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04/09/2008 | FRANCE | N°08/00467

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0274, 04 septembre 2008, 08/00467


ARRET PP

Le : 04 Septembre 2008
CHAMBRE SOCIALE-SECTION B
PRUD'HOMMES
No de rôle : 08 / 467
Monsieur Mehmet X...
c /
S. A. R. L. CABRIT prise en la personne de son gérant

Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier)
Certifié par le Greffier en Chef
Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement

avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile...

ARRET PP

Le : 04 Septembre 2008
CHAMBRE SOCIALE-SECTION B
PRUD'HOMMES
No de rôle : 08 / 467
Monsieur Mehmet X...
c /
S. A. R. L. CABRIT prise en la personne de son gérant

Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier)
Certifié par le Greffier en Chef
Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Le 04 Septembre 2008
Par Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, en présence de Madame Chantal TAMISIER, Greffier,

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :
Monsieur Mehmet X..., demeurant...,
Représenté par Maître Emmanuel SUTRE, avocat au barreau de BORDEAUX,
Appelant d'un jugement (R. G. F 03 / 310) rendu le 23 mars 2006 par le Conseil de Prud'hommes de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel en date du 07 avril 2006,
à :
S. A. R. L. CABRIT prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité en son siège Parc d'Activités-Jean Zay-5 et 7 rue Condorcet-33150 CENON,
Représentée par Maître Laurence COMBEDOUZON, avocat au barreau de BORDEAUX,
Intimée,
rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 11 Juin 2008, devant :
Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, Monsieur Jean-François GRAVIE-PLANDE, Conseiller, Patricia PUYO, Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.
***
FAITS-PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat à durée indéterminée signé le 21 juin 1996, M. Mehmet X... a été engagé à compter de ce jour par la société Cabrit, exploitant le restaurant ... à Cenon (Gironde), en qualité de serveur, moyennant un salaire brut mensuel de 10 250 francs pour une durée de travail de 186, 33 heures par mois (43 heures par semaine payées pour 45 heures de présence), la convention collective applicable étant celle des hôtels et restaurants. Par lettre du 7 juillet 1997, il a fait l'objet d'un avertissement pour deux retards de 15 minutes à la prise de service et insubordination à l'égard de son supérieur à la suite des remontrances consécutives à ce retard. Par lettre du 9 mars 1998, il a fait l'objet d'un second avertissement pour retards successifs et quotidiens, lenteur exagérée et volontaire à effectuer la mise en place d'avant service et le service. Il a été licencié par lettre du 28 mars 1998 sans préavis ni indemnité. Il a saisi le Conseil de prud'hommes de Bordeaux d'une demande en paiement d'heures supplémentaires et en dommages et intérêts pour préjudice matériel et préjudice moral.
Par jugement du 23 mars 2006, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a dit que le licenciement de M. X... était fondé sur une faute grave et il a rejeté sa demande.
M. X... a régulièrement interjeté appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, M. X... sollicite de la Cour qu'elle réforme le jugement frappé d'appel, juge que son licenciement est nul et qu'en conséquence, elle condamne la société Cabrit à lui payer la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts, qu'en tout état de cause, elle dise son licenciement abusif et dénué de cause réelle et sérieuse et qu'en conséquence, elle condamne la société Cabrit à lui régler la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice matériel et celle de 4 573 euros pour son préjudice moral et qu'elle la condamne également à lui payer la somme de 9 422, 28 euros pour les heures supplémentaires réalisées et celle de 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il soutient que la procédure de licenciement dont il aurait dû bénéficier du fait de sa candidature imminente aux élections professionnelles, connue de l'employeur, n'a pas été respectée et qu'en raison de cette violation des dispositions protectrices du Code du travail et de la nullité de cette procédure, il doit être fait droit à sa demande de majoration de son indemnisation. Il conteste le grief de harcèlement à l'encontre d'autres salariés lors de la signature d'une pétition, comme celui de dénigrement à l'égard de son employeur. Sur les heures supplémentaires, il soutient qu'en l'absence de contrôle des heures effectuées, il a accompli des heures supplémentaires non payées, au-dessus de la durée mensuelle de 186, 33 heures prévue (45 heures par semaine payées pour 45 heures de présence), ainsi qu'il est démontré par ses bordereaux et les attestations qu'il produit, et qu'il a accompli une moyenne de 11 heures par jour, soit 220 heures par mois.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la société Cabrit sollicite de la Cour qu'elle rejette la demande de M. X..., confirme le jugement frappé d'appel et condamne l'appelant à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive et celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Pour s'opposer à la demande de nullité du licenciement, elle fait valoir que, lorsque la pétition a circulé dans l'entreprise, entre le 28 février et le 9 mars, les élections du personnel étaient déjà été organisées par elle à son initiative, que M. X... n'a jamais fait savoir à son employeur qu'il souhaitait être candidat et que, si la CGT et certains salariés ont pu être informés de ce qu'il voulait se présenter, elle-même n'en a jamais été informée. Elle soutient qu'elle prouve la faute grave de celui-ci.

MOTIFS
Sur le paiement d'heures supplémentaires S'il résulte de l'article L. 212-1-1, devenu l'article L. 3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.

M. X..., qui relève que le contrat de travail prévoyait une durée mensuelle de travail de 186, 33 heures, soutient qu'il a accompli un nombre d'heures beaucoup plus important, à savoir une moyenne de 11 heures par jour, soit 220 heures par mois. Il produit ses agendas annotés par lui, des tableaux mentionnant des heures de fin de travail tardives en soirée, et des attestations de clients confirmant la réalité des soirées tardives. L'employeur, malgré l'obligation qui pèse sur lui de justifier des heures effectuées par les salariés, n'apporte aucune justification sur les heures de travail effectuées par M. X... et ne répond pas à ce chef de demande. Cependant, si M. X... était payé sur une durée mensuelle de travail de 186, 33 heures et si les clients ne peuvent attester du nombre d'heures effectuées par un salarié ni le paiement ou l'absence de paiement des heures effectuées, leurs attestations en l'espèce confirment les annotations de M. X... sur ses agendas et tableaux qu'il produit.

Au vu des tableaux produits, la Cour estime que M. X... justifie avoir effectué les heures supplémentaires dont il demande le paiement. L'employeur
doit donc être condamné à lui payer la somme de 9 422, 28 euros en paiement de ces heures.

Sur la régularité du licenciement Le licenciement d'un salarié protégé, sans respect de la procédure prévue à cet effet, est nul de plein droit. Est, à ce titre, assimilé à un salarié protégé et bénéficie de la même protection que celui-ci, en application de l'article L. 436-1, alinéa 4, devenu l'article L. 2411-10 du Code du travail, le candidat aux élections professionnelles qui rapporte la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature, avant même que celle-ci ait été officialisée, préalablement à sa convocation à l'entretien préalable au licenciement. Pour démontrer que l'employeur connaissait sa candidature aux élections de délégué du personnel, M. X... se prévaut d'une déclaration de la secrétaire générale du syndicat des employés et cadres du commerce de la Gironde, qui écrit " avoir reçu et syndiqué un groupe de salariés du restaurant de l'entreprise Cabrit à Cenon " et que " afin d'organiser les négociations sur leurs revendications, nous les avons aidés à lister celles-ci par une pétition comportant au dernier point la demande d'élections de délégués du personnel et avons décidé que M. X... Mehmet serait le candidat titulaire " ; il se prévaut aussi du compte-rendu de l'entretien préalable au licenciement établi par la conseillère de M. X..., Mme A..., qui mentionne notamment avoir " fait remarquer à l'employeur que ce licenciement, bizarrement, intervient dès qu'il a eu connaissance de la candidature du salarié aux élections professionnelles " et que l'employeur n'a pas contesté ce fait. La société reconnaît qu'entre le 28 février et le 9 mars (date de la pétition que l'employeur reproche à M. X... d'avoir fait signer par les salariés de l'entreprise), les élections avaient déjà été organisées par elle et qu'elles devaient avoir lieu le 16 mars 1998, et elle précise s'être opposée à leur report, elle savait donc, lors de l'engagement de la procédure de licenciement de M. X..., le 14 mars 1998, date de la lettre de convocation à l'entretien préalable, que celui-ci était candidat. Dès lors, il résulte de ces constatations que l'employeur avait connaissance de la candidature imminente de M. X... lorsqu'il a engagé la procédure de licenciement de celui-ci. En conséquence, puisque la société n'a pas appliqué au licenciement de M. X..., la procédure applicable aux salariés protégés comme elle aurait dû le faire, ce licenciement est nul.

Sur le montant des indemnités de rupture Au vu de l'article L. 514-2, devenu l'article L. 2411-22, et de l'article L. 122-14-4, devenu l'article L. 1235-3 du Code du travail, le salarié protégé qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu, a le droit d'obtenir, d'une part, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, le montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de

protection dans la limite de la durée de protection accordée aux représentants du personnel et, d'autre part, non seulement les indemnités de rupture, mais une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite et au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail.
Au titre de la méconnaissance du statut protecteur, M. X..., qui admet avoir perçu une rémunération d'environ 1 500 euros bruts par mois, outre les heures supplémentaires, a droit à une indemnité de 55 000 euros. Au titre du caractère illicite du licenciement, M. X..., qui subit nécessairement un préjudice, justifie avoir accepté une offre de prêt personnel le 7 juillet 1997 et produit plusieurs documents indiquant le montant de ses revenus imposables à compter de l'année 1998, de 31 000 francs à 38 000 francs jusqu'en 2000, faibles voire nuls à compter de 2001. S'il indique n'avoir pu retrouver un emploi salarié stable, il ne justifie pas de sa situation professionnelle après son licenciement ni des conséquences attachées à celui-ci. Compte tenu de ces éléments, il sera justement indemnisé du préjudice résultant de la perte de son emploi, tant matériel que moral, par l'allocation de la somme de 10 000 euros.

Sur les autres chefs de demande Puisque M. X... obtient satisfaction sur sa demande, sa procédure n'est pas abusive et la société Cabrit ne peut obtenir de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La société Cabrit qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais exposés par lui et non compris dans les dépens. La Cour fixe à 1 000 euros la somme que la société Cabrit doit être condamnée à lui payer à ce titre.
PAR CES MOTIFS LA COUR

Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Bordeaux du 28 septembre 2006,
Et, statuant à nouveau,
Déclare nul le licenciement de M. X...,
Condamne la société Cabrit à lui payer la somme de 55 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, celle de 10 000 euros en, indemnisation du préjudice subi de ce fait et celle de 9 422, 28 euros en paiement des heures supplémentaires impayées,
La condamne à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
Signé par Benoît Frizon de Lamotte, Président, et par Chantal Tamisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
C. Tamisier B. Frizon de Lamotte


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0274
Numéro d'arrêt : 08/00467
Date de la décision : 04/09/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de Prud'hommes de BORDEAUX, 23 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-09-04;08.00467 ?
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