporis. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [Y] une somme de 1.500,80 euros

La disposition du jugement ayant alloué à M. [Y] une somme de 2.128 euros au titre des avantages en nature sur la période de mise à pied conservatoire et le préavis sera confirmée, cette disposition du jugement étant une conséquence logique de l'analyse faite ci-dessus du licenciement.

M. [Y] réclame également la remise de 60 bouteilles de Château de Kirwan et de 60 bouteilles de Charme de Kirwan. Il soutient que cette remise corres-pondait à un usage en faveur des cadres.

Cette analyse est contestée par l'employeur qui fait valoir que seuls les salariés qui étaient dans l'entreprise au 31 décembre avaient droit à ces bouteilles.

Le premier juge a débouté M. [Y] de cette demande.

Il ressort des écritures de la société que la remise de ces bouteilles intervient au 31 décembre chaque année au profit des salariés présents dans l'entreprise. M. [Y] n'apporte aucun élément pour étayer sa demande et le jugement qui l'a débouté de cette réclamation sera confirmé.

L'équité commande d'allouer 1.000 euros à M. [Y].

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a estimé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

' le réforme sur ce point,

et statuant à nouveau :

' condamne la société Schroder et [C] à verser à M. [Y] une indemnité de 70.000 euros (soixante dix mille euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage qui ont dû être exposées pour le compte de M. [Y] à concurrence de quatre mois,

' dit que, conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le Greffe transmettra copie de la présente décision à la direction Générale de Pôle Emploi, [Adresse 4],

' condamne la société Schroder et [C] à verser à M. [Y] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1.000 euros (mille euros),

' met les dépens de la procédure d'appel à la charge de la société Schroder et [C].

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 10/01794
Date de la décision : 29/03/2011

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°10/01794 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-29;10.01794 ?
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