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24/11/2009 | FRANCE | N°08/06191

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 24 novembre 2009, 08/06191


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 24 NOVEMBRE 2009



(Rédacteur : Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller)

fg



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 08/06191











Monsieur [F] [B]



c/



La S.A. Vignobles [W] [S]











Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :
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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement ren...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 NOVEMBRE 2009

(Rédacteur : Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller)

fg

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 08/06191

Monsieur [F] [B]

c/

La S.A. Vignobles [W] [S]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 septembre 2008 (R.G. n° F 06/01687) par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 21 octobre 2008,

APPELANT :

Monsieur [F] [B], né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 5], sans emploi,

demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Sylvie Labeyrie, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

La S.A. Vignobles [W] [S], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représentée par Maître François-Xavier Chedaneau, avocat au barreau de Poitiers,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 octobre 2009 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Monsieur Francis Tcherkez, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Nathalie Belingheri.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. [F] [B] a été embauché comme directeur commercial par la SA vignobles [W] [S] en septembre 2003 ;

Il a été licencié le 24 mars 2006 pour motif économique ;

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux pour contester son licenciement en soutenant que celui-ci ne reposait pas sur des raisons économiques mais sur la volonté de l'employeur de le remplacer dans ses fonctions.

***

Le conseil de prud'hommes en formation de départage, le 9 septembre 2008, a estimé que les difficultés économiques étaient établies, que le licenciement était donc justifié et débouté M. [B] de ses demandes ;

Régulièrement appelant M. [B] demande à la cour de réformer la décision entreprise et de lui allouer la somme de 90 000 euros à titre de dommages intérêts et

8 500 euros pour licenciement irrégulier ;

Selon lui il aurait en réalité été licencié par une personne (M. [W] [S]) qui ne figure pas sur l'organigramme de la société employeur ;

Les éléments avancés au soutien du licenciement économique ne seraient pas justifiés, il a en réalité été remplacé ;

La question de son remplacement dans cette entreprise qui appartient à un groupe important n'avait pas été abordée.

La société employeur souhaite la confirmation de la décision entreprise ; elle soutient que M. [S] avait qualité pour licencier le salarié ;

Que la société avait des difficultés économiques, que l'obligation de reclassement

n'était pas envisageable dans le groupe car la SA [W] [S] est la seule à avoir une nature viticole dans le secteur d'activité de ce groupe qui serait le BTP (bâtiment et travaux publics).

Motifs de la décision

La lettre de licenciement est pour l'essentiel ainsi rédigée :

'Parempuyre, le 24 mars 2006

Monsieur,

Par courrier en date du 24 février 2006, nous vous avons convoqué à un entretien préalable sur le projet d'un licenciement individuel pour cause économique vous concernant.

Pour faire suite à cet entretien, nous vous informons que nous sommes désormais contraints de vous licencier pour le motif économique suivant qui vous a été exposé lors de l'entretien du 6 mars 2006 :

A la fin janvier 2005, la perte pour l'ensemble des sociétés de vins était de

263 000 euros dont 250 000 euros pour la SCEA [Adresse 4] et 13 000 euros pour les vignobles [W] [S].

La perte totale pour l'exercice 2004-2005 au 30 avril 2005 a été de 277 000 euros, soit un résultat sur le dernier trimestre 2004-2005 voisin de 0.

Au 30 janvier 2006, la perte pour les vignobles [W] [S] est de

70 000 euros. En prenant la même hypothèse d'un résultat voisin de 0 sur le dernier trimestre, la société enregistrera donc en fin d'exercice au 30 avril 2006 une nouvelle perte de 70 000 euros.

Les perspectives pour l'exercice à venir sont inquiétantes dans la mesure où la vente pro format de primeurs de l'exercice 2005-2006 (millésime 2004) est inférieure de 260 000 euros à l'exercice 2004-2005 (millésime 2003), cette diminution de chiffre d'affaires entraînant à terme une diminution de marge de l'ordre de 120 000 euros sur l'exercice 2006-2007.

De plus, l'article défavorable paru dans la revue du vin de France de mars 2006 pour les vignobles [W] [S] sera sûrement de nature à altérer un peu plus la situation.

En conséquence, la perte sur le présent exercice et la perte prévisionnelle pour l'exercice à venir, imposant dès à présent de prendre des mesures de restructuration destinées à réduire les frais généraux afin d'assurer la pérennité de l'entreprise, et donc de supprimer vos fonctions de direction.

Toutes ces raisons nous contraignent à la mise en place d'une procédure de licenciement individuel pour cause économique.

En conséquence, par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour cause économique pour suppression de votre poste de directeur, pour le motif ci-dessus énoncé... / ...

[W] [S]'

Sur la régularité du licenciement

M. [B] ne peut soutenir que ce licenciement serait irrégulier en la forme pour avoir été prononcé par M. [W] [S] qui au nom de l'entreprise qui porte son nom, l'a recruté, l'a dirigé, soit en qualité de directeur général, soit d'administrateur délégué, et auquel il s'est adressé pour justement contester son licenciement ;

Des pièces versées aux débats, il s'établit que cette personne avait parfaitement qualité pour le moins pour prononcer le licenciement.

M. [B] fait d'ailleurs une erreur juridique : la situation qu'il invoque ne représenterait pas seulement une irrégularité de procédure sanctionnée en la forme mais conduirait à la nullité du licenciement (irrégularité de fond) ; tel n'est pas le cas.

La demande de dommages intérêts formée par M. [B] sur ce point doit être écartée.

Sur le fond du licenciement

A) Sur les difficultés économiques alléguées

Il convient de considérer que les résultats de l'entreprise auxquels se réfère la

lettre de licenciement, ne relèvent pas d'une situation nouvelle car depuis 2003 l'entreprise vit sur une situation quasiment toujours déficitaire, sans que la pérennité de

celle-ci fasse question ; dès lors la situation de 2005 doit être placée en perspective de cette continuité convenue et acceptée par les partenaires financiers de l'entreprise au premier rang duquel figure le dirigeant du groupe intervenant dans le licenciement.

La lettre de licenciement fait état par rapport à 2005 d'un résultat de janvier 2006 qui induirait une situation plus difficultueuse ; ceci étant, il convient de constater que le dossier ne comporte pas de situation intercalaire comptable ou financière pour examen; le licenciement est du 24 mars 2006 et le bilan produit est du 30 avril 2006, donc postérieur et est donc produit bien après la situation à considérer.

En effet :

Les difficultés économiques doivent être examiner à la date du licenciement.

En mars 2006 la situation doit donc être examinée à la lumière des comptes annuels de l'entreprise dont la totalité n'a pas été communiquée à la cour puisque les annexes ne sont pas jointes ;

Ceci étant les difficultés économiques ne peuvent être seulement envisagées sur une situation modérément déficitaire dans un contexte de crise conjoncturelle et momentanée du secteur viticole relevant du domaine public, alors même qu'il est établi qu'elle dispose de stocks valorisables et importants, (ceci étant, les comptes font état d'une variation de stocks inexpliquée, mais l'état destiné aux douanes n'est pas joint);

Ensuite il convient de relever l'évolution de la structure du bilan par la variation des immobilisations (les terrains) passant de 1,7 millions d'euros à 7,5 millions d'euros sur période courte, ce qui dénote une politique d'investissement de l'entreprise et la formation brute de capital fixe est en contradiction avec les difficultés économiques invoquées sur le fond du licenciement du salarié, tel que cela est allégué ;

Ceci est à rapprocher d'ailleurs, du procès verbal du conseil d'administration du domaine, en date du 20 mars 2006, concomitant avec le licenciement selon lequel une parcelle de vignes d'une valeur de 300 000 euros est encore achetée par ledit domaine;

Ces éléments s'avèrent donc bien contraires à l'invocation de difficultés économiques de la société, qui au contraire bénéficie d'une solide assise économique ;

En réalité par les effets de la conjoncture et d'une gestion raisonnée l'entreprise est modérément déficitaire sans réaction des investisseurs et de ses banquiers compte tenu du niveau des emprunts souscrits, pendant la période dite difficultueuse ; elle n'est pas en difficulté, étant au surplus adossée à un groupe puissant ;

Le licenciement semble résulter d'un désaccord entre le chef de l'entreprise et le salarié (qui a été cadre dirigeant) du domaine avec l'ambiguïté supplémentaire de la motivation du licenciement qui apparaît dans le libellé de la lettre comme imputant au salarié une insuffisance professionnelle de résultats puisqu'il avait dans l'apparence la charge de la gestion du domaine, conduisant à la constatation alléguée de difficultés économiques ; cette notation a pour effet de remettre en cause la motivation du licenciement car il appartient à l'employeur de choisir le terrain juridique sur lequel il voulait (à ses risques) fonder la rupture. Les deux motifs (motif économique et insuffisance de résultats) étant entre eux incompatibles en regard des textes du droit positif relatif à la rupture des relations contractuelles du travail ;

Enfin la lette du dirigeant du domaine et du groupe, du 6 avril 2006, donne encore une raison à cette rupture qui est de 'faire des économies' (page 2 de la lettre), le texte exact étant :

'Pour ce qui concerne la situation générale de la société, la suppression de votre poste génère à peu près 200 000 euros d'économies.'

Il va de soi que n'a pas un motif économique le licenciement opéré pour des raisons 'd'économie' ; le salarié étant remplacé par une personne dont la prestation est très faiblement coûteuse pour occuper pratiquement le même emploi comme tel est le cas ici de l'intervention d'un conseil (gérant conseil) auprès de la présidence de la société, chargé des attributions autrefois concédées par le dirigeant du groupe à M. [B], tombé en disgrâce selon la correspondance versée aux débats.

De ces observations il apparaît de manière manifeste et évidente que l'allégation de difficultés économiques pour fonder le licenciement de M. [B] n'est pas justifiée et, qu'en réalité, le licenciement repose sur un motif personnel, ce qui entraîne la conséquence que ce licenciement tel qu'il est prononcé est dès lors sans cause réelle et sérieuse.

Sur le surplus des demandes et (l'obligation de reclassement invoquée)

Au demeurant et pour répondre complètement à l'articulation des demandes des parties en cause d'appel, il convient de noter que l'employeur s'étant placé sur le terrain d'un licenciement pour motif économique avait l'obligation légale de rechercher un reclassement de ce salarié licencié.

Cette recherche de reclassement du salarié victime de licenciement économique en droit positif doit être effectuée au niveau du groupe auquel l'employeur appartient si celui-ci n'est pas possible en interne (ici 37 salariés dans l'entreprise).

La société des vignobles [W] [S] n'a pas pris la peine d'effectuer la moindre recherche de reclassement.

Dans ses écritures soutenues à l'audience, elle allègue que le reclassement lui paraît, à postériori impossible (puisque dans la lettre de licenciement il n'y ait fait aucune référence, ce qui en soi est significatif), au motif que le domaine serait dans le groupe activité viticole, sans fournir la consistance ou la structure dudit groupe ; il n'établit donc pas qu'il ait été recherché les emplois disponibles dans ce groupe puissant, pouvant permettre le reclassement d'un salarié qui n'est pas oenologue mais cadre administratif, gestionnaire de haut niveau, pouvant remplir des fonctions de cet ordre existants dans toute organisation économique, telle que ce groupe multiforme dans lequel toute permutation est possible ; la recherche de reclassement n'a donc pas été ni loyale, ni légalement vêtue et donc par voie de conséquence (article L. 1233-4 du code du travail), s'il en était besoin en considération du présent litige, cette situation entraînerait également les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

B) Sur les conséquences

La constatation que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse entraîne

allocations de dommages intérêts en faveur du salarié licencié, la situation examinée par la cour lui permet de fixer la somme adéquate à hauteur de 65 000 euros.

La solution du litige étant dégagée, il n'y a lieu de statuer en surplus à l'égard des parties dont les considérations plus amples ne sont pas justifiées.

Le licenciement du salarié intervient pour une cause que n'est pas réelle et sérieuse (article L. 1235-3 du code du travail).

Il est établi que M. [B] a été inscrit au chômage (attestation pôle emploi) les dispositions applicables d'office de l'article L. 1235-4 du code du travail seront donc vêtues comme il sera précisé ci-après au dispositif.

Une allocation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile est équitable à hauteur de 1 500 euros.

La société des vignobles [W] [S] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant sur l'appel principal de M. [B],

Infirme la décision entreprise,

Et statuant à nouveau,

Dit et juge que le licenciement de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamne la SA vignobles [W] [S] à payer à M. [T] [B] la somme de 65 000 euros (soixante cinq mille euros) à titre de dommages intérêts,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Ordonne d'office le remboursement par la SA vignobles [W] [S] aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié pendant 6 mois, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,

Condamne la SA vignobles [W] [S] à payer à M. [T] [B] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que la SA vignobles [W] [S] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel éventuels.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 08/06191
Date de la décision : 24/11/2009

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°08/06191 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-11-24;08.06191 ?
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