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09/11/2010 | FRANCE | N°09/05536

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 09 novembre 2010, 09/05536


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 09 NOVEMBRE 2010



(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/05536











EPIC la Monnaie de [Localité 4]



c/



Monsieur [J] [W] [H]













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 09 NOVEMBRE 2010

(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/05536

EPIC la Monnaie de [Localité 4]

c/

Monsieur [J] [W] [H]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 1er juillet 2009 (R.G. n° F 08/01166) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 24 septembre 2009,

APPELANTE :

EPIC la Monnaie de [Localité 4], agissant en la personne de son représentant

légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Représentée par Maître Saskia Henninger, avocat au barreau de Paris,

INTIMÉ :

Monsieur [J] [W] [H], né le [Date naissance 2] 1956, demeurant [Adresse 3],

Représenté par Maître Agnès Courty, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 septembre 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. [J] [H] a été engagé en qualité d'ouvrier d'Etat par la Direction des Monnaies et Médailles le 12 juillet 1976.

Par la suite, il est devenu Agent de Sûreté.

Le 18 janvier 2002, était trouvé dans son sac personnel, un sachet de plastique contenant 360 pièces de 2 euros.

Ce même jour, il faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire et après respect de la procédure interne, il était licencié pour faute grave le 6 mars 2002.

Parallèlement, il était convoqué devant le Tribunal Correctionnel et par jugement en date du 28 juin 2002, il était relaxé du chef de tentative de vol.

Le 19 mai 2008, M. [H] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux aux fins de contester les motifs de son licenciement et formait les réclamations suivantes :

- 5.970,94 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 597,09 euros au titre des congés payés afférents

- 10.945,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 75.000,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3.000,00 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 1er juillet 2009, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Industrie, a estimé que les faits qui lui étaient soumis, ne pouvaient être considérés comme une faute grave mais qu'il avait commis une faute, dans la mesure où il n'avait pas à tester les systèmes de sécurité. Il a considéré que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et a condamné l'EPIC de la Monnaie de [Localité 4] au paiement des sommes suivantes :

- 5.970,94 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 597,09 euros au titre des congés payés afférents

- 10.945,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 700,00 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a ordonné que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts.

M. [H] a régulièrement relevé appel du jugement.

Par conclusions déposées le 28 septembre 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, il soutient que son licenciement doit être considéré comme étant dénué de cause réelle et sérieuse et outre les demandes d'indemnités de préavis et de licenciement il sollicite également une indemnité de 75.000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par conclusions déposées le 20 juillet 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, l'EPIC La Monnaie de [Localité 4] forme appel incident, soutient que le licenciement est justifié par une faute grave et subsidiairement s'oppose au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis qui est prescrite et demande que l'indemnité de licenciement soit limitée à 6.523,45 euros.

MOTIFS DE LA DECISION

La lettre de licenciement adressée le 6 mars 2002 à M. [H] dont les termes fixent les limites du litige est ainsi rédigée :

'Le 18 janvier 2002, vous avez été convoqué par M. [C] responsable contrôle et de la sécurité à l'établissement monétaire de [Localité 5] à la suite de la découverte dans votre sac personnel entrouvert, d'un sachet contenant un nombre important de pièces de monnaie.

Vous avez alors reconnu avoir prélevé ces pièces à l'atelier de conditionnement et indiqué pour vous justifier que vous vouliez faire en qualité d'agent de sûreté, un test de fonctionnement des appareils de détection de masse métallique.

Vous avez opéré dans le plus grand secret un prélèvement qui s'est avéré porter sur 360 pièces de 2 euros.

Outre le fait que vous n'êtes pas chargé de procéder à des tests de détection une telle opération n'aurait pu se dérouler sans au moins prévenir le responsable du contrôle et de la sûreté ainsi que le chef de l'atelier de conditionnement.

De plus, dans le cadre d'un test l'utilisation d'un sac personnel et d'une telle quantité de pièces de la valeur faciale la plus élevée ne peut se justifier. Enfin à l'issue d'un test vous auriez dû en référer immédiatement à votre chef de service, ce que vous n'avez pas fait.

Les explications que vous m'avez fournies au cours de l'entretien du 8 février 2002 ainsi que celles que vous avez exposé au cours du conseil de discipline, ne m'ont pas paru satisfaisantes.'

L'employeur ayant retenu l'existence d'une faute grave, a la charge de la preuve.

Pour considérer que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse et écarter la faute grave, le premier juge, après avoir rappelé la chronologie des faits du 18 janvier au matin, a pris en compte le fait que l'EPIC la Monnaie de [Localité 4] ne pensait pas que la tentative de vol était caractérisée et qu'effectivement un doute existait sur la réalité de cette intention frauduleuse. En revanche, il a considéré qu'il n'entrait pas dans les fonctions de M. [H] de faire des tests de sécurité et que ce comportement fautif justifiait le licenciement.

Au soutien de son appel, M. [H] rappelle qu'il ne peut plus être licencié du fait d'une tentative de vol et que pour le surplus, il est établi que les mesures de sécurité qui protégeaient la zone de fabrication des pièces de monnaie n'étaient pas fiables.

Il soutient qu'il n'a choisi des pièces de 2 euros qu'en raison de l'impor-tance de la masse métallique ainsi sortie et qu'il avait déjà averti ses supérieurs des défaillances du système des portiques de sécurité.

Il estime qu'en réalité, il n'aurait été licencié que parce que l'on voulait supprimer les ouvriers d'Etat.

Les parties conviennent de ce que l'existence d'une tentative de soustrac-tion frauduleuse ne peut être retenue, en raison de la décision de relaxe devenue définitive prononcée par le Tribunal Correctionnel, le doute devant profiter tant au prévenu qu'au salarié.

M. [H] était agent de sûreté et il était notamment chargé de la surveillance de la zone hautement sécurisée où se fabriquent les monnaies et il devait veiller à ce qu'aucune sortie de métal ne puisse intervenir.

Le matin des faits, il avait pris son service très tôt comme à l'accoutumée et a ramené de la zone ultra sécurisée où étaient fabriqués les euros un sac plastique contenant 360 pièces de deux euros, sac habituellement utilisé comme conditionnement des pièces.

Son chef de service n'étant pas encore arrivé, il laissait son sac personnel ouvert, avec à l'intérieur le sac de pièces de monnaie et se rendait à la coopérative. Le sac était laissé sur un bureau dans le local de surveillance.

Son collègue à sa prise de fonction voyant ce sac de pièces sur le dessus du sac de M. [H], avisait son chef de service de cette découverte.

M. [H] en rentrant de la coopérative vers 9 heures 45 allait chez son chef de service et expliquait qu'il avait voulu démontrer que les portiques de sécurité n'étaient pas fiables et ne détectaient pas les métaux, contrairement à ce qui était leur destination.

Il est manifeste que l'intention frauduleuse n'était pas caractérisée, M. [H] ayant laissé ces pièces en évidence, sur son sac dans un local ouvert à ses collègues alors qu'il avait tout loisir, compte tenu de l'heure matinale et de ce qu'il était seul sur le lieu de travail, de les enfermer dans son vestiaire personnel.

Le Tribunal Correctionnel l'a relaxé au bénéfice du doute et effectivement, la tentative de vol n'était pas caractérisée.

Il ressort des éléments du dossier et notamment de pièces produites par M. [H], que le système de sécurité n'était pas fiable et que ces lacunes étaient connues de l'employeur. Dès lors, la thèse soutenue par M. [H] selon laquelle il avait ainsi procédé pour faire un test démontrant l'échec des portiques de sécurité, est parfaitement vraisemblable.

En effet, même si comme le fait remarquer la Monnaie de [Localité 4], il n'entrait pas dans les compétences de M. [H] de faire ce genre de vérification, il ne peut être sérieusement soutenu que cette démarche puisse constituer autre chose qu'un compor-tement maladroit et peu adapté. En tout état de cause, compte tenu de l'ancienneté de M. [H] et de son absence d'antécédent disciplinaire, ce fait qui lui était reproché ne pouvait constituer une cause sérieuse de licenciement et a fortiori une faute grave. L'EPIC de la Monnaie de [Localité 4] qui n'ignorait pas les lacunes de ces portiques de détection n'a subi aucun préjudice et si le comportement de M. [H] a pu apparaître critiquable, ce fait n'apparaissait pas suffisamment sérieux pour justifier un licen-ciement.

Compte tenu de l'ancienneté de M. [H], de l'impact qu'a eu sur son équilibre cette mesure de licenciement et de ses difficultés à retrouver un travail, la Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à 50.000 euros l'indemnité due pour ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié demandant sa réintégration mais l'employeur n'y étant pas favorable.

C'est à tort que le premier juge a fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis celle-ci étant de nature salariale et se trouvant donc soumise à la prescription quinquennale et cet argument pouvant être soulevé à tout moment.

Les parties sont en désaccord sur le calcul d'indemnité de licenciement. Il est exact que seule l'indemnité de licenciement légale est due et le calcul fait par le salarié doit être homologué, compte tenu des dispositions de l'article L 1234-9 du code du travail.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

L'équité commande d'allouer à M. [H] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' confirme partiellement le jugement en ce qu'il a condamné l'EPIC la Monnaie de [Localité 4] à verser à M. [H] une indemnité de licenciement d'un montant de 10.945 euros (dix mille neuf cent quarante cinq euros) ainsi qu'une indemnité de procédure,

' le réforme pour le surplus,

et statuant à nouveau :

' dit n'y avoir lieu à versement d'une indemnité compensatrice de préavis en

raison de la prescription quinquennale,

' condamne l'EPIC Monnaie de [Localité 4] à verser à M. [H], une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 50.000 euros (cinquante mille euros),

' dit que les intérêts au taux légal seront dus sur l'indemnité de licenciement depuis la saisine du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux et qu'ils seront calculés conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil,

' condamne l'EPIC Monnaie de [Localité 4] à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1.500 euros (mille cinq cents euros) à M. [H],

' met les dépens de la procédure de première instance et d'appel à la charge de l'EPIC Monnaie de [Localité 4].

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Françoise Atchoarena, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F. Atchoarena M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/05536
Date de la décision : 09/11/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/05536 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-09;09.05536 ?
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