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18/11/2008 | FRANCE | N°1062

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0074, 18 novembre 2008, 1062


Dossier n 08 / 00623
MD

Arrêt no :

MP C / X... Jean Philippe Alain, Y... Luc, S. A. SILO PORTUAIRE BORDEAUX Y..., S. A. R. L. SOCIETE BORDELAISE DE TRANSIT et Z... Jean-Pierre

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
3ème Chambre Correctionnelle

Arrêt prononcé publiquement le 18 NOVEMBRE 2008,
Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de BORDEAUX du 27 mars 2008 (Node parquet 0027431- 4ème chambre).

I.- PARTIES EN CAUSE :

A.- PRÉVENUS

-Y... Luc
Né le 03 Décembre 1963 à ERAGNY SUR EPTE, OISE (060)
Fils de Y... Louis et

de D... Marguerite
De nationalité française
Marié
Directeur de société
Demeurant... SUR EPTE
Déjà condamné
...

Dossier n 08 / 00623
MD

Arrêt no :

MP C / X... Jean Philippe Alain, Y... Luc, S. A. SILO PORTUAIRE BORDEAUX Y..., S. A. R. L. SOCIETE BORDELAISE DE TRANSIT et Z... Jean-Pierre

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
3ème Chambre Correctionnelle

Arrêt prononcé publiquement le 18 NOVEMBRE 2008,
Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de BORDEAUX du 27 mars 2008 (Node parquet 0027431- 4ème chambre).

I.- PARTIES EN CAUSE :

A.- PRÉVENUS

-Y... Luc
Né le 03 Décembre 1963 à ERAGNY SUR EPTE, OISE (060)
Fils de Y... Louis et de D... Marguerite
De nationalité française
Marié
Directeur de société
Demeurant... SUR EPTE
Déjà condamné

Appelant et intimé, présent et assisté Maître Gérard FREZAL, avocat au barreau de ROUEN.

- X... Jean Philippe Alain
Né le 23 Mars 1959 à MONTARGIS, LOIRET (045)
Fils de X... Alain et de A... Simone
De nationalité française
Marié
Directeur des ventes
Demeurant... SUR SEINE
Jamais condamné

Appelant et intimé, présent et assisté de Maître Nathalie ANGUÉ, avocat au barreau de ROUEN.

- Z... Jean-Pierre
Né le 15 Septembre 1957 à ANGOULEME, CHARENTE (016)
Fils de Z... Gilbert et de I... Henriette
De nationalité française
Marié
Restaurateur
Demeurant...
Libre
Jamais condamné

Appelant et intimé, présent et assisté de Maître Carol DARRICAU-FERRE, avocat au barreau de BORDEAUX.

B.- SOLIDAIREMENT RESPONSABLES

-S. A. SILO PORTUAIRE BORDEAUX Y... (SPBL)
N de SIREN : 334-489-267, prise en la personne de son représentant légal monsieur François Y..., domicilié es qualité...

Appelante et intimée, absente et représentée par Maître Gérard FREZAL, avocat au barreau de ROUEN (démuni de pouvoir).

- S. A. R. L. SOCIETE BORDELAISE DE TRANSIT (SOBTRAN)
N de SIREN : 392-456-075, prise en la personne de son représentant légal Luc Y..., domicilié es qualité...

Appelante et intimée, présente en la personne de Luc Y... et assistée de Maître Gérard FREZAL, avocat au barreau de ROUEN.

C.- LE MINISTÈRE PUBLIC

appelant,

D.- PARTIE INTERVENANTE

LA DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUETES DOUANIERES, prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualité 22 Rue de Charonne-BP 529-75011 PARIS CEDEX 1

Intimée, présente en la personne de madame Quitterie B....

II.- COMPOSITION DE LA COUR :

* lors des débats et du délibéré,

Président : monsieur MACKOWIAK, conseiller faisant fonction de président

Conseillers : monsieur MINVIELLE,
monsieur LE ROUX.

* lors des débats,

- Ministère Public : madame CAZABAN,

- Greffier : madame D'ALES.

III.- RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

A.- La saisine du tribunal et la prévention

Luc Y... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Bordeaux par ordonnance du 8 novembre 2006 rendue par le juge d'instruction de Bordeaux. Il a été cité à personne par exploit d'huissier de justice en date du 8 novembre 2007 pour comparaître à l'audience.

Luc Y... est prévenu :

1) d'avoir à Bassens et Etrepagny entre le 20 janvier 1996 et le 15 septembre 2000, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en qualité de gérant de la société SOBTRAN, par quelque moyen que ce soit même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ses co-contractants sur les qualités substantielles et sur les quantités des marchandises livrées en l'espèce en minorant les pesées des marchandises livrées ou reçues par camions, en majorant leur taux d'humidité et en détournant après la pesée une partie de celles qui étaient chargées sur les navires,

infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation.

2) d'avoir à Bassens en tout cas sur le territoire national, courant 2000 et notamment au mois de février et depuis temps non prescrit, participé, comme intéressé à la fraude en qualité d'entrepreneur ou de membre d'une entreprise ayant un intérêt direct à cette fraude, et d'une manière quelconque à un délit réputé d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées par fausses déclarations ou manoeuvres ayant pour but ou pour effet d'obtenir, en tout ou partie, un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attachés à l'importation ou à l'exportation, en l'espèce pour avoir en qualité de gérant de la SARL SOBTRAN, détourné une quantité de céréales estimée à 157, 168 tonnes du chargement du navire THARINEE NAREE dans son intérêt direct et celui de son entreprise puisque les marchandises détournées étaient destinées à être revendues au profit de la société dont il est gérant et alors qu'il savait que ces céréales faisaient partie d'un programme d'aide alimentaire de l'Union Européenne qui a permis à la société SIGMA de percevoir indûment des restitutions dans le cadre du FEOGA,

infraction prévue par les articles 399, 414, 423, 424, 426, 427, 38 du Code des douanes et réprimée par les articles 399 § 1, 414, 437 AL. 1, 438, 432- BIS 1, 369 du Code des douanes.

Jean Philippe X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Bordeaux par ordonnance du 8 novembre 2006 rendue par le juge d'instruction de Bordeaux. Il a été cité à mairie par exploit d'huissier de justice en date du 22 octobre 2007 (AR signé le 29 octobre 2007) pour comparaître à l'audience.

Jean Philippe X... est prévenu :

1) d'avoir à Bassens et Etrepagny entre le 20 janvier 1996 et le 15 septembre 2000, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en qualité de directeur commercial de la société SOBTRAN, par quelque moyen que ce soit même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ses co-contractants sur les qualités substantielles et sur les quantités des marchandises livrées en l'espèce en minorant les pesées des marchandises livrées ou reçues par camions, en majorant leur taux d'humidité et en détournant après la pesée une partie de celles qui étaient chargées sur les navires,

infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation.

2) d'avoir à Bassens en tout cas sur le territoire national, courant 2000 et notamment au mois de février et depuis temps non prescrit, participé, comme intéressé à la fraude d'une manière quelconque à un délit réputé d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées par fausses déclarations ou manoeuvres ayant pour but ou pour effet d'obtenir, en tout ou partie, un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attachés à l'importation ou à l'exportation, en l'espèce en qualité de membre d'une entreprise en l'espèce en qualité de directeur commercial de la société SOBTRAN, en donnant des instructions pour que soit détournée une quantité de céréales estimée à 157, 168 tonnes du chargement du navire THARINEE NAREE dans son intérêt direct et celui de son entreprise puisque les marchandises détournées étaient destinées à être revendues au profit de la société et alors qu'il savait que ces céréales faisaient partie d'un programme d'aide alimentaire de l'Union Européenne qui a permis à la société SIGMA de percevoir indûment des restitutions dans le cadre du FEOGA,

infraction prévue par les articles 399, 414, 423, 424, 426, 427, 38 du Code des douanes et réprimée par les articles 399 § 1, 414, 437 AL. 1, 438, 432- BIS 1, 369 du Code des douanes.

Jean-Pierre Z... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Bordeaux par ordonnance du 8 novembre 2006 rendue par le juge d'instruction de Bordeaux. Il a été cité à mairie par exploit d'huissier de justice en date du 12 novembre 2007 (AR signé le 15 novembre 2007) pour comparaître à l'audience.

Jean-Pierre Z... est prévenu :

1) d'avoir à Bassens et Etrepagny entre le 20 janvier 1996 et le 15 septembre 2000, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en qualité de directeur salarié de la société SPBL, et directeur du site de Bassens, par quelque moyen que ce soit même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ses co-contractants sur les quantités des marchandises livrées et achetées en l'espèce en donnant des instructions pour que soient minorées les pesées des marchandises livrées ou reçues par camions, majoré leur taux d'humidité et détournée après la pesée une partie de celles qui étaient chargées sur les navires,

infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation.

2) d'avoir à Bassens en tout cas sur le territoire national, courant 2000 et notamment au mois de février et depuis temps non prescrit, participé, comme intéressé à la fraude en qualité d'entrepreneur ou de membre d'une entreprise ayant un intérêt direct à cette fraude, et d'une manière quelconque à un délit réputé d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées par des fausses déclarations ou manoeuvres ayant pour but ou pour effet d'obtenir, en tout ou partie, un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attachés à l'importation ou à l'exportation, en l'espèce pour avoir, en qualité de directeur salarié de la société SPBL, et directeur du site de Bassens, en donnant des instructions pour que soit détourné une quantité de céréales estimée à 157, 168 tonnes du chargement du navire THARINEE NAREE dans son intérêt direct et dans celui de son entreprise puisque les marchandises détournées étaient destinées à être revendues au profit de la société et alors qu'il savait que ces céréales faisaient partie d'un programme d'aide alimentaire de l'Union Européenne qui a permis à la société SIGMA de percevoir indûment des restitutions dans le cadre du FEOGA,

infraction prévue par les articles 399, 414, 423, 424, 426, 427, 38 du Code des douanes et réprimée par les articles 399 § 1, 414, 437 AL. 1, 438, 432- BIS 1, 369 du Code des douanes.

S. A. SILO PORTUAIRE BORDEAUX Y... (SPBL) a été citée devant le tribunal correctionnel par la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières le 29 octobre 2007 en tant que solidairement responsable de Jean-Pierre Z... poursuivi pour avoir à BASSENS courant 2000 et notamment au mois de février, commis des faits d'EXPORTATION ou D'IMPORTATION NON DECLAREE DE MARCHANDISE PROHIBEE, infraction prévue par les articles 414, 423, 425, 426, 428, 429, 38 du Code des douanes et réprimée par les articles 414, 437 AL. 1, 438, 432- BIS 1, 369 du Code des douanes.

S. A. R. L. SOCIETE BORDELAISE DE TRANSIT (SOBTRAN) a été citée devant le tribunal correctionnel par la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières le 29 octobre 2007 en tant que solidairement responsable de messieurs Luc Y... et Jean-Philippe X... poursuivis pour avoir à BASSENS courant 2000 et notamment au mois de février, commis des faits d'EXPORTATION ou d'IMPORTATION NON DECLAREE DE MARCHANDISE PROHIBEE, infraction prévue par les articles 414, 423, 425, 426, 428, 429, 38 du Code des douanes et réprimée par les articles 414, 437 AL. 1, 438, 432- BIS 1, 369 du Code des douanes.

B.- Le jugement

Le tribunal, par jugement contradictoire en date du 27 Mars 2008, a :

Sur l'action publique :

Déclaré Luc Y... coupable des faits qui lui sont reprochés et condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis,

Déclaré Jean-Philippe X... coupable des faits qui lui sont reprochés et condamné à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis,

Déclaré Jean-Pierre Z... coupable des faits qui lui sont reprochés et condamné à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis,

Ordonné la publication par extraits du jugement, aux frais des condamnés dans le journal " Les Echos ",

Dit que les cautionnements versés par Luc Y... et Jean-Philippe X... seront employés conformément aux dispositions du 2 de l'article 142 du Code de Procédure Pénale,

Sur l'action douanière :

Condamné solidairement Luc Y..., Jean-Philippe X..., Jean-Pierre Z..., la S. A SILO PORTUAIRE BORDEAUX Y... (SPBL) et la SARL SOCIÉTÉ BORDELAISE DE TRANSIT (SOBTRAN) à une amende de 20. 788 Euros au titre de l'article 414 du Code des Douanes et au versement d'une somme de 20. 788 Euros pour tenir lieu de confiscation de la marchandise qui n'a pu être saisie pour le délit douanier d'exportation non déclarée de marchandise prohibée.

C.- Les appels

Par actes reçus au greffe du tribunal de grande instance de Bordeaux, appel a été interjeté par :

- le prévenu Luc Y..., par déclaration en date du 03 avril 2008 rectifiée par déclaration en date du 04 avril 2008, sur les dispositions pénales et douanières,
- la S. A. R. L. SOCIETE BORDELAISE DE TRANSIT (SOBTRAN), par déclaration en date du 03 avril 2008 rectifiée par une déclaration en date du 04 avril 2008, sur les dispositions douanières,

- la S. A. SILO PORTUAIRE BORDEAUX Y... (SPBL), par déclaration en date du 03 avril 2008 rectifiée par une déclaration en date du 04 avril 2008, sur les dispositions douanières,

- le prévenu Jean-Philippe X..., par déclaration en date du 04 avril 2008 sur les dispositions pénales et douanières,

- le prévenu Jean-Pierre Z..., par déclaration en date du 04 avril 2008 sur les dispositions pénales et douanières,

- M. le Procureur de la République, par déclaration en date du 04 avril 2008 à l'encontre de Luc Y..., Jean-Philippe X..., Jean-Pierre Z..., S. A. SILO PORTUAIRE BORDEAUX Y... et la S. A. R. L. SOCIETE BORDELAISE DE TRANSIT

D.- Modalités de la citation, de la convocation ou de l'avertissement délivrés au prévenu, à la partie civile et aux autres parties pour l'audience de la Cour

-Luc Y... a été cité à mairie le 30 / 07 / 2008, AR signé le 01 / 08 / 2008

- Jean-Philippe X..., a été cité à mairie le 13 / 08 / 2008, AR signé le 30 / 08 / 2008

- Jean-Pierre Z..., a été cité à personne le 10 / 07 / 2008

- la SA SILO PORTUAIRE BORDEAUX Y... (SPBL) a été citée à personne morale le 03 / 07 / 2008

- la SARL SOCIETE BORDELAISE DE TRANSIT (SOBTRAN) a été citée à personne morale le 26 / 06 / 2008

- la DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUETES DOUANIERES a été citée à personne morale le 24 / 06 / 2008.

IV.- DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A.- L'appel de la cause à l'audience publique du 07 Octobre 2008

Le président a constaté l'identité des prévenus ;

- L'administration des douanes, Maître ANGUÉ, avocat de Jean-Philippe X... et Maître FREZAL, avocat de Luc Y..., ont déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, et jointes au dossier.

B.- Au cours des débats qui ont suivi :

- Monsieur MACKOWIAK, conseiller faisant fonction de président, a été entendu en son rapport ;

- Le prévenu Luc Y..., après avoir exposé sommairement les raisons de son appel, a été interrogé.

- Le prévenu Jean-Philippe X..., après avoir exposé sommairement les raisons de son appel, a été interrogé.

- Le prévenu Jean-Pierre Z..., après avoir exposé sommairement les raisons de son appel, a été interrogé.

Ont été ensuite entendus dans les formes prescrites par les articles 460 et 513 du code de procédure pénale :

- L'administration des douanes, en ses observations,

- Le ministère public en ses réquisitions,

- Maître ANGUÉ, avocat du prévenu Jean-Philippe X..., en sa plaidoirie,

- Maître DARRICAU-FERRE, avocat du prévenu Jean-Pierre Z..., en sa plaidoirie,

- Maître FREZAL, avocat du prévenu Luc Y... et des sociétés SPBL et SOBTRAN, en sa plaidoirie.

Les prévenus ont eu la parole en dernier.

Puis, la cour a mis l'affaire en délibéré et monsieur MACKOWIAK, conseiller faisant fonction de président, a déclaré que l'arrêt serait rendu à l'audience publique du 18 novembre 2008.

Et, ce jour, 18 novembre 2008,, en audience publique, monsieur MACKOWIAK, conseiller faisant fonction de président, a donné lecture de l'arrêt dont la teneur suit, conformément aux dispositions des articles 485 et 512 du Code de procédure pénale, en présence du ministère public et du greffier, madame D'ALES.

C.- MOTIVATION

Les appels, principal du 4 avril 2008 des prévenus Luc Y..., Jean-Pierre Z..., Jean-Philippe X... et représentants de la SARL SOBTRAN de la SA SPBL et incident du 4 avril 2008 du ministère public sont recevables pour avoir été régularisés dans les formes et délais de la loi.

A l'audience, les prévenus Jean-Philippe X..., Luc Y... et Jean-Pierre Z... sont présents et assistés de leurs conseils. Le représentant de la SARL Société Bordelaise de Transit, Luc Y... est présent et assisté de son conseil. Il sera statué par décision contradictoire à leur égard. Le représentant de la SA Silo Portuaire Bordeaux Letierce est absent mais représenté par son conseil démuni de pouvoir. Il sera statué par décision contradictoire à signifier.

Le représentant de la Direction Nationale du renseignement et des enquêtes douanières demande la confirmation du jugement.

Le ministère public requiert la confirmation du jugement et la publication de la décision.

Les conseils des prévenus plaident la relaxe.

Le 26 juin 2000, la Direction Nationale du renseignement et des enquêtes douanières dénonçait des malversations commises au sein de la SARL Société Bordelaise de Transit (SOBTRAN).

La SARL SOBTRAN achetait et réceptionnait des céréales et oléo-protéagineux à des producteurs, les stockait et les revendait à des exportateurs ou négociants. Les marchandises étaient expédiées du port de Bordeaux.

La SARL SOBTRAN dont le gérant était Luc Y... louait le site, l'outil de travail et le personnel à la SA Silo Portuaire Bordeaux Letierce (SPBL), présidée par François Y....

La SARL SOBTRAN disposait sur le site de Bassens d'un pont à bascule pour le pesage des camions entrant ou sortant, d'une balance de circuit et d'un tapis roulant pour le pesage des céréales à charger sur les navires. Un synoptique contrôlait le fonctionnement du silo.

Christophe E..., ancien employé de la société SPBL dénonçait une minoration du poids des marchandises entrantes ou sortantes que confirmaient les vérifications de la DNRED et l'enquête judiciaire.

Pour le pesage des camions, les manipulations consistaient à faire apparaître une tare négative pour les mouvements d'entrée des céréales de manière à minorer artificiellement les quantités de marchandises réceptionnées.

Les employés apposaient un poids supplémentaire sur le pont à bascule et enregistraient la tare négative avant le pesage du camion. A la sortie, l'opération inverse était effectuée de manière à faire apparaître une tare positive.

Des excédents sur le stock physique de 30 à 40 kg par camion, le rythme s'étalant de 30 à 300 camions par jour, étaient dégagés et blanchis par des bons de transfert et de régularisation pour le profit de l'entreprise.

Pour le chargement des navires, les manipulations consistaient à détourner une partie des marchandises grâce à une trappe activée depuis le synoptique et dans laquelle la quantité désirée de marchandises tombait après le pesage sur un élévateur qui la récupérait pour la remettre dans le silo de stockage d'où elle pouvait être réexpédiée sur le tapis pour un autre chargement, ce qui avait pour effet de diminuer le poids réellement chargé dans le navire concerné alors que les documents d'accompagnement faisaient apparaître un poids théorique embarqué supérieur.

Plusieurs sociétés clientes découvraient des manques importants dans leurs commandes en comparant les quantités reçues aux quantités théoriquement chargées.

Les fiches récapitulatives de chargement des navires étaient saisies. Le chef de silo reconnaissait avoir inscrit lui-même les quantités détournées en moyenne de 8 à 10 tonnes par navire avec des pointes à 25 et 30 tonnes.

Deux navires faisaient l'objet de détournements pour des quantités plus importantes : le MEGHNA pour 150 tonnes et le THARINEE NARREE pour 157 tonnes. La marchandises du THARINEE NARREE était destinée à l'aide alimentaire pour la Corée du Nord, soumise à la législation communautaire sur le Fond européen d'orientation et de la garantie agricole. Une restitution financière était octroyée à la société SIGMA sur les fonds européens correspondant à la marchandise détournée. Les marchandises bénéficiaient ainsi du système de restitutions à l'export et de l'exonération de TVA à l'exportation en application de la réglementation FEOGA.

La société SOBTRAN n'était pas la société exportatrice des marchandises et donc pas concernée directement par la perception des restitutions mais avait un intérêt puisque les marchandises détournées étaient revendues à son profit. Pour l'Administration des douanes, la SARL SOBTRAN était intéressée à la fraude au sens de l'article 399 du code des douanes.

Sur l'action pénale :

Attendu que devant la Cour, Luc Y... gérant de la SARL SOBTRAN, Jean-Philippe X..., directeur général du secteur commercial de la SARL SOBTRAN et Jean-Pierre Z..., directeur de la SA SPBL, ont contesté avoir participé ou même avoir été informés d'une fraude concernant l'activité des sociétés SOBTRAN et SPBL ;

Mais attendu que des employés de ces sociétés révélaient que les manipulations et les détournements existaient ; que monsieur F..., ancien directeur de la SA SPBL, confirmait les détournements et précisait que le système avait pris un caractère systématique et organisé depuis l'arrivée de monsieur Z..., son successeur à la direction ;

Attendu qu'il résulte des auditions de nombreux employés que des ordres précis et des instructions écrites ont été données par l'utilisation de " post-it " sur lesquels monsieur Z... inscrivait la quantité qui devait être détournée ; que selon l'enquête certaines manipulations consistaient à majorer artificiellement des taux d'humidité des marchandises pour augmenter la proportion d'eau dans le poids du maïs afin de minimiser le poids de la matière sèche ; que le chef de silo a reconnu avoir inscrit lui-même les quantités détournées sur des fiches récapitulatives de chargement des navires ; que ces fiches ont été saisies et ont ainsi permis d'évaluer les détournements à une moyenne de 8 à 10 tonnes par navire avec des pointes à 25 ou 30 tonnes ;

Attendu qu'un fournisseur a constaté des détournements à partir du moment où la pesée s'est effectuée non plus sur le pont à bascule au départ de la livraison mais sur le site de la société SOBTRAN ; qu'un deuxième fournisseur a dénoncé des écarts après avoir effectué une pesée interne au départ de ses propres installations ; qu'il précise qu'il existait par la suite des arrangements entre les deux sociétés ;

Attendu que monsieur Luc Y... a contesté, à l'audience, les écarts qu'il a estimé à 0, 10 % du poids total, inévitable dans une activité de pesage et conformes aux normes de la profession et au barème officiel reconnu par l'ONIC ; qu'il a expliqué que l'ensemble des excédents et des freintes étaient comptabilisés sur un compte identifié " 99-04 " et qu'un état de stock physique une fois par an était transmis au siège pour être régularisé par un " bon de transfert et de régularisation " ;

Mais attendu que le contrôleur de la société SGS Agri France a constaté le caractère systématique de la freinte chez SOBTRAN et de nombreux litiges, que le responsable de l'organisme de contrôle ONIC a estimé que les taux de freinte paraissaient s'apparenter plutôt à de la fraude contredisant ainsi les statistiques versées aux débats par monsieur Luc Y... ;

Attendu que l'enquête a révélé l'absence de tout inventaire pour la société SOBTRAN pour les exercices 1997-1998 et 1998-1999, que le prévenu a été dans l'incapacité de produire des inventaires à la Cour ; qu'une aide comptable a expliqué qu'elle avait reçu comme instruction d'enregistrer une freinte de 1. 000 tonnes afin de régulariser les freintes et excédents par les bons de transfert du compte 99-04, que par conséquent les comptes de cette société ne sont ni fidèles, ni sincères ;

Attendu que monsieur Luc Y... est dénoncé par des salariés, par monsieur F... ancien directeur de la SA SPBL qui indique qu'il donnait des ordres de détournement soit directement soit par l'intermédiaire de madame G... soit par le chef du synoptique ; qu'en tant que gérant de la SARL SOBTRAN, il suivait et visait l'ensemble des éléments comptables et financiers de cette société ; qu'il a eu connaissance des litiges avec ses clients et fournisseurs ; qu'il ne peut se prévaloir de statistiques indiquant que les irrégularités se situaient dans une fourchette de tolérance de la profession puisque les organismes de contrôle la contestent ; qu'enfin il convient de constater qu'aucune directive claire et écrite n'a été présentée aux salariés, que seuls des " post-it " ont été utilisés ce qui démontre également l'irrégularité de ces pratiques ;

******

Attendu que Jean-Philippe X..., directeur du secteur commercial de la SARL SOBTRAN achetait et vendait les marchandises qui transitaient par le silo de Bassens et négociait les contrats de prestation de service ; qu'il a confirmé que les bons de transfert matérialisaient le changement de propriété de la marchandise en cas de vente mais étaient également utilisés à des fins de régularisation comptable des freintes ; qu'une note manuscrite saisie à Bassens qui lui est attribuée accompagnait un tableau adressé à monsieur Z..., évaluait les excédents servant de base aux détournements et mentionnait " rattrapage du retard de la campagne 97-98 " ;

Que monsieur Jean-Philippe X... est mis en cause par des salariés pour avoir donné l'ordre d'établir les bons de transfert ; par l'aide comptable pour son instruction d'enregistrer une freinte d'environ 1. 000 tonnes sans aucun document à l'appui ; par monsieur F..., ancien directeur de la SA SPBL, pour avoir donné des instructions et systématisé les détournements ;

Attendu que monsieur Jean-Philippe X... était informé des lettres de protestation de clients à l'occasion du chargement des navires puisqu'il gérait les litiges ; que certains clients lui ont signifié qu'ils refusaient à l'avenir de charger sur le site de la SOBTRAN en raison des écarts de poids répétés ;

******

Attendu que Jean-Pierre Z..., directeur de la SA SPBL, a reconnu l'existence d'un système de fraude lors de l'enquête puis devant le juge d'instruction ; qu'il a expliqué qu'à sa prise de fonctions, il avait constaté l'existence d'opérations de prélèvements effectuées au niveau du pont à bascule et du chargement des navires ; qu'il avait pris la décision de réduire ces pratiques mais qu'à la demande de monsieur Y... et de monsieur X..., il avait maintenu les détournements dans une proportion conforme aux usages du secteur d'activité, ce que contestent les organismes de contrôle ;

Attendu que Jean-Pierre Z... a confirmé lors de l'enquête les prélèvements sur les camions grâce à la tare négative selon les indications apposées sur des " post-it " ainsi que la majoration systématique du taux d'humidité ; qu'il a reconnu que le document intitulé " rattrapage du retard de la campagne 97-98 " lui avait été transmis par monsieur X... et avait pour objet de lui permettre de planifier les détournements opérés sur chaque bateau ;

Attendu que ces aveux ont été confirmés par les déclarations de nombreux employés ;

Sur l'action douanière :

Attendu que les déclarations des salariés et les investigations ont permis de constater un écart de 157, 618 tonnes pour le chargement du navire le THARINEE NAREE ; qu'un document reprenant une liste des bateaux chargés avec en marge des annotations manuscrites indiquait les quantités prélevées, acte saisi lors de l'enquête ; que le dossier de réclamation rédigé par la société COMEX MAC KINON ltd mentionnant les quantités manquantes et les déclarations de monsieur H... sur les prises de poids lors des chargements de navire sur les céréales, contredisent le rapport du capitaine expert produit par la défense ;

Attendu que la marchandise détournée était destinée à la Corée du Nord dans le cadre d'une aide alimentaire de la communauté européenne, que la société SIGMA exportatrice, a bénéficié de restitutions à raison de 48 euros la tonne en application de la réglementation européenne et a perçu indûment 7. 565 euros de restitution sur des céréales non exportées ;

Attendu que la société SIGMA a été trompée par la société SOBTRAN qui n'ignorait ni la nature du chargement ni la destination du navire ; que la SARL SOBTRAN a profité du détournement des marchandises qui ont été réintroduites dans son circuit de vente, que par conséquent, les sociétés SOBTRAN et SPBL étaient intéressés à la fraude au sens de l'article 399 du code des douanes ;

******

Attendu par conséquent, que les prévenus sont mis en cause par des éléments probants et concordants, que c'est à bon droit et sous une exacte qualification que les premiers juges ont retenu la culpabilité des prévenus tant sur la qualification fiscale que sur la qualification pénale de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine sur la quantité d'une marchandise ; qu'en effet les éléments constitutifs de ce délit, la condition préalable d'un contrat portant sur des biens corporels, les manoeuvres utilisées et la modification des quantités chargées, qualité substantielle de la marchandise, sont réunies ;

Attendu qu'il se trouve en l'espèce aucune considération qui incline à admettre la bonne foi des prévenus dès lors que ceux-ci ne sont pas en mesure de soutenir que les détournements reposaient sur des erreurs matérielles au demeurant inconcevables compte tenu des quantités détournées et de la répétition des faits ; qu'il est au contraire manifeste que les prévenus ont eu l'intention par ce moyen frauduleux de détourner des marchandises et d'en faire profiter les sociétés SOBTRAN et SPBL ; que les peines prononcées par les premiers juges n'apparaissent pas excessifs mais demeurent au contraire par leur nature parfaitement adaptées aux comportements inadmissibles des prévenus ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de Luc Y..., Jean-Philippe X..., Jean-Pierre Z..., la SARL Société Bordelaise de Transit prise en la personne de son représentant légal et la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières et contradictoirement à signifier à l'égard de la SA Silo Portuaire Bordeaux Letierce prise en la personne de son représentant légal,

Déclare les appels recevables,

Sur l'action publique :

Confirme le jugement déféré

Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal a pu être donné au prévenu Luc Y... sent lors du prononcé de l'arrêt,

Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal a pu être donné au prévenu Jean-Philippe X... sent lors du prononcé de l'arrêt,

Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal a pu être donné au prévenu Jean-Pierre Z... sent lors du prononcé de l'arrêt.

Sur l'action douanière :

Confirme le jugement déféré

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt euros dont est redevable chaque condamné par application de l'article 1018 A du Code général des impôts,

Le présent arrêt a été signé par monsieur MACKOWIAK, conseiller faisant fonction de président et madame D'ALES, greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0074
Numéro d'arrêt : 1062
Date de la décision : 18/11/2008

Références :

Décision attaquée : Jugement du tribunal correctionnel de BORDEAUX, 27 mars 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-11-18;1062 ?
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