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12/10/2010 | FRANCE | N°09/01782

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 12 octobre 2010, 09/01782


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 12 OCTOBRE 2010



(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/01782











Monsieur [V] [R]



c/



Commissariat à l'Energie Atomique (C.E.A.)













Nature de la décision : AU FOND










r>

Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision dé...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 12 OCTOBRE 2010

(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/01782

Monsieur [V] [R]

c/

Commissariat à l'Energie Atomique (C.E.A.)

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 mars 2009 (R.G. n° F 07/02743) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 30 mars 2009,

APPELANT :

Monsieur [V] [R], né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 4], de

nationalité Française, profession agent de sécurité, demeurant [Adresse 3],

Représenté par Maître Caroline Dupuy, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉ :

Commissariat à l'Energie Atomique (C.E.A.), pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représenté par Maître Maryline le Dimeet, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 août 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. [V] [R] a été engagé le 15 avril 1992 en qualité d'agent de sécurité sur le site du Barp par le Commissariat à l'Energie Atomique.

Au cours de sa carrière, il devait accéder au poste de chef de groupe agent de sécurité niveau 3 coefficient 305.

Dans la nuit du 5 au 6 février 2004 une alerte incendie s'est déclenchée dans un des bâtiments du CESTA dépendant du CEA.

M. [R] a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'un mois en date du 11 mars 2004 pour ne pas avoir utilisé un fourgon pompe tonne sans mettre en oeuvre l'alarme nécessaire et pour avoir rédigé un rapport sciemment inexact.

Le 12 mars 2004, il a signé une lettre de mutation au STL, autre service au sein du CEA en qualité de surveillant de travaux principal niveau 3 coefficient 355.

Après une démarche syndicale auprès de l'employeur, M. [R] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 4 décembre 2007 aux fins de faire annuler la sanction disciplinaire de rétrogradation.

Il soutenait que les faits ne le justifiaient pas, qu'il n'était pas le principal responsable et surtout qu'il ne pouvait y avoir double sanction.

Il demandait sa réintégration dans son poste d'origine et un rappel de salaire.

Par jugement en date du 9 mars 2009, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Activités Diverses, a retenu que la convention collective du CEA en son article 144 prévoyait la possibilité d'un cumul entre mise à pied disciplinaire et changement de fonction.

Le premier juge a relevé que l'article 144 n'était pas dans le champ des dispositions disciplinaires mais correspondait à l'organisation de la mobilité interne.

En l'espèce le premier juge a également noté que le coefficient était relevé de 50 points et que si M. [R] avait perdu certains avantages financiers, c'est parce que le poste avait moins de sujetions.

Il a rappelé que l'employeur avait pris des mesures transitoires pour compenser les différences de salaire entre les postes et il a écarté les observations de M. [R] sur les faits puisque ce dernier ne contestait pas la sanction de mise à pied.

M. [R] a régulièrement relevé appel du jugement.

Par conclusions déposées le 23 août 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, il maintient que la mutation effectuée le 12 mars 2004 doit s'analyser comme une sanction disciplinaire et il persiste dans sa demande d'annulation au nom du principe de la prohibition de la double sanction.

Il réclame :

- sa réintégration au poste de chef de groupe agent de sécurité au FLS dommages-intérêts CDSTA dans les horaires 24 x 48 sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

- la condamnation du CEA au paiement d'une somme de 56.582,01 euros au titre des rappels de salaire, indemnités et primes diverses jusqu'au 28 février 2010, somme à parfaire au moment de la réintégration du salarié

- la remise de bulletins de paie rectifiés sous astreinte

- le versement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 5 août 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, le CEA demande la confirmation du jugement déféré dans toutes ses dispositions et 1 euro de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 1.500 euros.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien fondé de la mutation professionnelle

Il convient de restituer le cadre dans lequel se déroule le litige que M. [R] soumet à la Cour.

Il ne conteste pas la validité de la mise à pied disciplinaire qui lui a été infligée par décision prise en date du 11 mars 2004 et qui est motivée par des événements qui se sont déroulés dans la nuit du 5 au 6 février 2004.

Il soutient seulement que la mutation dont il estime qu'elle lui a été imposée par le CEA, en date du 12 mars 2004 constitue une double sanction avec la mise à pied décernée la veille.

Les dispositions de la convention collective du CEA en matière disciplinaire prévoient l'échelle des sanctions suivantes :

- l'avertissement notifié

- le blâme notifié avec inscription au dossier

- la mise à pied disciplinaire d'une durée maximale d'un mois

- le licenciement pour motif disciplinaire

'la mise à pied disciplinaire pourra être accompagnée d'un changement d'affectation en application de l'article 144 alinéa 1'.

Pour débouter le salarié de sa demande, le premier juge a rappelé que l'article 144 organisait la mobilité au sein de l'entreprise pour satisfaire les besoins du CEA et permettre l'évolution des programmes.

Il a fait valoir que les signataires de la convention collective avaient eu soin de prévoir la possibilité de faire coexister une sanction disciplinaire et une mutation dans le cadre de l'article 144 aux fins d'éviter toute fausse interprétation d'une mutation proche du prononcé d'une sanction.

Il a considéré qu'en l'espèce aucun élément de fait ne pouvait permettre de penser que cette mutation avait un lien avec la sanction disciplinaire prononcée.

Il est constant qu'une mutation imposée par l'employeur et entraînant une diminution des attributions ou de la rémunération d'un salarié doit être considérée comme une sanction.

Il est également constant qu'un fait fautif ne peut donner lieu à deux sanctions, la deuxième étant dénuée de fondement légal et devant être annulée.

En l'espèce, il y a donc lieu de rechercher si la mutation décidée le 12 mars 2004 à l'égard de M. [R] a été décidée dans le cadre des dispositions de l'article 144 de la convention collective et si elle correspond à une diminution de rémunération ou de responsabilité, ce qui permettrait de considérer qu'elle est une sanction disciplinaire déguisée.

Il est exact que l'article 76 de la convention collective prévoit explicitement que la mise à pied disciplinaire peut être accompagnée d'un changement d'affectation, à la condition que cette mutation s'inscrive dans les dispositions de l'article 144 de la convention collective.

Pour démontrer que la mutation de M. [R] s'est inscrite dans le dispositif de l'article 144 de la convention collective, le CEA fait valoir que M. [R] a été muté avec son accord, n'a pas fait l'objet d'une rétrogradation et au contraire a vu son coefficient relevé de 305 à 355.

L'article 144 de la convention collective du travail applicable au CEA est inséré dans un chapitre 15 Titre 1 intitulé 'Mobilité Interne', et, est ainsi rédigé :

'Le salarié peut être appelé par le CEA à changer d'affectation avec changement ou non de bassin d'emploi selon les besoins de l'organisme et l'évolution des programmes.

Le salarié pour sa part, peut demander à changer d'affectation en vue d'occuper un poste vacant. Il peut aussi exprimer un souhait de mobilité à l'occasion de l'entretien annuel.'

L'article 147 prévoit quant à lui un dispositif transitoire mis en place afin d'assurer une compensation différentielle dégressive sur une période de quatre ans des primes perçues jusque là.

Il ressort des dispositions de l'article 144 que la mutation interne d'un salarié peut être décidée unilatéralement par le CEA ou être demandée par ce dernier. En l'espèce, il ressort de la rédaction du courrier émanant du CEA en date du 12 mars 2004 et adressé à M. [R] : 'Je vous informe qu'il a été décidé de procéder à votre égard à la mutation suivante à partir du 15 mars 2004 ....' que l'employeur a entendu se situer dans le premier alinéa de l'article 144, c'est à dire un changement d'affectation décidé par le CEA.

Dans ce cas, il y a lieu de vérifier, comme le prévoit l'article 144 que cette mutation s'effectue en raison des besoins de l'organisme et de l'évolution des programmes.

Sur ce point, dans ses écritures, le CEA ne fournit aucune justification, se retranchant derrière le pouvoir de direction de l'employeur.

Si effectivement, à condition de respecter la qualification et la rémunération d'un salarié, il ressort du pouvoir de direction de l'employeur, de modifier ses conditions de travail, en l'espèce, l'accord collectif signé par les partenaires sociaux a prévu que les mutations internes décidées par l'employeur devaient être effectuées selon les besoins de l'organisme et l'évolution des programmes.

Rien dans les écritures du CEA ne permet de comprendre en quoi la mutation de M. [R] décidée le 12 mars 2004 était justifiée par les besoins de l'organisme et l'évolution des programmes.

De même, l'examen des pièces qu'il produit ne permet pas de trouver une explication à cette mutation.

Les signataires de l'accord collectif en précisant dans l'article relatif aux sanctions disciplinaires que la mise à pied pouvait être accompagnée d'un changement d'affectation et que dans ce cas ce changement devait s'effectuer dans le cadre des dispositions de l'article 144 du dit accord, ont clairement exprimé leur volonté de prévenir tout risque de double sanction à l'égard d'un salarié dont les fautes commises dans l'exercice de ses fonctions entraîneraient à la fois une mise à pied disciplinaire et un changement d'affectation.

En l'espèce, l'impossibilité pour le CEA, face au questionnement légitime du salarié d'expliquer sa mutation en qualité de surveillant de travaux principal, alors qu'il était affecté depuis 12 ans au service de la Formation locale de sécurité, outre la coïncidence avec le prononcé la veille d'une sanction disciplinaire, démontrent que cette mutation ne trouve son origine que dans l'incident survenu dans la nuit du 5 au 6 février 2004.

Par ailleurs une note confidentielle versée aux débats par M. [R] (pièce n° 11) confirme s'il en était besoin cette analyse.

Le CEA a longuement insisté sur le fait que cette mutation aurait été faite avec l'accord de M. [R] qui a effectivement mentionné sous la lettre 'lu et approuvé'. Cependant outre le fait que la mutation à l'initiative du CEA dans le cadre de l'article 144 dont se prévaut l'employeur, ne prévoit pas la nécessité de l'accord du salarié, la sincérité d'un tel accord de la part d'un salarié fragilisé par une sanction disciplinaire infligée la veille, est susceptible d'être mise en doute.

Il est manifeste que cette mutation même si elle n'entraînait pas de baisse de coefficient, doit être considérée comme une sanction, car elle correspondait à un total changement d'affectation alors que M. [R] n'en avait jamais exprimé le désir et que surtout, le faisant passer du système horaire 24 x 48 à l'horaire collectif du travail, elle entraînait pour lui une importante diminution de rémunération, diminution non contestée par l'employeur puisqu'il a été fait application des mécanismes transitoires prévus par l'article 147 de l'accord collectif.

Il se déduit de ces observations que le CEA en décidant successivement les 11 mars 2004 une mise à pied disciplinaire d'un mois dont la régularité et le bien fondé ne sont pas discutées et 12 mars 2004, une mutation professionnelle qui ne répond pas aux exigences de l'article 144 de l'accord collectif applicable au sein de l'entreprise, a infligé à M. [R] une double sanction et de ce fait, la mutation professionnelle décidée le lendemain de la mise à pied et qui ne figure pas dans la liste des sanctions pouvant être prononcées, doit être annulée.

De ce fait, il n'y a pas à rechercher si la mutation de M. [R] devait être analysée au vu de sa qualité de salarié protégé.

De même aucune conséquence ne peut être tirée du délai mis par M. [R] à présenter sa demande, celle-ci se situant dans la limite de la prescription quinquennale.

Sur les conséquences de l'annulation de la mutation de M. [R]

Il y a lieu de faire droit à la demande de réintégration de M. [R] dans ses

fonctions précédentes, soit chef de groupe Agent de sécurité au FLS du CESTA et de dire que cette réintégration s'effectuera dans les trois mois suivant le prononcé de l'arrêt. Passé ce délai, l'exécution de cette obligation sera assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard, la Cour se réservant le contentieux de sa liquidation.

Les demandes chiffrées qu'il formule ne sont pas discutées en elles même par le CEA et les calculs en sont justifiés par les pièces produites. Il y a lieu d'y faire droit à concurrence de 56.583,01 euros jusqu'au 10 février 2010, somme à parfaire jusqu'à la réintégration effective de M. [R] dans ses fonctions antérieures.

Il sera ordonné au CEA de remettre les bulletins de paie rectifiés.

L'équité commande d'allouer 1.000 euros au titre de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M. [R].

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' réforme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau :

' annule la mutation de M. [R] en date du 12 mars 2004 et ordonne sa réintégration dans ses fonctions précédentes, soit chef de groupe Agent de sécurité au FLS du CESTA,

' dit que cette réintégration s'effectuera dans les trois mois suivant le prononcé de l'arrêt et que passé ce délai, l'exécution de cette obligation sera assortie d'une astreinte fixée à 100 euros (cents euros) par jour de retard, la Cour se réservant le contentieux de sa liquidation,

' condamne le CEA à verser à M. [R] un rappel de salaire, de primes et

d'indemnité de 56.583,01 euros (cinquante six mille cinq cent quatre vingt trois euros et un centime) sur la période allant du mois de mars 2004 au mois de février 2010, somme à parfaire jusqu'à la réintégration de M. [R],

' ordonne la remise des bulletins de paie rectifiés,

' dit que M. [R] recevra une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1.000 euros (mille euros),

' dit que le CEA gardera à sa charge les dépens de première instance et d'appel.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Françoise Atchoarena, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F. Atchoarena M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/01782
Date de la décision : 12/10/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/01782 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-12;09.01782 ?
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