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03/07/2008 | FRANCE | N°06/05096

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale, 03 juillet 2008, 06/05096


ARRÊT RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 03 Juillet 2008

CHAMBRE SOCIALE-SECTION B

SÉCURITÉ SOCIALE

No de rôle : 06 / 05096

Le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
c /

S. A. BSN GLASSPACK
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE
prise en la personne de son représen

tant légal domicilié en cette qualité au siège social
Compagnie AON ASSURANCES RISQUES SERVICES
prise en la personne de son...

ARRÊT RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 03 Juillet 2008

CHAMBRE SOCIALE-SECTION B

SÉCURITÉ SOCIALE

No de rôle : 06 / 05096

Le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
c /

S. A. BSN GLASSPACK
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
Compagnie AON ASSURANCES RISQUES SERVICES
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
Le 03 Juillet 2008

Par Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,
en présence de Madame Chantal TAMISIER, Greffier,

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

Le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Tour Galliéni II-36, avenue du Général de Gaulle-93175 BAGNOLET CEDEX

représenté par Madame Aicha X..., agent du FIVA, munie d'un pouvoir régulier en date du 14 / 02 / 2008,

Appelant d'un jugement rendu le 5 Septembre 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la GIRONDE, suivant déclaration d'appel en date du 11 Octobre 2006,

à :

S. A. BSN GLASSPACK
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au
siège social, demeurant 64 Boulevard du 11 novembre 1918-69100 VILLEURBANNE

Compagnie AON ASSURANCES RISQUES SERVICES
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au
siège social, 45 rue Kléber-92097 LEVALLOIS PERRET CEDEX

représentées par Maître Fabrice ROLAND, de la SCP FROMONT, BRIENS, et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON,

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Place de l'Europe-Cité du Grand Parc-33085 BORDEAUX CEDEX

représentée par Maître Nedjma ABDI, loco Maître Yves MOUNIER, avocats au barreau de BORDEAUX

Intimées,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 21 Février 2008, devant Monsieur Patrick BOINOT, qui a retenu l'affaire en application de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame Valérie BRUNAS-LAPIERRE, Greffier,

Monsieur le Conseiller en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,

Celle-ci étant composée de :
Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président,
Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,
Monsieur Claude BERTHOMME Conseiller

*****

FAITS ET PROCEDURE

M. Jean-Marie Y..., né le 28 mai 1947, a exercé son activité professionnelle en qualité de conducteur de machine puis de chef de groupe au service Fabrication de l'usine de Vayres (Gironde) appartenant à la société BSN Glasspack, de 1969 à 1995, période au cours de laquelle il a été au contact de l'amiante. Le diagnostic de plaques pleurales a été porté le 14 août 2002, alors qu'il était âgé de 55 ans. Le 20 mars 2003, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde (la Caisse) a reconnu le caractère professionnel de sa maladie et son taux d'incapacité a été fixé à 5 %. La Caisse lui a alloué un capital d'un montant de 1 628, 31 euros.
Il a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le Fonds) qui, par lettre du 24 mai 2004, lui a notifié une offre définitive d'indemnisation se décomposant ainsi :
- au titre de la réparation des préjudices patrimoniaux (sur un taux d'incapacité permanente partielle (barème FIVA) évalué à 5 % soit une rente annuelle FIVA de 406 euros :
* arriérés FIVA (période du 15 août 2002 au 31 mars 2004) : 662, 11 euros
* rente capitalisée à compter du 1er avril 2004 : + 6 519, 55 euros
à déduire : capital versé par la Caisse :-1 628, 11 euros
Soit un solde de : 5 553, 35 euros
-au titre de la réparation des préjudices extra-patrimoniaux :
* préjudice moral 16 500 euros
* préjudice physique 300 euros
* préjudice d'agrément 700 euros
17 500 euros
soit un total de 23 053, 35 euros.
M. Y... a accepté cette offre d'indemnisation le 20 juillet 2004.

Le 15 mars 2005, le Fonds, subrogé dans les droits de la victime en vertu des dispositions de l'article 53 VI de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000 et de l'article 36 du décret no 2001-963 du 23 octobre 2001, a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société BSN Glasspack.

Par jugement du 5 septembre 2006, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde a dit que la société n'avait pas commis de faute inexcusable de laquelle il serait résulté une maladie professionnelle dont M. Y... serait atteint, il a rejeté la demande du Fonds et il a dit le jugement commun à la Caisse.

Le Fonds a régulièrement interjeté appel de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, le Fonds sollicite de la Cour qu'elle juge que la maladie professionnelle dont est atteint M. Y... est due à la faute inexcusable de la société BSN Glasspack aux droits de qui se trouve aujourd'hui la société OI Manufacturing France, ordonne la majoration, à son maximum, du capital versé à M. Y... en application de l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale, juge que cette majoration de capital devra être remboursée au Fonds, créancier subrogé, par la Caisse, juge que la majoration de ce capital ou de l'éventuelle rente qui pourrait ultérieurement être versée suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. Y... et que, dans l'hypothèse d'une rente majorée, celle-ci sera directement versée à M Y..., après déduction du solde de la somme versée par le Fonds, juge également qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, fixe l'indemnisation des préjudices personnels de M. Y... à verser par la Caisse au Fonds, créancier subrogé, comme suit :
- préjudice moral : 16 500 euros
-préjudice physique : 300 euros
-préjudice d'agrément : 700 euros
Total : 17 500 euros
et condamne la société à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la société BSN Glasspack sollicite de la Cour qu'elle mette hors de cause la société AON, confirme le jugement frappé d'appel en ce qu'il a considéré que la société n'avait commis aucune faute inexcusable et rejette la demande du Fonds.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la Caisse sollicite de la Cour qu'elle condamne la société à lui rembourser les sommes dont elle aura l'obligation de faire l'avance et ce afin d'éviter une nouvelle procédure en vue d'obtenir un titre exécutoire.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la société AON, exposant exercer une activité de courtier et non d'assureur, demande sa mise hors de cause.

MOTIFS

La société AON, courtier en assurances, doit être mise hors de cause.

Sur la faute inexcusable de l'employeur
En vertu du contrat de travail le liant au salarié, l'employeur est tenu envers lui d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. La faute inexcusable est retenue dès lors qu'elle a été une cause nécessaire de l'accident, et ce même si la cause déterminante de l'accident a été la faute ou l'imprudence du salarié qui a violé les consignes de sécurité édictées par l'employeur et reçues par lui.
La preuve de la conscience du danger qu'avait ou aurait dû avoir l'employeur, ou son préposé substitué, et auquel il exposait ses salariés, et l'absence de mesures appropriées de prévention et de protection incombe au salarié victime de l'accident du travail. Lorsque le Fonds est subrogé dans les droits de la victime, c'est à lui qu'il appartient de rapporter cette preuve.
Ainsi, il ne suffit pas à la société, soumise à une obligation générale de sécurité de résultat, de soutenir et démontrer qu'elle a pris toutes les mesures imposées par la réglementation ni même que, le tableau des maladies professionnelles ne prenant pas en compte les travaux effectués dans ses établissements, elle ne pouvait avoir conscience du danger encouru par le salarié, ni même que celui-ci n'était soumis qu'à une exposition passive aux poussières d'amiante. L'obligation pesant sur elle concerne aussi bien les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués que du fait des produits utilisés par l'entreprise.

Or, d'une part, il résulte des propos de la société qu'elle connaissait le danger de l'exposition à l'inhalation de poussière d'amiante.
D'autre part, M. Y... a expliqué qu'il avait utilisé des matériaux à base d'amiante sous forme de plaques, cordons, poudre pour réaliser des travaux d'isolation, de protection ou de calorifugage en interne, sous forme de gants, tabliers, guêtres et manchettes amiantés ; il a ajouté que les structures métalliques du hall de fabrication et le dessous des caissons de feeders avaient été floqués avec de l'amiante. Sept anciens collègues de M. Y..., MM. Z..., A..., B..., C..., D..., Rui et Gillot, ont, par leurs attestations que le Fonds produit aux débats, confirmé ces conditions d'exposition à l'amiante, précisant l'utilisation de plaques d'amiante découpées manuellement sans protection individuelle (masque) ni collective et insisatnt sur les travaux de déflocage du bâtiment en présence des salariés mais sans aucune protection. Il est encore produit aux débats le compte rendu d'une réunion du comité d'hygiène et de sécurité de l'établissement du 24 novembre 1994 au cours duquel il avait été décidé de ne plus utiliser de matériaux contenant de l'amiante et celui d'une réunion du 14 octobre 1996 au cours duquel le directeur des relations humaines et sociales a reconnu que tout le personnel qui avait travaillé en fabrication et aux ateliers 11 et 12, de 1978 à nos jours, avait été, à un moment ou à un autre, en contact avec l'amiante

La société, qui ne contredit pas ces affirmations, reconnaît expressément que M. Y... a été exposé, même de manière passive, à l'amiante, par la manipulation des cordons sur les moules et par l'utilisation des instruments et mesures de protection individuelle tels que gants, tabliers et pinces de préhension des bouteilles. Et même plus, dans une note datée du 3 janvier 2003 signé du responsable des relations humaines et sociales, décrivant le poste de travail de M. Y..., elle a reconnu que M. Y... avait été exposé au risque passif de l'amiante de 1969 à 1994 (plan de retrait de l'amiante). Elle était tenue de prendre les dispositions nécessaires pour les éviter et éviter les conséquences néfastes sur la santé du salarié.

Ainsi, même si la société tente de démontrer qu'elle a toujours respecté les normes d'utilisation de produits à base d'amiante dans l'atelier de fabrication de bouteilles en verre où travaillait M. Y..., il est démontré qu'elle avait conscience du danger qu'elle faisait courir au salarié en l'exposant sans protection aux poussières d'amiante et qu'elle n'a pas respecté, dans cet atelier, son obligation de sécurité de résultat.
Dès lors, la Cour estime qu'elle a commis une faute inexcusable au sens des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale. Le jugement doit être réformé sur ce point.

Sur le remboursement des sommes demandées par le Fonds
La majoration du capital résultant de la faute inexcusable de l'employeur est fixée au maximum. Au titre de cette majoration, le Fonds est bien fondé à en demander à la Caisse le remboursement en sa qualité de créancier subrogé dans les droits de la victime, du fait de la faute inexcusable.

Au titre des préjudices extra-patrimoniaux, le Fonds a présenté une offre d'indemnisation qui a été acceptée par la victime. En application de l'article 53, IV, de la loi du 23 décembre 2000, cette acceptation vaut désistement des actions juridictionnelles de la part de la victime. Le Fonds, subrogé dans les droits de cette victime ne peut agir en remboursement des sommes versées à ce titre à l'encontre de la Caisse.

Sur les autres chefs de demande
Par application de l'article 53, IV, alinéa 2, de la loi du 23 décembre 2000, au cas d'aggravation de l'état de santé de la victime, une nouvelle procédure doit être engagée.
Et il n'y a pas lieu à statuer sur les droits du conjoint survivant en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Infirme le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde du 5 septembre 2006,

Et, statuant à nouveau,

Met hors de cause la société AON,

Dit que la maladie professionnelle dont est atteint M. Y... est due à la faute inexcusable de la société OI Manufactoring France, venant aux droits de la société BSN Glasspack,

Ordonne la majoration au maximum du capital versé à M. Y...,

Dit que cette majoration de capital doit être remboursée au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde dans les limites de l'offre acceptée,

Rejette pour le surplus la demande du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante,

Condamne la société OI Manufactoring France à payer au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 1. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Signé par Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président et par Chantal TAMISIER Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Chantal TAMISIER, Benoît FRIZON de LAMOTTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06/05096
Date de la décision : 03/07/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 24 septembre 2009, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 24 septembre 2009, 08-19.349, Publié au bulletin

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-07-03;06.05096 ?
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