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09/02/2010 | FRANCE | N°08/06831

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 09 février 2010, 08/06831


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 09 FÉVRIER 2010



(Rédacteur : Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller)

(fg)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 08/06831









Monsieur [O] [U]



c/



La S.A.S. Technique Béton













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :>


LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement re...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 09 FÉVRIER 2010

(Rédacteur : Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller)

(fg)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 08/06831

Monsieur [O] [U]

c/

La S.A.S. Technique Béton

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 novembre 2008 (R.G. n° F 06/02291) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 21 novembre 2008,

APPELANT :

Monsieur [O] [U], né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 4], de nationalité

Française, demeurant [Adresse 3],

Représenté par Maître Mirella Ziliotto, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

La S.A.S. Technique Béton, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 5],

Représentée par Maître Nicolas Lambert-Vernay, avocat au barreau de Lyon,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 décembre 2009 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. [O] [U] a été embauché le 21 avril 1999 comme chef des ventes en contrat à durée indéterminée par la société devenue la société 'Technique Béton' ;

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il avait la responsabilité de l'agence de [Localité 2] et assumait le suivi commercial sur 24 départements ;

L'employeur a souhaité recentrer les activités du salarié et réduire le nombre de départements placés sous sa responsabilité ; les discussions entre les parties paraissaient avoir échoué ;

Le salarié a été en définitive licencié le 3 octobre 2006 pour insuffisance professionnelle (illustrée par une dégradation des résultats de son agence et une mauvaise gestion de celle-ci, selon les motifs allégués au soutien du licenciement ;

Il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 20 octobre 2006 pour se voir allouer 50 000 euros de dommages intérêts, contestant le licen- ciement intervenu ;

Le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux dans sa décision du 3 novembre 2008 a considéré que les éléments de l'espèce justifiaient le motif d'insuffisance profes-sionnelle reprochée à l'intéressé ; que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et, il a débouté le salarié de sa demande ;

Régulièrement appelant M. [U] maintient ses prétentions en cause d'appel; les circonstances de l'espèce lui permettant selon lui d'affirmer que le motif invoqué n'était pas 'réel' selon son expression, il conteste les chiffres qui lui sont opposés et produit une attestation contredisant les affirmations de l'employeur visées dans la lettre de licenciement ;

La société Technique Béton sollicite la confirmation de la décision entreprise, elle estime justifier de l'insuffisance professionnelle persistante de ce salarié licencié pour ce motif constitué.

Motifs de la décision :

Pour la clarté de l'analyse qui va suivre l'essentiel de la lettre de licenciement est reproduit ci-après :

'Ainsi que nous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

1°) J'ai été contraint d'attirer votre attention par une lettre recommandée du 2 mars 2005 sur le fait que, les résultats de votre agence étaient plus que médiocres, et sur votre gestion inexistante de l'agence de [Localité 2], dont vous êtes responsable.

Dans ce courrier, j'ai notamment insisté que le fait qu'il était urgent de réorganiser et de développer cette agence, car c'est notamment la 'piètre ambiance' et la désorganisation régnant dans l'agence de [Localité 2] qui ont contraint M. [J], notre meilleur vendeur dans votre région, à démissionner.

Vous n'avez tenu aucun compte de cette mise en garde solennelle.

2°) Vous n'êtes pas sans savoir que la société Technique Béton progresse de façon constante. Ainsi, le chiffre d'affaires a été comme vous le savez, le suivant pour ces dernières années :

$gt; année 2003 : 19.270 216,00 euros,

$gt; année 2004 : 21.376 147,00 euros,

$gt; année 2005 : 22.775 500,00 euros.

La société continue à améliorer ses résultats puisque le chiffre d'affaires s'est encore développé de façon importante durant l'année 2006 par rapport à l'année précédente (+ 16,3 % de chiffre d'affaires cumulé à fin août 2006).

3°) par contre, le chiffre d'affaires réalisé par l'agence de [Localité 2], ne suit absolument pas la même évolution que la société, et diminue depuis plus de 3 ans. Votre agence a successivement réalisé :

$gt; 2.576 818,00 euros en 2003,

$gt; 2.535 988,00 euros en 2004,

$gt; 2.356 300,00 euros en 2005.

Ainsi en 2004, votre agence perd 1,5 % alors que la société en gagne 10,9 %, et continue en 2005 avec - 7,1 % alors que technique Béton progresse de 6,5 %.

Enfin, au cours de la période de janvier à août 2006, l'agence de [Localité 2] régresse de 2,6 % par rapport à la même période l'année dernière, alors que la progression de la société est de 16,3 %.

4°) De plus, vous n'avez aucune politique de développement de l'agence de [Localité 2], et ceci se traduit notamment par vos budgets peu ambitieux.

En 2003, vous aviez budgété 3 012 752 euros (soit + 8,1 % de plus qu'en 2002) et l'agence n'a réalisé que 2.576 818,00 euros (soit - 14,5 %).

En 2004, vous aviez trouvé une solution saugrenue pour que votre agence réalise enfin son budget, car vous n'aviez budgété que 2.462 863,00 euros (soit - 18,2 % par rapport à 2003) ! Et effectivement l'agence a réalisé un chiffre d'affaires de 2.535 988,00 euros (soit = 2,9 % par rapport au budget).

En 2005, vous aviez budgété 2.679 912,00 euros (soit + 8,8 % de plus qu'en 2004) et l'agence n'a réalisé que 2.356 300,00 euros (soit - 12 %).

Pour la période de janvier à août 2006, vous aviez budgété 1.179 835,00 euros (soit - 2,20 % par rapport à la même période 2005) et, à fin août 2006 vous n'avez que réalisé 1.525 700,00 euros (soit - 11,8 %).

5°) Nous considérons que les faits ci-dessus énoncés constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.'

Cette lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est à analyser en comparaison avec les développements que chacune des parties a cru faire siens devant la Cour et en considération des pièces qu'elles ont cru devoir verser aux débats.

Sur ce dernier point il doit être relevé que la société Technique Béton ne s'est référée qu'à des documents internes uniquement confirmés par l'attestation très parcellaires de sa directrice financière qui se fonde sur des éléments tirés d'un logiciel informatique dont la cour ignore tout et dont la constatation de ses résultats allégués n'est pas en soi probante.

Cette notation est à rapprocher de l'impératif fixé par l'article L.1235-1 du code du travail en la matière qui doit guider la juridiction c'est à dire d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur de former la conviction de la Cour au vu des éléments fournis et si un doute subsiste d'en faire profiter le salarié.

A cet égard, les chiffres d'affaires (2° de la lettre) ne sont pas justifiés par des pièces comptables probantes.

On note d'ailleurs une approximation sur l'année 2005 (22 775 K€) indiquée dan la lettre de licenciement, alors que les bilans représenteraient (selon les pièces de l'employeur lui-même) 18 954 K€, ce qui modifie toute considération de la progression retenue par cette dernière.

Pour l'année 2006 il n'y a pas de document intercalaires suffisants à expliquer les chiffres retenus.

Le 1°) de la lettre de licenciement comporte 2 erreurs en considération des débats :

En 2004, selon les documents en possession de la cour l'évolution de l'agence a été positive, c'est à dire qu'à la date indiquée de mars 2005, faute de résultats intercalaires on ne pouvait arguer de résultats médiocres sans les expliquer. En réalité il est établi qu'en 2003, le territoire de cette agence a été amputé effectivement de plusieurs départements ce qui a été forcément, et à terme, sensible dans les résultats de cette agence, au bénéfice d'une autre agence dont les performances de chacune ne sont pas comparées à celle dirigée par le salarié pas plus que n'est expliquée la sommation des résultats au niveau de l'entreprise et, dans la mesure où l'employeur ne n'explique pas sur ce point comme il en a été invité par le conseil du salarié, force est de relever que les chiffres de 2003 et 2004 ne peuvent être retenus, pas plus de ceux de 2005 pour établir des comparaisons susceptibles d'imputer à M. [U] (lequel n'était pas sous la dépendance d'objectifs contractuels personnels) une insuffisance de résultats résultant de ses fonctions, étant effectivement rappelé que par contrat il était pour la politique commerciale à mener sous une tutelle (prévue) étroite de son employeur et qu'il résulte des indications qui précèdent que l'application des résultats, agence par agence, dépendait de la volonté de l'employeur.

Sur ce point, l'employeur est également à peine de justifier d'un ensemble d'instructions tendant à pouvoir vérifier que le salarié était en difficulté pour les appliquer.

La deuxième erreur du point 1°) de la lettre consiste dans la matérialité du reproche formé à l'égard de M. [U] en considération du cas de M. [J] qui aurait 'démissionné à raison de l'ambiance et surtout de l'organisation' (mauvaises toutes deux) de l'agence de [Localité 2] placée sous la direction de M. [U].

Il est établi par l'attestation sans équivoque de M. [J] sans que l'employeur prenne la peine de la contester :

1°) que M. [J] est parti pour voler de ses propres ailes et se félicite de sa collaboration avec son ex-collègue,

2°) qu'il considère que le chiffre d'affaires de l'agence de [Localité 2] a progressé grâce à leurs efforts communs,

3°) qu'en réalité le PDG lui avait proposé le poste de M. [U], ce qui pose effectivement le problème de la nature du fond réel du licenciement de ce dernier.

Les deux inexactitudes ainsi relevées dans cette lettre la privent de motif réel et sérieux sur les griefs ainsi allégués.

Les 2°) et 3°) points comme il l'est dit ci-dessus ne sont pas justifiés, faute d'éléments probants.

Le point 4°) de la lettre de licenciement repose sur des considérations portant une 'politique de développement d'agence' qui reste inconnue dans sa conception et sur l'analyse de 'budgets' qui ne sont pas communiqués et dont on s'interroge sur le rapport causal entre les chiffres allégués (et en tout cas sur leur impact) et l'insuffisance professionnelle alléguée du salarié, faute pour le moins de pouvoir les analyser en considération d'un motif réel et sérieux de licenciement.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le licenciement de M. [U] n'est pas justifié et que par voie de conséquence la décision entreprise doit être infirmée avec constatation du prononcé d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'égard de ce salarié, entraînant effectivement l'allocation de dommages et intérêts en sa faveur.

La Cour en considération des éléments dont elle dispose estime pouvoir fixer les dommages intérêts à allouer à ce salarié abusivement licencié à la somme de

38.000 euros.

La solution du litige étant dégagée il n'y a lieu de statuer en surplus sur l'économie des relations entre les parties.

Les circonstances de l'espèce permettent de considérer que s'agissant de l'application de l'article L.1235-3 du code du travail, celles de l'article L.1235-4 dudit code s'avèrent également applicables d'autant qu'il s'établit que l'intéressé a bénéficié d'allocation chômage, comme cela sera précisé au dispositif.

Une allocation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile est équitable en faveur du salarié à hauteur de 1.500 euros.

La société Technique Béton supportera la charge des dépens de première instance et d'appel éventuels.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant sur l'appel principal de M. [O] [U] ;

Infirme la décision entreprise ;

et statuant à nouveau :

Dit et juge que le licenciement de M. [O] [U] est sans cause réelle et sérieuse ;

en conséquence :

Condamne la SAS Technique Béton à lui payer la somme de 38.000 euros (trente huit mille euros) en application de l'article L.1235-3 du code du travail ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes en cause d'appel ;

Ordonne le remboursement par l'employeur SAS Technique Béton aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, dans la limite de six mois d'indemnités et selon les prescriptions de l'article L.1235-4 du code du travail ;

Condamne la SAS Technique Béton à payer à M. [O] [U] la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la SAS Technique Béton supportera la charge des dépens de première instance et d'appel éventuels.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Françoise Atchoarena, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F. Atchoarena M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 08/06831
Date de la décision : 09/02/2010

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°08/06831 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-09;08.06831 ?
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