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09/11/2010 | FRANCE | N°09/05333

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 09 novembre 2010, 09/05333


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 09 NOVEMBRE 2010



(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/05333











Madame [P] [M]



c/



S.A.S. Terroirs d'Exception













Nature de la décision : AU FOND









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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : ju...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 09 NOVEMBRE 2010

(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/05333

Madame [P] [M]

c/

S.A.S. Terroirs d'Exception

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 juillet 2009 (R.G. n° F 07/02616) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 17 septembre 2009,

APPELANTE :

Madame [P] [M], née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 3],

[Localité 3], de nationalité Française, profession cadre, demeurant [Adresse 2],

Représentée par Maître Caroline Dupuy, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

S.A.S. Terroirs d'Exception, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représentée par Maître Carole Moret, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 septembre 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le 24 avril 2006, Madame [P] [M] a été engagée en qualité d'intérimaire par la S.A.S. Terroirs d'Exception, qui est une société de négoce du Groupe Bernard Magrez commercialisant notamment auprès de la grande distribution, de nombreux vins issus de vignobles Bordelais, du Languedoc ou internationaux.

Le 7 août suivant, Madame [P] [M] a été engagée pour une durée indéterminée, en qualité d''Attachée d'Administration des Ventes', Niveau VII, Echelon A du Statut Cadre de la Convention Collective des Vins et Spiritueux.

Le 15 janvier 2007, Madame [P] [M] a, par lettre remise en main propre, été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement, pour le 23 janvier 2007.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 1er février 2007, reçue le 3 février 2007, Madame [P] [M] s'est vue notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse, les motifs invoqués étant treize insuffisances professionnelles ainsi qu'une attitude inadaptée malgré un rappel à l'ordre rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

Le 14 novembre 2007, Madame [P] [M] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux pour voir juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la S.A.S. Terroirs d'Exception au paiement des sommes suivantes :

- 22.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- 1.500 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

N'étant pas parvenues à un accord devant le bureau de conciliation, les parties ont été renvoyées devant le bureau de jugement.

Le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, présidé par le juge départiteur a, par jugement en date du 31 juillet 2009, débouté Madame [P] [M] de ses demandes.

Les premiers juges ont considéré que deux des treize griefs reprochés, à savoir une défaillance au niveau du suivi des paiement et le fait que Madame [P] [M] ne se soit pas occupée des ventes 'primeurs', étaient établis et ont en conséquence :

- constaté que, au sens de l'article L.1232-1 du Code du Travail, le licenciement de Madame [P] [M] apparaissait fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté Madame [P] [M] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fondée sur l'article L.1235-5 du même Code ;

- condamné Madame [P] [M] à verser à la S.A.S. Terroirs d'Exception une indemnité de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamné Madame [P] [M] aux entiers dépens de l'instance.

Le 17 septembre 2009, par déclaration faite au greffe de la Cour d'Appel de Bordeaux, Madame [P] [M] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, l'appelante considère que l'interprétation des faits donnée par le Conseil de Prud'hommes, pour déclarer le licenciement fondé, est erronée et qu'aucun des griefs retenus à son encontre ne constitue un motif légitime de licenciement.

Elle demande donc à la Cour de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence la S.A.S. Terroirs d'Exception au versement de 22.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article 1235-5 du Code du Travail.

Elle entend par ailleurs obtenir une indemnité de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la S.A.S. Terroirs d'Exception demande quant à elle la confirmation du jugement entrepris et à titre reconventionnel, la condamnation de Madame [P] [M] au paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION

En vertu de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La Cour devra former sa conviction au vu des éléments de preuve rapportés par les parties ; dans le cas où un doute subsisterait celui-ci devra profiter au salarié et ce conformément à l'article L.1235-1 du Code du travail.

La S.A.S. Terroirs d'Exception reproche à Madame [M] treize insuffisances professionnelles ainsi qu'une attitude inadaptée malgré un rappel à l'ordre.

La nature des griefs invoqués témoigne de ce que le licenciement est de nature personnel et non disciplinaire.

Madame [P] [M] ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés, elle soutient cependant d'une part, que les tâches dont il est fait état dans la lettre de licenciement ne relevaient nullement de sa compétence mais de celle de Madame [U] [S] sa supérieure hiérarchique et d'autre part, que l'employeur ne l'avait pas informée de certaine procédure à respecter.

Il appartient à la Cour, comme l'a fait le Conseil de Prud'hommes, d'analyser chaque grief invoqué au soutien du licenciement de Madame [P] [M] au regard des obligations contractuelles de la salariée.

- Sur l'alerte et le réapprovisionnement d'Euralog (le dépôt où est stocké le vin) tous les vendredis, dès atteinte du stock minimum :

En vertu de son contrat de travail, il appartenait à Madame [P] [M] d'anticiper les stocks épuisés en informant la force de vente et la Responsable de l'Administration des Ventes.

L'employeur reproche à Madame [P] [M] de ne pas avoir respecté la procédure mise en place pour remédier aux pertes de temps et ce malgré plusieurs rappels en présence de Madame [D] [E] (l'assistante personnelle de Monsieur [C]). Il précise par ailleurs que Madame [P] [M] n'a respecté cette obligation que tardivement ce qui a entraîné des réapprovisionnements après rupture.

Le Conseil de Prud'hommes, présidé par le juge départiteur, a jugé

'qu'il ne saurait être reproché à la salariée aucune défaillance sur ce point'.

L'employeur soutient que Madame [P] [M] était parfaitement informée des règles fixées par les Modes opératoires du Service Administration des Ventes du 10 juillet 2006 et de celui de Vente des Châteaux Grands Crus et qu'ainsi elle avait pour mission de contrôler le stock disponible, et de déterminer si le réapprovisionnement du dépôt central (Euralog) était nécessaire.

Madame [P] [M] soutient pour sa part que les tâches dont il est ici question étaient placées sous la responsabilité de Madame [U] [S]. Elle s'appuie au soutien de cette affirmation sur la fiche de poste de Madame [U] [S] au terme de laquelle celle-ci était chargée du 'suivi des stocks échantillons et des demandes de reconstitution du stock minimum Euralog'.

Elle précise par ailleurs que le mode opératoire n'était revêtu d'aucun caractère contradictoire et qu'il n'avait jamais été prévu d'alerter tous les vendredis Monsieur [C] des stocks et approvisionnements minimums, y compris dans le mode opératoire unilatéralement rédigé par l'employeur dont elle conteste la force probante.

Il apparaît que l'employeur ne rapporte pas la preuve que Madame [P] [M] ait été défaillante dans l'accomplissement de cette tâche.

La S.A.S. Terroirs d'Exception ne fournit en effet que le récapitulatif d'entrée des marchandises alors même qu'il n'est fourni aucun élément sur l'état des stocks avant ces entrées.

Enfin, le mode opératoire du 10 juillet 2006 ne prévoit nullement de faire un état du stock tous les vendredis mais simplement d'effectuer à cette date une vérification.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé qu'il ne saurait être reproché à la salariée aucune défaillance sur ce point

- Sur l'application correcte du tarif :

Par de justes motifs que la Cour adopte, le Conseil de Prud'hommes, présidé par le juge départiteur, a écarté au terme d'une motivation très détaillée une insuffisance professionnelle tirée du maintien de l'application des tarifs du 1er janvier 2006 sur les Grands Crus.

Il a, par ailleurs, relevé que compte tenu de la complexité des tarifs applicables et de l'imprécision des documents fournis d'autres salariés avaient également pu commettre des erreurs quant à l'application des tarifs.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur les auto contrôles de saisie :

En vertu de son contrat de travail, Madame [P] [M] avait pour mission la préparation, la saisie des commandes et l'exécution des commandes de la saisie sur ordre du client ou du commercial à l'envoi de la facture.

La S.A.S. Terroirs d'Exception fait grief à Madame [P] [M] de ne pas avoir respecté la procédure prévue au Chapitre IV du Mode Opératoire du 10 juillet 2006 visant à vérifier la cohérence entre les informations transmises par les commerciaux et le libellé des 'Gencods'.

L'employeur soutient qu'il appartenait à Madame [P] [M] de contrôler les saisies et de confirmer celles-ci aux clients afin d'éviter des refus de commandes ou des litiges relatifs aux «Gencods » avec les magasins. Les 'Gencods' permettent l'identification d'un produit, il s'agit d'un code identique quelque soit le détenteur du produit.

Ce grief concerne plus particulièrement une commande de Monsieur [G] commercial de la S.A.S. Terroirs d'Exception.

L'appelante conteste le caractère contradictoire du mode opératoire allégué et estime que l'erreur qui lui est reprochée est imputable au commercial. Elle soutient que ce dernier a commis une erreur sur le nom du château ainsi que sur le millésime des produits commandés.

Madame [P] [M] fait valoir par ailleurs qu'elle était dans l'incapacité de contrôler la cohérence entre les informations fournies et les 'Gencods' dans la mesure où elle ne détenait pas ces 'Gencods' sur le logiciel mis à sa disposition.

De plus, l'employeur ne démontre pas que la salariée ait eu pour mission d'effectuer ce contrôle.

Par ailleurs, à l'occasion de la lettre de recommandation rédigée par Madame [S], celle-ci relève une maîtrise des outils informatiques avec des erreurs de saisie quasi nulles de la part de Madame [P] [M].

La nature de l'erreur n'est pas clairement déterminée et surtout, la palette contenant la commande litigieuse avait été acceptée et la journée de découverte des vins avait connu un succès notable. En effet, aucun retour négatif n'avait été déploré ce qui signifie en conséquence que les erreurs sur une seule commande n'ont eu aucune incidence.

Par ailleurs, Madame [P] [M] soutient ne pas avoir été en mesure d'effectuer informatiquement le contrôle en question en effet, la salariée fait valoir qu'elle ne détenait pas les 'Gencods' sur le logiciel mis à sa disposition.

En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la S.A.S. Terroirs d'Exception ne saurait exiger l'exécution d'une prestation précise sans justifier avoir donné les moyens à ses salariés de l'exécuter.

- Sur l'envoi de confirmation de commandes aux clients :

Comme il a pu être précédemment relevé, Madame [P] [M] avait pour mission la préparation, la saisie des commandes et l'exécution des commandes de la saisie sur ordre du client ou du commercial à l'envoi de la facture.

L'employeur reproche à son ancienne salariée de ne pas avoir envoyé les confirmations de commandes aux clients destinées à éviter des refus de livraisons ou des problèmes de non-conformité intempestifs.

La S.A.S. Terroirs d'Exception fait valoir que des erreurs avaient été commises par Madame [P] [M] sur les fiches clients, notamment concernant les 'Gencods' ce qui a, d'après l'employeur, engendré des confusions et des erreurs successives et en définitive des réclamations de clients.

La salariée allègue pour sa part avoir systématiquement envoyé les confirmations de commandes par fax aux clients en gardant les accusés réception dans les dossiers.

Elle reconnaît néanmoins ne pas avoir toujours pu assumer cette tâche à l'occasion des périodes de surcharge d'activité lors des foires aux vins notamment (en août et septembre 2006).

Madame [P] [M] précise que durant ces périodes de surcharge d'activité elle était seule et n'avait aucune assistante pour la seconder dans ses tâches.

Néanmoins, il convient de noter que ni la fiche de poste ni le mode opératoire n'indique qu'il appartenait à la salariée d'adresser ces confirmations.

La S.A.S. Terroirs d'Exception ne produit aucune pièce attestant de réclamations faites par les clients de la Société au commercial, la preuve des difficultés dues à l'absence de confirmation des commandes n'est nullement rapportée par l'employeur.

La Cour devra ainsi confirmer le jugement entrepris sur ce point en ce qu'il a relevé que cette allégation apparaissait douteuse et qu'en conséquence ce grief ne pouvait être retenu.

- Sur les commandes de matériel de dégustation :

En vertu de son contrat de travail, Madame [P] [M] avait pour mission la préparation, la saisie des demandes d'échantillons et des réservations non facturées ainsi que le suivi des échantillons.

Le Conseil de Prud'hommes a relevé à bon droit que la fiche de poste de Madame [P] [M] ne comprenait que les attributions concernant les échantillons et en aucun cas les kits dégustation.

Madame [U] [S] quant à elle, aux termes de sa définition de fonction, était responsable de 'l'organisation des différentes manifestations et dégustations concernant son secteur'.

Ainsi, c'est à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a jugé qu'il ne saurait être reproché à Madame [P] [M] aucune défaillance sur ce point.

- Sur le mode opératoire de reporting :

En vertu de sa définition de poste, il n'appartenait nullement à Madame [P] [M] d'établir des rapports ou des comptes rendus périodiques.

L'employeur reproche néanmoins à son ancienne salariée de ne pas avoir communiqué un certain nombre de rapports et de compte-rendus comme la liste des bons non encore saisis ou celle faisant état des stocks indisponibles ou encore le reporting concernant les produits en propriété demandés en conditionnement, les anomalies logistiques quelqu'elles soient et un état hebdomadaire et mensuel des commandes et autres données relatives aux ventes.

La Société soutient que Madame [P] [M] a bénéficié d'une aide dans l'accomplissement de cette tâche.

Enfin, l'employeur fait valoir que l'importance du reporting avait été rappelé à la salariée dans plusieurs emails ainsi qu'à l'occasion d'une note interne.

Madame [P] [M] fait valoir pour sa part qu'il apparaît particulièrement curieux de faire état de ce grief pour la première fois dans le cadre de la lettre de rupture alors que la salariée ne s'est jamais vu reprocher de ne pas avoir réalisé les reportings dont il est fait état.

Elle souligne par ailleurs ne jamais avoir bénéficié d'une aide de la part de Madame [A] (Attachée Administration Des Ventes Export).

Par ailleurs, Madame [E] (Assistante personnelle de Monsieur [C])  ne l'aidait d'après elle que très rarement et enfin Madame [W] (du service comptabilité) était formée pour assister Madame [P] [M] en cas de besoin alors que cette tâche n'entrait nullement dans ses attributions. De plus, l'appelante souligne que cette aide avait été très brève dans la mesure où elle s'était limitée à la veille du début des foires aux vins d'automne 2006.

Madame [P] [M] allègue enfin qu'elle réclamait une aide depuis plusieurs mois.

La S.A.S. Terroirs d'Exception produit le 'Mode Opératoire' du Service Administration des Ventes du 10 juillet 2006. L'article VI de ce document est en effet consacré à ce reporting.

Or, comme l'a relevé le Conseil de Prud'hommes, il apparaît que cette instruction ne s'adressait pas à Madame [P] [M] mais bien à Madame [S] dans la mesure où il est indiqué qu'une collecte d'informations devait être effectuée auprès de Madame [V] et de Madame [P] [M] ce qui sous entend que ce reporting à Monsieur [C] est en définitive le résultat d'une collecte d'informations effectuée auprès de Madame [P] [M] et de Madame [V].

Par ailleurs, c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que le seul courriel en lien avec le reporting est celui du 14 août 2006. Ce dernier invite Madame [P] [M] ainsi que Madame [A] à lui remettre chaque matin à 9 heures un compte-rendu des anomalies logistiques et des problèmes de disponibilité, or aucun élément ne permet d'établir que Madame [P] [M] n'a pas donné suite à cette demande.

Ainsi, comme l'a décidé le Conseil de Prud'hommes, le doute existant sur ce point précis doit profiter à la salariée.

- Sur les indisponibilités :

C'est à bon droit que le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a jugé que la S.A.S. Terroirs d'Exception fait simplement état de courriels ou de notes et ne formule aucun grief ni dans la lettre de rupture ni dans ses conclusions.

- Sur le suivi des paiements :

En vertu de la fiche de poste de Madame [P] [M] celle-ci

devait assurer cette tâche et ce sans plus de précision.

L'employeur soutient qu'au regard de sa fiche de fonctions et du mode opératoire du 10 juillet 2006 le suivi des règlements et les relances incombaient à la salariée, et que, contrairement à ses allégations, elle était parfaitement formée pour le faire et que c'est à tort qu'elle soutient que la responsabilité de cette tâche incombait à sa responsable.

La S.A.S. précise par ailleurs que les montants considérables des impayés de son secteur ont compromis l'équilibre financier de sa trésorerie alors même que ses deux collègues, Madame [A] et Madame [B] ont pu relancer de nombreux clients pour un montant respectif de 138.000 et 111.200 euros.

Madame [P] [M] soutient quant à elle que seule Madame [S] était en mesure de s'occuper des relances puisqu'elle était la seule à détenir sur son ordinateur le logiciel de comptabilité permettant de connaître le montant des sommes restant dues par les clients ce qui lui permettait notamment d'imprimer des lettres type de relance client.

L'appelante soutient que le logiciel adapté pour ce type de tâche a été installé sur son ordinateur à la fin du mois de janvier 2007 c'est-à-dire seulement quelques jours avant son départ de l'entreprise.

Madame [P] [M] reconnaît s'être exceptionnellement occupée des relances clients au mois d'août en se conformant strictement aux instructions qu'elle avait pu recevoir concernant ces relances précises.

L'employeur produit un document (pièce 19) faisant état du montant des impayés pour les mois d'octobre, de novembre et de décembre 2006.

Ce document ne prouve en rien qu'il incombait à Madame [P] [M] de procéder au recouvrement de ces impayés.

De plus, la salariée souligne à bon droit que la colonne 'Agent' laisse apparaître de manière claire que pas moins de 12 personnes étaient chargées d'intervenir au niveau du recouvrement.

En conséquence, ces éléments ne sont pas de nature à caractériser un grief imputable personnellement à Madame [P] [M], le jugement déféré devra être réformé en ce qu'il a considéré que ce grief était établi.

- Sur la vérification des réservations :

En vertu du contrat de travail, il incombait à Madame [P]

[M] de préparer et saisir les demandes de réservations non facturées.

L'employeur lui reproche dans la lettre de licenciement de ne pas avoir vérifié les réservations perturbant ainsi considérablement la disponibilité des stocks et contraignant Monsieur [C] à intervenir personnellement afin de le faire réaliser en décembre à Monsieur [T] dont ce n'était pas la fonction.

Madame [P] [M] fait valoir pour sa part qu'il s'agit d'un grief particulièrement général qui n'est étayé par aucune pièce.

En conséquence, le Conseil de Prud'hommes a relevé à bon droit que l'employeur ne produisait aucun élément justifiant d'un quelconque dysfonction-nement et qu'ainsi il ne saurait être reproché à la salariée aucune défaillance sur ce point.

- Sur l'organisation, le suivi du chargement et l'expédition des commandes :

En vertu de son contrat de travail, ces activités relèvent des tâches confiées à Madame [P] [M] dans le cadre de son contrat de travail.

La Société fait état de la non application des principes de base ayant eu pour conséquence des dysfonctionnements dans les livraisons du fait d'expéditions non suivies ou suivies de manière inefficace auprès du transporteur.

Elle précise par ailleurs que certains clients ont fait par de leur mécontentement.

L'employeur produit les comptes-rendus hebdomadaires des deux commerciaux faisant état des mécontentements de clients ou des dysfonctionnements dans les livraisons sans démontrer les causes de ces difficultés ni même les directives données à la salariée pour accomplir au mieux cette tâche.

L'employeur ne rapporte pas la preuve de fautes personnellement imputables à Madame [P] [M] ainsi, les premiers juges ont à bon droit écarté ce grief.

- Sur le suivi du portefeuille de commandes :

Il entrait bien dans les fonctions de Madame [P] [M] d'effectuer ce suivi.

L'employeur déplore avoir été contraint de demander à Monsieur [T] de vérifier si le portefeuille de commandes était suivi, ce dernier ayant constaté que le portefeuille de commandes contenait des commandes non suivies depuis 2005.

La S.A.S. Terroirs d'Exception soutient que ce suivi est un point fondamental de la mission de la salariée qui malgré un courriel et des remarques verbales n'a pas assuré cette tâche.

La Société détaille par ailleurs précisément l'ensemble des commandes qui n'auraient pas été suivies.

Madame [P] [M] fait valoir que la Société fait état de commandes non suivies depuis 2005 alors qu'elle n'est entrée au service de la Société que le 24 avril 2006.

Par ailleurs, Madame [P] [M] indique que les commandes visées constituaient des réservations et non de véritables commandes.

Elle allègue par ailleurs que seule Madame [S] disposait d'un logiciel qu'elle maîtrisait parfaitement et qui lui permettait d'établir un suivi des réservations.

Elle précise enfin que Madame [S] était en contact direct et permanent avec les Commerciaux, que c'est elle qui éditait les tableaux et les statistiques et faisait le point sur tout ce qui concernait les réservations avec Monsieur [T].

Au regard des éléments produits par les parties et comme l'a relevé le Conseil de Prud'hommes, Madame [P] [M] était effectivement chargée d'assurer l'enregistrement des réservations mais non leur suivi.

Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'il ne pouvait être reproché à la salariée aucun manquement sur ce point.

- Sur les ventes 'primeurs' :

En vertu de son contrat de travail, il appartenait à Madame [P] [M] d'assurer le suivi des ventes primeurs, le suivi de la gestion des réservations, l'assurance et la commande aux ordres de fabrication.

L'employeur au soutien du licenciement reproche à Madame [P] [M] de n'avoir pas souhaité 'se préoccuper' de ces ventes.

Il précise avoir été contraint, du fait de son refus, de demander à Madame [E] de s'en occuper en Décembre

Madame [P] [M] ne conteste pas que cette tâche faisait partie intégrante de sa fonction mais elle soutient néanmoins que l'employeur ne lui avait pas demandé de s'occuper de ces ventes primeurs.

Madame [P] [M] précise que les primeurs supposent une gestion spécifique qui aurait nécessité une formation en ce sens.

Le Conseil de Prud'hommes a considéré que ce grief était établi dans la mesure où cette tâche relevait exclusivement des fonctions de la salariée pour son secteur de compétence.

Or, l'employeur ne démontre pas avoir donné des instructions à Madame [P] [M] sur les ventes primeurs et ne lui a par ailleurs pas permis de se former afin d'être en mesure d'effectuer correctement cette mission.

En conséquence le jugement déféré devra être réformé sur ce point, il appartenait à l'employeur de donner des instructions à Madame [P] [M] sur ce point et de lui permettre d'acquérir les compétences nécessaires pour mener à bien cette mission par le biais d'une formation adéquate.

- Sur l'incident de livraison concernant le centre Leclerc de [Localité 5] :

Par de justes motifs que la Cour adopte, le Conseil de Prud'hommes,

présidé par le juge départiteur, a écarté au terme d'une motivation très détaillée une insuffisance professionnelle tirée d'un incident de livraison concernant le centre Leclerc de [Localité 5].

Il ne saurait en conséquence être reproché à la salariée aucune défaillance sur ce point.

En conséquence, aucun des griefs allégués n'étant établi, Madame [P] [M] a fait l'objet d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré ayant constaté que le licenciement de la salariée apparaissait fondé sur une cause réelle et sérieuse devra être réformé.

En fonction des circonstances de la rupture du contrat de travail, de la période de précarité postérieure au licenciement qu'a subi Madame [P] [M] qui travaille dorénavant à Londres, la Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à la somme de 10.000 euros les dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse alloués à la salariée dans le cadre des dispositions de l'article L.1235-5 du Code du travail.

L'équité commande d'allouer à Madame [P] [M] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' réforme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau :

' condamne la S.A.S. Terroirs d'Exception à verser à Madame [P] [M] la somme de 10.000 euros (dix mille euros) au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-5 du Code du travail,

' condamne la S.A.S. Terroirs d'Exception à verser à Madame [P] [M] la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne la S.A.S. Terroirs d'Exception aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Françoise Atchoarena, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F. Atchoarena M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/05333
Date de la décision : 09/11/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/05333 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-09;09.05333 ?
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