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24/11/2009 | FRANCE | N°08/06917

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 24 novembre 2009, 08/06917


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 24 NOVEMBRE 2009



(Rédacteur : Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller)

fg



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 08/06917









Monsieur [T] [I]



c/



La S.C.A. Château [Localité 2]













Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ











N

otifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déféré...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 NOVEMBRE 2009

(Rédacteur : Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller)

fg

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 08/06917

Monsieur [T] [I]

c/

La S.C.A. Château [Localité 2]

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 12 novembre 2008 (R.G. n° R 08/00667) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, suivant déclaration d'appel du 24 novembre 2008,

APPELANT :

Monsieur [T] [I], demeurant [Adresse 1]

Cantenac,

Représenté par Monsieur [M] [W], délégué syndical C.G.T. muni d'un pouvoir spécial,

INTIMÉE :

La S.C.A. Château [Localité 2], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social, [Localité 2],

Représentée par Maître Carole Moret, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2009 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Par ordonnance de référé départage du 12 novembre 2008, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a écarté sa compétence pour statuer sur la demande de M. [T] [I] de se voir allouer un jour de repos en compensation de la coïncidence calendaire du 1er mai et de l'ascension dans l'année en cours.

Le 24 novembre 2008 M. [I] a formé appel de cette décision aux fins d'infirmation de cette décision ; l'employeur pour sa part a considéré qu'il n'a a pas en l'espèce lieu à référé compte tenu des dispositions applicables à cette procédure.

Devant la cour les parties ont été invitées à s'expliquer en premier lieu sur la recevabilité de l'appel compte tenu de la modicité du litige en considération du taux du ressort.

M. [I] a estimé que son appel était recevable au bénéfice de la lecture de la jurisprudence.

La SCA château [Localité 2] s'en est remis à l'appréciation de la cour sur ce point.

Par arrêt du 30 juin 2009, la cour a estimé que dans la mesure où le salarié faisait valoir qu'il demandait à la cour de statuer sur l'ouverture de son droit à repos d'une façon générale en considération des dispositions légales et à la lumière de la convention collective applicable, sa demande était par nature indéterminée, rendant son appel recevable ;

Elle a donc ordonné en conséquence, la réouverture des débats, au fond, à l'audience du mardi 29 septembre 2009 à 9 heures ;

Dans ses conclusions soutenues à l'audience M. [I] demande à la cour :

d'infirmer l'ordonnance de référé du 12 novembre 2008 du conseil de prud'hommes de bordeaux,

de lui accorder un jour de repos en compensation de la coïncidence du 1er mai 2008 avec le jeudi de l'ascension ;

de condamner l'employeur à lui payer la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de le condamner également aux dépens ;

au motif que l'article 47 de la convention collective dispose que le 1er mai et le jeudi de l'ascension sont des jours payés et chômés ;

que selon cet article, les journées citées dont le jeudi de l'ascension 'lorsqu'elles tombent un jour normalement ouvré dans l'entreprise sont chômées et payées' ;

que les délégués du personnel de l'entreprise ont demandé qu'en raison de cette coïncidence un jour de repos supplémentaire soit octroyé ; que la 'direction'a opposé un refus catégorique.

Que le choix de M. [I] de saisir en première instance la formation de référé était dicté par le fait que celui-ci a multiplié les démarches et intervention auprès de son employeur, que la saisine du conseil en formation de référé trouve là naturellement sa justification, car il résulte tant des textes législatifs ou conventionnels que de la doctrine de la direction générale du travail, que de la jurisprudence, qu'il est évident, qu'en l'espèce, le refus de l'employeur était manifestement injustifié.

Pour sa part, dans ses conclusions soutenues à l'audience la société du château [Localité 2] demande à la cour :

de confirmer l'ordonnance de référé de départage du conseil de prud'hommes de bordeaux du 12 novembre 2008 ;

de dire et juger de ne pas avoir lieu à référé ;

de débouter dans tous les cas M. [I] de l'ensemble de ses demandes ;

de condamner M. [I] au paiement d'une indemnité de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

de condamner M. [I] aux dépens ;

au motif qu'en regard des dispositions des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail la juridiction des référés apparaît incompétente pour connaître de ce litige qui relève du fond du droit, sur ce dernier point ;

Le jour de l'ascension n'était pas en 2008 'un jour normalement ouvré dans l'entreprise' puisqu'il est tombé un 1er mai, jour légalement chômé ;

Qu'ayant fait chômer et en ayant rémunéré le jeudi 1er mai 2008, la SCA Château [Localité 2] a bien respecté son obligation consistant à ne pas faire perdre de salaire à ses collaborateurs du fait de ce repos.

Qu'elle n'avait par contre aucune obligation d'accorder un avantage supplémentaire et un droit à indemnité ou repos compensateur si le salarié n'a pas eu 11 jours fériés, chômés et payés dans l'année.

Que la cour ne saurait être liée par une note de la direction générale du travail sans valeur contraignante ou par référence à des décision de jurisprudence statuant dans le cadre de l'interprétation d'autres conventions collectives.

Motifs de la décision

Le premier juge a estimé que l'action de M. [I] ne relevait pas d'une situation prévue par les article 1455-5 et suivants du code du travail ;

Ceci étant le salarié fonde sa demande sur les dispositions générales du code du travail sur celles de la convention collective applicable sur une note de la direction générale du travail et sur une jurisprudence qu'il estime transposable au cas d'espèce.

Les dispositions du code du travail en question sont les suivantes :

$gt; article L. 3133-1 du code du travail,

'Les fêtes légales ci-après sont des jours fériés :

... / ...

4° - le 1er mai,

5° - l'ascension ... / ...

$gt; article L. 3133-2 : les heures de travail perdues par suite de chômage des jours fériés ne donnent pas lieu à récupération ;

$gt; article L. 3133-3 : le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire, etc.

$gt; article L. 3133-4 : le 1er mai est jour férié et chômé ;

$gt; article L. 3133-5 : le chômage du 1er mai ne peut être une cause de réduction du salaire ;

Les salaires rémunérés à l'heure, à la journée ou rendement ont droit à une indemnité (à la charge de l'employeur) égale au salaire perdu du fait de ce chômage ;

$gt; article L. 3133-6 :'dans les services ne pouvant interrompre le travail les salariés occupés le 1er mai ont droit en plus du salaire correspondant au travail occupé à une indemnité (à la charge de l'employeur) égale au montant de ce salaire ;

$gt; article R. 3135-4 : le fait de méconnaître les dispositions des articles L. 3133-4 à L. 3133-6 relatives à la journée du 1er mai est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4ème classe.

Les dispositions de la convention collectives sont les suivantes :

'article 47 : jours fériés

Les jours fériés légaux applicables en agriculture sont ceux prévus à l'article L. 222-1 du code du travail :

- 1er janvier- 14 juillet

- lundi de pâques- assomption

- 1er mai- toussaint

- 8 mai - 11 novembre

- ascension- jour de noël

- lundi de pentecôte

tous les jours fériés sont chômés et payés lorsqu'ils tombent un jour normalement ouvré dans l'entreprise sous condition que le salarié soit présent les jours travaillés qui encadrent le jour férié. Cette condition ne s'applique pas :

1°) en cas de 'pont' demandé par le salarié et accordé par l'employeur avec possibilité de récupération du 'pont' ;

2°) en cas de congés payés du salarié, déjà prévus ;

3°) en cas d'absence du salarié décidée par l'employeur ou préalablement accordée.

Pour les salariés mensualisés, soit sur temps partiel, soit sur la durée légale, soit mensualisés sur un horaire supérieur comprenant des heures supplémentaires rentrant dans l'horaire hebdomadaire normal, le repos pris au cours des jours fériés n'entraînera aucune réduction du salaire mensuel habituel.

Le salarié non mensualisé bénéficie d'une indemnité égale au produit du nombre d'heures de travail perdues du fait du jour férié chômé par le montant de son salaire horaire de base.'

La note de la direction générale du travail indique (extrait) ;

'Conséquence de la coïncidence de deux jours fériés en 2008, jeudi de l'ascension et 1er mai, le salarié devra bénéficier, si la convention collective applicable à l'entreprise fait état de l'Ascension, d'un jour de repos supplémentaire au titre de ce jour férié'.

Le salarié fonde également sa demande sur la lettre du 19 mai 2008 de l'inspecteur du travail compétent qui a invité la société du château [Localité 2] à prendre ses dispositions compte tenu de cette situation qui lui a été rappelée, à la demande des représentants du personnel ; l'inspecteur du travail indiquant 'les salariés doivent bénéficier d'un jour de repos supplémentaire dans l'année'.

L'employeur a réitéré son refus lors du comité d'entreprise du 4 juillet 2008 nonobstant les indications ci-dessus ;

En considération de ce corpus il convient de retenir que les dispositions légales relatives au 1er mai sont d'ordre public, qu'elles ont un caractère autonome ne se confondant pas avec une autre disposition et que la coïncidence avec un autre jour férié doit être apprécié dans la seule acception de ce dernier ;

Les dispositions des conventions collectives (article L. 2251-1 du code du travail) peuvent être plus favorables que les dispositions légales mais ne peuvent déroger aux dispositions revêtant un caractère d'ordre public ;

La violation des règles sur le droit au repos, conséquence nécessaire des dispositions rappelées ci-dessus est constitutive d'un trouble manifestement illicite ;

La compétence du juge des référés pour faire cesser un trouble manifestement illicite (par application de l'article R. 1455-6 du code du travail) doit trouver application dans toutes les circonstances ou avec une évidence et une incontestabilité suffisante, une atteinte est portée au respect des textes ou des décisions administratives de manière unilatérale ; dans la situation en cause, l'entreprise ne pouvait se dégager de son propre chef, hors intervention du juge ou du processus d'interprétation de la convention, des règles en question, sauf à vider ces règles de tout contenu et de consacrer anormalement dans les rapports sociaux conventionnels fondés sur la négociation collective la seule décision unilatérale.

C'est donc à tort que le premier juge en présence d'une contestation d'une décision patronale manifestement contraire aux prescriptions ci-dessus a cru décliner la compétence qui lui était attribuée pour vérifier si elle ne constituait pas un trouble manifestement illicite notamment en considération du droit d'action ouvert au salarié par l'article L 2262-12 du code du travail ;

En effet le 1er mai est un jour férié et chômé et ne peut en lui même faire l'objet d'aucune compensation ni être l'occasion d'une perte de salaire ; au surplus la convention prévoit que tous les jours fériés sont chômés et payés lorsqu'ils tombent un jour normalement ouvré (ici un jeudi), lesquels sont au nombre répertorié de 11 dans l'année (article 47 de la convention ci-dessus rappelée 'in extenso') ;

La circonstance calendaire de la coïncidence du 1er mai et de l'ascension (jours fériés et chômés autonomes entre eux ne permet pas à l'employeur de retenir un jour de repos aux salariés concernés, leur nombre étant un droit conventionnel effectivement acquis, sauf à priver la convention de sens, en considération des dispositions des articles 1134 et 1156 et suivants du code civil ;

Dès lors, cette coïncidence induit nécessairement pour l'employeur l'obligation d'accorder un jour de congé supplémentaire aux salariés bénéficiaires de cette convention afin de les remplir de leurs droits au repos que la convention a ainsi institutionnalisé, le 1er mai en tant que tel devant être légalement disjoint du calcul comme indiqué ci-dessus ;

Ici l'ascension tombe un jour normalement ouvré, un jeudi, c'est un jour férié, chômé, payé, cette disposition est conventionnellement acquise au salarié ;

Le refus de remplir cette obligation aurait en effet pour conséquence de violer les prescriptions rappelées ci-dessus sur le 1er mai dont l'application doit rester autonome, dans le même temps qu'il contreviendrait au texte de la convention qui ne peut souffrir d'aucune interprétation, son texte en étant parfaitement clair sur le droit à congé des salairiés pour chaque fête qu'il détermine et dans leur nombre qu'il retient ;

C'est donc, à juste raison que M. [I] sollicite de la juridiction des référés qu'il soit enjoint à son employeur de lui accorder un jour de congé en application de l'article 47 de la convention collective qui lie les intéressés ;

En conséquence, la décision entreprise sera infirmée ;

La solution du litige étant dégagée, il n'y a lieu de statuer en surplus ;

Il n'y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La société du Château [Localité 2] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel éventuels.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant sur l'appel principal de M. [T] [I] ;

Vu l'arrêt du 30 juin 2009 ;

Vu l'article R. 1455-6 du code du travail ;

Infirme la décision entreprise et statuant à nouveau,

Retient sa compétence en formation de référé ;

Ordonne à la SCA Château [Localité 2] d'accorder un jour de congé supplémentaire

à [T] [I] en application de l'article 47 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde ;

Dit n'y avoir lieu à statuer en surplus ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la SCA Château [Localité 2] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel éventuels.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 08/06917
Date de la décision : 24/11/2009

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°08/06917 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-11-24;08.06917 ?
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