La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2011 | FRANCE | N°10/00708

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 27 janvier 2011, 10/00708


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 27 JANVIER 2011



(Rédacteur : Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président)



SÉCURITÉ SOCIALE



N° de rôle : 10/00708











fc









Madame [K] [L] épouse [U]

Mademoiselle [Z] [U]

Monsieur [X] [U]



c/



La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

La société

TRANSPORTS [Y] LTS

La Compagnie d'assurances AXA FRANCE











Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 27 JANVIER 2011

(Rédacteur : Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président)

SÉCURITÉ SOCIALE

N° de rôle : 10/00708

fc

Madame [K] [L] épouse [U]

Mademoiselle [Z] [U]

Monsieur [X] [U]

c/

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

La société TRANSPORTS [Y] LTS

La Compagnie d'assurances AXA FRANCE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 décembre 2009 (R.G. n°2007/255) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE, suivant déclaration d'appel du 05 février 2010,

APPELANTES :

Madame [K] [L] épouse [U],

agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son enfant mineur, [X] [U],

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6]

de nationalité Française

Profession : Femme de ménage,

demeurant [Adresse 8]

Mademoiselle [Z] [U]

née le [Date naissance 3] 1988 à [Localité 6]

de nationalité Française

Profession : Secrétaire,

demeurant [Adresse 8]

Monsieur [X] [U]

né le [Date naissance 5] 1990

demeurant [Adresse 8]

représentés par Maître Sylvie DE LESTRANGE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 7]

représentée par Maître Sophie PARRENO loco Maître Max BARDET, avocats au barreau de Bordeaux,

La société TRANSPORTS [Y] LTS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 2]

représentée par Maître Jean-François DACHARRY, avocat au barreau de BORDEAUX

La Compagnie d'assurances AXA FRANCE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 4]

représentée par Maître Diane BERNOT loco Maître Marin RIVIERE, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 décembre 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président,

Monsieur Jacques DEBÛ, Conseiller,

Monsieur Philippe LOUISET, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Florence CHANVRIT adjoint administratif, faisant fonction de Greffier,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

*

****

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société TRANSPORTS [Y] ( la STM) s'est vue confier par EDF le transport de tourets, (grosses bobines) ;

le contrat prévoit que ce chargement devait être effectué sans aide extérieure ;

dans ce cadre le 12 novembre 2002 Monsieur [U] chauffeur salarié de la STM, est venu charger dans les locaux de l'entreprise CANA ELEC des tourets vides ;

à l'occasion de ce chargement effectué avec l'aide de Monsieur [F] cariste, salarié de CANA ELEC, un touret manipulé par ce dernier est tombé sur le sol tuant Monsieur [V] [U] alors que ce dernier le calait ;

Monsieur [V] [U] a laissé pour lui succéder :

- sa veuve [K] [L] née en 1962,

- ses enfants [Z] [U], né en 1988

[X] [U] né en 1990

(les consorts [U])

Les dirigeants de la STM et de CANA ELEC ont par jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 11 octobre 2004 confirmé par arrêt de la présente Cour du 14 septembre 2005, été relaxés du chef d'homicide involontaire sur la personne de Monsieur [U],

mais condamnés pour n'avoir pas respecté les dispositions de l'article L 237-1 du code du travail pour n'avoir pas établi de protocole de sécurité pour les opérations de chargement et de déchargement.

Par jugement du 18 décembre 2008 le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde qui avait été saisi par les héritiers de Monsieur [U] pour que soit reconnue la faute inexcusable de la STM a dit que cette dernière n'avait pas commis une telle faute.

Les consorts [U] ont interjeté appel de cette décision ;

par conclusions écrites et développées à l'audience ils demande à la Cour de :

'Vu l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale,

Vu les articles 452-2 et 452-3 du Code de la Sécurité Sociale,

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bordeaux le 18 décembre 2009,

Statuant à nouveau,

RETENIR la faute inexcusable à l'encontre de la Sté [Y],

MAJORER la rente de veuve de Madame [U], le taux de majoration étant fixé à son maximum,

FIXER l'indemnisation du préjudice moral :

'de Madame [U] à titre personnel à la somme de 60.000 €

'de Monsieur [X] [U] à la somme de 40.000 €

'de Mademoiselle [Z] [U] à la somme de 40.000 €

FIXER l'indemnisation du préjudice économique à la somme de 304.003,95 €.

DECLARER l'arrêt opposable à AXA,

CONDAMNER l'entreprise [Y] et son assureur à verser aux consorts [U] lesdites sommes,

La CONDAMNER à leur verser la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles,

La CONDAMNER aux entiers dépens.'

La société STM par conclusions écrites et développées à l'audience demande à la Cour de :

'Vu les dispositions de l'article L 452-1du code de la sécurité sociale,

Confirme le jugement du 18 décembre 2009 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde,

Condamner les consorts [U] à verser à la société TRANSPORTS [Y] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile'.

La compagnie d'assurances AXA FRANCE, assureur de la STM, par conclusions écrites et développées à l'audience demande à la Cour de :

'Confirmer le jugement de lé" instance en ce qu'il a dit que la Société [Y] n'avait commis

aucune faute inexcusable dans l'accident du travail dont a été victime Monsieur [U].

Se déclarer incompétent pour statuer sur l'obligation de garantie qui pourrait incomber à la Compagnie AXA FRANCE au profit de la Société [Y].

À titre subsidiaire,

-Constater que l'accident mortel du travail a eu lieu au cours de la manoeuvre d'un charriot élévateur qui est assimilé à véhicule terrestre à moteur.

-Constater que la police souscrite par la Société [Y] auprès de la Compagnie AXA FRANCE présente dans ses exclusions générales une absence de garantie pour les dommages provoqués par l'utilisation d'un véhicule terrestre à moteur.

-Prononcer la mise hors de cause de la Compagnie AXA FRANCE

A titre infiniment subsidiaire,

- Ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires des Consorts [U]

-Les débouter de leurs demandes au titre du préjudice économique

Dans tous les cas,

-Les condamner au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens

La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde par conclusions écrites et développées à l'audience demande à la Cour de :

'STATUER ce que de droit sur l'existence d'une faute inexcusable

DANS L'HYPOTHÈSE où la Cour jugerait que l'accident du travail dont a été victime Monsieur [U] est dû à une faute inexcusable à la société [Y] LTS :

FIXER les montants des majorations des rentes à allouer à chacun des ayants droits, en tenant compte de la gravité de la faute commise

FIXER le montant de la somme à payer à chacun des ayants droit en réparation de leur préjudice respectif

DIRE ET JUGER opposable à la compagnie d'assurance AXA TOULOUSE l'arrêt à intervenir ".

DISCUSSION

Sur l'étendue des obligations de la compagnie d'assurance AXA FRANCE

Dans les limites de la compétence du tribunal des affaires de sécurités sociale, la présente décision sera simplement déclarée commune à la compagnie d'assurance AXA FRANCE.

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci

d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail dont a été victime ce salarié, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La société STM et son assureur font essentiellement valoir :

- que le dirigeant de la STM a été relaxé des fins de la poursuite pour homicide involontaire,

- que Monsieur [U] s'est affranchi des obligations résultant du contrat liant la STM et EDF lui faisant défense de solliciter l'intervention d'un tiers salarié de CANA ELEC - qu'il résulte de ces faits que la cause de l'accident résulte de ce que chacun des deux salariés est sorti de délibérément de ses attributions,

- que le défaut d'établissement d'un protocole de sécurité entre STM et CANA ELEC est sans incidence sur la survenue de l'accident,

- que la STM n'a commis aucune faute inexcusable.

Toutefois ainsi que le soutiennent les consorts [U] :

- la déclaration par le juge pénal de l'absence de faute pénale par imprudence ne fait pas obstacle à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,

- seule la faute inexcusable du salarié est de nature à exonérer l'employeur de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui,

- aucun protocole de sécurité n'avait été conclu entre la STM et CANAELEC, fait pénalement sanctionné,

- l'expertise ordonnée lors de l'enquête de police conclut que ' la manutentions de touret ou d'autres produits par une grue nécessite deux personnes afin de sécuriser la manutention à réaliser',

- l'Inspection du travail qui s'est prononcée sur le protocole de sécurité signé postérieurement à l'accident entre la STM et CANA ELEC a précisé :

'le protocole de sécurité signé le 21 février 2003 entre les sociétés CANA ELEC et [Y] LTS ne m'apparaît pas répondre aux exigences de l'arrêté du 26 avril 2006,

il n'apporte aucune précision sur le déroulement des opérations de chargement et déchargement,

il ne précise pas les risques de l'opération, ni les mesures de prévention à prendre en place.

À mon avis au vu des conclusions de l'expert, les protocoles de sécurité concernant ce type d'opération devraient indiquer la nécessité d'une présence de deux opérateurs à condition que le rôle de chacun soit bien défini' ;

dans ces circonstances Monsieur [U] n'a commis aucune faute inexcusable et à l'égard de son employeur,

et la STM a donc bien commis une faute inexcusable au sens de la définition plus haut retenue.

Sur la réparation de la faute inexcusable

Dans les limites des articles L 452-1, L452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, eu égard aux circonstances, à l'âge de la victime et de ses ayants-droit, il convient de faire droit aux demandes de ces derniers relatives à la majoration de la rente et du préjudice moral dans les conditions qui suivent .

Pour ce qui concerne la préjudice économique, la décision n° 2010-8 QPC du conseil constitutionnel précise :

"Considérant que, lorsque l'accident ou la maladie est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leurs sont dues ; qu'en vertu de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, la majoration du capital ou de la rente allouée en fonction de la réduction de capacité de la victime ne peut excéder le montant de l'indemnité allouée en capital ou le montant du salaire ; qu'au regard des objectifs d'intérêt général précédemment énoncés, le plafonnement de cette indemnité destinée à compenser la perte de salaire résultant de l'incapacité n'institue pas une restriction disproportionnée aux droits des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle".

Dans ces conditions il ne peut rien être alloué à titre complémentaire au titre du préjudice économique.

DÉCISION

Par ces motifs,

La Cour,

Réforme le jugement,

Dit que la mort de Monsieur [V] [U] est due à la faute inexcusable de la société TRANSPORTS [Y],

en conséquence,

Majore la rente que devra verser la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde à Madame veuve [U] à son maximum,

Fixe l'indemnité du préjudice subi

- par Madame veuve [K] [U] à la somme de 25.000 euros,

- par Mademoiselle [Z] [U] et Monsieur [X] [U] chacun la somme de 12.500 euros,

Rejette les autres demandes,

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde fera l'avance des sommes ainsi fixées aux bénéficiaires qui en récupérera le montant auprès de la société TRANSPORTS [Y],

Déclare le présent arrêt commun à la compagnie d'assurance AXA,

Condamne la société TRANSPORTS [Y] à payer aux consorts [U] par application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Signé par Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président, et par Chantal TAMISIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. TAMISIER B. FRIZON DE LAMOTTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 10/00708
Date de la décision : 27/01/2011

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°10/00708 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-27;10.00708 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award