La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2010 | FRANCE | N°09/03632

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 20 juillet 2010, 09/03632


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 20 JUILLET 2010



(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/03632











Monsieur [W] [I]



c/



La Société Orange Distribution













Nature de la décision : AU FOND











Notifié

par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cou...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 20 JUILLET 2010

(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/03632

Monsieur [W] [I]

c/

La Société Orange Distribution

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mai 2009 (R.G. n° F 08/00017) par le Conseil de Prud'hommes de Libourne, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 23 juin 2009,

APPELANT :

Monsieur [W] [I], né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 5] ([Localité 5]),

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Christophe Cariou-Martin loco Maître Arnaud Dupin, avocats au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

La Société Orange Distribution, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représentée par Maître Olivier Paul, avocat au barreau de Paris,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 mai 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller,

Madame Frédérique Loubet-Porterie, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. [W] [I] a été engagé par la société Orange Distribution le 19 janvier 2005 et a pris ses fonctions le 21 mars en qualité de chef de secteur catégorie cadre.

Il était nommé sur la direction régionale des ventes Ouest Sud-Ouest et était rattaché à [Localité 6].

Successivement, le 1er juillet 2005 et le 23 juillet 2007, il lui était indiqué que ses lieux de rattachement étaient [Localité 9] puis [Localité 4] et le 30 juin on lui indiquait qu'il était affecté à [Localité 8].

Le 16 août 2007, il faisait connaître son refus d'être affecté à [Localité 8] et le 11 septembre 2007, il était licencié pour ce motif.

Il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 22 janvier 2008 aux fins de contester les motifs de son licenciement et demander des dommages-intérêts à la fois pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour procédure abusive et vexatoire.

Par jugement en date du 15 mai 2009, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, a dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et a débouté M. [I] de toutes ses demandes.

M. [I] a régulièrement relevé appel du jugement.

Par conclusions déposées le 9 septembre 2008, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, il conteste son licenciement en faisant reproche à l'employeur d'avoir manqué de précision sur la détermination du secteur géographique et il estime que la société Orange Distribution a abusé de son droit de faire usage de la clause de mobilité.

Il forme les demandes suivantes :

- 28.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 28.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Par conclusions déposées le 17 mai 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société Orange Distribution demande confirmation du jugement dans toutes ses dispositions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La lettre de licenciement adressée le 11 septembre 2007 à M. [I] dont les termes fixent les limites du litige est uniquement motivée par le refus du salarié de rejoindre son poste de responsable de secteur à [Localité 8].

Pour justifier que le licenciement de M. [I] était justifié par une cause réelle et sérieuse le premier juge s'est fondé sur la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail du salarié qui stipulait qu'il pouvait être affecté sur un quelconque poste sur le territoire national.

Il a estimé que la société avait fait jouer normalement cette clause de mobilité et que dès lors le refus du salarié pouvait fonder un licenciement.

M. [I] au soutien de son appel soutient que la clause est nulle comme insuffisamment précise, que le recours à cette clause par l'employeur est constitutif d'un abus de droit et qu'une autre proposition alternative aurait du lui être faite, ce qui n'a pas été le cas.

La clause contenue dans le contrat de travail de M. [I] est rédigée de la façon suivante :

'M. [I] s'engage à accepter en cas de besoin justifié par la bonne marche de l'entreprise toute nouvelle affectation dans une entité Orange Distribution actuelle ou future implantée dans une de ses zones d'activité sur le territoire français. En cas de mise en oeuvre de la présente clause la société informera M. [I] de sa nouvelle affectation en respectant un préavis d'un mois.'

Il ressort des documents contractuels produits aux débats que le contrat initial de M. [I] avec la société Orange Distribution dont l'objet social était l'animation des réseaux des sociétés commercialisant des abonnements au réseau Itinéris de France Télécom, lui conférait le statut de chef de secteur position Cadre, sur la direction des ventes régionales Ouest Sud-Ouest, le lieu de rattachement administratif étant à [Localité 6].

Le 24 juin 2005, un avenant était signé par les deux parties aux termes duquel, M. [I] était affecté à la région couverte par la direction des Ventes Régionales Sud-Ouest, le lieu de rattachement étant à [Localité 9].

Courant juin 2007, la société lui proposait un avenant l'affectant à la direction des Ventes Régionales Ouest Sud-Ouest, le lieu de rattachement étant [Localité 4], la date de mise en oeuvre de l'avenant étant fixée au 1er juillet.

Plusieurs courriels étaient échangés entre les parties dans le courant du mois de juin 2007 dont il ressortait que M. [I] contestait la nouvelle affectation qui lui était proposée dans la mesure où [Localité 5] n'était plus dans son secteur.

M. [I] et ses supérieurs hiérarchiques devaient se retrouver le mardi 19 juin pour discuter de son secteur d'activité.

Le 19 juin 2007, il était proposé à M. [I] la mutation sur le secteur de [Localité 8] et alors qu'il tentait de rediscuter l'attribution du secteur comprenant Brive et [Localité 7] qui lui avait été proposé initialement et sur lesquels l'échange du 19 juin devait porter, il lui était répondu qu'il était déjà affecté à une autre collègue.

A la demande de M. [I], le 6 juillet, il lui était rappelé le dispositif d'aide à la mobilité mis en place par la société.

Par la suite, M. [I] estimait que contrairement à ce que prétendait Orange Distribution, il disposait d'un délai de six semaines pour faire connaître sa décision et que la proposition de mutation ne lui avait été faite de manière complète que le 6 juillet.

Finalement le 16 août 2007, il faisait part de son refus d'accepter une mutation sur [Localité 8].

La décision de licenciement prise par la société Orange Distribution n'est fondée d'après les motifs énoncés dans la lettre de licenciement que sur le refus du salarié de se voir affecté à [Localité 8].

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la clause de mobilité telle qu'elle a été rappelée ci-dessus ne définit pas de façon suffisamment précise sa zone géographique d'application.

En effet, s'il peut être considéré que la zone d'application peut recouvrir un territoire vaste, tel le territoire métropolitain, en l'espèce, la référence au territoire français implique que la clause de mobilité pourrait concerner non seulement le territoire métropolitaine mais également l'ensemble des départements d'outre mer. De plus, il n'est fait référence à aucune liste d'établissements ou de zones d'activité et la possibilité d'y inclure des établissements non encore créés au moment de l'engagement du salarié concerné renforce encore l'imprécision de la clause.

Dès lors, la proposition de mutation sur le secteur de [Localité 8] faite à M. [I] doit s'analyser comme une modification du contrat de travail de ce salarié, d'autant qu'il est admis par la société Orange Distribution elle-même qu'une telle mutation géographique rendait indispensable le changement de domicile du salarié puisque la société Orange Distribution a rappelé à M. [I], l'ensemble des aides au déménagement dont il pouvait bénéficier.

Et en conséquence le licenciement qui n'est justifié que par ce refus d'une modification de son contrat de travail par M. [I] sera contrairement à ce qu'a retenu le Conseil de Prud'hommes de Libourne analysé comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette seule circonstance ne pouvant suffire à fonder un licenciement.

En outre, comme le fait remarquer M. [I], il est manifeste que les dispositions de l'article 6-4-1 de la convention collective Nationale des Télécom-munications qui a vocation à s'appliquer prévoient que les propositions de modifications du contrat de travail dans le cadre de la mobilité professionnelle doivent être faites au maximum en concertation avec le salarié, en prenant en compte au maximum sa situation personnelle, ce qui manifestement n'a pas été le cas.

A titre surabondant, il sera enfin relevé que l'employeur a fait un usage abusif d'une clause de mobilité qu'il considérait comme valable.

Si effectivement, la société Orange Distribution justifie avoir mis en oeuvre une profonde réorganisation interne au cours du premier semestre 2007, elle ne rapporte pas la preuve que la mutation de M. [I] à [Localité 8] serait justifiée par la bonne marche de l'entreprise.

En effet, la réorganisation des directions des ventes régionales menée dans le premier semestre 2007 avait notamment pour conséquence la fusion des directions Nord Ouest et Sud-Ouest en une seule Direction Ouest. Sur cette région, plusieurs postes de chefs de secteur se trouvaient en doublon, dont celui de M. [I] d'après les éléments de la société.

La première proposition de mutation sur [Localité 4] faite par l'employeur n'a pas été clairement refusée par M. [I] mais les parties devaient se rencontrer pour en débattre le 19 juillet. Or il ressort des courriels échangés que ce jour là, il a été proposé à M. [I] sa mutation à [Localité 8] et dans les jours suivants, lorsque ce dernier a demandé ce secteur de [Localité 4], il lui a été répondu qu'il était déjà affecté à une collègue.

Il est manifeste que la mutation à [Localité 8] a été dictée davantage par une volonté de sanctionner M. [I] que par l'intérêt de la bonne marche de l'entreprise.

Si les modifications dans les conditions de travail ressortent du pouvoir de direction de l'employeur, encore faut il qu'il n'en fasse pas un usage abusif et détourné de son objet, aucun manquement ne pouvant être invoqué et n'étant d'ailleurs allégué dans la manière d'exécuter son contrat de travail par M. [I] et la société Orange Distribution ne démontrant pas en quoi sa présence à l'agence de [Localité 8] était indispensable à la bonne marche de l'entreprise.

En fonction des circonstances de la rupture du contrat de travail, des difficultés qu'a rencontrées M. [I] pour retrouver un nouvel emploi, la Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à la somme de 25.000 euros l'indemnité allouée au salarié dans le cadre des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail.

Mais, il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour mesure abusive et vexatoire, faute de démontrer l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'équité commande d'allouer à M. [I] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' réforme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau :

' condamne la société Orange Distribution à verser à M. [I] la somme de 25.000 euros (vingt cinq mille euros) au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage qui ont dû être exposées pour le compte de M. [I] à concurrence de quatre mois,

' dit que, conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le Greffe transmettra copie de la présente décision à la Direction Générale de Pôle Emploi, [Adresse 10],

' condamne la société Orange Distribution à verser à M. [I] la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne la société Orange Distribution aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/03632
Date de la décision : 20/07/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/03632 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-07-20;09.03632 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award