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25/05/2010 | FRANCE | N°09/02534

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 25 mai 2010, 09/02534


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 25 MAI 2010



(Rédacteur : Madame Frédérique Loubet-Porterie, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/02534











Monsieur [B] [U]



c/



La Société Sofilab













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR

le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement ren...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 25 MAI 2010

(Rédacteur : Madame Frédérique Loubet-Porterie, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/02534

Monsieur [B] [U]

c/

La Société Sofilab

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 avril 2009 (R.G. n° F 08/00206) par le Conseil de Prud'hommes de Bergerac, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 30 avril 2009,

APPELANT :

Monsieur [B] [U], né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 3], de nationalité

Française, profession directeur juridique, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Nadia Hantali, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

La Société Sofilab, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représentée par Maître Roger Denoulet, avocat au barreau de Paris,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 mars 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Madame Frédérique Loubet-Porterie, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [U] était embauché en qualité de directeur juridique par la société Sofilab par contrat à durée déterminée en date du 25 juillet 2008.

Ce contrat prévoyait, du fait d'un autre emploi occupé par le salarié, une prise de fonction 'le plus tôt possible et au plus tard 3 mois et une semaine après la date de signature du contrat de travail par le salarié'.

Le 24 septembre 2008, la société informait M. [U] de sa volonté de rompre le contrat de travail reprochant à l'intéressé de ne pas l'avoir informée de la date effective de sa prise de fonction.

La société doutait de l'intention de M. [U] d'honorer son contrat de travail invoquant une 'confiance d'ores et déjà rompue'.

M. [U] prenait connaissance de ce courrier adressé en lettre recom-mandée avec accusé de réception le 24 septembre, date à laquelle il informait la société Sofilab de ce qu'il comptait prendre ses fonctions au sein de la structure le 6 octobre 2008.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 octobre, la société Sofilab faisait connaître au salarié sa volonté de maintenir sa décision.

Estimant que cette décision lui causait préjudice, M. [U] saisissait le Conseil de Prud'hommes de Bergerac aux fins de réclamer des dommages et intérêts équivalents aux salaires qu'il aurait dû percevoir outre des dommages et intérêts sur des primes d'objectifs et indemnité de précarité.

Par jugement en date du 9 avril 2009, le Conseil de Prud'hommes estimait que si la rupture était imputable à la société, celle-ci avait agi dans le délai de la période d'essai, nonobstant le fait que M. [U] n'ait pas encore pris ses fonctions à cette date.

S'appuyant sur divers éléments, le Conseil de Prud'hommes jugeait en effet que M. [U] ayant quitté son précédent emploi depuis plusieurs semaines et ayant été mis en demeure de confirmer s'il entendait, ou pas, rejoindre son poste au plus tôt, comme le prévoyait le contrat , sans le confirmer en temps utile à la société , il avait fait preuve de déloyauté à l'égard de son employeur de telle sorte qu'il était débouté de ses demandes de dommages et intérêts et de primes d'objectifs.

Le Conseil de Prud'hommes estimait toutefois qu'il avait subi un préjudice et lui allouait, compte tenu de sa situation de demandeur d'emploi, un mois de salaire et les congés payés afférents correspondant à un mois de salaire pour période d'essai outre les congés payés afférents.

M. [U] a relevé appel de ce jugement qui'il conteste tant en droit qu'en fait.

Les parties ont été entendues en leurs observations au soutien de leurs écritures desquelles, vu les moyens exposés :

M. [U] expose que les dispositions contractuelles prévues au contrat de travail signé avec la société Sofilab devaient lui permettre à la fois de quitter son ancien employeur et d'organiser son déménagement sur Sarlat, lieu de sa prise de fonctions.

Il en aurait avisé l' employeur au cours d'une rencontre en date du 5 août 2008 et son contrat se terminant le 18 septembre 2008 chez son ancien employeur, il aurait planifié sa prise de fonction pour début octobre, sachant qu'il disposait contrac-tuellement jusqu'au 2 novembre pour ce faire.

Il estime que son employeur a procédé à une rupture abusive de son contrat de travail, peu important que celui-ci ait ou non commencé à s'exécuter.

S'agissant d'un contrat de travail à durée déterminée, l'employeur ne peut se prévaloir d'une rupture en cours de période d'essai et qu'en l'absence de toute faute professionnelle caractérisée, d'un cas de force majeure ou d'un accord des parties, la rupture est abusive, les premiers juges ayant rendu une décision infondée tant sur le fond que sur la forme.

Il sollicite en conséquence :

- 80.000 € de dommages et intérêts au titre de l'article L.1243-1 du code du travail

- 8.000 € au titre des congés payés afférents

- 30.000 € au titre des primes contractuellement visées à l'article 3 du contrat de travail

- 6.667 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

outre condamnation de la société aux entiers dépens.

La société Sofilab estime que M. [U] a été recruté en qualité de cadre supérieur devant exécuter son contrat de bonne foi, avec loyauté et responsabilité.

Il lui appartenait donc, dès la signature, de démissionner de son ancien poste et de négocier fermement le raccourcissement maximal de son préavis, de sorte qu'il puisse informer au plus tôt son nouvel employeur de sa date d'arrivée dans l'entreprise.

La société entend rapporter la preuve que le salarié l'a laissée dans l'incertitude absolue de son arrivée et rappelle qu'il n'a pas signé un contrat disant 'Vous arrivez quand vous voulez'.

Dans la mesure où le contrat de travail à durée déterminée prévoyait une période d'essai d'un mois au terme de laquelle, durant cette période, chacune des parties était libre de mettre fin au contrat à tout moment et sans indemnité, la société estime qu'en cessant son emploi précédent le 18 septembre 2008, M. [U] était engagé dans la relation contractuelle avec son nouvel employeur dès le 19 septembre, de telle sorte que la rupture en période d'essai est valable.

Elle estime que le caractère fautif du comportement du salarié est établi et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a donné raison et infirmation sur les dommages et intérêts alloués au titre de la période d'essai outre condamnation de l'intéressé aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

SUR CE :

Sur la rupture du contrat de travail

Il résulte des dispositions de l'article L.1243-1 du code du travail que , sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure.

La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, peu important que l'exécution du contrat ait ou non commencé.

En l'espèce et toutefois, il ne saurait être fait application des règles rappelées ci-dessus au motif que la non exécution du contrat de travail est imputable à l'employeur.

En effet, il ressort des éléments du dossier que si les parties ont conclu le 25 juillet 2008 un contrat de travail à durée déterminée formalisé le 30 juillet suivant, celui-ci prévoyait, du fait d'un autre emploi occupé par le salarié, une prise de fonction 'le plus tôt possible et au plus tard 3 mois et une semaine après la date de signature du contrat de travail par le salarié'.

Il en résulte que le début de la relation contractuelle n'ayant pas été

définitivement fixée entre les parties, les mécanismes légaux prévus en matière de licenciement d'un salarié embauché en contrat de travail à durée déterminée pas plus que les règles relatives à la période d'essai prévue dans ce type de contrat ne sont applicables en l'espèce.

En effet, le contrat de travail en date de juillet 2008 n'a non seulement pas commencé à recevoir application mais l'absence de date fixée pour débuter cette relation contractuelle ne permet pas au salarié de considérer que ce contrat de travail à durée déterminée avait reçu une date d'exécution liminaire du dit contrat.

M. [U] lui même reconnaît dans ses écritures que si le contrat de travail a été définitivement conclu le 31 juillet 2008, il n'a jamais commencé à recevoir application compte tenu de l'incertitude qui entourait son début d'exécution.

M. [U] ne peut donc se prévaloir d'une 'rupture' du contrat de travail à durée déterminée.

Tout au plus la Cour peut elle constater la 'non réalisation' du contrat de travail certes imputable à l'employeur mais sans que celle-ci puisse être assimilée à une rupture d'un contrat de travail à durée déterminée ayant acquis capacité d'exécution.

En revanche, la société Sofilab ne peut davantage alléguer d'une annulation du contrat de travail, les motifs visés à l'article 1108 du code civil pour y recourir n'étant pas établis.

Elle ne peut davantage invoquer une rupture en cours de période d'essai puisque le début de la relation contractuelle n'a pas été clairement fixé et que le contrat n'avait pas force d'exécution du fait de l'absence de commencement effectif d'une quelconque période d'essai subséquente.

En conséquence, si la décision de la société de ne pas permettre au contrat de travail de se réaliser ouvre droit à réparation d'un préjudice certain pour le salarié, celui-ci, s'il peut prétendre à des dommages et intérêts , ne saurait invoquer le versement de ceux-ci sur la base de l'article L.1243-4 du code du travail, sauf à considérer que cette demande soit corrigée par la Cour en une somme implicitement comprise dans la demande d'indemnisation qu'il formule sur cette base.

A ce titre, et considérant que le salarié a effectivement subi un préjudice du fait de la non réalisation de son contrat de travail à durée déterminée, la Cour réformera le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la rupture du contrat de travail s'est produite pendant la période d'essai et qu'il a alloué à ce titre, 6.666 € à M. [U] outre les congés payés afférents.

La Cour, en réparation du préjudice subi compte tenu de la non réalisation du contrat de travail à l'initiative de l'employeur allouera à M. [U] la somme de 20.000 € correspondant à trois mois de salaire.

Sur les autres demandes

Eu égard à la solution apportée au litige, la Cour considérant que la non réalisation du contrat de travail conclu entre les parties n'entre pas dans le champs des règles applicables en matière de licenciement d'un salarié embauché en contrat de travail à durée déterminée confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] de l'ensemble de ses autres demandes, celui-ci ne pouvant prétendre à l'indemnité de précarité d'emploi qu'il sollicite pas plus qu'à ses demandes tendant à se voir indemniser de primes d'objectifs, les premiers juges ayant parfaitement relevé, à cet égard, que le salarié ne saurait prétendre à des primes correspondant à un travail qu'il n'a jamais mené.

Sur les demandes formulées au titre de l'article 1382 du code civil

Eu égard à la solution apportée au litige, il convient de débouter M. [U] de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 1382 du code civil, le préjudice invoqué étant réparé par les dommages et intérêts alloués au titre de la non réalisation du contrat de travail.

Sur les demandes accessoires

Eu égard à la solution apportée au litige, la société Sofilab qui succombe en appel sera condamnée à payer à M. [U] la somme de 1.500 €.

La société Sofilab qui succombe en appel sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Sur appel du jugement du Conseil de Prud'hommes de Bergerac en date du 9 avril 2009,

' confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de voir dire et juger que la 'rupture annulation' du contrat de travail à durée déterminée soit jugée sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts afférents outre les congés payés sur les sommes à devoir ainsi que de ses demandes relatives au paiement des primes d'objectifs et d'indemnité de précarité,

' réforme pour le surplus le jugement entrepris,

statuant à nouveau :

' condamne la société Sofilab à payer à M. [U] la somme de 20.000 € (vingt mille euros) en réparation du préjudice subi du fait de la non réalisation du contrat de travail à durée déterminée,

' déboute M. [U] de sa demande formulée au titre de l'article 1382 du code civil,

y ajoutant :

' condamne la société Sofilab à payer à M. [U] la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne la société Sofilab aux entiers dépens.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/02534
Date de la décision : 25/05/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/02534 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-25;09.02534 ?
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