La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2008 | FRANCE | N°08/00126

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0187, 20 juin 2008, 08/00126


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

ARRÊT DU : 20 JUIN 2008

No de rôle : 08 / 00126

Jacques X...

c /

Le CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE BORDEAUX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi de la cour de cassation en date du 22 novembre 2007 sur un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 11 février 2005 suite à une décision du Conseil de l'ordre des avocats du barreau de BORDEAUX en date du 30 septembre 2

003

DEMANDEUR sur renvoi après cassation :

Monsieur Jacques X...
né le 23 Juillet 1976 à COTONOU (BENIN)
demeurant...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

ARRÊT DU : 20 JUIN 2008

No de rôle : 08 / 00126

Jacques X...

c /

Le CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE BORDEAUX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi de la cour de cassation en date du 22 novembre 2007 sur un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 11 février 2005 suite à une décision du Conseil de l'ordre des avocats du barreau de BORDEAUX en date du 30 septembre 2003

DEMANDEUR sur renvoi après cassation :

Monsieur Jacques X...
né le 23 Juillet 1976 à COTONOU (BENIN)
demeurant ...
...,

présent,

DEFENDEUR sur renvoi après cassation :

Le CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE BORDEAUX pris en la personne de son bâtonnier en exercice
domicilié Maison de l'avocat
18-20 rue du Maréchal Joffre
33000 BORDEAUX,

comparant en la personne de Maître Philippe DUPRAT, bâtonnier,

L'affaire a été débattue en audience solennelle et en chambre du conseil le 16 mai 2008 devant la Cour, première et sixième chambres réunies, composée de :

Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président,
Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président de Chambre,
Madame Marie-Paule LAFON, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller,
Madame Elisabeth LARSABAL, Conseiller,
désignés par ordonnance du premier président en date du 14 avril 2008

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Martine MASSÉ

En présence de Monsieur le Procureur Général, représenté lors des débats par Monsieur DEFOS DU RAU, avocat général, qui a été entendu.

ARRÊT :

- contradictoire

-prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Par décision du 30 septembre 2003, le Conseil de l'Ordre des Avocats du Barreau de Bordeaux (ci après le Conseil de l'Ordre) a prononcé l'omission du tableau de Jacques X..., qui y avait été inscrit le 08 avril 2003, motif pris du caractère fictif du contrat de collaboration signé le 1er avril 2003 avec Maître Côme Y..., avocat de ce barreau.

Par arrêt du 11 février 2005, la Cour d'appel de Bordeaux a confirmé la décision du Conseil de l'Ordre, se fondant notamment sur l'absence de production du contrat de collaboration litigieux, et considérant que celui-ci était fictif à raison de l'absence de domicile professionnel, de l'absence de travail effectif à finalité pédagogique avec le maître de stage et de l'absence de rétrocession d'honoraires par celui-ci.

Sur pourvoi en cassation de Jacques X..., cette décision a été cassée par arrêt du 22 novembre 2007 et l'affaire a été renvoyée devant la Cour d'appel de Bordeaux autrement composée.

La cassation est prononcée au visa de l'article 16 du Code de procédure civile au motif que la Cour aurait dû inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier du contrat de collaboration, qui figurait sur le bordereau de pièces annexé au dernières conclusions de Jacques X... et dont la communication n'avait pas été contestée.

La Cour d'appel de Bordeaux a été saisie en qualité de Cour de renvoi par acte du 03 janvier 2008.

Par mémoire initial du 20 février 2008 et mémoire responsif du 28 avril 2008, Jacques X..., qui a été inscrit le 04 mars 2008 à l'Ordre des avocats du barreau de Bordeaux, demande désormais à la Cour, renonçant à sa demande tendant à voir ordonner son inscription au tableau de l'Ordre :

* Vu les articles 78, 104, 105, 165, du décret du 27 novembre 1991,
* Vu la loi no 2004-130 du 11 février 2004,
* Vu l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen du 06 juin 2007,

- de dire qu'à la date à laquelle elle est intervenue, la décision du Conseil de l'Ordre du 30 septembre 2003 prononçant son omission ne repose ni sur l'article 104, ni sur l'article 105 du décret du 27 novembre 1991,

- en conséquence de l'infirmer en toutes ses dispositions,

- de condamner le Conseil de l'Ordre au paiement d'une indemnité de 4. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Il fait valoir qu'en dépit de son inscription au tableau le 04 mars 2008, postérieurement à la saisine de la Cour, inscription qui ne résulte que de l'entrée en vigueur le 1er septembre 2007 de la loi du 11 février 2004 qui supprime le stage, la décision du 30 septembre 2003 demeure et lui fait grief.

Il conteste le caractère fictif du contrat de collaboration du 1er avril 2003 qui figure désormais au nombre de pièces produites et est visé par l'Ordre, indiquant qu'aucun texte n'oblige l'avocat stagiaire à être professionnellement domicilié dans les mêmes locaux que son maître de stage, citant diverses exemples au sein du barreau de Bordeaux, que la rétrocession d'honoraires ne constitue pas une condition de la régularité du stage et que Maître Côme Y... a accompli auprès de lui un travail pédagogique effectif.

Sur ce dernier point, il fait état de l'audition de Maître Côme Y... sur commission rogatoire de la Cour d'appel d'Agen, saisie de la contestation de la décision du Conseil de l'Ordre refusant de lui délivrer son certificat de stage, décision infirmée par arrêt de cette Cour du 06 juin 2007.

Par mémoire du 23 avril 2008, l'Ordre des avocats du barreau de Bordeaux fait valoir que la décision d'omission est une décision de caractère administratif et que, dès lors que la cause de l'omission a disparu à raison de l'inscription de Jacques X... au Barreau de Bordeaux depuis le 04 mars 2008, il n'y a pas lieu à statuer.

L'Ordre demande en conséquence à la Cour, constatant la réinscription de Jacques X... en date du 04 mars 2008 :

- de dire et juger dépourvu d'objet la demande de Jacques X... tendant à voir annuler la décision du 30 septembre 2003,

- de débouter Jacques X... de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions du 05 mai 2008, le Ministère Public demande à la Cour de déclarer le recours recevable mais sans objet du fait de l'inscription de Jacques X... au tableau de l'Ordre des avocats du barreau de Bordeaux depuis le 04 mars 2008 et de rejeter ses autres demandes.

MOTIFS

Bien qu'ayant été inscrit au Barreau de Bordeaux par décision du 04 mars 2008, postérieure à la saisine de la Cour d'appel de Bordeaux sur renvoi de cassation, Jacques X... conserve un intérêt à agir en infirmation de la décision du Conseil de l'ordre des avocats au 30 septembre 2003.

En effet, d'une part, il argue sans être contredit que cette inscription ne résulte que de l'évolution de la réglementation applicable et de l'entrée en vigueur le 1er septembre 2007 de la loi du 11 février 2004 qui supprime le stage et non de la reconnaissance par le Conseil de l'Ordre de l'absence de bien fondé de sa décision.

D'autre part, ladite décision a produit ses effets pendant plus de quatre années du 30 septembre 2003 au 04 mars 2008 pendant lesquelles Jacques X... n'a pas été inscrit au Barreau de Bordeaux et elle aurait été invoquée à l'appui de décisions de refus d'inscription des Barreaux de la Guadeloupe et de Québec.

Sur le fond, la décision du 30 septembre 2003 est fondée sur " la fictivité du contrat de collaboration prétendument passé avec Monsieur Y... ", laquelle résulterait de son absence de domiciliation professionnelle au lieu d'exercice de Maître Y..., de l'absence de quelque rétrocession d'honoraires que ce soit par celui-ci et de la reconnaissance par Jacques X... de son exercice à titre individuel et non en qualité de collaborateur.

En droit, l'article 12 de la loi du 31 décembre 1971 dans son libellé alors applicable imposait à l'avocat : " 3o un stage de deux années, sanctionné par un certificat de fin de stage. "

Aux termes de l'alinéa 1er de l'article 77 du décret du 27 novembre 1991, " le Centre Régional de Formation Professionnel responsable, aux termes des articles 13 et 14 de la loi du 31 décembre 1971 précitée, de l'enseignement et de la formation professionnelle des avocats inscrits sur la liste du stage fixe notamment dans son règlement intérieur les conditions dans lesquelles sont assurés :
"... 4o) un travail effectif à finalité pédagogique qui doit avoir lieu à concurrence d'une année au moins, en qualité de collaborateur, de salarié ou d'associé d'un avocat ou auprès d'un avocat au Conseil d'état et à la Cour de Cassation ou d'un avoué à la Cour d'appel. "

En vertu des dispositions de l'article 104 du même décret, " doit être omis du tableau ou de la liste de stage, l'avocat qui se trouve dans un cas d'exclusion ou d'incompatibilité prévus par la loi ou qui ne satisfait pas aux obligations de garantie et d'assurance prévues par l'article 27 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971. "

Enfin l'article 105 du même décret énonce : " peut être omis du tableau ou de la liste de stage :
" 1o) l'avocat qui soit, par effet de maladie ou infirmité grave ou permanente, soit par acceptation d'activités étrangères au barreau, est empêché d'exercer réellement sa profession,
2o) l'avocat qui, sans motifs valables, n'a pas acquitté dans les délais prescrits soit sa contribution aux charges de l'ordre, soit sa cotisation à la Caisse Nationale des barreaux français ou au Conseil National des barreaux, soit les sommes dues au titre des droits de plaidoirie ou appelées par la Caisse au titre de contribution équivalente,
3o) l'avocat qui, sans motifs légitimes, n'exerce pas effectivement sa profession. "

En l'espèce, la décision du Conseil de l'Ordre du 30 septembre 2003 est fondée sur " une situation d'exclusion au sens de l'article 104 du décret du 27 novembre 1991 ", sur le fait " qu'à tout le moins, il doit être considéré que Jacques X... ne se trouve pas en situation d'exercer effectivement sa profession et qu'il ne justifie d'aucun motif légitime " et " qu'il s'ensuit, par conséquent, un cas d'omission obligatoire en application de l'article 104 du décret du 27 novembre 1991 et, éventuellement, un cas d'omission prévu par l'article 105 du même décret. "

Il sera observé d'une part que cette motivation revêt un caractère dubitatif dans son visa subsidiaire de l'article 105 du décret, alors même que l'omission en application de ce texte n'a qu'un caractère facultatif, de sorte qu'il convient d'expliciter les causes de l'opportunité de son application.

D'autre part, le mémoire de l'Ordre des avocats du barreau de Bordeaux du 21 avril 2008 se borne à demander à la Cour de dire et juger dépourvue d'objet la demande de Jacques X... tendant à voir annuler la décision d'omission du 30 septembre 2003 au motif de l'inscription du 04 mars 2008, sans exposer d'argumentation sur le bien fondé de la décision contestée.

Le contrat de collaboration litigieux signé le 1er avril 2003 est désormais versé aux débats et il convient de se livrer à l'analyse des critères invoqués par la décision d'omission.

Ce contrat a été visé le 08 avril 2008 par le Conseil de l'Ordre qui en a ainsi avalisé le libellé formel.

S'agissant du domicile professionnel au même lieu que le maître de stage, il n'apparaît pas que cette règle figure au nombre des obligations fixées par la loi, le décret ou au titre du règlement intérieur du barreau.

Quand bien même il est avéré qu'au cours de la brève période concernée Jacques X... a fait état de plusieurs adresses, ..., ..., sans s'expliquer sur cette succession, il n'en demeure pas moins qu'il justifie d'exemples de domiciliations d'avocats stagiaires distinctes de celle du maître de stage, y compris au sein du cabinet d'un ancien Bâtonnier, qui n'ont donné lieu à aucune procédure.

S'agissant de l'obligation de réalisation d'un " travail effectif à finalité pédagogique " prévue par l'article 77- 4o du décret du 27 novembre 1991, il résulte de l'audition de Maître Côme Y..., maître de stage, effectuée sur commission rogatoire de la Cour d'appel d'Agen, saisie d'une décision de l'Ordre des avocats de refus de validation du stage infirmée par arrêt de la Cour d'appel d'Agen du 06 juin 2007, qui a conduit à la délivrance le 12 juin 2007 d'un certificat de fin de stage à effet du 1er avril 2005,
- qu'une trentaine de dossiers avaient été confiés à Jacques X... entre mai 2003 et décembre 2004,
- que Maître Côme Y... avait donné des conseils à Jacques X... sur chaque document soumis à son contrôle ou à son appréciation pédagogique en particulier pour des dossiers relatifs à des affaires prud'homales ou familiales.

La position adoptée par le Conseil de l'Ordre dans la décision du 30 septembre 2003 ne peut donc être retenue.

S'agissant de la rétrocession d'honoraires qui était prévue par le contrat de collaboration, il n'est pas contesté qu'elle n'a pas été effectuée.

Mais, outre qu'elle n'est pas prévue par le décret du 27 novembre 1991, Maître Côme Y... a indiqué lors de son audition que Jacques X... recevait directement les rétributions pour les dossiers qu'il ouvrait (honoraires ou indemnités de commission d'office ou d'aide juridictionnelle). La circonstance que le contrat de collaboration n'ait pas été appliqué à la lettre sur ce point, dès lors que Jacques X... a été rémunéré pour le travail effectué, n'est pas de nature à elle seule à entraîner la ficitivité du contrat de collaboration.

Il résulte des considérations qui précèdent que la décision d'omission d'inscription du 30 septembre 2003 n'était pas fondée et qu'elle doit être infirmée.

Le Conseil de l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux sera condamné aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,

Reçoit Jacques X... en sa contestation de la décision d'omission de la liste de stage des avocats au barreau de Bordeaux.

Au fond, infirme la décision déférée.

Constate que Jacques X... a été inscrit à l'Ordre des avocats du barreau de Bordeaux par décision du 04 mars 2008.

Dit que l'Ordre des avocats du barreau de Bordeaux devra verser une somme de 2. 000 € à Jacques X... en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Met les dépens à la charge de l'Ordre des avocats du barreau de Bordeaux.

L'arrêt a été signé par le Premier Président Bertrand Louvel et par Martine Massé, Greffière, à laquelle il a remis la minute signée de la décision.

La GreffièreLe Premier Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0187
Numéro d'arrêt : 08/00126
Date de la décision : 20/06/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-06-20;08.00126 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award