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18/05/2010 | FRANCE | N°09/01377

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 18 mai 2010, 09/01377


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 18 MAI 2010



(Rédacteur : Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller)

(FG)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/01377











La S.A.R.L. GB Audit Conseil



c/



Madame [W] [B] [F]













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR

le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 18 MAI 2010

(Rédacteur : Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller)

(FG)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/01377

La S.A.R.L. GB Audit Conseil

c/

Madame [W] [B] [F]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 janvier 2009 (R.G. n° F 07/01608) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 09 mars 2009,

APPELANTE :

La S.A.R.L. GB Audit Conseil, agissant en la personne de son

représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Michel Gadrat, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

Madame [W] [B] [F], née le [Date naissance 3] 1951, demeurant [Adresse 1],

Représentée par Maître Monique Guédon, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 mars 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Embauchée le 2 janvier 1983 au sein de la SARL GB Audit Conseil, en contrat à durée indéterminée à temps complet, Mme [W] [B] [F] exerçait la profession d'assistante comptable pour une rémunération mensuelle de 1 799,00 euros ;

En date du 4 février 2007, Mme [F] informa son employeur de l'existence d'heures supplémentaires non réglées en fournissant un décompte de l'ensemble des heures effectuées ;

Le 20 février 2007, l'employeur répondit qu'il n'en avait jamais demandé l'exécution ;

En date du 16 mars 2007, Mme [F] mit en demeure son employeur de lui régler les heures supplémentaires ;

Le 30 mars 2007, l'employeur a confirmé son refus de non paiement quant aux dites heures ;

Ceci étant la relation contractuelle a été rompue en mai 2008, suite au licenciement de la salariée pour inaptitude.

Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes le 6 juillet 2007 pour se voir allouer :

'- des heures supplémentaires du 1er juin 2002 au 31 décembre 2006 :7 402,00 €

- congés payés sur heures supplémentaires : ................................. 740,20 €

- indemnités journalières : ............................................................. 183,38 €

- indemnité invalidité avril 2008 : .................................................. 562,14 €

- indemnité invalidité mai 2008 : .................................................. 580,87 €

- dommages intérêts pour non paiement heures supplémentaires : 8 000,00 €

- dommages intérêts pour travail dissimulé : ............................... 12 330,00 €

- outre l'article 700 du code de procédure civile : ........................ 1 600,00€'

Le conseil de prud'hommes de Bordeaux a estimé que 'la thèse de Mme [F] était crédible eu égard la nature du métier notamment pendant la période du bilan' ;

Et par décision du 30 janvier 2009 il a :

'- jugé que Mme [F] avait effectué des heures supplémentaires ;

- condamné la SARL GB audit conseil à payer Mme [F] les sommes suivantes :

- 7 402,00 euros au titre des heures supplémentaires en vertu de l'article L. 3171 - 4 du code du travail ;

- 740,20 euros au titre des congés payés ;

Dit que les sommes ci-dessus porteraient intérêts de droit au taux légal en vigueur à compter de la saisine ;

- 6 000,00 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi pour non paiement des heures supplémentaires ;

Dit que la somme ci-dessus porterait intérêts de droit au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- 700,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté Mme [F] du surplus de sa demande ;

Débouté la SARL GB Audit conseil de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens d'instance et frais éventuels d'exécution.'

***

Régulièrement appelante, la société GB Audit Conseil demande à la cour de réformer la décision entreprise, sur le paiement des heures supplémentaires sollicité par Mme [F], lesquelles n'auraient pas été demandées par l'employeur et une preuve n'est pas apportée de leur accomplissement, les éléments fournis à ces deux égards étant contesté par l'appelante, ce qui conduirait au rejet de la totalité des prétentions de la salariée.

***

Pour sa part Mme [F], au soutien d'un appel incident, demande à la cour, reprenant ses demandes initiales sauf à modérer les dommages intérêts pour non paiement des heures supplémentaires à hauteur de 6 000,00 euros et abandon des demandes pour paiement d'indemnité 'd'invalidité' ; de confirmer pour le surplus la décision entreprise ; à titre subsidiaire de condamner sous astreinte la société GB à produire les documents informatiques relatifs au temps de travail de la salariée ;

Elle indique qu'alors qu'elle a effectué des heures supplémentaires dont elle établirait la réalité, l'employeur serait défaillant à justifier des horaires dans l'entreprise et à justifier de son allégation selon laquelle il n'aurait pas demandé à la salariée d'effectuer lesdites heures supplémentaires alors que Mme [F] était dans l'obligation de les effectuer, compte tenu notamment de la nécessité de répondre en temps réel de l'accomplissement de la clôture des comptes dont elle avait la charge ;

Motifs de la décision :

Sur la demande portant sur des heures supplémentaires impayées :

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires réalisés par la salariée à l'appui de sa demande ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles (article L. 1371 - 4 du code du travail) ;

En considération de cette règle légale qui va conditionner la résolution du litige sur ce point, il convient de considérer que dans la présente instance l'employeur reste en réalité sur la défensive dans ses conclusions. Il n'apporte aucun élément devant la cour permettant de considérer qu'il a mis en place un processus de contrôle de la durée du travail comme l'y invitent les dispositions des articles L. 3171 - 1, 3171 - D, 3171 - 1 et suivants du code du travail ; le flou dans la détermination du travail effectif des salariés qui règne dans l'entreprise ne suffit pas en soi à écarter les éléments fournis par la salariée.

En effet celle-ci fournit des fiches du temps passé sur les dossiers des clients du cabinet dont elle avait la charge, des attestations selon lesquelles des heures étaient effectuées par les comptables du cabinet notamment en période de clôture des comptes des clients les plus importants pour permettre l'édition des documents légaux notamment ceux destinés à l'administration fiscale, des relevés de temps de travail depuis 2002, des agendas reprenant jour après jour les diligences qu'elle a accomplies ;

C'est à tort que l'employeur croit pouvoir se réfugier derrière la notation selon laquelle l'heure supplémentaire doit être accomplie à la demande de l'employeur en fonction de laquelle il maintient n'avoir jamais demandé de telles prestations ;

Mais comme le remarque à juste droit le conseil de la salariée, cette demande peut être implicite (au sens conventionnel établi par l'article 28) et résultant de la masse de travail à accomplir dans des délais déterminés dont l'employeur est responsable de la dévolution ; cette règle présomptive relative peut être renversée car dans la réalité de la relation contractuelle une fois établie l'existence d'un important travail déterminé réalisé l'employeur doit prouver que le salarié a effectué les heures supplémentaires nécessaires à son accomplissement contre son avis (c'est le sens de la décision des premiers juges) ;

En l'espèce Mme [F] fournit suffisamment d'éléments pour étayer sa demande au sens de la loi applicable ;

La critique formée par l'employeur sur certains de ces éléments chiffrés se heurte au fait que dans la mesure où la facturation d'un client dépend du travail accompli par le cabinet à son bénéfice, l'employeur est en position de justifier facilement de quelle somme il a débité son client sur les vacations horaires accomplies. Or, force est de constater que les critiques de l'employeur sur le temps passé sur le dossier de tel ou tel client ne sont pas assorties de la présentation de la facturation concernant ce dernier, ce qui aurait le mérite de vérifier si le temps de travail fourni par le cabinet s'est effectué 'à minima' sans recours aucun à des heures de travail qui, additionnées entre elles et comparées au temps de travail réglé par l'employeur aux salariés concernés, s'avèreraient devoir être comptabilisé en heures supplémentaires, comme le prétend, documents à l'appui, la salariée intimée au principal.

L'employeur ne fait pas l'effort de tenter de justifier comment il a pu facturer ses clients sans avoir déterminé le coût réel de ses prestations, d'autant que les règles de prudence en usage dans la profession l'invitent pour le moins à pouvoir établir le coût de son intervention par le travail accompli en fonction des honoraires facturés ; faute pour l'intéressé de satisfaire aux prescriptions de l'article 10 du code civil et 9 du code de procédure civile et en considération des éléments qui précèdent l'employeur n'est pas en mesure de contester sérieusement la demande de la salariée et, dès lors, la cour partage la conviction du premier juge au sens de l'article L. 3171 - 4 du code du travail selon laquelle la salariée a justifié de sa demande, estimant dans le même temps que chaque partie ayant la maîtrise de la défense de ses intérêts, il n'y a pas lieu pour la résolution du litige de rechercher des fiches informatiques que l'employeur ne veut pas communiquer, la cour pouvant tirer toutes conséquences utiles de cette abstention ;

La décision entreprise sera donc confirmée sur la demande en paiement d'heures supplémentaires formée par la salariée à l'encontre de la SARL GB Audit Conseil ;

Sur la demande portant sur une indemnité au titre de travail dissimulé :

(Article L. 8223 - 1 du code du travail, article 8221 - 5 du code du travail) ;

Des observations qui précèdent il est acquis que l'employeur s'est soustrait volontairement aux obligations tirées de l'article L. 8223 - 1 du code du travail ; mis en demeure de rétablir la situation, il a tenté de maintenir ses dissimulations ; l'élément intentionnel exigé par la loi est établi en l'espèce, l'application légale d'une indemnité de 6 mois de salaires en faveur de la salariée doit être constatée ;

Sur ce point la décision entreprise sera réformée.

Sur les dommages intérêts demandés pour préjudice résultant du défaut de paiement des heures supplémentaires :

Ce préjudice est réparé en regard des sommes allouées par l'existence d'intérêts moratoires résultant de la condamnation ;

Pour la partie des sommes qui n'auraient pas été perçues par la salariée en considération des règles de la prescription extinctive, il n'est pas possible de détourner cette dernière règle légale par le biais d'une demande de dommages intérêts pour une inexécution contractuelle qui se confond, en réalité, sur le fond du droit, avec le principal ;

Par voie de conséquence, sur ce point de droit précis, c'est à tort que le premier juge a cru pouvoir allouer 'contra legem' des dommages intérêts supplémentaires à la salariée ;

Dès lors, sur ce point également la décision entreprise sera donc réformée et la demande de la salariée écartée ;

Une allocation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile est équitable en cause d'appel en faveur de la salariée à hauteur de 1 500 euros ;

La SARL GB Audit Conseil supportera la charge des dépens d'appel éventuels.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant sur l'appel principal de la SARL GB Audit Conseil et sur l'appel incident de Mme [W] [B] [F] ;

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a :

'Condamné la SARL GB Audit Conseil à payer à Mme [W] [B] [F] les sommes de :

$gt; 7 402,00 euros au titre d'heures supplémentaires impayées,

$gt; 740,20 euros au titre de congés payés subséquents,

Statué sur les computations des intérêts moratoires sur ces sommes,

Statué sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et sur les dépens' ;

La réforme pour le surplus et statuant à nouveau :

Condamne la SARL GB Audit Conseil à payer à Mme [W] [B] [F]

la somme de 12 330,00 euros (douze mille trois cent trente euros) en application de l'article L. 8223 - 1 du code du travail ;

Déboute Mme [W] [B] [F] de sa demande autonome de dommages intérêts pour 'non paiement d'heures supplémentaires' ;

Déboute les parties su surplus de leurs demandes en cause d'appel ;

Condamne la SARL GB Audit Conseil à payer à Mme [W] [B] [F] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Dit que la SARL GB Audit Conseil supportera la charge des dépens d'appel éventuels.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/01377
Date de la décision : 18/05/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/01377 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-18;09.01377 ?
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