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30/11/2010 | FRANCE | N°09/07114

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 30 novembre 2010, 09/07114


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 30 NOVEMBRE 2010



(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/07114











Monsieur [O] [P]



c/



S.A.S. Frans Bonhomme











Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR l

e :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : juge...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 30 NOVEMBRE 2010

(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/07114

Monsieur [O] [P]

c/

S.A.S. Frans Bonhomme

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 novembre 2009 (R.G. n° F 08/02906) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 14 décembre 2009,

APPELANT :

Monsieur [O] [P], né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5]

[Localité 5], de nationalité Française, demandeur d'emploi, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Paul-André Vigné, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

S.A.S. Frans Bonhomme, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 10],

Représentée par Maître Nicolas Gendre substituant Maître Thierry Chas, avocats au barreau de Tours,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 septembre 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. [O] [P] a été engagé le 19 mars 1997 par la société Frans Bonhomme en qualité de chef des ventes.

Il était promu chef d'agence le 1er février 2001 et s'est vu confier des dépôts supplémentaires.

Au début, il avait la charge d'[Localité 3] et de [Localité 6] puis à compter de 2007, il a eu la responsabilité des dépôts de [Localité 4], [Localité 7] et [Localité 8].

Une réorganisation devait être mise en place par M. [Z], directeur régional qui souhaitait promouvoir M. [H], chef des ventes sous les ordres de M. [P] à un poste de chef de ventes régionales.

De ce fait, deux salariés, Messieurs [X] et [M] étaient pressentis pour devenir chefs de ventes à la place de M. [H] sous les ordres de M. [P].

Ce dernier a été licencié le 12 décembre 2008 car Messieurs [X] et [M] ont indiqué que M. [P] avait envers eux un comportement blessant et agressif et que de ce fait, ils ne voulaient pas prendre la place de M. [H].

Contestant les motifs de son licenciement il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux.

Par jugement en date du 30 novembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, relevait que la direction de l'entreprise avait confié une enquête à des délégués du personnel d'une autre agence et catégorie cadres.

Il notait que ces délégués, après avoir entendu un certain nombre de témoins, ont conclu leur rapport en disant que M. [P] entretenait des relations difficiles avec les collègues. Ils notaient que 'les personnes qui travaillaient avec lui au quotidien ont exprimé un problème d'ordre relationnel. Il s'agissait en fait d'une accumulation de remarques blessantes au cours des années. Cela s'exprime aujourd'hui par un ras le bol des personnes et une mise en cause de sa façon de manager'.

Le premier juge précisait qu'à leur avis, il ne pouvait être envisagé de maintenir M. [P] et Messieurs [X] et [M] dans la même agence.

Par un courrier en date du 10 novembre 2008 la société proposait à M. [P], une mutation à un autre poste dans la même agence. Suite au refus de ce dernier, la procédure de licenciement était initiée et le premier juge notait que le licenciement pour cause réelle et sérieuse était largement motivé.

Il déboutait M. [P] de ses demandes.

M. [P] a régulièrement relevé appel du jugement.

Par conclusions déposées le 22 février 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, il demande réformation du jugement déféré et sollicite une indemnité de 80.000 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 20.000 euros au titre de dommages-intérêts pour procédure vexatoire.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société Frans Bonhomme demande confirmation du jugement déféré ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle demande que l'indemnité allouée à M. [P] soit réduite et qu'il soit débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure vexatoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La lettre de licenciement adressée le 12 décembre 2008 à M. [P] dont les termes fixent les limites du litige est longuement rédigée et fait état des motifs suivants :

- il lui est rappelé que Mrs [X] et [M] se sont vus proposer un avancement à la suite de la nomination de M. [H] devenant chef de ventes régional,

- Mrs [X] et [M] ont refusé cette promotion en raison de son comportement agressif et blessant,

- l'employeur expose qu'il a fait faire une enquête par des délégués du personnel qui a confirmé les difficultés de gestion de M. [P],

- cette attitude est considérée comme inadmissible de la part d'un manager,

- il lui est reproché également d'avoir critiqué assez souvent son directeur régional.

L'organigramme de l'agence de [Localité 4] prévoyait que M. [P] était chef d'agence et que se trouvaient directement sous ses ordres, M. [H] chef de ventes bâtiment et M. [N] chef de ventes travaux publics.

M. [X] et M. [M] se trouvaient sous les ordres de M. [H].

Au moment où M. [Z], directeur régional a décidé de promouvoir M. [H] à un poste de chef de vente régional et que son départ impliquait des réorganisations au sein de l'agence de [Localité 4], le refus de Messieurs [X] et [M] de venir travailler sous les ordres directs de M. [P] a donné lieu à un certain nombre de questions.

Un courriel adressé à la direction de Frans Bonhomme par M. [Z] en date du 28 septembre expose qu'il a rencontré plusieurs salariés de l'agence de [Localité 4] et que dans l'ensemble, ceux ci reconnaissent les qualités professionnelles de M. [P] mais critiquent fortement son comportement blessant et vexatoire et ses remarques déplacées sur la vie privée ou l'apparence physique des salariés.

Le 3 octobre 2008, des délégués du personnel ont fait un rapport d'enquête au sein de l'agence de [Localité 4]. Il en ressort que si Messieurs [H], [X] et [M] ont émis des propos critiques sur la gestion et le management de M. [P], en revanche, les autres salariés qui ne sont pas dans le secteur commercial n'émettent aucune critique envers M. [P].

Les conclusions du rapport de ces délégués du personnel, rappelées ci-dessus se terminent de la manière suivante :

'Nous regrettons cependant que M. [P] ait envoyé un mail aux CD et CM de son agence avant notre venue...'

Après des tentatives de dialogues, les deux personnes pressenties pour devenir chefs de vente, maintenant leur décision de refus, il était proposé à M. [P] un poste de cadre commercial de travaux publics dans la même agence.

Ce dernier le refusait et la procédure de licenciement débutait par la suite, étant observé que la lettre de licenciement ne faisait pas mention de ce refus de la part de M. [P].

Dans le cadre de cette procédure, Mrs [H], [X] et [M] ont maintenu leurs déclarations par des attestations régulières ainsi que M. [W] qui avait démissionné depuis peu en raison du comportement de M. [P].

Il ressort des éléments du dossier que M. [P] n'avait fait l'objet d'aucune critique et d'aucune observation depuis son engagement chez Frans Bonhomme. Au contraire, il a bénéficié de promotions régulières.

Les observations critiques qui ont justifié son licenciement n'ont été émises qu'à l'occasion de la réorganisation induite par le seul M. [Z], directeur régional qui a décidé, sans d'ailleurs consulter M. [P], de déplacer M. [H].

L'enquête des délégués du personnel effectuée à l'initiative de l'employeur n'a permis de confirmer l'existence de difficultés relationnelles qu'avec les deux salariés dont la mutation était envisagée ainsi qu'avec M. [W] qui aurait démissionné de ce chef mais n'en a pas tiré argument pour demander que la rupture soit considérée comme imputable à l'employeur.

Les autres salariés de l'entreprise n'ont pas donné d'avis négatif sur le management de M. [P].

Les délégués du personnel indiquent en clôture de leur rapport que M. [P] avait contacté ses collègues de travail avant leur venue. M. [P] produit effectivement les courriels qu'il a adressés et les réponses reçues qui correspondent à ce qui a été dit aux délégués du personnel.

En outre, il sera relevé que ces salariés n'ont pas cru devoir revenir sur leurs déclarations après le départ de M. [P].

Il sera relevé que les seules doléances de Messieurs [X] et [M] qui n'ont été exprimées qu'à l'occasion d'une réorganisation décidée par un tiers, ne pouvaient justifier un licenciement d'un salarié ayant plus de dix ans d'ancienneté et qui n'avait aucun passé disciplinaire.

En outre, il sera relevé que l'employeur a tenté de gérer la difficulté dans un premier temps sans avoir recours à une procédure de licenciement.

En effet, outre la demande d'enquête auprès des délégués du personnel, la société a proposé à M. [P], un poste de cadre commercial travaux publics dans la même agence, ce qui correspondait à une rétrogradation.

Cette proposition ne correspond pas à une exécution de bonne foi du contrat de travail, dans la mesure où une rétrogradation ne pouvait pas intervenir dans de telles conditions et où les deux salariés à l'origine de la difficulté se sont bornés à refuser un poste en avancement, sans mettre en cause le maintien de leur présence dans cette agence.

C'est à tort que les premiers juges ont estimé le licenciement de M. [P] justifié par une cause réelle et sérieuse, cette mesure étant disproportionnée par rapport à la situation révélée et l'employeur n'ayant guère cherché à résoudre la difficulté qui avait été initiée par le seul directeur régional.

Le jugement sera réformé, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse.

Les éléments du dossier permettent de fixer les dommages-intérêts devant réparer le préjudice de M. [P] à la somme de 60.000 euros, compte tenu de la durée du chômage qui s'en est suivi et du fait que l'emploi retrouvé est moins bien rémunéré.

En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [P] sur des dommages-intérêts complémentaires, les éléments fournis par ce dernier ne justifiant pas l'existence d'un préjudice distinct qui ne serait pas réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [P] sera débouté de sa demande de ce chef.

L'équité commande d'allouer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 1.200 euros à M. [P].

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' confirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [P] d'une demande de dommages-intérêts complémentaires,

' le réforme pour le surplus,

et statuant à nouveau :

' condamne la société Frans Bonhomme à verser à M. [P], une indemnité de 60.000 euros (soixante mille euros) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage qui ont du être exposées pour le compte de M. [P] à concurrence de quatre mois,

' dit que, conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le Greffe transmettra copie de la présente décision à la Direction Générale de Pôle Emploi, [Adresse 9],

' condamne la société Frans Bonhomme à verser à M. [P] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1.200 euros (mille deux cents euros),

' met les dépens de l'instance du premier degré et en appel à la charge de la société Frans Bonhomme.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par

Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/07114
Date de la décision : 30/11/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/07114 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-30;09.07114 ?
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