COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE-SECTION B
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ARRÊT DU : 30 AVRIL 2009
(Rédacteur : M. Patrick BOINOT, Conseiller)
CHAMBRE SOCIALE-SECTION B
SÉCURITÉ SOCIALE
No de rôle : 08 / 00182
Société SOGARA FRANCE venant aux droits de la Société Niortaise d'Exploitation Commerciale, agissant par son représentant légal,
c /
La caisse primaire d'assurance maladie de la Charente, prise en la personne de son représentant légal,
Madame Solange X...
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 décembre 2007 (RG : 2005 / 5337) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Charente, suivant déclaration d'appel en date du
09 Janvier 2008,
APPELANT :
Société SOGARA FRANCE venant aux droits de la Société Niortaise d'Exploitation Commerciale, agissant en la personne de son représentant légal, demeurant 1 rue Jean Mermoz-ZAE SAINT-GUENAULT-91002 EVRY CEDEX
représentée par Maître Marie-Isabelle TEILLEUX, avocats au barreau de BORDEAUX, loco Maître Camille-Frédéric PRADEL, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
La caisse primaire d'assurance maladie de la Charente, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, 30 Boulevard de Bury-16910 ANGOULÊME CEDEX 09
représentée par la SCP ROUXEL et HARMAND, avocats au barreau de BORDEAUX,
Madame Solange X..., demeurant...- ...-16430 VINDELLE
non comparante,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 février 2009, en audience publique, devant M. Patrick BOINOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Benoît FRIZON de LAMOTTE, Président,
M. Patrick BOINOT, Conseiller,
M. Claude BERTHOMME, Conseiller.
Greffier lors des débats : Madame Chantal TAMISIER, Greffier,
ARRET :
- réputé contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
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FAITS ET PROCEDURE
Mme Solange X..., salariée, au magasin Carrefour de Soyaux (Charente), de la société Sogara France, a établi, le 19 mai 2003, une déclaration de maladie professionnelle, relative à une rechute d'un syndrome du canal carpien droit, répertorié au tableau no 57 C des maladies professionnelles. Après avoir diligenté une enquête, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente (la caisse) a reconnu le caractère professionnel de cette affection. La commission de recours amiable de la caisse ayant, par décision du 28 novembre 2005, confirmé la prise en charge de cette affection au titre de la législation professionnelle, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Charente d'une contestation de cette décision.
Par jugement du 10 décembre 2007, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Charente, rejetant le recours formé par la société, a confirmé la décision de la commission de recours amiable de la Charente.
La société a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Mme X..., régulièrement convoquée à l'audience du 19 février 2009 par lettre recommandée avec avis de réception signé le 10 octobre 2008, ne comparaît pas à cette audience.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la société sollicite de la cour qu'elle réforme le jugement frappé d'appel et lui déclare inopposable la décision de pris en charge de l'affection de Mme X....
Contestant avoir reçu la lettre du 9 septembre 2003, censée l'avertir de la fin de l'instruction de la procédure, et relevant que la caisse reconnaissait que l'exemplaire de la lettre qu'elle produisait aux débats avait été imprimée en 2007, elle soutient que ce document n'est pas recevable comme preuve, par application des articles 1315, 1316-1 et 1348 du code civil et 6, § 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la preuve du respect des formalités d'ordre public prévues à l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ne se fait pas par tout moyen puisque la décision de clôturer l'instruction est un acte juridique, et que la caisse ne produit aucun écrit susceptible de constituer un commencement de preuve par écrit, conforme aux exigences de l'article 1347 du code civil. Subsidiairement, elle estime que le délai de consultation du dossier était insuffisant.
Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la caisse sollicite de la cour qu'elle rejette la demande de la société, confirme le jugement et condamne cette société à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu'elle a respecté le principe du contradictoire à l'égard de l'employeur par l'envoi de la lettre du 9 septembre 2003, même si celui-ci conteste l'avoir reçue, puisqu'elle produit l'avis de réception signé le 10 septembre 2003, que la société ne peut contester cet envoi qu'en produisant l'original de la lettre qu'elle affirme avoir reçue pour en démontrer le contenu, que l'avis de réception constitue un commencement de preuve par écrit et que l'assurée, Mme X..., reconnaît avoir été avisée qu'elle pouvait consulter son dossier.
MOTIFS
Le litige porte sur la preuve, par la caisse, de l'envoi de la lettre informant l'employeur de la fin de la procédure d'instruction relative au caractère professionnel de la maladie de Mme X... et de la possibilité de consulter le dossier dans un délai fixé, obligation résultant des dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale.
La décision de la caisse de mettre fin à cette instruction constitue un acte juridique, puisqu'elle correspond à une manifestation de volonté de sa part dont l'objet est de produire une conséquence juridique. La preuve de l'écrit avisant l'employeur de cette décision ne peut être faite par tout moyen mais doit l'être conformément aux dispositions des articles 1315 et suivants du code civil. La caisse, qui veut prouver qu'elle a rempli son obligation d'information par la production d'une copie informatique, doit alors se conformer à ces dispositions du code civil, notamment les articles 1347 et 1348.
Selon l'article 1 348, alinéa 2, de ce code, invoqué par la société, les règles posées pour la preuve des actes juridiques reçoivent exception lorsqu'une partie, qui n'a pas conservé le titre original, présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais durable.
Si, en l'espèce, la caisse produit un document qu'elle reconnaît avoir imprimé en 2007 en soutenant qu'il s'agit de la copie de l'original qu'elle aurait établi en 2003, la société, qui conteste avoir reçu en 2003 cette lettre l'avisant de la clôture de l'instruction, fait justement valoir que le document imprimé en 2007 par la caisse n'est pas une reproduction fidèle et durable au sens de l'article 1348, alinéa 2, puisque le logo, apposé sur le document imprimé en 2007, n'existait pas en 2003.
Selon l'article 1347 du même code, les règles de preuve reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, étant précisé qu'un tel écrit doit émaner de celui contre lequel la demande est formée et rendre vraisemblable le fait allégué. La société soutient que le document imprimé en 2007, produit par la caisse à l'appui de sa prétention, ne répond pas aux exigences du commencement de preuve par écrit telles qu'elles résultent de cet article.
Mais la caisse produit l'avis de réception d'un envoi recommandé distribué le 10 septembre 2003 et destiné à la " Niortaise exploitation commerciale ", devenue la société Sogara France, et cet avis est signé par un représentant de celle-ci, qui ne le conteste pas. Ce commencement de preuve par écrit rend vraisemblable, au sens de l'article 1347, le fait allégué par la caisse et autorise alors à rechercher s'il est complété par d'autres éléments susceptibles de prouver l'exécution de l'obligation de la caisse envers la société.
En ce sens, il convient de relever que cet avis de réception, qui n'est pas argué de falsification, est daté du 10 septembre 2003 alors que la lettre contestée était datée du 9 septembre 2003 et qu'il comporte les dix premiers chiffres du numéro de sécurité sociale de Mme X... et la référence à sa déclaration de maladie professionnelle. De plus, la caisse produit l'attestation de Mme X..., qui " affirme sur l'honneur avoir reçu un courrier du centre de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente en date du 9 septembre 2003 m'autorisant à consulter son dossier pour demande de maladie professionnelle ".
Ainsi, la caisse démontre qu'elle a envoyé à la société la lettre l'informant de la fin de la procédure d'instruction relative au caractère professionnel de la maladie de Mme X... et de la possibilité de consulter le dossier dans un délai fixé.
Par ailleurs, il convient d'écarter le moyen allégué par la société, tiré de la violation de l'article 6, § 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puisque le droit à un procès équitable ne concerne pas la décision, purement administrative, de reconnaissance par la caisse du caractère professionnel de la maladie.
Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la caisse avait informé la société de la date à laquelle elle comptait prendre sa décision et l'avait mise en demeure de connaître les éléments susceptibles de lui faire grief, satisfaisant ainsi à la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Mme X....
Sur la régularité du délai de consultation du dossier
Par la lettre du 9 septembre 2003, reçue le 10 septembre 2003, la caisse a informé la société que, préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie de Mme X..., elle avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier pendant un délai de dix jours à compter de la date d'établissement de ce dossier. La société bénéficiait donc d'un délai effectif d'une semaine.
Au vu de ces éléments, la cour estime qu'un délai suffisant a été accordé à la société et que la décision de prise en charge de la maladie de Mme X... au titre de la législation professionnelle est opposable à celle-ci.
En conséquence, le jugement doit être confirmé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Charente du 10 décembre 2007,
Condamne la société Sogara France à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Benoît Frizon de Lamotte, Président, et par Chantal Tamisier, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
C. Tamisier B. Frizon de Lamotte