La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/10/2008 | FRANCE | N°07/01143

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 16 octobre 2008, 07/01143


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 16 octobre 2008

(Rédacteur : Monsieur Bernard LAGRIFFOUL)

IT

No de rôle : 07 / 01143

S. A. AGENCE DE MARKETING APPLIQUE A. M. A.

c /

Madame Francette X... épouse Y...

Nature de la décision : RENVOI
MISE EN ETAT

Grosse délivrée le :

aux avoués : Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 janvier 2007 par le Tribunal d'Instance de LIBOURNE (RG 11-06-000402) suivant déclaration d'appel du 02

mars 2007

APPELANTE :

S. A. AGENCE DE MARKETING APPLIQUE A. M. A., société de droit
belge, prise en la personne de son représentant...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 16 octobre 2008

(Rédacteur : Monsieur Bernard LAGRIFFOUL)

IT

No de rôle : 07 / 01143

S. A. AGENCE DE MARKETING APPLIQUE A. M. A.

c /

Madame Francette X... épouse Y...

Nature de la décision : RENVOI
MISE EN ETAT

Grosse délivrée le :

aux avoués : Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 janvier 2007 par le Tribunal d'Instance de LIBOURNE (RG 11-06-000402) suivant déclaration d'appel du 02 mars 2007

APPELANTE :

S. A. AGENCE DE MARKETING APPLIQUE A. M. A., société de droit
belge, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité en son agence de Nice, sous l'enseigne commerciale de " VITAL BEAUTY et SWISS HOME SHOPPING " 265 Route de Nice 06600 ANTIBES, Europole Drève Gustave Fache 1 7700 MOUSCRON BELGIQUE

Représentée par la SCP LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour assistée de Maître DEUR loco de la SCP DEUR-BEURGAUD avocats au barreau de NICE

INTIMÉE :

Madame Francette X... épouse Y... née le 10 Janvier 1946 profession : Employée de maison demeurant...

Représentée par la SCP TOUTON-PINEAU et FIGEROU, avoués à la Cour assistée de Maître Géraldine FERGEAU loco de Maître DANGLADE avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 septembre 2008 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bernard LAGRIFFOUL chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,
Monsieur Bernard LAGRIFFOUL, Conseiller,
Madame Danièle BOWIE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET PROCEDURE :

Vu le jugement du Tribunal d'Instance de LIBOURNE en date du 31 janvier 2007 ;

Vu la déclaration d'appel de la SA. A. M. A. en date du 2 mars 2007 ;

Vu les conclusions signifiées et déposées le 28 janvier 2008 de Madame Francette Y..., née X... ;

Vu les conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 6 août 2008 de la SA. A. M. A. ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 août 2008 ;

Madame Y... a été destinataire, courant 2005, de plusieurs correspondances émanant de la SA. A. M. A. exerçant son activité sous les enseignes commerciales VITAL BEAUTY et SWISS HOME SHOPPING, qui lui annonçaient qu'elle était la gagnante de sommes d'argent importantes ce qui ne lui était pas confirmé par la suite. Elle a saisi le tribunal d'instance pour voir condamner la SA. A. M. A. à l'indemniser de son préjudice moral.

Par le jugement entrepris, le Tribunal d'Instance de LIBOURNE a condamné, avec exécution provisoire, la SA. A. M. A. à payer à Madame Y... la somme de 5. 000 €, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, outre celle de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Madame Y... conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la SA. A. M. A. responsable de son préjudice et demande que son appel incident soit déclaré recevable et bien fondé.

A titre principal, elle sollicite que la SA. A. M. A. soit déclarée responsable de son préjudice en vertu de l'article 1382 du code civil.

A titre subsidiaire, si la responsabilité délictuelle de la SA. A. M. A. n'est pas retenue, elle demande que cette dernière soit jugée responsable de son préjudice en application de l'article 1371 du code civil eu égard à son engagement sans équivoque à lui verser des gains. En conséquence, elle demande la condamnation de la SA. A. M. A. à lui verser :

-10. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
-3. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-2. 000 € à titre d'indemnité en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame Y... soutient qu'en lui présentant de façon affirmative la simple éventualité du gain d'un lot important, la SA. A. M. A. a eu un comportement fautif de nature à engager sa responsabilité en vertu de l'article 1382 du code civil ou, à tout le moins, s'est engagée unilatéralement et fermement à lui délivrer son gain sans mettre en évidence l'existence d'un aléa. Elle fait valoir qu'elle a subi un important préjudice résultant du choc émotionnel causé par l'annonce du gain et de la profonde déception de ne pas recevoir ce dernier.

La SA. A. M. A. demande :

- à titre principal, que l'action de Madame Y... soit jugée comme relevant de l'article 1371 du code civil et que la cause soit renvoyée à la mise en état pour qu'elle puisse valablement décliner la compétence des juridictions françaises au profit du tribunal de première instance de TOURNAI, où se trouve son siège,

- subsidiairement, qu'il soit jugé que les documents publicitaires dont Madame Y... a été destinataire mettaient clairement en évidence l'existence d'un aléa s'agissant de l'attribution du prix principal mis en jeu et que cet aléa a été suffisamment mis en évidence dans le règlement des jeux dont elle a été rendue destinataire et dont elle a reconnu expressément avoir pris connaissance, de sorte que la SA. A. M. A. n'ayant commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité Mme Y... doit être déboutée de ses demandes,

- à titre infiniment subsidiaire, qu'il soit jugé que Madame Y... ne rapporte pas la preuve de son préjudice qui, en tout état de cause, n'est que symbolique, de sorte que son indemnité doit être réduite à 1 €.

MOTIFS DE LA DECISION :

Pour condamner la SA. AMA à payer des dommages et intérêts, le premier juge a fondé sa décision sur la faute commise par cette société en application de l'article 1382 du code civil.

Devant la Cour, l'intimée maintient à titre principal sa demande sur ce fondement délictuel mais, à titre subsidiaire, elle conclut sur le fondement de l'article 1371 du code civil alors que la SA. AMA demande cette requalification à titre principal et, subsidiairement, le débouté de Madame Y... en vertu de l'article 1382 du code civil.

Il convient donc d'examiner préalablement la demande sur le fondement de l'article 1382 du code civil puis, le cas échéant, sur le terrain de l'article 1371 du code civil, la demande de la SA. AMA de renvoi de l'affaire devant le conseiller de la mise en état pour qu'il soit statué sur son exception d'incompétence.

Sur l'application de l'article 1382 du code civil :

Madame Y... soutient que la SA. AMA a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en lui présentant de façon affirmative la simple éventualité du gain d'un lot important.

Les pièces versées aux débats font apparaître que la SA. AMA a adressé à Madame Y... divers courriers comportant les mentions suivantes :

- le 6 juin 2006, Monsieur Z..., directeur des jeux, informait en ces termes Madame Y... qu'elle était la gagnante d'une somme de 18. 450 € : " nous adressons tous nos compliments à notre grande gagnante Madame Y..., car elle a définitivement gagné la superbe somme de 18. 450 € " ;

- dans un autre courrier, un avis officiel de remise de fonds de Monsieur Stéphane A..., directeur général, confirmait à Madame Y... : " j'ai personnellement mandaté ma directrice financière pour vous adresser obligatoirement à votre nom, Madame Y..., l'unique prix de 25. 500 € par chèque
bancaire que vous avez définitivement gagné "

- un contrat définitif de gain lui affirmait ultérieurement : " bravo ! La somme de 25. 500 € est bien à vous et à vous seule Madame Francette Y... ".

- plusieurs autres courriers informant Madame Y... de ce qu'elle était attributaire de sommes importantes (15. 500 €, 23. 100 €) lui ont également été adressés.

Ces divers courriers adressés à Madame Y... étaient personnalisés et les termes employés étaient affirmatifs.

Cependant, à ces divers courriers était joint le règlement officiel et complet du jeu, rédigé lisiblement et clairement en caractères d'une dimension non inférieure au corps 8 requise pour le formalisme des offres préalables de prêts personnels.

Ce règlement mentionnait clairement :

- " cette opération, comprenant un prix principal et des prix annexes, est soumise à aléa ",
- et encore : " ce jeu... est une animation commerciale à caractère publicitaire présentée sur un mode attractif... La société rappelle que ce document ne contient aucune offre ferme, ni aucun engagement de sa part susceptible de permettre aux personnes dont le numéro ne correspond pas à celui désigné grand gagnant (en présence de l'huissier de justice) de réclamer le prix principal pour prétendre aux prix.

En outre, un procès-verbal de délibération du comité de direction informait, en caractères gras et de plus grande taille que ceux des autres mentions de ce document, que " Madame Francette Y... est reconnue officiellement gagnante d'un super chèque et éligible à l'attribution du gain officiel maximal unique de 25. 500 € ".

Par ailleurs, le récépissé de transfert de gain qui devait être obligatoirement signé par le participant au jeu mentionnait expressément que celui-ci attestait avoir pris connaissance du règlement complet du jeu et de ses aléas et qu'il les acceptait.

Il résulte de la lecture du règlement des jeux et de ces divers documents que le versement du prix principal était soumis à diverses conditions que ne pouvait ignorer le participant à ce jeu.

Ces divers documents révèlent donc que Madame Y... a parfaitement pu se rendre compte qu'elle avait uniquement la possibilité de participer à un tirage au sort et qu'elle n'avait pas obtenu le droit de se faire remettre les sommes mises en jeu.

Ainsi, dès lors qu'elle a été clairement informée de l'étendue de ses droits, Madame Y... ne peut invoquer l'existence d'une faute à l'encontre de la SA. AMA et elle doit donc être déboutée de ses demandes sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Sur l'application de l'article 1371 du code civil :

La SA. AMA soulève préalablement sur ce fondement une exception d'incompétence territoriale. Elle fait valoir qu'elle est une société de droit étranger, qu'elle ne dispose d'aucun établissement dans le ressort de cette cour et que les options de compétence territoriales ouvertes au demandeur par l'article 46 du code de procédure civile sont d'interprétation stricte et ne s'appliquent pas aux actions fondées sur un quasi-contrat.

En raison de la compétence exclusive dont dispose le conseiller de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure et de ce que Madame Y... n'a pas conclu sur le moyen d'incompétence invoqué par la SA. AMA, il y a lieu de renvoyer la cause devant le conseiller de la mise en état de cette chambre.

Par ces motifs,

Infirme la décision entreprise ;

Statuant à nouveau :

Déboute Madame Y... de ses demandes sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Sur le fondement de l'article 1371 du code civil, renvoie la cause à l'audience du 18 décembre 2008 du conseiller de la mise en état de cette chambre afin qu'il soit statué sur l'exception d'incompétence soulevée par la SA. AMA ;

Réserve les dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Hervé GOUDOT Robert MIORI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 07/01143
Date de la décision : 16/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Lbourne, 31 janvier 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-10-16;07.01143 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award