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07/09/2010 | FRANCE | N°09/04460

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 07 septembre 2010, 09/04460


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 07 SEPTEMBRE 2010



(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/04460











Madame [P] [U]



c/



S.A.R.L. Ipec













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :>


LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 07 SEPTEMBRE 2010

(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/04460

Madame [P] [U]

c/

S.A.R.L. Ipec

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 juillet 2009 (R.G. n° F 08/01267) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 24 juillet 2009,

APPELANTE :

Madame [P] [U], née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 5]

[Localité 1], de nationalité Française, profession secrétaire, demeurant [Adresse 3],

Représentée par Maître Michèle Bauer, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

S.A.R.L. Ipec, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représentée par Maître Carole Moret, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 juin 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Madame Frédérique Loubet-Porterie, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Chantal Tamisier.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Mme [P] [U] a été engagée par la S.A.R.L. Ipec, exploitant le cinéma Mérignac-Ciné à compter du 15 décembre 1991 en qualité d'hôtesse à temps partiel, puis à compter d'avril 1995, d'assistante de direction à temps complet.

Après avoir été en congés de maternité en 1999 et en 2004, elle a travaillé à temps partiel de novembre 2004 à juin 2007 dans le cadre d'un congé parental, puis à nouveau à temps complet à compter du 2 juillet 2007.

Le 13 décembre 2007, elle recevait un avertissement qu'elle contestait.

En arrêt de travail pour maladie depuis le 26 mars 2008, elle remettait, par courrier du 15 mai 2008, à la S.A.R.L. Ipec sa 'démission motivée par l'exécution de mauvaise foi de son contrat de travail et harcèlement moral'.

Le 2 juin 2008, elle saisissait le Conseil de Prud'hommes pour voir requalifier sa démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, annuler l'avertissement, appliquer les règles conventionnelles à sa rémunération et obtenir paiement de rappels de salaires et de diverses primes, de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive, du non respect de la procédure de licenciement, de l'avertissement annulé et d'un travail dissimulé.

Par jugement en date du 3 juillet 2009, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, considérant que la prise d'acte de la rupture s'analyse en une démission et que les demandes salariales et indemnitaires ne sont pas fondées, a débouté Mme [U] de l'ensemble de ses demandes.

Mme [P] [U] a relevé appel du jugement.

Entendue en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, elle demande d'infirmer le jugement, d'annuler l'aver-tissement, de juger que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail doit être requalifiée en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de constater que la S.A.R.L. Ipec n'a pas respecté les règles conventionnelles applicables au contrat de travail.

Elle sollicite, en conséquence, la condamnation de la S.A.R.L. Ipec à lui payer les sommes de 2.500 € à titre de dommages-intérêts au titre de l'avertissement annulé, de 3.098 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, de 9.913,60 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 2.590,66 € à titre de rappels de salaires, outre congés payés afférents, de 9.300 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé, de 296,18 € à titre de prime de vêtement sur les années 2003 à 2008, de 1.224,16 € à titre de prime de panier et de 474,28 € à titre de rappel de salaire pour travail des jours fériés sur la même période, de 458,19 € à titre de prime de responsabilité de caisse et de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à lui remettre les documents de rupture modifiés et les bulletins de paie sur les années 2003 à 2008, sous astreinte de 90 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de la décision, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes et capitalisation des intérêts.

Par conclusions développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, la S.A.R.L. Ipec demande de confirmer le jugement, de juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission, de débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes salariales

L'application de la convention collective nationale de l'exploitation cinématographique, et plus particulièrement en ses articles 41 et 43 du chapitre IV du titre relatif aux personnels des salles n'est pas discutée.

- au titre de la prime de nettoyage de vêtements

L'article 41c prévoit, pour le personnel en contact avec le public, une 'tenue spéciale' fournie par l'employeur et précise 'sont considérées comme 'tenues spéciales' tous vêtements imposés par la direction et qui ne doivent pas normalement être portés à l'extérieur de l'établissement. Au cas où la direction ne fournit pas de tenue spéciale, un remboursement figurera au barème des salaires annexés'.

Il n'est pas discuté que la S.A.R.L. Ipec ne fournissait pas à la salariée de 'tenue spéciale', ni n'imposait de tenue particulière, Mme [U] se contente d'invoquer le fait qu'elle était en contact avec la clientèle pour réclamer une prime de nettoyage de 296,18 € sur les années 2003 à 2008 sans plus de précision. Or, si la salariée se trouvait occasionnellement en contact avec le public, notamment lorsqu'elle tenait la caisse, sa fonction principale consistait à être assistante de direction pour laquelle aucune prime de nettoyage n'était prévue.

Dès lors, il n'est pas établi que Mme [U] remplissait les conditions prévues à la convention collective pour pouvoir prétendre au paiement de cette prime. Sa demande n'étant pas justifiée, le jugement déféré sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

- au titre de la prime de panier

Se référant à l'article 41d, Mme [U] soutient qu'elle travaillait très souvent le soir et bénéficiait très rarement d'un temps de pause de plus d'une heure trente, que comme l'employeur l'indique, elle avait la charge d'organiser les plannings et avait une totale liberté de choix et notamment de travailler le soir, que la S.A.R.L. Ipec ne pouvant démontrer que ces primes de paniers ne sont pas dues, elle sera condamnée à lui verser la somme de 1.224,16 €.

Toutefois, il convient de constater que Mme [U] ne fait aucun décompte de la somme réclamée, hormis un tableau concernant l'année 2005 peu compréhensible sur ses réclamations salariales, étant observé qu'en 2005, elle travaillait 18 heures par semaine, soit de novembre 2004 jusqu'en juin 2005, qu'elle ne donne pas de précision sur les jours où elle était susceptible d'en bénéficier, ni sur ses horaires, hormis quelques généralités les concernant.

Il s'ensuit que, lui appartenant d'apporter un minimum d'éléments probants à l'appui de ses demandes, Mme [U] ne justifie pas de sa demande de prime de panier et doit donc en être déboutée. Le jugement déféré sera confirmé sur le rejet de cette demande.

- au titre du travail des jours fériés

Mme [U] soutient avoir travaillé les 14 juillet et 1er novembre 2003, les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre 2004 et le 14 juillet 2005. Au vu des bulletins de salaire produit par l'employeur, seul le bulletin de paie de juillet 2005 porte mention d'un jour férié payé comme tel, ce que Mme [U] admet dans ses écritures, tout en maintenant sa demande pour le 14 juillet 2005.

Pour justifier avoir travaillé les jours fériés sans avoir reçu la majoration prévue par l'article 43, elle produit l'attestation de Mme [X], caissière à la retraite et un certificat de l'employeur daté du 26 octobre 2001 qui ne concerne pas la période en cause, mentionnant l'un et l'autre que Mme [U] travaillait les jours fériés sans autre précision.

Or, ainsi que le premier juge l'a justement relevé, les 'fiches navette' préparées par Mme [U] pour l'établissement des bulletins de paie par le comptable ne porte pas mention, au regard du nom de la salariée, de travail les jours fériés allégués, la mention en étant portée pour d'autres salariés. Le jugement déféré sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

- au titre de la prime de responsabilité de caisse

Invoquant l'article 41a, Mme [U] soutient qu'elle a droit à la prime de responsabilité de caisse, qu'elle assurait, une semaine sur deux les week-ends, la responsabilité de la caisse, comme en attestent Mme [L] et Mme [B].

Il convient en premier lieu de relever que Mme [U] ne fait aucun décompte de la somme réclamée, sans même préciser le taux de base de cette prime, ni comment elle a obtenu la somme réclamée et sur quelle période, alors qu'elle a, la majeure partie du temps, travaillé à temps partiel, de novembre 2004 à juin 2007. A l'appui, elle produit les plannings établis par la S.A.R.L. Ipec.

Si effectivement, il est mentionné sur les plannings, soit 'bureau', soit 'caisse', soit 'bureau' et 'caisse' au regard du nom de Mme [U], il apparaît que sa fonction principale étant assistante de direction, elle ne tenait la caisse qu'acces-soirement à sa fonction principale, et pas de façon systématique et régulière. Il s'ensuit que Mme [U] ne peut prétendre au paiement de cette prime, dont le montant réclamé n'est même pas justifié. Le jugement déféré sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

- au titre des rappels de salaires

Mme [U] soutient que les augmentations de salaire prévus par les accords et avenants à la convention collective, au 1er juin 2002 de 1 % et au 1er septembre 2002 de 1 % n'ont jamais été respectés par la S.A.R.L. Ipec.

Outre le fait que Mme [U] ne produise pas ses bulletins de salaire de l'année 2002 en cause, ni ne fasse de décompte de la somme réclamée relative aux années 2003 à 2008 sans autre précision, elle ne produit qu'un barème national des salaires minima applicable au 1er octobre 2004, bien postérieur donc aux augmentations en cause sur lequel il est mentionné pour l'assistant du directeur niveau III coefficient 269 qui est celui figurant sur les bulletins de salaire de la salariée, une rémunération minimum de 1.426,49 € pour 151 h 30.

Cependant, le salaire à prendre en compte doit, pour le moins, comprendre la 'prime' de fin d'année', ou 'treizième mois', prévue par la convention collective dans la rémunération versée. Au vu des bulletins de salaire produits par l'employeur de juin 2003 à mai 2008, le salaire moyen perçu par Mme [U] a toujours été supérieur au minimum conventionnel pour son coefficient hiérarchique, en tenant compte du salaire de base et la prime de fin d'année prorata temporis.

Or, les augmentations des minima conventionnels par avenants à la convention collective ne s'appliquent pas aux salariés dont la rémunération réelle est supérieure à ces minima, sauf stipulations différentes, ce que la salariée n'invoque pas. Dès lors, il convient de constater qu'outre l'absence d'élément apporté par Mme [U] à l'appui de sa réclamation, si ce n'est le document susvisé, sa demande n'est pas fondée, alors qu'elle a été rémunérée au-delà du minimum conventionnel applicable, étant observé que l'absence d'augmentations alléguée est antérieur de près de quatre ans à sa prise d'acte de la rupture.

Sur l'avertissement du 13 décembre 2007

Il est reproché à Mme [U], dans l'avertissement du 13 décembre 2007, d'avoir répondu à l'interview d'une journaliste sur l'impact du tramway en sa qualité d'assistante de direction du cinéma et tenu des propos négatifs pour l'image de celui-ci, soit la baisse de fréquentation du cinéma, et à l'égard de la ville concernant les problèmes de stationnement, malgré les consignes données par l'employeur.

Pour en justifier, la S.A.R.L. Ipec produit l'article de journal Sud-Ouest en cause, ainsi que trois attestations de responsables de production ou de distribution l'ayant alertée, au lendemain de la parution du journal, sur l'image de l'entreprise et l'impact négatifs de l'article. Mme [U] le conteste et produit une attestation et un courrier de la journaliste ayant rédigé l'article en cause et une documentation concer-nant l'activité des cinémas en général.

Toutefois, étant relevé que le contrat de travail prévoir une obligation de discrétion, il n'appartenait pas à la salariée, même si la journaliste a pu 'interpréter' ses propos, et quelques soient ces propos, de répondre à celle-ci au temps et sur son lieu de son travail, sans en référer antérieurement à l'employeur. Dès lors, l'avertissement est justifié et n'apparaît pas comme une sanction disproportionnée. Le jugement déféré sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du Code du Travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait, pour tout employeur, de se soustraire volontairement à la déclaration préalable à l'embauche, à la remise au salarié, lors du paiement de la rémunération, d'un bulletin de paie ou de porter volontairement, sur les bulletins de salaire un nombre d'heures travaillées inférieur au nombre réellement effectué. Il appartient au salarié qui l'invoque de rapporter la preuve du caractère intentionnel de la dissimulation.

Mme [U] se contente de solliciter le paiement de l'indemnité pour travail dissimulé prévue par l'article L.8223-1 du Code du Travail, sans même indiquer les éléments constitutifs du travail dissimulé allégué, pas plus qu'elle ne précise en quoi consisterait l'intention de dissimulation de l'employeur. Cette demande n'étant pas sérieuse doit être rejetée. Le jugement déféré sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du Code du Travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, aux termes de l'article L.1154-1 du Code du Travail, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [U] soutient, en premier lieu, qu'elle exerçait de véritables fonctions de direction sans pour autant être rémunérée en conséquence, 'ayant pris les rennes du cinéma'(sic), selon les termes de l'attestation de Mme [G], qu'à son retour de congé de maternité, la direction l'a contrainte psychologiquement à reprendre un poste à mi-temps, qu'elle perdait toute crédibilité auprès de ses collègues de travail puisque M. et Mme [Y] parlaient d'elle en termes irrespectueux, tel que 'pondeuse, celle qui raisonne avec ses hormones et pas avec sa tête, qui ne sait faire que des enfants, gélatine' (attestations de Mme [T], Mme [G], Mme [X] : mise en quarantaine le 1er août 1999), que la direction lui a retiré des responsabilités, l'a isolée des partenaires de l'entreprise (attestations Mme [L], Mme [B], Mme [T], article de presse où son nom ne figure pas).

En ce qui concerne 'les véritables fonctions de direction'invoquées, si entre 2002 et 2004, Mme [U] a vu ses responsabilités accrues en raison de l'absence pour maladie de la gérante Mme [Y], elle n'avait, ainsi que le soutient l'employeur ni pouvoir de direction à l'égard du personnel, ni délégation pour engager l'entreprise, mais a reçu des primes pour plus de 17.000 €, ainsi que figurant sur les bulletins de salaire correspondants.

Ensuite, Mme [U] ne peut, en toute bonne foi, soutenir que l'employeur l'a obligée à travailler à temps partiel de novembre 2004 à juin 2007, alors qu'il ressort clairement de ses demandes de congés parental et de prolongation en date des 15 octobre 2004 et 3 novembre 2005 concrétisés par un avenant en date du 15 novembre 2004, documents produit par l'employeur, que c'est elle qui a fait, à chaque fois, la demande d'un temps partiel pour congé parental, sans produire aucune pièce susceptible de justifier d'une contrainte psychologique.

En outre, l'attestation de Mme [G], ancienne salariée qui ne précise pas à quelle date elle a pris sa retraite, n'est guère crédible, étant outrancière, procédant par affirmation de faits dont, en sa qualité de caissière, elle n'avait pas normalement connaissance, sauf à rapporter les propos de Mme [U], et par l'affirmation fausse, d'ailleurs non alléguée par Mme [U], qu'à son retour de maternité, le poste de celle-ci était occupé par une autre personne, sans même préciser par qui.

Sur les insultes, outre le fait que Mme [Y], la gérante, n'est pas visée dans les attestations produites, mais seulement M. [Y], associé et exerçant des fonctions extérieures de délégué de distributeurs de films notamment, il apparaît que les faits allégués non datés, contredits par les attestations adverses, auraient été commis en 1999 et 2004 au retour de congés maternité de la salariée.

Mme [U] a produit en outre, en appel l'attestation de M. [Z], ancien salarié qui ne précise pas la date de son départ de l'entreprise, qui fait état de nombreuses insultes de la part de M. et Mme [Y] à l'égard du personnel et à sa propre adresse, sans relater de faits précis et datés et sans les rapporter spécifiquement à Mme [U], hormis une accusation de vol le 1er août 1999. Cette attestation ne peut être retenue, ne concernant pas Mme [U] en particulier, hormis l'accusation de vol démenti par l'employeur, et étant relevé que postérieurement, pendant l'absence de Mme [Y], l'employeur lui a manifestement conservé sa confiance, ce qui rend peu crédible l'affirmation de soupçon de vol et mise en quarantaine.

Ainsi, l'ancienneté de ces faits et leur absence de véracité ne permettent pas de les retenir, pas plus que l'absence de mention de son nom dans un article de presse non daté, alors que Mme [U] ne travaillait de 2004 à 2007 qu'à temps partiel, qu'elle ne pouvait donc être au quotidien au courant de tous les faits de la vie du cinéma, étant observé qu'elle n'établit aucun fait précis, mais se contente d'alléguer et de reprendre les affirmations non circonstanciées des attestations.

Dès lors, en ce qui concerne la période s'étendant de 1999 au début de l'année 2007, il n'apparaît pas sérieux de prétendre avoir été harcelée à multiples reprises pendant plus de huit ans, sans même avoir formulé auprès de son employeur une quelconque réclamation ou aucun reproche, ni saisi le médecin du travail ou l'inspecteur du travail, et sans avoir subi de répercussion sur son état de santé, ni arrêts de travail pour ce motif, les faits allégués n'étant de surcroît pas établis ou ne relevant pas du harcèlement.

Ensuite, Mme [U] invoque quatre faits précis :

- en juillet 2007, M. [Y] l'a qualifié de 'm...' et l'a insulté, étant en larmes, plusieurs personnes ayant été témoins des effets de cette altercation (attestations de Mme [L], Mme [B]),

- en novembre 2007, il lui est fait des reproches injustifiés pour avoir assisté à la projection technique d'un film alors que c'est autorisé et que cela faisait partie de son travail,

- le 13 décembre 2007, un avertissement injustifié lui est adressé,

- en mars 2008, il lui est demandé d'être complice d'une escroquerie, en lui demandant de signer un document pour une formation à laquelle elle n'avait pas participé.

En ce qui concerne l'insulte, les salariées déclarent dans leurs attestations qu'à la suite d'un appel téléphonique reçu le 12 juillet 2007 par Mme [U], elles ont constaté un changement d'attitude de celle-ci qui leur a déclaré que l'appel venait de M. [Y]. La S.A.R.L. Ipec le conteste et justifie que M. [Y] se trouvait en vacances dans le midi de la France. Il convient de constater que Mme [U] ne précise même pas la teneur de la conversation qu'elle aurait reçu et que les deux salariées n'ont pas été témoins de la conversation.

Sur les reproches injustifiés pour avoir en novembre 2007 pour avoir assisté à la projection d'un film, Mme [U] ne verse aux débats aucune pièce pour étayer ces faits, la S.A.R.L. Ipec répliquant qu'elle n'avait pas à assister à une projection technique d'un film de 2 h 40 avant sa diffusion au public, rentrant dans les attributions du projectionniste, étant relevé qu'aucune sanction n'a été prise.

En ce qui concerne l'avertissement du 13 décembre 2007, il est établi ci-dessus que celui-ci était justifié, étant observé qu'en tout état de cause un avertissement, en l'occurrence isolé, rentre dans les pouvoirs disciplinaires de l'employeur, sauf abus, ce qui n'est pas en l'espèce démontré.

En ce qui concerne la complicité d'escroquerie en mars 2008, il convient de constater que Mme [U] ne produit aucune pièce pour l'établir et que l'employeur ne prétend pas qu'elle a assisté à cette formation et se défend de lui avoir demandé de signer un document.

Par ailleurs, Mme [U] produit des attestations d'usagers du cinéma pour établir les bonnes relations commerciales et son professionnalisme, auxquelles s'opposent deux attestations de clients produites par l'employeur pour des faits ponctuels. La S.A.R.L. Ipec verse aux débats des attestations d'anciens stagiaires et/ou employés et d'intervenants extérieurs qui font mention des bonnes relations entretenues et le respect envers les personnes de la part de M. [Y] mis en cause au titre du harcèlement, venant en contradiction des attestations adverses.

Enfin, Mme [U] verse aux débats trois certificats médicaux, le premier en date du 24 juin 2008 du docteur [D], psychiatre, qui mentionne qu'elle bénéficie d'une prise en charge psychiatrique depuis le 15 mai 2008 sans plus de précision, le second daté du 16 octobre 2008 du docteur [E], médecin généraliste, qui déclare que 'l'état de santé de Mme [U] a nécessité son arrêt de travail à compter du 26 mars 2008 au 15 mai 2008. Celui-ci en rapport avec un état anxio-dépressif réactionnel à ses conditions de travail', le troisième du 10 décembre 2009 de M. [O], cadre de santé qui établit que Mme [U] s'est présentée au CMP de Pessac le 17 janvier 2008 pour un entretien avec une infirmière du centre', sans que l'objet de cet entretien ne soit indiqué.

Or, il convient de constater que le premier certificat médical ne donne aucun renseignement sur la cause de la prise en charge psychiatrique, que le troisième certificat n'est pas plus explicite, que le second n'est pas circonstancié et ne fait que reprendre les doléances de la patiente sur la cause de sa pathologie. Ces documents médicaux ne sont donc pas suffisants à établir que l'état de santé de Mme [U] serait consécutif à des agissements de harcèlement moral, d'autant qu'ils ne sont corroborés par aucun fait probant.

Dans ces conditions, il apparaît qu'aucun fait n'est établi permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du Code du Travail, que la demande à ce titre n'est donc pas fondée. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en

raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient, alors, au salarié de rapporter la preuve des faits fautifs qu'il invoque.

Dans son courrier de prise d'acte de la rupture et dans ses écritures, Mme [U] invoque, d'une part la non-application des règles conventionnelles régissant le contrat de travail, et d'autre part, des agissements de harcèlement moral à son égard, objet des demandes ci-dessus examinées, ainsi que deux autres griefs relatifs à la non information sur le 'passage aux 35 heures' et au non respect du devoir de formation.

Or, il convient de constater qu'outre l'ancienneté de certains faits invoqués, les réclamations de Mme [U] au titre de la rémunération et de l'avertissement reçu et de la non-application des règles conventionnelles ne sont pas fondées, pas plus que ses allégations de harcèlement moral, ainsi qu'il a été ci-dessus analysé, et ne peuvent, par conséquent, justifier de manquements graves de la S.A.R.L. Ipec à ses obligations justifiant de la rupture du contrat de travail par Mme [U].

Sur les autres faits invoqués :

En ce qui concerne le 'passage aux 35 heures', Mme [U] soutient que la S.A.R.L. Ipec ne l'a pas informée, ni les autres salariés du 'gel' de la hausse des salaires et de la prime d'ancienneté et produit l'attestation de Mme [G] en ce sens. La S.A.R.L. Ipec s'en défend et soutient qu'une réunion du personnel a eu lieu.

Toutefois, il convient de constater que la loi sur l'aménagement du temps de travail était applicable au 1er février 2000, que les faits allégués sont anciens, étant observé que, dans son attestation, Mme [G] n'y fait même pas allusion et que, de par ses fonctions d'assistante de direction, il apparaît peu vraisemblable que Mme [U] n'en ait pas eu connaissance, s'occupant notamment d'établir les 'fiches navette' préparatoires aux bulletins de paie et les plannings de travail. En tous cas, ce fait ancien ne saurait constituer un manquement suffisamment grave de l'employeur pour justifier de la rupture du contrat de travail.

En ce qui concerne le non respect de l'obligation de formation, Mme [U] soutient qu'en 16 ans d'ancienneté, elle a bénéficié seulement de deux formations, sur le logiciel du cinéma et la sécurité et sur le passage à l'euro. Elle produit l'attestation de Mme [X] qui déclare que la S.A.R.L. Ipec lui a refusé une formation et conteste avoir refusé de suivre une formation en janvier 2008, comme le soutient l'employeur.

Cependant, quand bien même la S.A.R.L. Ipec n'aurait pas respecté son obligation de formation et que Mme [U] aurait refusé d'effectuer une formation, ce qui n'est pas formellement avéré, il convient de constater que ce seul grief ne saurait constituer un manquement suffisamment grave pour justifier d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, alors que les autres manquements allégués ne sont pas établis.

Dans ces conditions, il apparaît que Mme [U] ne rapporte pas la preuve d'un seul manquement suffisamment grave de la part de la S.A.R.L. Ipec à ses obligations justifiant de l'impossibilité de la poursuite du contrat de travail par la salariée dans les conditions existantes. Il s'ensuit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [U] doit produire les effets d'une démission. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Dès lors que Mme [U] est déboutée de l'ensemble de ses demandes non justifiées, il n'y a pas lieu à remis des documents de rupture et de bulletins de salaire sous astreinte, ni à statuer sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation.

Sur les demandes accessoires

Mme [U] qui succombe en son appel, doit supporter la charge des dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Il convient d'accorder à la S.A.R.L. Ipec une indemnité pour participation à ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Sur l'appel de Mme [P] [U] contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 3 juillet 2009,

' confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

' condamne Mme [P] [U] à payer à la S.A.R.L. Ipec la somme de 1.000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

' condamne Mme [P] [U] aux entiers dépens.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/04460
Date de la décision : 07/09/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/04460 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-07;09.04460 ?
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