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30/11/2010 | FRANCE | N°09/06031

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 30 novembre 2010, 09/06031


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 30 NOVEMBRE 2010



(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/06031











Monsieur [S] [I]



c/



S.A.S. Entreprise de Travaux Routiers (E.T.R.)











Nature de la décision : AU FOND













Notifi

é par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à l...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 30 NOVEMBRE 2010

(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/06031

Monsieur [S] [I]

c/

S.A.S. Entreprise de Travaux Routiers (E.T.R.)

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 septembre 2009 (R.G. n° F 08/00266) par le Conseil de Prud'hommes de Bergerac, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 22 octobre 2009,

APPELANT :

Monsieur [S] [I], né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 3],

de nationalité Française, sans emploi, demeurant [Adresse 5],

Représenté par Maître Sophie Leroy substituant Maître Delphine Barthélémy-Maxwell, avocats au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

S.A.S. Entreprise de Travaux Routiers (E.T.R.), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représentée par Maître Sylvie Massoulier substituant Maître Michel Perret, avocats au barreau de Bergerac,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 octobre 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller, faisant fonction de Président,

Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [S] [I] a été engagé par la SAS E.T.R (Entreprise de Travaux Routiers) par contrat à durée indéterminée du 6 mars 2007 en qualité de conducteur de travaux pour une rémunération brute mensuelle de 3.500 € à laquelle s'ajoutait une prime de repas forfaitaire hebdomadaire et un treizième mois à hauteur de 292 € par mois.

Le 25 octobre 2007, M. [S] [I] a été victime d'une agression

survenue pendant son temps de travail et gravement blessée, il a été évacué par hélicoptère au CHU de Bordeaux.

M. [S] [I] a été en arrêt de travail dans le cadre d'un accident du travail jusqu'au 13 mai 2008, date à laquelle il a été examiné par le médecin du travail, dans le cadre de la visite médicale de reprise, médecin qui l'a déclaré apte à reprendre à mi-temps thérapeutique

Toutefois, alors qu'il était toujours en arrêt de travail, M. [S] [I] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 19 mai 2008 ; M. [S] [I] a été mis à pied à titre conservatoire à compter de cette date.

Par courrier en date du 22 mai 2008, M. [S] [I] a été licencié pour faute grave.

Le 19 décembre 2008, M. [S] [I] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac pour voir juger que son licenciement repose sur des faits prescrits et est donc nul et de nul effet et à titre subsidiaire est sans cause réelle ni sérieuse.

Il réclame en conséquence le rappel de salaire pendant sa mise à pied, l'indemnité compensatrice de congés payés, un rappel de 13 mois et de prime d'intéressement, la somme de 40.000 € de dommages et intérêts outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la remise de documents.

Par décision en date du 24 septembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de Bergerac a considéré le licenciement pour faute grave de M. [S] [I] bien fondé et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes (constatant que la prime d'intéres-sement de 5.070,22 € a été versée) le condamnant à régler à la SAS E.T.R la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 22 octobre 2009, M. [S] [I] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 16 octobre 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [S] [I] conclut à la réfor-mation du jugement entrepris.

Il demande de dire que son licenciement repose sur des faits prescrits et qu'il est nul et de nul effet ou à défaut abusif.

Il forme dés lors les demandes suivantes à l'encontre de son employeur :

- la somme de 773,23 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied outre 77,32 € de congés payés afférents,

- la somme de 7.989,46 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 798,94 € au titre des congés payés afférents,

- la somme de 10.000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- la somme de 2.687,40 € à titre de rappel de salaire du 13ème mois,

sommes qui porteront intérêt légal à compter de la saisine du Conseil.

Il demande enfin la condamnation de la Société E.T.R. à lui remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée et un bulletin de salaire rectifié pour le mois de mai 2008 et à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 15 octobre 2010 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la Société E.T.R. demande la confirmation du jugement entrepris.

Elle sollicite la condamnation de M. [S] [I] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

- Sur le licenciement

M. [S] [I] a été licencié pour faute grave par courrier recom-mandé du 22 mai 2008 dans les termes suivants :

'Nous avons eu récemment connaissance des conditions dans lesquelles vous conduisiez un véhicule de l'entreprise le 25 octobre 2007 en fin d'après-midi alors que victime d'une agression vous avez fait l'objet d'une évacuation sur le CHU de [Localité 2].

Il apparaît qu'au moment des faits vous conduisiez sous l'empire d'un état alcoolique provoqué par une consommation dans le cadre de votre activité professionnelle.'

L'article L 1332-4 du code du travail prévoit fixe le délai de prescription en matière disciplinaire à deux mois, ce délai commençant à courir à compter de la commission des faits ou de la date à laquelle l'employeur en a eu connaissance.

Les faits à l'origine du licenciement se sont déroulés le 22 octobre 2007 alors que la Société E.T.R. a engagé la procédure disciplinaire à l'encontre de son salarié le 7 mai 2008.

Pour faire échec à la prescription, la Société E.T.R. prétend qu'elle n'a eu connaissance des circonstances précises de l'accident de travail de son salarié que le 28 avril 2008 date à laquelle le Parquet de Périgueux lui a transmis, à sa demande le dossier.

Toutefois, contrairement aux premiers juges, la Cour estime que :

- le fait que la Société E.T.R. n'ait reçu la communication du dossier pénal que le 28 avril 2008 ne démontre en rien qu'elle n'avait pas connaissance avant de tous les éléments précis sur l'accident du travail de son salarié d'autant que M. [I] affirme, pour sa part, avoir totalement informé son employeur des poursuites pénales dont il faisait l'objet,

- compte tenu des circonstances de l'accident du travail (agression par un tiers de M. [S] [I] alors qu'il conduisait un véhicule de la société, avec transport au CHU de Bordeaux par hélicoptère), la Société E.T.R, qui a été immédiatement prévenue, ne saurait valablement soutenir qu'elle n'a jamais eu connaissance de l'ensemble des circonstances de l'accident avant le 28 avril 2008 ou qu'elle n'a jamais fait une quelconque recherche sur ces circonstances durant sept mois..... pour soudainement 'entendre des rumeurs' sur son salarié quelques jours avant la reprise du travail de celui-ci.

D'ailleurs, la Société E.T.R. verse aux débats une pièce significative qui démontre qu'elle était bien informée des circonstances de l'accident et des poursuites à l'encontre de M. [I] à l'occasion de cet accident avant de recevoir copie du dossier par le Parquet : le courrier en date du 17 avril 2008 du délégué du procureur qui lui répond.

'J'ai bien reçu copie de votre courrier du 10 avril 2008 par lequel vous exprimiez le souhait d'obtenir une copie du procès-verbal concernant votre salarié... je ne peux accéder à votre demande... '

Comment l'employeur aurait-il pu savoir qu'une procédure pénale visant son salarié à l'occasion d'une agression dont celui-ci avait été victime était devant le délégué du Procureur si son salarié ne lui en avait préalablement parlé '

Au vu de cette analyse et contrairement aux premiers juges, la Cour considère que la Société E.T.R. ne rapporte pas la preuve qu'elle n'avait pas une connaissance suffisamment précise des faits qu'elle a reprochés à son salarié pour fonder un licenciement pour ne le licencier que sept mois après l'accident.

La Cour estime cependant que le licenciement de M. [S] [I] ne peut être frappé de nullité.

En effet, si la lettre portant convocation à l'entretien préalable au licen-ciement a été transmise à M. [S] [I] le 7 mai 2008 alors que le contrat de travail de celui-ci était suspendu pour cause de maladie, la notification du licenciement du salarié n'est intervenue que le 22 mai 2008, M. [S] [I] ayant entre temps subi la visite obligatoire de la médecine du travail qui l'avait déclaré apte à la reprise depuis le 13 mai 2008.

En conséquence, le contrat de travail n'était plus suspendu au moment de la notification au salarié de son licenciement et ce licenciement est donc régulier en la forme.

Par contre au vu de ce qui précède, le licenciement de M. [S] [I] est fondé sur des faits prescrits est sans cause réelle et sérieuse et il convient de réformer la décision des premiers juges en en tirant les conséquences de droit.

En conséquence, la SAS E.T.R. versera à M. [S] [I] les sommes suivantes :

- la somme de 773,23 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied outre 77,32 € de congés payés afférents,

- la somme de 7.989,46 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 798,94€ au titre des congés payés afférents.

La Cour estime qu'au regard de l'ancienneté de M. [S] [I] et du préjudice subi par lui, il convient de lui accorder la somme de 10.000 € de dommages et intérêts.

La Société E.T.R. disposant de plus de 44 salariés, en application de l'article 1235-4 du code du travail, la Cour ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de M. [S] [I] à concurrence de trois mois.

- Sur les autres demandes

En vertu du contrat de travail liant M. [S] [I] à la Société E.T.R.

'Le treizième mois de rémunération est versé mensuellement sur la base de 1/12ème de salaire brut soit 292 €. En cas de mois incomplet de travail ou de cessation de contrat en cours de mois, ledit montant sera égal à un prorata calculé en fonction de la période de travail effectif'.

M. [S] [I] a été privé du paiement du 13ème mois à compter de novembre 2007 et ce jusqu'à la rupture de son contrat de travail, en dépit des dispositions relatives au maintien du salaire pendant la période de suspension du travail. La Cour lui allouera donc la somme de 2.687,40 € de ce chef, les premiers juges n'ayant pas répondu à cette demande.

Au visa de l'article 1153 du code civil, M. [S] [I] sera débouté de sa demande tendant à voir les condamnations à son profit assorties de l'intérêt légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes.

La SAS E.T.R. devra remettre à M. [S] [I] une attestation Pôle Emploi rectifiée et un bulletin de salaire rectifié pour le mois de mai 2008.

L'équité et les circonstances de la cause justifient de condamner la SAS E.T.R. à verser à M. [S] [I] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS E.T.R. sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

' dit que le licenciement de M. [S] [I] repose sur des faits prescrits et que dés lors il est sans cause réelle et sérieuse,

' condamne la SAS E.T.R. à verser à M. [S] [I] les sommes suivantes :

- la somme de 773,23 € (sept cent soixante treize euros et vingt trois centimes) à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied outre 77,32 € (soixante dix sept euros et trente deux centimes) de congés payés afférents,

- la somme de 7.989,46 € (sept mille neuf cent quatre vingt neuf euros et quarante six centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 798,94 € (sept cent quatre vingt dix huit euros et quatre vingt quatorze centimes) au titre des congés payés afférents,

- la somme de 10.000 € (dix mille euros) de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- la somme de 2.687,40 € (deux mille six cent quatre vingt sept euros et quarante centimes) à titre de rappel de salaires (13ème mois),

' condamne la SAS E.T.R. à remettre à M. [S] [I] une attestation Pôle Emploi rectifiée et un bulletin de salaire rectifié pour le mois de mai 2008,

' déboute M. [S] [I] du surplus de sa demande,

' ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de M. [S] [I] à concurrence de trois mois,

' dit que conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le Greffe transmettra copie de la présente décision à la Direction Générale de Pôle Emploi TSA 32001- 75987 Paris cédex 20,

' condamne la SAS E.T.R. à verser à M. [S] [I] la somme de 1.000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne la SAS E.T.R. aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Signé par Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller, faisant fonction de Président, et par AM. Lacour-Rivière Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

AM. Lacour-Rivière R. Duval-Arnould


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/06031
Date de la décision : 30/11/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/06031 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-30;09.06031 ?
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