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15/06/2010 | FRANCE | N°08/06100

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 15 juin 2010, 08/06100


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 15 JUIN 2010



(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 08/06100











Monsieur [E] [F]



c/



La S.A.R.L. Madeo Holding













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRA

R le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 15 JUIN 2010

(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 08/06100

Monsieur [E] [F]

c/

La S.A.R.L. Madeo Holding

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 septembre 2008 (R.G. n° F 07/01798) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 15 octobre 2008,

APPELANT :

Monsieur [E] [F], né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 4]

(83700), de nationalité Française, profession consultant, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Paul-André Vigné de la S.C.P. Mariette Tayeau-Malgouyat & Paul-André Vigné, avocats au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

La S.A.R.L. Madeo Holding, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Représentée par Maître Yves Guévenoux, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 mars 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. [E] [F] a été engagé par la S.A.R.L. Madeo Holding à compter du 3 janvier 2005 en qualité de directeur marketing et commercial.

Le 4 mai 2006, il était licencié pour motif économique.

Par ordonnance de référé du 1er février 2007, M. [F] obtenait une provision de 20.000 € à valoir sur la rémunération annuelle variable.

Le 31 juillet 2007, le salarié saisissait le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux pour contester son licenciement, invoquant l'énonciation insuffisante des motifs dans la lettre de licenciement, l'absence de motif économique avéré et de recherches de reclassement, et pour obtenir des dommages-intérêts à hauteur de 82.500 €, ainsi que le paiement de la prime en confirmation de l'ordonnance de référé.

Par jugement en date du 16 septembre 2008, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais il a condamné la S.A.R.L. Madeo Holding à payer à M. [F] les sommes de 3.958,33 € au titre du solde de la rémunération variable et de 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, rejetant toutes autres demandes des parties.

M. [E] [F] a relevé appel du jugement limité aux dommages-intérêts et à l'indemnité de l'article 700 Code de Procédure Civile.

Entendu en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, il demande de réformer le jugement en ce qui concerne le licenciement, de dire que celui-ci est dénué de cause réelle et sérieuse, de condamner la S.A.R.L. Madeo Holding à lui payer les sommes de 80.500 € à titre de dommages-intérêts et de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, la S.A.R.L. Madeo Holding demande de confirmer le jugement et de dire que le licenciement pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse, de débouter M. [F] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En préliminaire, il convient de constater que la condamnation en ce qui concerne la rémunération variable n'ayant pas fait l'objet d'un appel n'est pas remise en cause devant la Cour.

Sur le licenciement

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement et fixant les limites de litige, sont ainsi rédigés :

'Dans un contexte économique particulièrement tendu, caractérisé par une situation économique dégradée et une perte de compétitivité de nos structures d'exploitation, il apparaît nécessaire de réduire nos charges de structure.

A ce titre, nous avons décidé de restructurer le service marketing et commercial en supprimant votre emploi de directeur commercial et marketing ainsi qu'un emploi d'assistante de direction.

Dans le cadre de la nouvelle organisation mise en oeuvre, nous allons en effet réorganiser la fonction marketing et commercial qui sera désormais dévolue directement aux managers de site avec l'appui des attachés commerciaux pour les aspects opérationnels et à moi-même pour les aspects plus fonctionnels.

La suppression de votre emploi de directeur marketing et commercial nous amène ainsi, en l'absence de possibilité de reclassement, à vous notifier votre licen-ciement pour motif économique.'

En application de l'article 1233-3 du Code du Travail, il appartient au juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique, de vérifier l'existence des difficultés économiques ou de mutation technologique ou de la réor-ganisation effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise dans son secteur d'activité alléguées par l'employeur ayant entraîné la suppression du poste du salarié.

Pour dire le licenciement justifié pour une cause réelle et sérieuse, le premier juge a considéré que la lettre de licenciement était suffisamment motivée, qu'il existait des difficultés économiques confirmées par la désignation d'un mandataire ad hoc et l'ouverture en 2007 d'une procédure de conciliation devant le tribunal de commerce, que l'emploi du salarié a été supprimé et l'obligation de reclassement respectée.

Étant relevé qu'il n'invoque plus en appel l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement, M. [F] soutient que l'employeur ne démontre en rien, à supposer les difficultés économiques justifiées, en quoi celles-ci rendaient nécessaire son licenciement, n'étant pas allégué que ses fonctions ont été supprimées et que l'obligation de reclassement n'a pas été respectée, qu'un poste de directeur d'exploitation qu'il aurait pu occuper était disponible à la période de son licenciement et n'a été pourvu que le 2 janvier 2007 par le beau-frère du dirigeant du groupe.

La lettre de licenciement énonce une situation économique dégradée et une perte de compétitivité des structures d'exploitation nécessitant une restructuration du service marketing et commercial. Or, l'existence des difficultés économiques et/ou la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise doit s'apprécier au niveau du groupe dans le même secteur d'activité à une date proche du licenciement notifié le 4 mai 2006.

Pour justifier du motif économique, la S.A.R.L. Madeo Holding produit les bilans relatifs aux années 2004, 2005 et 2006, les exercices étant clos au 31 décembre de chaque année, des sociétés du groupe Madeo comprenant la S.A.R.L. Madeo Holding, la S.A.S. Madeo Exploitation, la S.A.R.L. Garden Immobilière de Gestion, et l'E.U.R.L. Itech Formation. Pour cette dernière société relevant d'un autre secteur d'activité, la S.A.R.L. Madeo Holding soutient quelle n'a plus d'activité depuis le 1er juillet 2006, étant déficitaire.

Au vu des chiffres d'affaires, résultats d'exploitation des trois sociétés pour les trois années en cause, ainsi que l'état des dettes de la S.A.R.L. Madeo Holding et de la S.A.S. Madeo Exploitation, tels que les a retranscrit le premier juge dans un tableau, établi par l'employeur et non contesté par le salarié, auquel la Cour se reporte,

il apparaît que les résultats étaient bénéficiaires en 2004 et 2005, et sont devenus largement déficitaires en 2006, que, cependant, le chiffre d'affaires de Madeo Exploitation reste en hausse en 2006 par rapport à 2004, la S.A.R.L. Madeo Holding expliquant que le chiffre d'affaires de 2005 s'explique par la location-gérance d'un hôtel au cours de l'année 2005 à laquelle il a été mis fin.

Toutefois, il convient de constater que la S.A.R.L. Madeo Holding ne produit aucun document concernant la situation intermédiaire à mi-année 2006, à une date proche du licenciement, alors que s'il y a eu une dégradation brutale de la trésorerie, comme l'invoque l'employeur, la seule situation au 31 décembre 2006 ne saurait suffire à justifier des difficultés existantes ou prévisibles en avril, mai 2006. En effet, hormis le courrier du 1er juillet 2005 du Crédit Mutuel qui a dénoncé son autorisation de découvert de 30.000 €, les autres pièces produites sont postérieures au licenciement.

Ainsi, par courrier du 4 juillet 2006, la Société Bordelaise a dénoncé son concours d'un crédit de trésorerie de 150.000 € à 60 jours. Les procédures devant le Tribunal de commerce de Bordeaux sont en date pour les premières de 2007, soit désignation d'un mandataire ad hoc le 15 mars 2007, l'ouverture d'une procédure de conciliation du 17 juillet 2007, conciliation homologuée le 10 octobre 2007, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde étant intervenue le 1er juillet 2009, trois ans après le licenciement de M. [F].

Dès lors, il y a lieu de constater qu'alors que les résultats de l'exercice 2005 étaient positifs, en l'absence de production d'une situation intermédiaire, avant la clôture du bilan au 31 décembre 2006, qui aurait montré ou laissé prévoir une dégradation des résultats au premier semestre 2006 et ses éventuelles répercussions, et en l'absence de tout autre document probant, la note d'information au personnel produite n'étant pas datée, mais postérieure à mars 2007, la S.A.R.L. Madeo Holding ne démontre pas l'existence de difficultés économiques avérées ou de la nécessité d'une réorganisation pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise à la date du licenciement, dès lors que les documents susceptibles de justifier de difficultés économiques, et plus particulièrement de difficultés financières, sont largement postérieurs au licenciement, sauf un, le retrait de concours du Crédit Mutuel dont le montant est peu élevé eu égard aux sommes mentionnées aux bilans.

Dans ces conditions, il apparaît que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il ne soit nécessaire de rechercher si l'employeur a respecté ou non son obligation de reclassement. En conséquence, le jugement déféré doit être réformé de ce chef.

Sur l'indemnisation du salarié

Compte tenu de son ancienneté, du montant de sa rémunération, du fait du chômage qui s'en est suivi et des circonstances de la rupture, il y a lieu d'allouer à M. [F] une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires

La S.A.R.L. Madeo Holding qui succombe en appel, doit supporter la charge des dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Il convient d'accorder à M. [F] une indemnité supplémentaire pour participation à ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Sur l'appel de M. [E] [F] contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 16 septembre 2008,

' réforme le jugement en ce qui concerne le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse,

' le confirme pour le surplus,

et statuant à nouveau du chef réformé,

' déclare le licenciement pour motif économique dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' condamne la S.A.R.L. Madeo Holding à payer à M. [E] [F] la somme de 30.000 € (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licen-ciement sans cause réelle et sérieuse,

y ajoutant :

' condamne la S.A.R.L. Madeo Holding à payer à M. [E] [F] la somme de 1.000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

' condamne la S.A.R.L. Madeo Holding aux entiers dépens.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Chantal Tamisier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. Tamisier M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 08/06100
Date de la décision : 15/06/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°08/06100 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-15;08.06100 ?
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