COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 12 septembre 2008
(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)
IT
No de rôle : 07 / 00106
Monsieur Philippe Henri Just Charles X...
Madame Geneviève Georgette Denise Z... épouse X...
c /
Madame Josette A... veuve B...
Madame Danièle B... épouse C...
Monsieur Patrick B...
Monsieur Gilles H...
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avoués : Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 novembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 09 janvier 2007
APPELANTS :
Monsieur Philippe Henri Just Charles X... né le 30 Août 1943 à PARIS
(75000) de nationalité Française Profession : Consultant (e), demeurant...
Madame Geneviève Georgette Denise Z... épouse X... née le 11 Mars 1944 à PARIS (75000) de nationalité Française Profession : Sans profession, demeurant...
Représentés par la SCP Luc BOYREAU et Raphael MONROUX, avoués à la Cour assistés de Maître ROUSSEAU loco de Maître CORNILLE avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Madame Josette A... veuve B... née le 08 Mai 1926 à MIRANDE (32300), demeurant...
Madame Danièle B... épouse C... née le 11 Juin 1949 à MARRAKECH, demeurant...
Monsieur Patrick B... né le 27 Février 1957 à TOULOUSE (31000), demeurant...
Monsieur Gilles H..., demeurant...
Représentés par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour assistés de Maître LAGRAVE avocat au barreau de LA ROCHELLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 juin 2008 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Edith O'YL, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Robert MIORI, Président,
Madame Edith O'YL, Conseiller,
Madame Danièle BOWIE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 30 novembre 2006.
Vu l'appel interjeté le 9 janvier 2007 par Monsieur Philippe X... et Madame Geneviève X....
Vu leurs conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 9 mai 2007.
Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 19 septembre 2007 par Monsieur Patrick B..., Madame DANIELE C... et madame JOSETTE B... qui forment appel incident.
Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 4 septembre 2007 par monsieur GILLES H... qui forme appel incident.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 mai 2008.
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Les époux X..., qui ont acquis en 1998 une propriété à... et reprochent à deux de leurs voisins, à savoir d'une part les époux B... aux droits desquels se trouvent les consorts B... et d'autre part monsieur H..., d'avoir fait édifier des abris de jardin non conformes au POS et empiétant sur leur propriété et en outre, pour les premiers, non conforme au permis de construire accordé et pour le second sans aucune autorisation, les ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de BORDEAUX pour obtenir leur condamnation à démolir ces abris de jardin et à leur payer une somme de 15 000 euros de dommages et intérêts chacun pour privation d'ensoleillement et atteinte à leur jouissance paisible.
Par le jugement critiqué le premier juge a déclaré leurs actions prescrites et les a condamnés à payer à monsieur H... une somme de 5000 € de dommages et intérêts et 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux consorts B... une somme de 5000 € de dommages et intérêts et 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants c'est à bon droit que le premier juge a retenu sa compétence pour examiner la prescription de leur action soulevée par les consorts B... et par monsieur H... et a écarté celle du juge de la mise en état.
En effet si le juge de la mise en état est, aux termes de l'article 771 du code de procédure civile issu du décret du 28 décembre 2005, seul compétent jusqu'à son dessaisissement, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance, il est acquis que les fins de non recevoir, qui certes mettent fin à l'instance, ne sont pas ni des exceptions de procédure régies par les articles 73 à 121 du code de procédure civile ni des incidents mettant fin à l'instance prévus aux articles 385 du même code mais des fins de non recevoir visées par les articles 122 et suivants et qui comme telles peuvent être soulevées en tout état de cause.
Les époux X..., sans d'ailleurs en tirer les conséquences juridiques, font encore valoir que cette fin de non recevoir n'ayant pas été plaidée à la barre du tribunal par les intimés, le tribunal aurait violé les droits de la défense et le principe du contradictoire ; or, la procédure devant le tribunal de grande instance étant écrite, force est de constater que tant les consorts B... que monsieur H... avaient soulevé dans leurs écritures cette fin de non recevoir avant l'ordonnance de clôture (conclusions des 30 août et 14 juin 2006, l'ordonnance de clôture ayant été prononcée le 5 octobre 2006) ; ainsi le premier juge se devait de répondre à cette fin de non recevoir même si les époux X... n'avaient pas conclu en réponse.
Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.
Monsieur H... justifie par la production de nombreuses attestations (14), émanant de personnes connaissant bien les lieux, confortées par des photographies anciennes, que l'abri de jardin critiqué par les appelants a été édifié au cours de l'année 1947 par son grand père et qu'il n'a subi aucune modification, et ce au moins depuis 1950, ainsi qu'en témoignent, entre autres attestants, les anciens propriétaires de l'immeuble acheté par les époux X... ; ces nombreux témoignages attestent en outre du caractère public, continu et paisible de cette possession plus que trentenaire.
Les consorts B... ont obtenu l'autorisation de construire un abri de jardin le 4 avril 1991 et justifient par la production de factures que sa construction s'est déroulée pendant l'été 1991 ; les nombreux témoignages argumentés qu'ils versent aux débats établissent que cet abri de jardin construit en parpaings dès son origine n'a pas été modifié depuis lors et a été occupé paisiblement, publiquement et sans discontinuité comme l'a été celui de monsieur H... ; aucun élément ne permet de mettre en doute leur véracité ; au surplus ils ont déclaré le 17 avril 1992 à l'administration fiscale cet abri comme achevé au mois de juin 1991 et construit en moellons.
Le caractère touffu des abords de la clôture séparant les fonds H... et B... du fonds X... ne saurait ôter à la possession de leurs cabanons par les intimés son caractère public, ce d'autant que les époux X... ont éprouvé le besoin d'installer en outre un pare-vue et se plaignent du trouble de jouissance et de la perte d'ensoleillement généré par ceux ci.
En conséquence les travaux des deux abris litigieux ayant été achevés depuis plus de dix ans avant l'introduction par les époux X... de leur demande de démolition, le jugement déféré qui a déclaré irrecevable leur demande car prescrite ne peut qu'être confirmé.
Formant appel incident monsieur H... et les consorts B... demandent que les dommages et intérêts auxquels ont été condamnés les époux X... soient portés à la somme de 10 000 € tandis que ceux ci arguant de leur bonne foi concluent à leur suppression.
Le procès verbal de bornage amiable dressé par monsieur I... mandaté par les époux X... qui tendrait à démontrer que les cabanons empiéteraient sur leur propriété n'a pas été signé par les intimés et aucun élément ne permet d'affirmer que ce géomètre a incité ses clients à introduire une action autre qu'en bornage judiciaire ; de même si le maire de LACANAU leur a indiqué en réponse à leur demande que l'abri de jardin de monsieur H... n'a fait l'objet d'aucune autorisation et que celui des consorts B... n'a été autorisé qu'en bois et pour une surface de 6 m ², ce courrier tout comme le rapport de monsieur I... ne pouvait comme ils le soutiennent les convaincre de leur bon droit et justifier de la présente action ; au surplus ayant provoqué un bornage judiciaire et obtenu par jugement du 1er juillet 2005 la désignation de monsieur J..., expert judiciaire, ils se devaient pour le moins d'attendre le dépôt de son rapport avant d'affirmer que les abris de jardin empiétaient sur leur propriété et n'étaient pas conformes au POS et d'engager une action en démolition et dommages et intérêts.
Le tribunal d'instance statuant au vu du rapport déposé au mois de mars 2006 par monsieur J... a par jugement du 1er juin 2007 fixé les limites de propriété selon les clôtures anciennes existant entre les fonds litigieux.
Par ailleurs leur argumentation tendant à établir l'existence d'un préjudice d'ensoleillement et de jouissance dû à la présence de ces abris est sans fondement compte tenu de la disposition des lieux, de l'importance respective des parcelles en cause et de l'existence, invoquée en cause d'appel, d'une « clôture touffue ».
En conséquence les époux X... non seulement ont engagé avec légèreté cette procédure et l'ont maintenue de mauvaise foi mais aussi ont formé contre la décision de première instance un recours qui ne peut qu'être qualifié d'abusif.
Parfaitement éclairés par le premier juge du caractère manifestement dépourvu de tout fondement et de tout caractère sérieux de leur demande les époux X... n'ont en effet poursuivi la procédure que dans l'intention de prolonger absusivement le procès et de nuire à la partie adverse.
Ce recours abusif conduit à augmenter les dommages et intérêts alloués par le premier juge aux intimés et à condamner les époux X... à payer aux consorts B... une somme de 8000 euros de dommages et intérêts et à monsieur H... une somme de 8000 € au même titre.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1500 € au profit d'une part des consorts B... et d'autre part de monsieur H....
PAR CES MOTIFS :
La cour,
- Réforme le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 30 novembre 2006 mais seulement en ce qu'il a condamné les époux X... à payer à monsieur H... d'une part et aux consorts B... d'autre part une somme de 5000 € de dommages et intérêts.
Statuant à nouveau,
- Condamne les époux X... à payer à titre de dommages et intérêts aux consorts B... une somme de 8000 € et à monsieur H... une somme de 8000 €.
- Confirme le jugement déféré pour le surplus.
- Condamne les époux X... à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à monsieur H... une somme de 1500 € et aux consorts B... une somme de 1500 €.
- Les condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
Hervé GOUDOT Robert MIORI