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08/06/2010 | FRANCE | N°09/02565

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 08 juin 2010, 09/02565


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 08 JUIN 2010



(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/02565











Monsieur [P] [Y]



c/



La S.A. Steria











Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement rendu ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 08 JUIN 2010

(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/02565

Monsieur [P] [Y]

c/

La S.A. Steria

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 avril 2009 (R.G. n° F 07/02537) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 05 mai 2009,

APPELANT :

Monsieur [P] [Y], né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 5], de

nationalité Française, profession analyste programmeur, demeurant [Adresse 1],

Représenté par Maître Monique Guédon, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

La S.A. Steria, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représentée par Maître Eve Dreyfus, avocat au barreau de Paris,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 avril 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. [P] [Y] a été engagé le 13 février 2001 en qualité d'analyste programmeur, par la société Steria dans un premier temps dans le cadre d'un contrat à durée déterminée puis d'un contrat à durée indéterminée.

Il a été amené à exercer plusieurs mandats de représentant du personnel au sein de l'entreprise.

Au mois de janvier 2005, il était affecté à une mission chez France Télécom sur un projet SIPROD.

Il était remplacé dans cette mission à partir d'octobre 2005 et estimant qu'il n'avait pas retrouvé un poste compatible avec ses aptitudes il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 31 juillet 2006. Il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 21 septembre 2006 pour faire juger que la rupture était imputable à l'employeur qui lui avait imposé alors qu'il était salarié protégé une modification de ses conditions de travail et il demandait que la rupture produise les effets d'un licenciement nul.

Par jugement en date du 15 avril 2009, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, a estimé que l'employeur qui avait du retirer M. [Y] de la mission chez France Télécom, lui avait ensuite proposé une autre mission tout à fait adaptée et que la rupture était imputable au seul salarié qui notamment avait demandé un prêt à son employeur dans les semaines précédant la rupture.

Il l'a débouté de toutes ses demandes.

M. [Y] a régulièrement relevé appel du jugement.

Par conclusions déposées le 26 mars 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, il soutient qu'en réalité, il a été exclu de la mission France Télécom en raison des ses mandats syndicaux. Il fait valoir qu'on lui a proposé un poste d'ingénieur qualité qu'il ne pouvait en aucun cas occuper et que finalement il a été laissé sans affectation.

Il forme les réclamations suivantes :

- dommages-intérêts pour licenciement irrégulier et nul soit 45.000 euros

- dommages-intérêts pour violation du statut protecteur soit 108.000 euros

- indemnité compensatrice de préavis soit 6.750 euros

- congés payés afférents soit 675 euros

- indemnité de licenciement soit 4.320 euros

- dommages-intérêts pour discrimination syndicale soit 10.000 euros

- indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile soit 3.000 euros.

Par conclusions déposées le 9 septembre 2008, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société Steria demande confirmation du jugement.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'analyse de la rupture du contrat de travail de M. [Y]

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient, alors, au salarié de rapporter la preuve des faits fautifs qu'il invoque.

En l'espèce, il est constant que M. [Y] au moment où il a pris acte de la rupture de son contrat de travail occupait plusieurs mandats syndicaux, délégué du personnel, membre du comité d'établissement, délégué syndical de l'établissement de [Localité 4] et représentant syndical. Il bénéficiait donc d'un certain nombre d'heures de délégation.

A partir de janvier 2005, il était affecté à une mission sur la société France Télécom, pour un produit SIPROD.

A partir du mois de septembre 2005, il était pris entre 50 et 80 % de son temps par des activités syndicales.

Par des courriers du mois de septembre 2005, la direction de l'agence de la société Steria décidait de retirer M. [Y] de ce poste, dans la mesure où il était trop pris par ses activités syndicales et de lui trouver une autre mission.

L'employeur persistait dans cette position alors même que M. [Y] lui rappelait qu'il ne pouvait modifier les conditions de travail d'un salarié protégé sans le consentement de ce dernier.

Le 13 octobre 2005, l'inspecteur du travail rappelait dans un long courrier très argumenté l'état de la législation sur les salariés protégés et demandait à l'employeur de remettre M. [Y] dans sa situation antérieure.

Par ailleurs, sur le même laps de temps, le délégué départemental CGT rappelait à la société Steria ses obligations et France Télécom précisait que si elle avait effectivement attiré l'attention de la société Steria sur la nécessité de monter en puissance dans l'exécution de sa prestation, elle laissait à la société Steria la totale maîtrise de l'opération.

Il était affecté à nouveau durant quatre semaines en octobre et novembre 2006 à France Télécom avec une mission de formation de son successeur.

Il est exact que cette mission à France Télécom a été acceptée par M. [Y].

Pour la suite, la société Steria lui a proposé une mission d'assistance qualité et le mail adressé le 17 novembre 2005 par M. [Y] peut être considéré comme un accord sur la suite, M. [Y] demandant cependant des précisions sur ses conditions de travail.

Dès lors, il apparaît que contrairement à ce que soutient M. [Y], s'il est exact que la société Steria a modifié les conditions de travail d'un salarié protégé, en revanche, après intervention de l'inspection du travail, les parties ont trouvé un terrain de compromis et M. [Y] a accepté de refaire une mission de formation auprès de SIPROD et a également accepté une mission d'ingénieur qualité, tout en demandant des informations complémentaires.

Cependant, il est manifeste que la société Steria, en mettant en avant l'indisponibilité de M. [Y] pour lui retirer cette mission, alors même que France Télécom n'avait pas exigé son départ, sans chercher une solution qui aurait pu permettre de le maintenir, n'a pas exécuté loyalement ses obligations.

Sur la période suivante, la société produit des compte-rendus d'activité mensuels qui démontrent que jusqu'à la fin du mois de février 2006, M. [Y] a eu une activité et adressé des notes de frais.

Cependant, sur la période suivante, la société Steria n'apporte aucun élément permettant de justifier d'une activité de la part de M. [Y] et de même, elle ne justifie pas d'avoir demandé à ce dernier d'effectuer telle ou telle prestation de travail.

Il ressort des pièces produites par la société Steria que M. [Y] a accepté une solution de compromis par rapport à la mission France Télécom mais par la suite, il est manifeste que ce dernier n'a pas eu par la suite une véritable mission, la société ne justifiant plus d'aucune activité de M. [Y] à partir du mois de mars 2006.

Le salarié de son côté produit des attestations qui témoignent de ce que M. [Y] aurait été laissé sans activité , les attestations de M. [M], M. [B] et Mme [J] relatant qu'à partir de mars 2006, il n'avait plus aucune activité.

La prise d'acte de rupture qu'a fait M. [Y] était donc largement justifiée par les violations des obligations contractuelles de la société Steria qui a considéré que M. [Y] avait accepté une modification de son contrat de travail alors qu'il ne s'agissait pour lui que d'un compromis et qui finalement a vidé la prestation de travail de son contenu, réduisant M. [Y] à une inactivité forcée. Si la cour ne considère pas comme établis l'intégralité des griefs de M. [Y] dans sa lettre de prise d'acte de rupture, les fautes commises par l'employeur dans l'exécution du contrat de travail sont suffisamment caractérisées pour que la rupture soit considérée comme imputable à la société Steria.

S'agissant de la rupture du contrat de travail d'un salarié protégé, dont le licenciement aurait dû être préalablement autorisé par l'inspection du travail, celle-ci doit produire les effets d'un licenciement nul.

Le jugement qui a considéré que la société Steria avait pleinement rempli ses obligations doit être réformé dans toutes ses dispositions.

Le fait pour M. [Y] d'avoir effectivement demandé un prêt à son employeur dans le cours du mois de juin 2006, ne peut pas permettre d'anéantir la démarche du salarié tendant à faire constater la rupture de son contrat de travail.

Sur les conséquences de la rupture

La rupture du contrat de travail devait s'analyser comme un licenciement, M. [Y] doit recevoir :

- indemnité compensatrice de préavis soit 6.750 euros

- congés payés afférents soit 675 euros

- indemnité de licenciement soit 4.320 euros

ces indemnités n'étant pas discutées en leur montant.

Le préjudice subi du fait de cette rupture, compte tenu des circonstances de l'espèce, sera réparé par l'allocation d'une somme de 20.000 euros.

Pour ce qui est de la violation du statut protecteur du salarié, M. [Y] est en droit d'obtenir le versement de ses salaires jusqu'à la fin de la période de protection, soit jusqu'à la fin de son mandat plus une période de six mois.

M. [Y] a été élu à nouveau le 28 mars 2006 en qualité de délégué du personnel.

En application de la loi du 2 août 2005, la durée du mandat des délégués du personnel a été portée à 4 ans et ce même texte a prévu dans l'article L 2314-27 que la durée du mandat du délégué du personnel pouvait être réduite par un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise. Un accord préélectoral ne peut produire un tel effet et c'est en vain que la société Steria soutient que la durée du mandat des délégués du personnel a été réduite à trois ans, dans le cadre d'un protocole préélectoral.

Il sera donc fait droit à la demande de M. [Y] sur ce point et il lui sera alloué la somme de 108.000 euros de ce chef.

Sur la discrimination syndicale

Il est constant que M. [Y] a subi un traitement différent des autres salariés, du fait de ses engagements syndicaux. En effet, dès le mois de juillet 2005, la société Steria a mis en avant les mandats syndicaux de M. [Y] pour l'enlever de ses missions chez France Télécom. Si un autre salarié se trouvait également dans une position particulière du fait de congés restant à prendre, il est manifeste que la société Steria a traité de manière différente, le cas de M. [Y].

Par la suite, les manquements de l'employeur ont entraîné l'intervention des autres syndicats et de l'inspection du travail, la société Steria mettant toujours en avant les mandats syndicaux de M. [Y] pour justifier de ses décisions le concernant.

La discrimination syndicale est donc établie et il y a lieu de réparer le préjudice de M. [Y] par l'allocation d'une somme de 1.000 euros.

L'équité commande d'allouer à M. [Y] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' réforme le jugement déféré,

et statuant à nouveau :

' requalifie la rupture du contrat de travail de M. [Y] en licenciement nul,

'condamne la société Steria à payer les sommes suivantes :

- une indemnité compensatrice de préavis soit 6.750 euros (six mille sept cent cinquante euros),

- les congés payés afférents soit 675 euros (six cent soixante quinze euros),

- l'indemnité de licenciement soit 4.320 euros (quatre mille trois cent vingt euros),

- une indemnité de 20.000 euros (vingt mille euros) pour licenciement nul,

- une indemnité de 108.000 euros (cent huit mille euros) pour violation de statut

protecteur,

- des dommages-intérêts d'un montant de 1.000 euros (mille euros) pour discrimination syndicale,

- une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1.000 euros (mille euros),

' dit que la société Steria gardera à sa charge l'ensemble des dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/02565
Date de la décision : 08/06/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/02565 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-08;09.02565 ?
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