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02/07/2008 | FRANCE | N°05/03410

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 02 juillet 2008, 05/03410


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 2 juillet 2008

(Rédacteur : Madame Danièle BOWIE, Conseiller)

IT

No de rôle : 05 / 03410

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN
Mademoiselle Anne-Sophie X...

c /

MUTUELLE ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE
L'AG2R PREVOYANCE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement r

endu le 23 mars 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 06 juin 2005

APPELANTES :

L'ETABLISSEME...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 2 juillet 2008

(Rédacteur : Madame Danièle BOWIE, Conseiller)

IT

No de rôle : 05 / 03410

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN
Mademoiselle Anne-Sophie X...

c /

MUTUELLE ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE
L'AG2R PREVOYANCE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 mars 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 06 juin 2005

APPELANTES :

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG AQUITAINE
LIMOUSIN pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, place Amélie Raba Léon Bp 24 33035 BORDEAUX CEDEX

Représenté par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour assisté de Maître MICHAUD avocat au barreau de BORDEAUX

Mademoiselle Anne-Sophie X... née le 05 Novembre 1977 de nationalité française demeurant...

Représentée par la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoués à la Cour assistée de Maître FROIN avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

MUTUELLE ASSURANCE DU CORPS SANITAIRE FRANCAIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, 20 rue Brunel 75856 PARIS

Représentée par la SCP LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour assistée de Maître CRESP avocat au barreau de PARIS

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Place de l'Europe 33000 BORDEAUX

Représentée par la SCP Luc BOYREAU et Raphael MONROUX, avoués à la Cour assistée de Maître ABDI loco de Maître MOUNIER avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

L'AG2R PREVOYANCE prise en la personne de son représentant légal
domicilié en cette qualité au siège social 37 boulevard Brune 75680 PARIS

Représentée par la SCP LE BARAZER et D'AMIENS, avoué à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 avril 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,
Madame Edith O'YL, Conseiller,
Madame Danièle BOWIE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Faits, procédure et prétentions des parties

Anne Sophie X..., née le 5 novembre 1977, alors qu'elle était âgée de 7 ans et demi, a, le 27 juillet 1985, fait une chute de bicyclette entraînant une rupture de la rate.

Elle a été hospitalisée et a subi une splénéctomie.

Dans le contexte de cette intervention, elle a reçu des produits sanguins, à savoir :
- trois concentrés globulaires no31 128, 187 039, 41 489
- un plasma cryodesséché no 74 582 lot 85 C

En février 1996, à l'occasion d'un don de sang organisé dans son établissement scolaire, il a été découvert qu'elle présentait des anti corps anti VHC.

Une biopsie, pratiquée le 2 septembre 1996, a montré une hépatite chronique avec un activité minime et une fibrose portale sans septa.

A la suite d'une action introduite les 15 et 16 octobre 2003 par Anne Sophie X... à l'encontre de l'Etablissement Français du Sang Aquitaine Limousin (EFSAL), de la Mutuelle Assurance du Corps Sanitaire (MACSF) et de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde (CPAM), le tribunal de grande instance de Bordeaux a, par jugement en date du 23 mars 2005,

- déclaré l'EFSAL responsable de la contamination d'Anne Sophie X... par le virus de l'hépatite C
-condamné l'EFSAL à indemniser le préjudice en résultant
-condamné l'EFSAL à payer à :

Anne Sophie X...
* la somme de 3 291, 27 euros au titre de son préjudice complémentaire
* la somme de 30 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination

la CPAM de la Gironde
* la somme de 36 224, 64 euros au titre des prestations en nature et indemnités journalières
* les frais futurs au fur et à mesure qu'ils seront exposés à moins qu'il ne préfère s'en libérer immédiatement par le paiement du capital soit 4 329, 03 euros
* les arrérages échus et à échoir de la rente liquidée au profit de Anne Sophie X..., à moins qu'il ne préfère s'en libérer par le paiement immédiat du capital représentatif, soit 43 764, 03 euros

-dit que la MACSF n'est pas tenue à garantir le sinistre

-condamné l'EFSAL à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à Anne Sophie X... la somme de 1 200 euros et à la CPAM de la Gironde la somme de 160 euros
-condamné l'EFSAL aux dépens qui comprendront les frais de référé et d'expertise, dont distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.

L'EFSAL et Anne Sophie X... ont relevé appel de cette décision, respectivement les 6 et 10 juin 2005.

Par arrêt rectificatif la cour d'appel de Bordeaux a ajouté au dispositif du jugement la mention " ordonne l'exécution provisoire " omise.

Par arrêt avant dire droit en date du 1er février 2007, la cour d'appel de Bordeaux a ordonné la réouverture des débats et le renvoi de la procédure à la mise en état afin que les parties prennent position sur l'application des nouvelles dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la Sécurité Sociale publiée dans le journal officiel du 22 décembre 2006 qui notamment prévoient que " les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel " et définissent leurs conséquences éventuelles sur l'indemnisation du préjudice d'Anne Sophie X... résultant de l'atteinte à son intégrité physique et sur l'assiette du recours de la CPAM de la Gironde.

Par conclusions responsives et récapitulatives signifiées et déposées le 23 octobre 2007, l'EFS a demandé à la cour de :
- réformer le jugement dont appel
-débouter en l'état le CPAM de la Gironde de l'ensemble de ses demandes
-débouter la compagnie AG2R de l'ensemble de ses demandes
-la condamner à rembourser les sommes qui lui ont été réglées au titre de l'exécution provisoire du jugement ;
- réduire le montant des indemnités allouées à Anne Sophie X...
- condamner la partie succombante aux entiers dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers distraction au profit de la SCP Fournier avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives et modificatives signifiées et déposées au secrétariat greffe de la cour le 21 mars 2008, la CPAM de la Gironde a demandé à la cour de :
vu l'article L-376-1 du code de la Sécurité Sociale
vue l'attestation d'imputabilité du Dr Saphia E... du 28 novembre 2005
- condamner solidairement l'EFS et la MACSF à lui payer la somme de 37 134, 64 euros au titre des prestations versés pour le compte de son assurée sociale en deniers ou quittance
-condamner solidairement l'EFS et la MACSF à lui payer la somme de 13 448, 42 euros au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité du 3 janvier 2004 au 31 décembre 2006 en deniers ou quittance
-condamner solidairement l'EFS et la MACSF au règlement des arrérages de la pension d'invalidité au fur et à mesure qu'ils interviendront, à moins qu'ils ne préfèrent se libérer immédiatement par le règlement du capital représentatif dont le montant s'élève à la somme de 67 786, 40 euros en deniers ou quittance ;
- condamner solidairement EFS et la MACSF à lui payer la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Boyreau et Monroux conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives signifiées et déposées au secrétariat greffe de la cour le 28 mars 2008, l'AG2R Prévoyance, intervenant volontaire, a demandé à la cour :
vu l'article L-931-11 du code de la sécurité sociale
-dire et juger recevable et bien fondée son intervention volontaire
-condamner solidairement l'EFS et la MACSF à lui payer :
* la somme de 19 989, 54 euros au titre des arrérages échus de la rente versée à Anne Sophie X... au 25 septembre 2007
* les arrérages de la pension d'invalidité au fur et à mesure qu'ils interviendront à moins qu'ils ne préfèrent se libérer immédiatement par le règlement du capital représentatif de la rente d'invalidité à Anne Sophie X..., soit la somme de 102 442, 92 euros
-condamner solidairement l'EFS et la MACSF aux dépens d'appel avec distraction au profit de Me F..., conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives signifiées et déposées au secrétariat greffe de la cour le 15 avril 2008, Anne Sophie X... a demandé à la cour de :
vu l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006
- ordonner le report de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries
-rejeter l'appel de l'EFS comme non fondé
-déclarer son appel incident recevable et bien fondé
-réformer le jugement déféré sur le quantum du préjudice
-tout en leur donnant acte à elle et à la MACSF qu'un accord est intervenu entre elles quant au règlement définitif de l'intégralité des causes du jugement
-condamner l'EFS aux droits de l'EFSAL, à lui payer les indemnités complémentaires ci dessus détaillées résultant de son appel incident, en réparation de ses préjudices, tant patrimoniaux qu'extra patrimoniaux à la somme de 687 429, 99 euros avant déduction de la créance des organismes sociaux
-dans le cadre de la préférence accordée à la victime en matière de réparation des préjudices et de la réforme résultant de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, limiter la créance de la CPAM au titre des indemnités journalières, et dire que les pensions d'invalidité de ladite CPAM et d'AG2R Prévoyance, ou les arrérages de celles-ci ne pourront s'imputer que sur le seul préjudice professionnel et plus précisément la très grave perte de chance professionnelle subie par Anne Sophie X....
- du fait du règlement intégral des causes du jugement de première instance, dire que seules les sommes susceptibles d'être allouées par la cour seront assorties d'un intérêt au taux légal à compter du jugement jusqu'à leur règlement effectif
-lui allouer une indemnité complémentaire de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner l'EFS aux entiers dépens tant de première instance et d'appel dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Rivel Combeaud, avoués à la cour, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est du 16 avril 2008.

Motifs et décision

Sur l'imputabilité de la contamination

Attendu que les premiers juges ont retenu la responsabilité de l'EFS dans la contamination dont a été victime Anne Sophie X..., principe qui n'est pas remis en cause par les parties en appel ;

Qu'il convient de confirmer le jugement sur ce point ;

Sur la garantie de la MACSF

Attendu que les premiers juges ont jugé que la MACSF n'était pas tenue de garantir le sinistre en relevant qu'aux termes de la police d'assurances, le plafond de garantie de la MASCF était limité à la somme de 2 500 000 F. par année d'assurance, cette somme se réduisant et s'épuisant par tout règlement amiable ou judiciaire d'indemnité et que ce plafond de garantie était opposable au tiers victime ;

Qu'ils ont constaté que la MACSF justifiait par le versement de diverses quittances que ce plafond était atteint pour l'année 1985, date de la contamination d'Anne Sophie X... ;

Que la cour, faisant siens ces motifs confirme la décision déférée sur ce point ;

Sur le préjudice

Attendu que les rapports des médecins experts, les docteurs Y... et Z... d'une part, et le Docteur G..., psychiatre, d'autre part, font apparaître qu'" Anne Sophie X... a subi d'octobre 1996 à janvier 1997 un traitement par Interferon qui a été mal supporté et inefficace, un autre traitement associant l'Interferon et la Ribaverine a été effectué à partir de février 2001 ; après une réponse initiale favorable, il a été constaté une remontée des taux de transaminases et l'ARN est redevenu détectable ; le traitement a été arrêté en octobre 2001 ; au jour de l'expertise, elle présente une hépatite chronique C toujours active avec des lésions anatomo-pathologiques minimes et une légère cytolyse ; au plan psychologique, elle a subi un état dépressif réactionnel sévère avec conduites anorexiques amélioré depuis l'année 2002 ; il persiste une élévation sensible du potentiel anxieux avec vécu d'insécurité interne et un léger abrasement de l'élan vital ; "

Que les experts concluent ainsi :

" compte tenu de l'ensemble des conséquences somatiques et psychologiques de l'hépatite C de Melle X..., on peut considérer :
- que l'état de santé de Melle X... est consolidé au sens médico légal du terme. En effet, l'hépatite C n'est pas guérie (elle est objectivée par des lésions anatomo-pathologiques minimes et une légère cytolyse) n'ayant pas répondu à deux traitements. Les données acquises de la science ne permettent pas de penser qu'on puisse proposer un traitement efficace avant trois à cinq ans. Il n'y aura pas d'amélioration spontanée. On peut présumer, compte tenu du recul évolutif dont nous disposons, qu l'état restera stable, mais une aggravation reste possible.
- la date de consolidation peut être fixée au 30 septembre 2002
- il y a eu une incapacité temporaire totale du 7 décembre 2000 au 3 juin 2002 incluant donc l'arrêt pour la seconde biopsie hépatique. La première biopsie hépatique ayant eu lieu lors d'une intervention chirurgicale sans lien avec l'hépatite C ne comporte pas par elle-même d'ITT
-il y a eu deux périodes d'incapacité temporaire partielle de 18 %
* la première à partir du premier constat de la sérologie C positive, en février 1996, au 6 décembre 2000,
* la seconde du 7 décembre 2000 au 3 juin 2002
- il y a eu une incapacité permanente partielle de 13 % en tenant compte de l'état hépatique objectif et des séquelles psychiques
-le quantum doloris strictement lié aux traitements est de 3 / 7.
Les souffrances morales, décrites ici et dans le rapport du Dr G..., sont responsables de la longue période d'incapacité temporaire totale. "

Attendu que le rapport des médecins experts, contre lequel aucune critique n'est formulée, constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi ;

Attendu que la Cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour fixer le préjudice comme suit, en tenant compte des principes posés par les articles L-376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 modifiés par l'article 25 III et IV de la loi no 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 et ci dessous rappelés :

- les recours subrogatoires des caisses contre les tiers et les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel
-conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation
-lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales, en ce cas l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée
-lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie, en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle
-cependant si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ;

1) Préjudices patrimoniaux

A) Préjudices patrimoniaux temporaires

1) Dépenses de santé actuelles (DSA) prises en charge par la CPAM

Attendu que la CPAM fait valoir qu'elle a engagé pour le compte d'Anne Sophie X... des dépenses de santé d'un montant de 12 149, 25 euros (frais médicaux et pharmaceutiques) et une somme de 1575, 45 euros au titre de frais divers ;

Que s'il est vrai, comme le souligne l'EFS qui demande que la CPAM soit déboutée faute d'établir que les sommes dépensées sont en relation avec la contamination, qu'elle ne produit que peu de justificatifs à l'appui de sa demande, se contentant de verser aux débats un état provenant de son service contentieux et qui ne détaille en rien les frais médicaux, elle produit aussi une attestation de son

médecin conseil, le Dr Saphia E... qui atteste que les frais médicaux et pharmaceutiques (consultations spécialisées, suivi hospitalier, traitement anti viral) sont exclusivement imputables à la contamination par le virus d l'hépatite C ;

Qu'il convient donc de faire droit à la demande de la CPAM mais de ne lui allouer que la somme de 11 753, 49 euros figurant sur l'état du 7 mars 2008, et celle de 395, 76 euros au titre de l'hospitalisation du 12 janvier 2001, soit un total de 12 149, 25 euros, rejetant sa demande au titre de frais divers qui n'est pas explicitée ;

Total du poste DSA
part victime : 0, 00
part CPAM : 12 149, 25 euros

2) Pertes de gains professionnels actuels (PGPA)

a) les indemnités journalières

Attendu que la CPAM a versé à Anne Sophie X..., ainsi qu'il ressort de l'état du service contentieux en date du 7 mars 2008 les indemnités journalières suivantes :

du 10 / 12 / 2000 au 23 / 12 / 2000 21, 14 x 14 j..................................... 295, 96 E
du 6 / 01 / 2001 au 2 / 07 / 2001 20, 65 x 178 j.................................. 3 675, 70 E
du 3 / 07 / 2001 au 11 / 09 / 2001 21, 26 x 71 j................................... 1 509, 46 E
du 12 / 09 / 2001 au 7 / 07 / 2003 21, 27 x 664 j............................... 14 123, 28 E
du 8 / 07 / 2003 au 2 / 01 / 2004 21, 26 x 179 j.................................. 3 809, 54 E

soit un total de 23 413, 94 euros ;

Que le médecin conseil de la CPAM de la Gironde atteste, le 28 novembre 2005, que les indemnités journalières du 10 / 12 / 00 au 02 / 01 / 04 sont exclusivement imputables à la contamination par le virus de l'hépatite C ;

Qu'il convient de faire droit à la demande de la CPAM sur ce point ;

Attendu qu'Anne Sophie X... qui, avant l'ITT de 18 mois et 4 jours ayant débuté le 7 décembre 2000, travaillait en qualité de co-responsable de logistique à l'UFCV a été licenciée le 14 avril 2006 ;

Que durant ces 18 mois d'ITT, ainsi qu'elle en justifie par les pièces versées au dossier, elle aurait dû percevoir au titre de ses salaires la somme de 945, 37 E par mois x 18, soit 17 142, 71 E + 4 jours, soit 126, 05 E, soit un total de 17 142, 71 E ;

Qu'elle a été prise en charge par la CPAM au titre de indemnités journalières jusqu'au 2 janvier 2004 et qu'il ne lui revient donc aucune somme à ce titre ;

b) la pension d'invalidité (arrérages échus)

Attendu que la CPAM justifie par les mêmes pièces, que pour les indemnités journalières elle a versé à Anne Sophie X... une rente invalidité groupe 2 entre le 3 janvier 2004 et le 31 décembre 2006 d'un montant total de 13 448, 42 euros ;

Qu'il convient de faire droit à sa demande sur ce poste ;

Attendu que de son côté l'AG2R prévoyance, intervenante volontaire, agissant sur le fondement de l'article L-931-11 du code de la Sécurité Sociale fait valoir et justifie qu'elle a versé une rente mensuelle depuis le 3 janvier 2004 jusqu'au 25 septembre 2007 à Anne Sophie X..., règlement effectué le 19 avril 2006 pour l'arriéré de la rente depuis le 3 avril 2004 jusqu'en avril 2006 (441, 30 E indexé par mois) soit une somme totale de 19 989, 54 Euros ;

Qu'il convient de faire droit à sa demande ;

Total du poste PGPA
part victime : 0, 00
part CPAM : 36 862, 36 euros (23 413, 94 + 13 448, 42)
part AG2R : 19 989, 54 euros

B) préjudices patrimoniaux permanents

1) perte de gains professionnels futurs (PGPF)

Attendu que la CPAM de la Gironde verse à Anne Sophie X... une rente invalidité mensuelle sur la base du groupe II ;

Qu'il convient de faire droit à sa demande de règlement des arrérages de cette pension d'invalidité au fur et à mesure qu'ils interviendront, à moins que le débiteur ne préfère se libérer immédiatement par le règlement du capital représentatif dont le montant s'élève à la somme de 67 786, 40 Euros, en deniers ou quittances et est établi sur la base d'un montant annuel de 4 611, 32 euros avec une valeur de l'euro de rente à 14, 7 selon l'attestation de service de rente ou d'une pension d'invalidité versée aux débats ;

Attendu que l'AG2R Prévoyance verse à Anne Sophie X..., en sa qualité d'institution de prévoyance à laquelle l'employeur de celle ci avait adhéré pour que soient versé à ses salariés des rentes complémentaires à la sécurité sociale lorsqu'ils sont déclarés en invalidité, une rente de 473, 87 Euros par mois ;

Que c'est à bon droit que l'AG2R demande le règlement des arrérages de cette rente au fur et à mesure qu'elle est versée à moins que le débiteur ne préfère se libérer immédiatement par le règlement du capital représentatif dont le montant s'élève à 102 442, 92 Euros et est établi sur la base d'un montant annuel de 5 686, 44 euros avec une valeur de l'euro de rente à 14, 5 ;

2) perte de deux années universitaires

Attendu que Anne Sophie X... établit que pendant ses deux années d'incapacité temporaire totale, soit du 7 décembre 2000 au 3 juin 2002, elle n'a pu suivre sa formation universitaire ;

Qu'il convient de lui allouer pour la perte de ces deux années la somme demandée, soit 12 000, 00 euros ;

3) perte de chance au plan professionnel

Attendu qu'il résulte des explications données par Anne Sophie X..., des rapports d'expertises, des pièces versées au dossier que cette jeune femme, dotée de brillantes aptitudes intellectuelles, puisqu'elle est doctorante, se trouve confrontée sans cesse aux limites que lui impose sa maladie et qui, selon elle, ne lui permet pas de trouver un poste à la hauteur de sa qualification ;

Qu'elle invoque en effet, une fatigabilité et une crainte de ne pouvoir accéder à un poste qualifiant compte tenu de cet état de faiblesse et alors qu'elle redoute que tout effort excessif pour elle ne déclenche une phase d'activité de l'hépatite ;

Attendu que les experts en 2002 avaient estimé qu'il y avait une discordance entre le caractère minime des lésions somatiques et l'importance du retentissement psychologique et avait demandé à un sapiteur psychiatre, le Dr G... d'examiner Anne Sophie X... ;

Que celui-ci avait relevé une instabilité émotionnelle " elle-même se sent écorchée vive vis à vis de sa maladie " ;

Qu'à l'époque il avait conclu a, " sans doute, (même si cela reste relatif) une certaine " perte de chance " en terme d'avenir professionnel " ;

Attendu que Anne Sophie X... a trente ans, qu'elle est intellectuellement brillante et munie de diplômes performants ;

Qu'il faut souligner qu'elle a manifesté une belle volonté malgré les obstacles, mais que le fait de réussir dans des études supérieures ne peut faire oublier que la difficulté réelle pour une personne fragilisée consiste à se lancer dans la vie active, dans la compétition, dans les concours universitaires, ce qu'Anne Sophie X... est incapable de faire dans la mesure où ces épreuves sont inévitablement facteurs de stress ;

Qu'au cours des dix dernières années, elle n'a occupé aucune activité professionnelle, son seul essai, en qualité de co-responsable de logistique à l'UFCV n'ayant duré que peu de temps, la jeune fille se retrouvant rapidement en arrêt de travail pour une longue durée, puis classée par la CPAM en invalidité 2eme catégorie ;

Attendu que rien dans son parcours de vie avant 1996, tel que relaté dans les rapports des psychiatres, ne démontre qu'elle était une personne déjà psychologiquement fragile ;

Qu'elle était très exactement dans la norme, ni plus, ni moins, et se préparait, à travers des études solides (elle était en classe d'hypockhâgne quand elle a appris qu'elle avait été contaminée par le virus de l'hépatite C) à un avenir qui la situerait au niveau d'un cadre supérieur ;

Attendu que la révélation de sa maladie, la fatigue des deux traitements, l'angoisse décuplée devant l'échec de ces traitements, l'impossibilité désormais de faire face au stress et de se placer dans la dynamique de compétition qu'exige une vie professionnelle de haut niveau, lui ont fait perdre une chance d'avoir un emploi correspondant à ses qualifications ;

Que la perte de cette chance, au moment même où l'avenir se prépare, et alors que par le parcours universitaire qu'elle a accompli, Anne Sophie X... a largement démontré qu'elle aurait pu prétendre à une vie professionnelle du niveau d'un cadre supérieur, doit être indemnisée de façon à réparer réellement le préjudice subi, en lui accordant la somme de 472 500 euros, calculée sur la base de 1 500 euros x 12 mois = 18 000 E x 26, 25 (euro de rente-table gazette du palais 2004-) ;

Attendu qu'il convient de déduire de cette somme les rentes invalidités servies par la CPAM et l'AG2R (arrérages échus) (36 862, 36 E et 19 989, 54 E) et les arrérages à échoir capitalisés respectivement pour les montant de 67 786, 40 euros et 102 442, 92 euros, soit la somme globale de 217 081, 22 euros ;

total des postes PGPF + PGPA
part victime : 278 918, 78 (484 500 euros (12 000 + 472 500)-217 081,, 22)
part CPAM : arrérages au fur et à mesure que la rente est versée ou capital 67 786, 40
part AG2R : arrérages au fur et à mesure que la rente est versée ou capital 102 442, 92

II) Préjudice extra patrimoniaux

A) préjudice extra patrimoniaux temporaires

1) déficit fonctionnel temporaire

Attendu qu'il n'est pas contestable que Anne Sophie X... a subi pendant les périodes d'incapacité totale temporaire une privation de sa qualité de vie, et qu'il convient de l'indemniser à hauteur de 600 euros par mois ainsi qu'elle en forme la demande, soit pour l'ITT de 18 mois et 4 jours, la somme de 10 800 euros et durant l'ITP à 18 % de février 1996 au 6 décembre 2000 soit durant quatre ans et neuf mois, sur la même base la somme de 6 156 euros ;

B) préjudice extra patrimonial permanent

1) déficit fonctionnel permanent

Attendu que ce préjudice est défini par la commission européenne comme suit " la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo physiologique médicalement constatable, donc apréciable par un examen clinique approprié complété par l'étude des examens complémentaires produits, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquéllaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours "

Que les experts, dans leur rapport ont fixé l'IPP à 13 % ;

Qu'il convient d'allouer la somme demandée par Anne Sophie X... soit 15 730, 00 euros

2) préjudice spécifique de contamination

Attendu que le préjudice spécifique de contamination se définit comme comprenant l'ensemble de préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques subis par la victime et résultant notamment de la réduction de l'espérance de vie, des souffrances et de leur crainte, du préjudice esthétique et d'agrément ainsi que toutes les affections opportunistes consécutives à la déclaration de la maladie ;

Attendu qu'en l'espèce, la révélation de cette contamination a été faite à Anne Sophie X... à un âge où la vie est porteuse de tous les espoirs d'avenir, tant sur le plan de la vie professionnelle, que de la vie affective ;

Qu'il apparaît très nettement à travers la lecture des rapports d'expertise que cette révélation a créé chez cette jeune femme un choc exceptionnellement violent compte tenu de son jeune âge et de sa sensibilité ;

Que l'échec de deux traitements a renforcé ses craintes et qu'elle vit dans une peur permanente de déclencher, si elle se fatigue trop vite, une phase active de l'hépatite C ;

Qu'elle exprime à travers divers lettres et commentaires sur sa situation, à plusieurs reprises et à plusieurs stade de sa vie au cours de ces dix dernières années, combien elle est angoissée par son avenir sur le plan affectif, sexuel et sur le plan aussi de la procréation, et qu'elle évalue tout ce qui lui sera sans doute refusé (assurances vie, emprunts bancaires), abordant son avenir sur un plan essentiellement restrictif ;

Attendu qu'il convient de lui allouer la somme de 50 000 euros ;

Total du poste (DFT DFP et PSC)
part victime : 71 886 (6 156 + 15 730 + 50 000)

Attendu en conséquence que le solde définitif revenant à Anne Sophie X... au titre de ses préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux s'élèvent à la somme de 350 804, 78 euros (278 918, 78 + 71 886) que l'EFS sera condamné à lui payer en réparation du préjudice occasionné par la transfusion de sang contaminé ;
Attendu qu'aux termes de l'article L-376-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel :

Qu'en application de ces dispositions, la CPAM de la Gironde est en droit d'obtenir de l'EFS le remboursement des prestations servies à Anne X..., soit 49 011, 61 euros et des prestations à venir (arrérages à échoir évalués sur la base d'un capital à hauteur de 67 786, 40) se décomposant ainsi :

DSA : 12 149, 25
PGPA : 36 862, 36
PGPF : arrérages à échoir ou capital de 67 786, 40 euros

Que l'AG2R est en droit d'obtenir de l'EFS le remboursement des prestations servies à Anne X... soit 19 989, 54 euros et des prestations à venir (arrérages à échoir évalués sur la base d'un capital à hauteur de 102 442, 92 euros) se décomposant ainsi

PGPA : 19 989, 54
PGPF : 102 442, 92 ;

Attendu que les sommes dues par l'EFS à Anne Sophie X..., la CPAM et l'AG2R produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu que l'équité commande de condamner l'EFS qui succombe à payer à Anne Sophie X... la somme de 3000 euros et à la CPAM celle de 300 euros pour la procédure d'appel, confirmant les sommes allouées à ce titre en première instance ;

Qu'il y a lieu de condamner l'EFS aux entiers dépens d'appel

PAR CES MOTIFS, LA COUR

CONFIRME la décision déférée en ce qu'elle a dit l'EFS responsable de la contamination d'Anne Sophie X... par le virus de l'hépatite C et condamné l'EFS à indemniser le préjudice en résultant ;

LA CONFIRME en ce qu'elle a dit que la MACSF n'était pas tenue à garantir le sinistre

LA CONFIRME sur les indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

FAIT DROIT à l'intervention volontaire de l'AG2R ;

INFIRME la décision déférée sur l'indemnisation du préjudice ;

JUGEANT à nouveau

CONDAMNE l'EFS à payer à Anne Sophie X... la somme de 350 804, 78 euros (trois cent cinquante mille huit cent quatre euros et soixante dix huit centimes) augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE l'EFS à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 49 011, 61 euros (quarante neuf mille onze euros et soixante et un centimes) ainsi que les arrérages de la pension d'invalidité au fur et à mesure qu'ils interviendront à moins qu'il ne préfère se libérer immédiatement par le prélèvement du capital représentatif de la rente d'invalidité à la CPAM, soit la somme de 67 786, 40 euros (soixante sept mille sept cent quatre vingt six euros et quarante centimes),

CONDAMNE l'EFS à payer à l'AG2R la somme de 19 989, 54 euros (dix neuf mille neuf cent quatre vingt neuf euros et cinquante quatre centimes) au titre des arrérages échus de la rente versée à Anne Sophie X... au 25 septembre 2007 et les arrérages de la pension d'invalidité au fur et à mesure qu'ils interviendront à moins qu'il ne préfère se libérer immédiatement par le prélèvement du capital représentatif de la rente d'invalidité à l'AG2R, soit la somme de 102 442, 92 euros (cent deux mille quatre cent quarante deux euros et quatre vingt douze centimes) ;

CONDAMNE l'EFS à payer à Anne Sophie X... une somme de 3000, 00 (trois mille) euros, à la CPAM une somme de 300, 00 (trois cents) euros, ce, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'EFS aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 05/03410
Date de la décision : 02/07/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 23 mars 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-07-02;05.03410 ?
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