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14/12/2010 | FRANCE | N°09/06646

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 14 décembre 2010, 09/06646


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 14 DÉCEMBRE 2010



(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/06646











Madame [J] [C] épouse [P]



c/



SA Laboratoire d'Evaluation des Matériels Implantables (LEMI)













Nature de la décision : AU FOND





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Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 14 DÉCEMBRE 2010

(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/06646

Madame [J] [C] épouse [P]

c/

SA Laboratoire d'Evaluation des Matériels Implantables (LEMI)

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 novembre 2009 (R.G. n° F 08/01859) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclarations d'appels du 23 novembre 2009 & 26 novembre 2009,

APPELANTE :

Madame [J] [C] épouse [P], née le [Date naissance 1] 1962 à

[G], de nationalité Française, profession président de société, demeurant [Adresse 2],

Représentée par Maître Caroline Dupuy, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SA Laboratoire d'Evaluation des Matériels Implantables (LEMI), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 3],

Représentée par Maître Fabienne Guillebot-Pourquier substituant Maître Brigitte Looten, avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 novembre 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société LEMI (Laboratoire d'Evaluation des Matériels Implantables) est un laboratoire multidisciplinaire qui a pour activité (extrait du Kbis) l'évaluation de la biocompatibilité des matériels implantables, les expertises à caractère réglementaire, la mise au point de nouveaux produits, la normalisation française et européenne et le transfert technique.

Mme [J] [P], docteur en biologie, a été engagée par la SA LEMI le 3 mars 1997 afin d'occuper les fonctions d'ingénieur de recherche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel de quatre jours par semaine, le mercredi étant fixé comme jour de repos (31,20 heures hebdomadaires) pour un salaire mensuel forfaitaire net de 8.400 F (1.280,27 €).

Son temps de travail a été, par la suite, porté à 35 heures hebdomadaires et au 31 mars 2006, Mme [P] percevait un brut mensuel imposable de 2.286,74 €.

En fin d'année 2005, Mme [P] a demandé à la société LEMI une revalorisation sensible de son salaire sur la base des dispositions de la convention collective de l'industrie pharmaceutique alors que la société n'appliquait aucune convention collective.

En début d'année 2006, l'Inspection du Travail s'est rendu dans les locaux de la société LEMI et a attiré son attention sur la question de son statut conventionnel

La société LEMI, contestant être soumise à la convention collective de l'industrie pharmaceutique, son activité n'entrant pas, selon elle, dans le champ d'application de cette convention, a pris contact avec l'INSSE afin de redéfinir son code NAF qui est passé de 73.1Z au code 74-3B.

N'acceptant pas la décision de la SA LEMI, Mme [J] [P] a réclamé à son employeur, par courrier recommandé du 10 mai 2006, l'application de la convention collective de l'industrie pharmaceutique conformément au code 73.1Z et la remise à niveau de sa rémunération sur les bases des minimums applicables pour le groupe 8A de ladite convention, soit 4.416 € par mois.

En réponse, le 20 juin 2006, la SA LEMI a répondu que le code APE mentionné sur les documents initiaux était erroné, que le code correspondant à son activité était le code 74.3B Analyses Essais et Inspections Techniques et que la convention collective applicable était celle des bureaux d'études techniques ; dés lors, l'employeur a estimé que Mme [P] devait dorénavant être classée sur la base du coefficient 130 position II niveau II correspondant à un poste d'ingénieur sans fonction de commandement.

Parallèlement, Mme [J] [P] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, le 19 juin 2006 en rappels de salaires calculés conformément à la convention collective de l'industrie pharmaceutique (affaire radiée depuis).

A compter de cette période, les relations de travail de Mme [P] avec la société LEMI se sont dégradées.

Le 9 janvier 2007, la société LEMI a envoyé à sa salariée un courrier de reproches quant à des manquements professionnels auquel Mme [P] a répondu pour les contester le 19 janvier 2007, indiquant toujours ne pouvant accepter la convention collective voire la classification proposée par la SA LEMI.

Dans ce contexte, Mme [J] [P] s'est trouvée placée en arrêt maladie à compter du 23 janvier 2007, victime d'un syndrome anxio dépressif réactionnel.

Le médecin du travail a renvoyé Mme [P] devant le service des pathologies professionnelles du CHU de Bordeaux, Mme [P] a été reçue par une psychologue du service qui, le 9 mars 2007, a proposé une décision d'inaptitude définitive ; le 2 mai 2007, le médecin du travail a rédigé une fiche médicale déclarant la salariée définitivement inapte en une fois pour danger immédiat.

Par courrier en date du 13 juin 2007, Mme [J] [P] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 22 juin 2007 en vue de son licenciement : Mme [J] [P] ne s'est pas présentée à cet entretien compte tenu de son état de santé.

Par courrier en date du 2 juillet 2007, la société LEMI a envoyé à Mme [J] [P] une lettre de licenciement pour un motif d'inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Le 21 août 2008, Mme [J] [P] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux afin de juger que la SA LEMI relève de la convention collective de l'industrie pharmaceutique et à défaut de celle de la fabrication, du commerce et des produits à usage pharmaceutiques et vétérinaires ; elle demande en conséquence un rappel de salaires d'avril 2001 à décembre 2006 avec les congés payés afférents.

Elle soutient la nullité de son licenciement, consécutif au harcèlement moral de l'employeur et en toute hypothèse indique que la rupture du contrat de travail est la conséquence directe du comportement fautif réitéré de son employeur ainsi que d'une exécution déloyale du contrat de travail ; elle sollicite dés lors la somme de 51.240 € au titre du licenciement abusif.

Elle réclame enfin la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre la remise de documents sous astreinte.

Par jugement en date du 4 novembre 2009, le Conseil de Prud'Hommes de Bordeaux, section Encadrement, a dit que le licenciement de Mme [J] [P] pour inaptitude avec impossibilité de reclassement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté Mme [J] [P] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à régler la somme de 400 € à la SA LEMI au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 26 novembre 2009, Mme [J] [P] a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 26 août 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme [J] [P] conclut à la réformation de la décision dont appel et elle maintient les mêmes demandes que devant les premiers juges.

Selon elle, la SA LEMI relève de la convention collective de l'industrie pharmaceutique et à défaut de celle de la fabrication, du commerce et des produits à usage pharmaceutiques et vétérinaires ; elle demande en conséquence un rappel de salaires d'avril 2001 à décembre 2006 avec les congés payés afférents.

Elle soutient ensuite la nullité de son licenciement, consécutif au harcèlement moral de l'employeur et en toute hypothèse indique que la rupture du contrat de travail est la conséquence de directe du comportement fautif réitéré de son employeur ainsi que d'une exécution déloyale du contrat de travail ; elle sollicite dés lors la somme de 51.240 € au titre du licenciement abusif.

Elle réclame enfin la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre la remise de documents sous astreinte.

Par conclusions déposées le 5 novembre 2010 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société LEMI demande la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de Mme [J] [P] à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient tout d'abord que les conventions alléguées par son ancienne salariée ne sont pas applicables, que les classifications sollicitées par Mme [P] ne correspondent pas au poste occupé et qu'il convient dés lors de rejeter les demandes de rappel de salaires de Mme [P].

Elle indique ensuite que Mme [P] n'a subi aucun harcèlement moral et que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de la salariée est parfaitement justifié.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur la convention collective applicable

Mme [J] [P] demande un rappel de salaires pou la période allant d'avril 2001 à décembre 2006 inclus demandant son classement fonctionnel dans le groupe 8A de la convention collective de l'industrie pharmaceutique ou en classe 10 de la convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique et vétérinaire.

La société LEMI soutient que la convention collective applicable à son activité est celle des bureaux techniques Analyses Essais et Inspections Techniques et que Mme [P] devait être classée sur la base du coefficient 130 position II niveau II correspondant à un poste d'ingénieur sans fonction de commandement.

La convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique date du 6 avril 1956 et dans sa rédaction initiale, l'article 1er de cette convention exigeait, pour son application, que l'employeur ait adhéré au Syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP), devenu les entreprises du médicament (LEEM).

Depuis, cette convention a été étendue par arrêté du 15 novembre 1956 (JORF du 14 décembre 1956) et, de ce fait, elle a été rendue obligatoire pour tous les salariés et employeurs compris dans son champ d'application ; contrairement à ce qui est avancé par la société LEMI, peu importe que celle-ci ait ou non adhéré à ce syndicat.

Les activités visées par l'article 1er de la convention de l'industrie pharmaceutique sont les suivantes :

'1. Fabrication et/ou l'exploitation de spécialités pharmaceutiques et autres médicaments à usage humain, au sens des articles L.511, L. 596 et L.601 du code de la santé publique, y compris la transformation du sang et la fabrication de dérivés sanguins.

2. Recherche et développement en médecine et en pharmacie humaine, services et sous-traitance de la recherche et développement et du contrôle correspondant aux activités ci-dessus.

3. Promotion des médicaments, qu'elle soit organisée directement par des entreprises titulaires ou exploitant de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ou qu'elle soit réalisée par une entreprise distincte liée par un contrat commercial avec l'entreprise titulaire ou exploitant de l'AMM.

4. Lorsqu'elles sont effectuées par des entreprises ou établissements directement liés au titulaire ou à l'exploitant de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) et dont la finalité économique est la fabrication et/ou l'exploitation de médicaments et spécialités pharmaceutiques à usage humain visés au 1 ci-dessus :

- le façonnage et conditionnement ;

- la distribution par dépositaire de ces spécialités et médicaments ;

ainsi que les activités administratives, d'études, de conseil et de services concourant à la réalisation de cette finalité économique.

Les activités énumérées ci-dessus figurent dans la nomenclature d'activités françaises (NAF) annexée au décret n° 92-1129 du 2 octobre 1992 dans les classes suivantes dont l'énumération n'est pas exhaustive :

(')

73.1 Z.

Recherche et développement en sciences physiques et naturelles

Sont visées dans cette classe les activités telles que définies à la division 73 de la NAF, de recherche et développement en science de la vie : médecine, biologie, biochimie, pharmacie et plus généralement de recherche et développement en vue de la fabrication et de l'obtention d'AMM et de l'exploitation de médicaments à spécialités pharmaceutiques à usage humain.

(')

74.3 B.

Analyses, essais et inspections techniques

Sont visées les activités énumérées dans cette classe réalisées dans le cadre de travaux menés en vue de l'obtention de l'AMM, de la fabrication ou de l'exploitation de médicaments et spécialités à usage humain.

(')'

Deux critères, déterminants de l'application de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, semblent ressortir de cette analyse : la nature de l'activité de l'employeur et la nature du produit, objet de l'activité de l'employeur.

- S'agissant de la nature de l'activité, elle peut être de quatre sortes : la fabrication et/ou l'exploitation, la promotion, la recherche et développement, le façonnage, le conditionnement, la distribution ainsi que les études et conseils lorsque la société est directement liée à un titulaire ou un exploitant d'une AMM.

- S'agissant de la nature du produit, objet de l'activité, ne semblent visés que les produits pharmaceutiques: ainsi, la fabrication et l'exploitation n'ont trait qu'à des 'spécialités pharmaceutiques et autres médicaments à usage humain' ; la recherche et développement porte sur la fabrication et l'exploitation de ces produits ; la promotion, quant à elle, est relative aux médicaments ; il s'agit, enfin, de façonner, de conditionner ou de distribuer des médicaments ou spécialités pharmaceutiques, tout comme les études et conseils qui sont attachés à la fabrication et à l'exploitation de ces mêmes produits.... ceci étant corroboré par les différents codes NAF visés par la convention collective, dont ceux débattus dans la présente affaire.

Or, le code de la santé publique distingue clairement dans une cinquième partie consacrée aux produits de santé, d'un côté, les produits pharmaceutiques, parmi lesquels on trouve les médicaments (pour une définition générale: art. L.5111-1 CSP ; pour une définition de chaque type de médicaments: art. L.5121-1 et suivants CSP) ainsi que, notamment, les produits cosmétiques, les substances et préparations vénéneuses, les réactifs, les contraceptifs, les produits aptes à provoquer une interruption volontaire de grossesse, les aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales, les matières premières à usage pharmaceutique, les micro-organismes et toxines, les produits de tatouages (art. L.5131-1 et suivants CSP), et, d'autre côté, les dispositifs médicaux (art. L.5211-1 et s CSP) : seule la première catégorie de produits de santé, à savoir les produits pharmaceutiques, précise le champ d'application de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Il y a lieu de rechercher l'activité principale soit une 'activité pharmaceutique', activité relative ou plus généralement, aux produits pharmaceutiques visés par le code de la santé publique.

Pour décider de l'applicabilité de la convention collective de l'industrie pharmaceutique à la société LEMI, deux questions se posent : la société LEMI exerce- t-elle l'une des activités visées par la convention collective ' Si oui, le ou les activités de la société ont-elles pour objet des produits pharmaceutiques '

- Concernant l'activité de la société LEMI,

La référence aux codes NAF est d'une utilité réduite.

Tout d'abord, il est retenu que cette nomenclature ne doit avoir qu'une valeur indicative et en l'espèce, surtout, le code NAF 73.1 Z, qui est mentionné sur les bulletins de salaire de la salariée, est notamment visé par trois conventions collectives différentes, à savoir la convention collective de l'industrie pharmaceutique, la convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, para pharmaceutique et vétérinaire du 1er juin 1989 et par la conven- tion collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 (art. 1er ; convention étendue par arrêté du 13 novembre 1956).

Ce code n'est donc pas à lui seul suffisant pour désigner la convention collective applicable à la société LEMI et, par voie de conséquence, à l'appelante.

Il faut donc se référer à l'activité réelle et principale de la société, ce qui explique d'ailleurs pourquoi l'objet de la société n'est lui-même qu'indicatif.

Il convient tout d'abord de recenser les différentes activités de la société LEMI et pour ce faire, outre la description de la société dans l'extrait Kbis du registre du commerce et les statuts de la société, il est possible de se référer également à la présentation qui en est faite sur le site internet de la société et sur la documentation à destination des potentiels clients (ces documents sont produits par les deux parties).

De manière générale, la société effectue des études des substances et produits susceptibles d'induire un effet sur la santé ou sur l'environnement et plus spécifiquement, les prestations offertes sont essentiellement de trois types :

* réalisation de tests d'innocuité et d'efficacité biologique conformément aux normes, lignes directrices et référentiels en vigueur, en vue de la constitution de dossiers d'autorisation de mise sur le marché (marquage CE, agrément FDA, etc.) ;

* conduite d'études de recherche et développement, de la conception d'un nouveau produit (innovation, optimisation, validation) à sa production ;

* conseil et assistance sur les aspects scientifiques et réglementaires.

En d'autres termes, la société opère divers tests en vue déterminer la biocomptabilité de certains produits; il s'agit de savoir si l'utilisation du produit ou le contact avec le corps humain ne provoquent pas de nuisances ou d'altération de celui-ci, si ces mêmes produits répondent à certaines exigences réglementaires et s'ils atteignent le résultat escompté par le fabricant.

Partant de là, deux des activités visées par la convention collective de l'industrie pharmaceutique peuvent être écartées : la fabrication et/ou l'exploitation de produits et la promotion de ces mêmes produits.

Restent :

- L'activité d'étude et de conseil (art. 1er, 4°, convention de l'industrie pharmaceutique).

Elle pourrait correspondre globalement à l'activité de la société LEMI, toutefois, la convention exige que la société qui exerce cette activité soit directement liée au titulaire ou à l'exploitant d'une AMM. (un avenant du 4 novembre 1998 est venu préciser ce qu'il fallait entendre par 'directement liés' : 'On entend par 'directement liés' les entreprises ou établissements qui appartiennent totalement ou partiellement à une société ou un groupe pharmaceutique et qui ont pour principale clientèle cette société ou une ou plusieurs entreprises de ce groupe').

Or, la société LEMI dispose d'une accréditation de laboratoire d'essai (NF EN 45001, décembre 1989), l'habilitant à délivrer des agréments pour la diffusion et la mise sur le marché de certains produits, et ce, en conformité notamment de la réglementation communautaire et pour bénéficier de cette accréditation, le laboratoire doit être totalement indépendant afin d'échapper à toute pression commerciale ou financière susceptible d'influencer son jugement technique.

La société LEMI ne peut donc être considérée comme étant directement liée à un groupe pharmaceutique, ce qui fait obstacle à l'exercice de la quatrième activité entrant dans le champ d'application de la convention collective de l'industrie pharmaceutique.

- L'activité de recherche et développement

A priori, la société LEMI n'a pas véritablement une activité propre de recherche et développement ; elle n'agit qu'en collaboration avec des sociétés indus-trielles qui mènent, elles, une activité de recherche et développement et cherchent le soutien d'autres sociétés afin d'évaluer les performances de leurs produits et les optimiser.

Cependant, la société LEMI a tout de même un rôle d'accompagnement dans l'activité de recherche et développement menée par des industriels et pourrait être rattachée par cette partie de son activité à l'activité de recherche et développement et donc à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Dans ce cas, il convient de déterminer si les produits qui font l'objet de cette activité correspondent à ceux visés par ladite convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique et il ressort de l'ensemble des pièces que plusieurs produits sont concernés : dispositifs médicaux, produits chimiques, produits cosmétiques et médicaments : si les deux derniers font assurément partie de la catégorie des produits pharmaceutiques, ce n'est pas forcément le cas des deux autres types de produits considérés plutôt comme des 'produits frontières' (produits situés hors champ réglementaire du médicament par la directive 2001/83).

Au vu de cette analyse, la société LEMI développe diverses activités attachées à des produits distincts et dés lors l'article L.2261-2 du code du travail oblige la Cour à rechercher l'activité principale exercée par l'employeur.

La difficulté est alors de savoir si la part de l'activité consacrée aux produits pharmaceutiques constitue l'activité principale de la société LEM, en recherchant par exemple l'activité qui emploie le plus grand nombre de salariés ou celle qui correspond au chiffre d'affaires le plus élevé.

En l'espèce, la société, qui compte 11 salariés assez polyvalents sur chaque secteur d'activité, verse des éléments comptables qui répartissent le chiffre d'affaires en fonction du type d'activité et de produit mais ces documents n'ont pas été établis par un expert-comptable tiers à la société, ni par un commissaire au compte et n'ont donc qu'une aucune valeur probatoire limitée ; par contre, plus intéressant est le courrier adressé à ce propos par le laboratoire LEMI à l'Inspection du Travail le 14 avril 2006 qui fait état de documents comptables officiels et annexés au courrier sur l'activité principale du LEMI, (plus de 90 % de l'activité s'exerçant sur les produits frontière), l'activité de réalisation de travaux dans le cadre de contrats de recherche européens (CRAFT, STREP, IP) représentant moins de 10 % du chiffre d'affaires total de la société LEMI.

La convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, para pharmaceutique et vétérinaire date du 1er juin 1989 (étendue par arrêté du 20 avril 1990).

L'article 1er de cette convention vise les activités suivantes :

'a) Fabrication de :

- produits de droguerie pharmaceutique, à l'exclusion des produits chimiques et biochimiques de base ;

- produits d'extraction végétale et animale ;

- produits biologiques et opothérapiques ;

- tous produits et accessoires à l'usage de la médecine, de la pharmacie humaine et vétérinaire (').

b) Fabrication et distribution de réactifs, produits et matériels associés de diagnostic in vitro (').

c) Fabrication de médicaments vétérinaires au sens des dispositions des articles L.606 et suivants du code de la santé publique et de tout autre produit à usage vétérinaire (').

d) Recherche, développement et contrôle concernant les activités visées ci-dessus :

Les activités visées ci-dessus sont comprises dans la NAF, notamment dans les classes suivantes : 73.1 Z pour la recherche et le développement en sciences de la vie : médecine, biologie, biochimie et pharmacie, 74.3 B 'Analyses, essais et inspections techniques'.

e) Façonnage ou conditionnement à façon de produits pharmaceutiques, para pharmaceutiques, cosmétiques et d'accessoires, à l'exception de la fabrication exclusive des spécialités pharmaceutiques à usage humain au sens de l'article L.601 du code de la santé publique (').

f) Services et sous-traitance de la recherche, du développement et du contrôle correspondant aux activités visées aux a, b, c ci-dessus, sous réserve d'un contrat commercial (').

Les activités visées ci-dessus sont comprises dans la NAF, notamment dans les classes suivantes : 73.1 Z pour la recherche et le développement en sciences de la vie : médecine, biologie, biochimie et pharmacie, 74.3 B 'Analyses, essais et inspections techniques'.

g) Distribution de produits à usage vétérinaire (').

h) Commerce de gros et intermédiaire, conditionnement, importation, exportation, représentation ou courtage de matières premières, herboristerie, produits de droguerie.

(').'

Là encore, deux critères sont déterminants : la nature de l'activité de l'employeur et la nature du produit, objet de l'activité de l'employeur.

S'agissant de la nature de l'activité, quatre types d'activités sont men-tionnés : la fabrication et distribution ; la vente, le façonnage et conditionnement, la recherche et le développement et contrôle relatifs aux activités de fabrication.

Ces activités correspondent à celles visées par la convention collective de l'industrie pharmaceutique, sauf celle concernant la 'recherche, développement et contrôle' le rajout du terme 'contrôle' impliquant à priori une autre activité liée à des tests, des analyses ou à l'appréciation de la conformité des produits fabriqués ou distribués par rapport à une norme quelconque.

Quant aux produits, on retrouve à peu près le même type de produits que dans la convention collective de l'industrie pharmaceutique, à l'exception de 'tous produits et accessoires à l'usage de la médecine, de la pharmacie humaine et vétérinaire'.

Par l'expression 'produits et accessoires à l'usage de la médecine', les parties contractantes semblent introduire une catégorie de produits distincte de celle des produits pharmaceutiques dont il a déjà été discuté : il serait possible d'y inclure, notamment, les dispositifs médicaux que l'article L.5211-1 du code de la santé publique définit comme 'tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels ('), destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins médicales et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens'.

Si le dispositif médical est utilisé à des fins médicales, il pourrait être assimilé à un produit à l'usage de la médecine.

À l'instar de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, l'activité de recherche, développement et contrôle est seule susceptible d'application à l'activité de la société LEMI.

- d'abord, par rapport à l'accompagnement, effectué par la société, dans l'activité de recherche et développement menée par des industriels ;

- ensuite, par rapport à la notion de contrôle qui, dans l'absolu, pourrait comprendre l'activité de contrôle de conformité aux différentes normes pour lesquelles la société LEMI dispose d'une accréditation sous la réserve concernant la définition des produits et matériels à usage de la médecine qui doit être utilisée restrictivement.

Le problème de la détermination de l'activité principale, en fonction des différents produits, se pose à l'identique pour l'applicabilité de la convention collective de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique.

Là encore, la Cour ne peut que noter que l'activité de réalisation de travaux dans le cadre de contrats de recherche européens (CRAFT, STREP, IP) représentant moins de 10 % du chiffre d'affaires total de la société LEMI et que l'activité principale du LEMI s'exerce sur des produits frontière).

En conclusion, comme les juges du fond, la Cour considère qu'aucune de ces deux conventions collectives revendiquée par Mme [J] [P] n'est applicable à la société LEMI.

Dans ce cas, peu importe que l'employeur fasse application de la convention collective nationale applicable au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 : en effet, l'employeur est tout à fait libre, en l'absence de convention collective applicable en vertu de l'article L.2261-2 du code du travail, de faire une application volontaire de cette convention collective.

Il convient de confirmer la décision du Conseil de Prud'hommes sur ce point et de débouter Mme [J] [P] de l'ensemble de ses demandes de rappels de salaire.

* Sur le licenciement

Mme [J] [P] a été licenciée par courrier recommandé en date du 2 juillet 2007 pour inaptitude, constatée par le médecin du travail (définitivement inapte en une fois et pour danger immédiat) et à la suite de laquelle son reclassement s'est révélé impossible.

Mme [P] soutient que son licenciement est consécutif au harcèlement moral de l'employeur et serait nul en application des articles L.1152-1 du Code du Travail.

Il est incontestable que Mme [P], salariée du laboratoire LEMI depuis prés de 10 ans qui s'était totalement investie dans son travail et n'avait fait aucune reproche de son employeur avant la discussion autour de la convention collective applicable, a manifesté une grande souffrance psychologique au travail (troubles somatiques, instabilité émotionnelle, angoisses) qui ont conduit un des psychiatres du CHU de Bordeaux à lui prescrire un traitement anti-dépresseur.

Mme [P] a ressenti indiscutablement un manque de reconnaissance et de valorisation de son travail en décalage à ce qu'elle estimait être son engagement professionnel, un manque de soutien social de la part du collectif de travail et une discrimination du fait de ses origines étrangères.

Cependant, elle n'apporte aucun élément probant de quelque nature que ce soit à l'appui de ce douloureux ressenti, la lettre de reproches de la société LEMI du 9 janvier 2007, à une époque où les relations entre les parties étaient tendues, Mme [P] ayant saisi le Conseil de Prud'hommes pour voir statuer sur sa demande de rappels de salaire ne pouvant à elle seule caractériser un harcèlement moral.

Mme [P] soutient également avoir fait l'objet de discrimination salariale au regard de la rémunération de deux salariées, Mmes [S] et [D], qui comptaient moins d'ancienneté qu'elle et avait des responsabilités inférieures ; or, Mme [D] avait été embauchée huit ans avant Mme [P] et avait le même salaire qu'elle ; quant à Mme [S], l'employeur affirme l'avoir embauché au vu d'un CV qu'il estimait alléchant, l'écart de rémunération brute de base n'étant que de 116 € ; quant à déterminer pourquoi, l'employeur confiait des missions de formation à l'une plutôt qu'à l'autre de ses salariés de même profil de poste ou accorder à la dernière arrivée des primes exceptionnelles, cette analyse complexe met en jeu le libre pouvoir de direction de l'employeur que les qualités respectives de ses salariés.

Ainsi, la Cour, comme les premiers juges considère que la société LEMI a parfaitement respecté ses obligations en licenciant pour inaptitude et défaut de reclassement Mme [J] [P] par une lettre de licenciement circonstanciée en tout point conforme aux exigences de la Cour de Cassation quant au contenu de ladite lettre et quant au respect de son obligation renforcée de reclassement.

Là encore, il convient de confirmer la décision du Conseil de Prud'hommes sur ce point et de débouter Mme [J] [P] de l'ensemble de ses demandes.

* Sur les autres demandes

L'équité et les circonstances de la cause ne commandent pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA LEMI.

Mme [J] [P] gardera à sa charge les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

' dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA LEMI,

' dit que Mme [J] [P] gardera à sa charge les dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/06646
Date de la décision : 14/12/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/06646 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-14;09.06646 ?
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