COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 04 NOVEMBRE 2010
(Rédacteur : Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président)
SÉCURITÉ SOCIALE
N° de rôle : 09/06802
FC
La SARL PAPETERIE PRAT DUMAS
c/
Monsieur [O] [S]
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DORDOGNE
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 septembre 2009 (R.G. n°2006/327) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de DORDOGNE, suivant déclaration d'appel du 26 novembre 2009,
APPELANTE :
La SARL PAPETERIE PRAT DUMAS, agissant en la personne de son
représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,
[Adresse 3]
représentée par Maître Alix PIOT loco Maître Annie BERLAND, avocats au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Monsieur [O] [S]
le 9 mai 1955 à Campsecret, profession : ouvrier d'usine, de nationalité française
demeurant [Adresse 4]
représenté par Monsieur [J] [A] de la FNATH de la Dordogne, muni d'un pouvoir régulier,
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DORDOGNE,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
non comparante, non représentée, bien que régulièrement convoquée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 septembre 2010, en audience publique, devant Madame Raphaëlle DUVAL-ARNOULD, Conseiller chargée d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président,
Monsieur Jacques DEBÛ, Conseiller,
Madame Raphaëlle DUVAL-ARNOULD, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Chantal TAMISIER,
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 24 mars 2003 Monsieur [O] [S], employé en qualité de 'gouverneur' par la SA PAPETERIES DUMAS (LA SA), a été victime d'un accident du travail, son bras droit ayant été happé entre le feutre et le rouleau de la machine à papier, provoquant une fracture de l'humérus droit avec paralysie radiale, des brûlures et plaies de la main gauche ;
l'état de santé de Monsieur [S] a été déclaré consolidé le 14 novembre 2005,
un taux de l'IPP de 36 % lui a été attribué.
Le 13 décembre 2005 Monsieur [S] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Dordogne d'une demande tendant à ce qu'il soit jugé que la SA avait commis une faute inexcusable.
Par jugement du 10 septembre 2009 le tribunal des affaires de sécurité sociale a statué ainsi :
'Dit que l'accident du travail dont a été victime M. [O] [S] le 24 avril 2003 relève d'une faute inexcusable de son employeur la S.A. PRAT-DU MAS ;
Fixe la majoration de la rente au maximum légal ;
Ordonne une expertise médicale de M. [O] [S] afin de déterminer ses préjudices indemnisables au sens de la législation des accidents du travail et commet pour y procéder le docteur [T] [X], demeurant, [Adresse 1], qui aura pour mission de :
$gt;convoquer les parties ;
$gt;rassembler et analyser tous documents utiles ;
$gt;examiner M. [O] [S] ;
$gt;décrire les lésions qu'il présentait après l'accident du 24 avril 2003 et les séquelles qu'elles ont laissé subsister ;
$gt;fournir tous éléments permettant de fixer le montant des indemnités réparant les préjudices suivants
-souffrances physiques et morales endurées ;
-préjudice esthétique ;
-préjudice d'agrément ;
-perte ou diminution des possibliités de promotion professionnelle ;
Dit que l'expert déposera un rapport de ses opérations dans les trois mois du jour où il sera saisi de sa mission et qu'en cas d'empêchement ou de refus il sera pourvu à son remplacement ;
Dit que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la DORDOGNE fera l'avance d'une somme de 2.000 euros à titre d'indemnité provisionnelle versée à M. [O] [S] à valoir sur la réparation de son préjudice
Condamne la S.A. PRAT-DU MAS à payer à M. [O] [S] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.'
La SA a interjeté appel de cette décision ;
par conclusions déposées et développées à l'audience elle demande à la Cour de :
- infirmer le jugement,
- dire qu'elle n'a commis aucune faute,
- débouter Monsieur [S] de ses demandes.
De son côté Monsieur [S] par conclusions écrites déposées et développées à l'audience demande à la Cour de confirmer le jugement.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne, régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception dont elle a signé l'accusé de réception le 5 mai 2010 n'a pas comparu.
DISCUSSION
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; le manquement à cette obligation a le caractère de faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Pour dire que la SA a commis une faute inexcusable le premier juge a retenu principalement 'compte tenu de la taille importante de la machine en cause l'employeur aurait du avoir conscience du caractère tentant pour ses salariés d'emprunter le passage litigieux afin de gagner du temps en évitant de gagner quelques mètres de plus pour rejoindre le côté opposé de la machine',
toutefois il n'est pas démontré que les salariés ou même Monsieur [S] empruntaient habituellement ou normalement les lieux par lesquels Monsieur [S] est passé.
La 'fiche de fonction gouverneur' précise que titulaire du poste Messieurs [S] et [H], ont pour tâche notamment 'la préparation des piles en fonction de la qualité du papier......aide au conducteur en cas de besoin, contrôle de la pâte..;'il est reconnu que Monsieur [S] avait notamment pour fonction l'entretien de la machine.
Monsieur [S] prétend que la SA ne pouvait ignorer que le passage qu'il a emprunté habituellement au niveau de la partie essorage de la machine pour accéder à son poste de travail présentait un danger, Monsieur [B] [I], contrôleur sécurité du département des risques professionnels à la caisse des risques professionnels de la caisse régionale d'assurance maladie de d'Aquitaine ayant effectué un contrôle fin 2001 ainsi qu'il résulte de la pièce n°7,
Monsieur [D] [U], ancien chef de fabrication ayant précisé :
' lors d'une visite d'un inspecteur de la CRAMA, Monsieur [I], les points entrants de la machine à papier ont été consignés dans un rapport. Ces points entrant étaient estimés très dangereux par Monsieur [I]. Aucune mesure de protection n'a été prise contre ces points entrants' ;
la SA de plus n'ayant engagé aucune action d'information, de formation et de prévention, des risques professionnels.
Toutefois :
- si la CRAMA atteste que Monsieur [I], contrôleur sécurité a visité la SA en fin d'année 2001, aucun procès-verbal de cette visite n'est produit,
- le contrôleur du travail de la DDET de la Dordogne dans son rapport du 15 décembre 2008 précise qu'un contrôle a eu lieu dans l'entreprise le 27 novembre 2008 en présence d'une inspectrice du travail, d'un ingénieur de prévention de la DDET et ne préconise aucune mesure particulière au regard de la protection du passage où a eu lieu l'accident, et il n'est pas allégué que ces lieux aient été modifiés,
- quoiqu'il en soit des obligations de formation, d'information et de prévention des risques, Monsieur [H], délégué du personnel exerçant les mêmes fonctions que Monsieur [S] a régulièrement attesté :
'Je travaille dans l'entreprise depuis 14 ans et je n'ai jamais vu d'accident dans l'entreprise de papier, le mécanicien n'a pas fait de travaux de sécurisation depuis que je suis conducteur' ajoutant précisément 'le gouverneur ne doit pas passer sous le transporteur de la machine sauf en cas de panne', ce que ne pouvait ignorer Monsieur [S] et ce dernier n'établit nullement qu'il empruntait normalement le passage pendant que la machine était en marche.
Dans ces conditions il ne peut être prétendu que la SA avait conscience du danger auquel s'est exposé volontairement le salarié dans les conditions décrites plus haut.
Le jugement doit être réformé et Monsieur [S] débouté de ses demandes.
DÉCISION
Par ces motifs,
La Cour,
Réforme le jugement,
Déboute Monsieur [O] [S] de toutes ses demandes.
Signé par Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président, et par Chantal TAMISIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
C. TAMISIER B. FRIZON DE LAMOTTE