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17/02/2011 | FRANCE | N°10/00601

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 17 février 2011, 10/00601


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------







ARRÊT DU : 17 FÉVRIER 2011



(Rédacteur : Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président)



MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE



N° de rôle : 10/00601







fc









La société anonyme SAINT GOBAIN EMBALLAGE



c/



Madame [W] [K]

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CHARENTE

Le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES

DE L'AMIANTE





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de s...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 17 FÉVRIER 2011

(Rédacteur : Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président)

MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE

N° de rôle : 10/00601

fc

La société anonyme SAINT GOBAIN EMBALLAGE

c/

Madame [W] [K]

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CHARENTE

Le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 janvier 2010 (R.G. n°2002158) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHARENTE, suivant déclaration d'appel du 28 janvier 2010,

APPELANTE :

Société anonyme SAINT GOBAIN EMBALLAGE

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 1]

représentée par Maître Benoît CHAROT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Madame [W] [K]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Michel LEDOUX, avocat au barreau de PARIS

Le CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CHARENTE,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

représentée par Maître Marie-Lucile HARMAND-DURON, avocat au barreau de BORDEAUX

Le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE,

pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 5]

représenté par Madame [M] [B], agent du FIVA, muni d'un pouvoir régulier,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 novembre 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président,

Monsieur Jacques DEBÛ, Conseiller,

Monsieur Eric VEYSSIERE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Florence CHANVRIT adjoint administratif, faisant fonction de Greffier,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [T] [K] né en 1941 a, au cours de son activité professionnelle en qualité de salarié de la SA SAINT GOBAIN EMBALLAGE (la SA) de 1965 à 1998 été exposé à l'amiante ;

le 2 mai 2001 le médecin traitant de Monsieur [K] a adressé un certificat médical attestant que ce dernier était victime d'un cancer pulmonaire, et une déclaration de maladie professionnelle a été établie ;

le 8 mai 2001 Monsieur [K] est décédé laissant pour lui succéder son épouse Madame [W] [F] ;

le 8 novembre 2001 la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente a reconnu que Monsieur [K] était atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau 30 bis des maladies professionnelles ;

le 4 janvier 2002 la caisse primaire d' assurance maladie a alloué à Madame [K] une rente de reversion basée sur un taux d'IPP de 100 %, après avoir reconnu que le décès de son mari était imputable à la maladie professionnelle.

Le 25 Juillet 2002 Madame [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Charente d'une demande tendant à ce qu'il soit jugé que la SA avait commis une faute inexcusable.

Par jugement du 12 juillet 2004 le tribunal des affaires de sécurité sociale a notamment

déclaré inopposable à la SA les conséquences de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.

Par jugement du 18 janvier 2010 le tribunal des affaires de sécurité sociale a par la suite statué ainsi :

'PAR CES MOTIFS,

Statuant par décision notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception, par jugement contradictoire et en premier ressort ,

-)Déclare recevable la demande de Mme [K] tant es qualité d'ayant droit de M. [K] qu'en son nom personnel.

Déclare le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante recevable en son intervention volontaire.

-)Dit que la Société SAINT-GOBAIN EMBALLAGES a commis une faute inexcusable qui a causé la maladie professionnelle de M. [T] [K] et son décès subséquent.

-$gt;Fixe en conséquence au maximum de son taux la rente due à Mme [K]

et qu'elle recevra une indemnité forfaitaire correspondant au montant du salaire minimum légal en vigueur au moment du décès de M. [K].

-)Dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie réglera ces sommes à Mme [K] . -)Fixe le préjudice subi par M. [K] aux sommes suivantes:

préjudice Moral ' 69.000 euros

souffrances physiques: . 24.500 euros

préjudice d'agrément: 22.500 euros

-$gt;Fixe le préjudice subi par Mme [K] à la somme de : 30.000 euros

-$gt;Dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Charente versera ces sommes d'un total de 1.46.000 euros au Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante, subrogé dans les droits de Mme [K].

)Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

-)Condamne la Société SAINT-GOBAIN EMBALLAGES à payer à Mme [K] la somme de 3.500 euros et au Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante celle de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

-,'Dit n'y avoir lieu à liquider les dépens.'

La SA a interjeté appel de cette décision ;

par conclusions écrites et développées à l'audience elle de demande à la Cour de :

'À titre principal, infirmant en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Charente le 18 janvier 2010 G n°2002158)

-Dire et juger l'action de Madame [K] irrecevable,

-Dire et juger le FIVA non fondé en son action et le débouter de toutes ses demandes, A titre subsidiaire :

Vu le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Charente du 12 juillet 2004 (RG n°2002257),

Constater que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [K] est inopposable à la société Saint-Gobain Emballage

Dire et juger que les conséquences financières de l'éventuelle reconnaissance de la faute inexcusable de la Société Saint-Gobain Emballage seront définitivement supportées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Charente.

En tout état de cause :

Mettre tous les dépens à la charge de la Caisse Primaire d'assurance Maladie de Charente.'

Madame [K] par conclusions écrites et développées à l'audience demande à la Cour de :

'À titre principal :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

À titre subsidiaire :

Rejeter les fins de non-recevoir invoquées par la société SAINT GOBAIN EMBALLAGE

$gt;Déclarer recevable et bien fondé le recours des consorts [K] ;

$gt;Dire et juger que la maladie professionnelle dont a souffert et est décédé Monsieur [T] [K] est due à une faute inexcusable de son employeur la société SAINT GOBAIN EMBALLAGE ;

$gt;Fixer au maximum le montant de la majoration de la rente due aux ayants droit de la victime

-Allouer, au titre de l'action successorale, aux ayant droits de Monsieur [K] l'indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation à laquelle Monsieur [K] aurait pu prétendre avant son décès conformément aux dispositions de l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale ;

-Dire et juger qu'en vertu de l'article 1153-1 du Code Civil l'ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2002, date de la demande de faute inexcusable présentée à l'organisme de Sécurité Sociale et à défaut à compter du l'arrêt à intervenir ;

En tout état de cause :

$gt;Condamner, en cause d'appel, la société SAINT GOBAIN EMBALLAGE, pour autant qu'elle succombe, à verser aux concluants la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile';

Le FIVA par conclusions écrites et développées à l'audience demande à la Cour de :

'CONFIRMER le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Charente en date du 18 janvier 2010 et ainsi,

JUGER RECEVABLE la demande du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante, subrogé dans les droits des ayants droit de Monsieur [K]

JUGER que la maladie professionnelle de Monsieur [K] est due à une faute inexcusable de la Société SAINT GOBAIN EMBALLAGE

FIXER à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale

JUGER que cette indemnité sera directement versée par l'organisme de sécurité sociale à la succession de monsieur [K]

FIXER à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime, en application des dispositions de l'article L.452-2 du Code de la sécurité sociale

JUGER que cette majoration lui sera directement versée par l'organisme de sécurité sociale

FIXER l'indemnisation des préjudices personnels subis par monsieur [K] de la façon suivante

Préjudice moral 69.000 euros

Souffrances physiques 24.500 euros

Préjudice d'agrément 22.500 euros

FIXER l'indemnisation des préjudices personnels de sa veuve, comme suit : ' 30 000 pour Mme [W] [K]

JUGER que la CPAM de la Charente devra verser ces sommes au FIVA, soit un total de 146 000 E,

CONDAMNER la Société SAINT GOBAIN EMBALLAGE à payer au FIVA une somme de 1 000 en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile'

La Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente par conclusions écrites et développées à l'audience demande à la Cour de dire que la SA est bien fondée en son appel et d'infirmer le jugement.

Parallèlement Madame [K] avait saisi le 12 décembre 2006 le FIVA d'une demande d'indemnisation ;

le FIVA a offert à Madame [K] :

- à titre personnel en réparation de son préjudice moral propre et d'accompagnement de fin de vie 30.000 euros,

- au titre de l'action successorale en réparation des préjudices subis par Monsieur [K] 69.000 euros,

- au titre du préjudice moral, 24.500 euros,

- au titre des souffrances physiques 22.500 euros,

- au titre du préjudice d'agrément ;

ces offres ont été acceptées le 11 octobre 2007 par Madame [K].

DISCUSSION

Sur la recevabilité des demandes de Madame [K]

À l'appui de son appel la SA fait valoir que Madame [K] ayant accepté les offres du FIVA est irrecevable à solliciter la majoration de la rente et le paiement de l'indemnité forfaitaire ;

toutefois l'offre acceptée par Madame [K] ne porte pas sur l'indemnisation du déficit fonctionnel de son mari et de son préjudice économique ;

dans cette limite l'action de Madame [K] est recevable par application de l'article 53-IV-3ème alinéa de la loi du 23 décembre 2000 l'acceptation de l'offre du FIVA valant désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rendant irrecevable toute autre action,

Madame [K] est donc irrecevable en sa demande en indemnisation des préjudices purement personnels réparés par le FIVA conformément à l'offre acceptée.

Sur la faute inexcusable de la SA

l'opposabilité à la SA prise en charge de la maladie et du décès de Monsieur [K] par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente

Par une précédente décision du 12 juillet 2004 le tribunal des affaires de sécurité sociale a décidé que la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie et du décès de Monsieur [K] était inopposable à la SA ;

ces dispositions qui ont l'autorité de la chose jugée ne font pas obstacle à ce que soit recherchée la faute inexcusable de la SA ainsi que l'ont retenu les premiers juges.

Ainsi que le soutient Madame [K] :

en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladie professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

À l'appui de son appel la SA fait valoir :

- que ne peut lui être imputée à son échelon aucune faute,

- que compte tenu des fonctions effectives de Monsieur [K] elle ne pouvait avoir conscience des dangers auquel ce dernier a pu être exposé, les attestations produites n'étant pas probantes, l'inspecteur du travail ayant retenu que Monsieur [K] n'a jamais été occupé à des travaux de découpe de plaques d'amiante,

- qu'aucune des conditions de la faute inexcusable n'est établie, qu'en particulier elle ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé Monsieur [K] ;

toutefois ont déclaré :

Monsieur [G] [U] :

« (...) J'atteste par la présente déclaration avoir travaillé à l'usine SGE COGNAC du 04/10/1962 au 31/03 1998 en qualité d'agent de bureau d'études puis d'agent de paie et enfin de chef de paie.

À ce titre, j'ai été amené à payer en espèce sur les postes de travail deux fois par mois ce qui m'a permis de constater l'utilisation de plaques, de cordons, de garnitures, de pinces, de scaphandres, de gants, etc... en amiante.

Par la suite, j'ai pu constater au Magasin Général lorsque j'allais chercher des fournitures de bureau, informatique et consommables ainsi que lors des accès aux archives paie situées en dessous du bureau des distributeurs magasin que Monsieur [T] [K] ainsi que ses collègues manipulaient et découpaient sans protections particulières des plaques et cordons d'amiante à la demande des différents services de fabrication.

À partir de 1995, des conteneurs de récupération d'amiante ont été placés à coté de nos archives et j'ai pu constater que Monsieur [K] et ses collègues y déposaient après les avoir découpés tous les résidus d'amiante qu'ils avaient collectés. »

Monsieur [N] [R] :

« (...) [K] [T] quant à lui a occupé la fonction de distributeur de 1991 à 1997. Et parmi les taches qui lui étaient demandées, il y avait la distribution de produits amiantés tels que toiles, cordons, gaines, plaquettes et plaques, cette distribution se faisait soit à l'unité ou découpé selon le produit et à la demande.

Les manipulations provoquaient une fine poussière qui était forcément inhalée. Les produits étaient distribués pratiquement tous les jours. (...) ».

Madame [P] [E] :

« (...) Dans ma carrière d'employée de bureau aux établissements SGE, Usine de [Localité 4], j'ai été amené à approvisionner des fournitures de bureaux et du matériel d'exposition entreposé au Magasin Général.

Durant ces brèves visites, j'ai été amenée à voir le stockage des plaques d'amiante ainsi que leurs préparations (en vue d'utilisations ultérieures) par les ouvriers, dont Monsieur [K] [T] faisait partie, ces découpages de plaques avaient lieu sans précautions particulières : ni gants, ni masques, ni lunettes.

J'atteste avoir vu Monsieur [T] [K] manipuler ces plaques d'amiante dans la période qui concerne son activité au magasin général (...) »

Monsieur [S] :

« Je soussigné [V] [S] (...) certifie que le produit amiante était utilisé de manière courante en verrerie pour sa qualité d'isolant.

De nombreux salariés étaient exposés à la manipulation, à l'absorption, par les voies respiratoires de la poussière d'amiante, ignorant totalement les dangers de risque cancérigène de ce produit.

Ancien Chef d'équipe bout froid (138 personnes) technicien haute maîtrise, j'ai bien connu Monsieur [T] [K], salarié à la verrerie SAINT GOBAIN EMBALLAGE COGNAC de 1965 à 1995.

Avant appris qu'il était décédé d'un cancer des poumons, que la présence de poussières d'amiante avait été trouvée au niveau de ses voies respiratoires ne m'a pas étonné, compte tenu des postes de travail qu'il a effectué.

Ouvrier à la Cour : nettoyage des chantiers secteur bout chaud, balayage, ramassage à la pelle, mise en sac ou en brouette de matériaux à forte présence d'amiante.

Employé au magasin général : manipulation et distribution de produit à base d'amiante de façon fréquente. (...) »

Monsieur [I] [A] :

« (...) Monsieur [T] [K] occupait le poste de distributeur, sa fonction lui imposait la manutention de produits amiantés et dérivés.

Au cours de l'année 1995, il a été décidé la destruction des stocks d'amiante de l'usine, cette opération de récupération et de stockage a été effectué avec la participation de [T] [K].

Afin de limiter le volume de stockage notre mission consistait à casser les plaques d'amiante en morceaux dans des containers d'un mètre cube.

Mon témoignage n'est pas un réquisitoire contre SGE, néanmoins, il précise que Monsieur [T] [K] dans le secteur d'activité ce dessus, à respirer de la poussière d'amiante (...). »

Monsieur [I] [Y] :

« De tout temps, l'amiante a été utilisé à volonté et sans précaution particulière car c'était une nécessité pour se protéger de la chaleur et du rayonnement tant aux fours qu'aux machines et au sortir des arches de recuissons. En fait partout ou il y avait des risques de brûlures.

Ce qui fut le plus grave dans cette ambiance, c'est que personne ne savait la nocivité de ce matériau qui était cassé et découpé...

En faisant cela d'innombrable quantité de fibres d'amiante étaient dispersées dans toute l'entreprise sans que personne n'y prenne garde car chaleur + air, toutes ces fibres se répandaient en nuages invisibles dans l'usine.

A la promulgation de la loi sur l'amiante, je fus chargé par mon ingénieur de récupérer dans tous les services, toutes les matières amiantées ou en amiante.

Nous avons récupéré des « BIGS BAG » entiers de plaques amiantes que nous avons rempli manuellement malgré nos réticences, car là nous savions que l'amiante pouvaient être mortelle à long terme.

De plus, au dessus du bureau de Monsieur [K] [T] (magasin général), nous avons installé des cabines palettes avec des sacs dedans pour recevoir tous les petits morceaux d'amiante (joints, lanières, morceaux de plaques (petits). En quelques jours les palettes ont été remplies.

C'est par camion que toute cet amiante a été transporté en destruction...

Il ne faut pas oublier également les « EVERITES » qui étaient remplacés et découpés sur place... »

Monsieur [X] [D] :

'« J'atteste avoir vu mes collègues de travail utiliser des gants en amiante, des plaques en amiante pour se protéger de la chaleur en sortie d'arches et l'utilisation des plaquettes amiante montées sur les pinces...

Je n'ai rien contre SAINT GOBAIN mais je confirme avoir vu [T] [K] utiliser cette amiante (...) »

Monsieur [I] [O] :

'Je me rappelle que les plaques de protection de la chaleur était en amiante jusqu'à la période de désamiantage et que j'ai utilisé des bouchons fait avec des rondins de bois enrobés d'amiante que nous mouillons au départ pour lui donner la forme ronde (ceci pour arrêter l'écoulement du verre).

J'ai connu [T] [K] dès sa venue à l'usine de [Localité 4] depuis 1966; je l'ai côtoyé professionnellement et amicalement;

Je me souviens de cette période de désamiantage où les déchets d'amiante étaient stockés au magasin général où travaillait Monsieur [T] [K]. Je me souviens également de cette manipulation dans de grands 'BIG BAGS' .

Par ailleurs l'Usine de [Localité 4] a été inscrite sur la liste des établissement ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante :

dans ces conditions et par d'adoption de ses motifs notamment relativement à la conscience du danger que devait avoir l'employeur, le jugement mérite confirmation en ce que la SA a été jugée coupable d'avoir commis une faute inexcusable au sens de la définition plus haut retenue.

Sur le recours subrogatoire du FIVA

Par application de l'article 53-VI de la loi du 23 décembre 2000 :

'Le Fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge des dites personnes.

Le fonds intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable, et devant les juridictions de jugement en matière répressive, même pour la première fois en cause d'appel, en cas de constitution de partie civile du demandeur contre le ou les responsables des préjudices ; il intervient à titre principal et peut user de toute les voies de recours ouvertes par la loi'.

L'action du FIVA est donc recevable, elle est par ailleurs bien fondée dans ses rapports avec la caisse primaire d'assurance maladie qui ne critique pas les évaluations retenues par le premier juge et qui doivent être adoptées.

DÉCISION

Par ces motifs,

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne en outre la SA SAINT GOBAIN EMBALLAGES à payer par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel :

- au FIVA 1.000 euros,

- à Madame [W] [K] 1.000 euros.

Signé par Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président, et par Chantal TAMISIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. TAMISIER B FRIZON DE LAMOTTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 10/00601
Date de la décision : 17/02/2011

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°10/00601 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-17;10.00601 ?
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