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18/06/2008 | FRANCE | N°07/03511

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 18 juin 2008, 07/03511


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 18 juin 2008

(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)

IT

No de rôle : 07 / 03511

Madame Colette Jacquie Y... épouse Z...

c /

S. A. AQUITAINE SANTE
LA CPAM DE LA GIRONDE
L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG
LA MACSF

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 mai 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant

déclaration d'appel du 09 juillet 2007

APPELANTE :

Madame Colette Jacquie Y... épouse Z... née le 07 Juin 1946 à
FLAUJAGUES (33350) de na...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 18 juin 2008

(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)

IT

No de rôle : 07 / 03511

Madame Colette Jacquie Y... épouse Z...

c /

S. A. AQUITAINE SANTE
LA CPAM DE LA GIRONDE
L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG
LA MACSF

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 mai 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 09 juillet 2007

APPELANTE :

Madame Colette Jacquie Y... épouse Z... née le 07 Juin 1946 à
FLAUJAGUES (33350) de nationalité française demeurant ...

Représentée par la SCP Michel PUYBARAUD, avoués à la Cour assistée de Maître DAHAN avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

S. A. AQUITAINE SANTE prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est avenue Maryse Bastié 33523 BRUGES CEDEX

Représentée par Maître LE BARAZER et D'AMIENS, avoué à la Cour assistée de Maître Jean- Pierre HOUNIEU loco la SELARL RACINE avocat au barreau de BORDEAUX

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADE DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est place de l'Europe Cité du Grand Parc 33085 BORDEAUX CEDEX

Représentée par la SCP Luc BOYREAU et Raphael MONROUX, avoués à la Cour assistée de Maître ABDI loco de Maître MOUNIER avocat au barreau de BORDEAUX

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG pris en la personne de son représentant légal dont le siège social est Place Amélie Raba Léon 33000 BORDEAUX

Représenté par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour assisté de Maître MICHAUD avocat au barreau de BORDEAUX

La MACSF prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est 10 cours du Triangle de l'Arche 92919 LA DEFENSE CEDEX

Représentée par la SCP LABORY- MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour assistée de Maître CRESP avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 avril 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,
Madame Edith O'YL, Conseiller,
Madame Danièle BOWIE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 23 mai 2007.

Vu l'appel interjeté le 9 juillet 2007 par Madame Colette Z....

Vu ses conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 31 août 2007.

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 31 mars 2008 par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (EFS).

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 25 mars 2008 par la SA AQUITAINE SANTE (AS).

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 26 février 2008 par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie 33.

Vu les conclusions de la MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANÇAIS (MACSF) déposées au greffe de la cour et signifiées le 20 février 2008.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 avril 2008.

*
* *

Madame Z... qui a reçu lors d'une intervention chirurgicale pratiquée le 14 novembre 1984 à la clinique JEAN VILLAR des produits sanguins, a du être hospitalisée du 5 au 11 janvier 1985 pour un ictère fébrile avec cytolyse hépatique importante ; l'hémoculture étant négative il a été alors conclu à une hépatite non A non B d'origine transfusionnelle, le génome du virus de l'hépatite C étant à l'époque ignoré.

Le 6 novembre 2001 lors d'un bilan biologique une hépatite C était diagnostiquée.

Après avoir obtenu en référé la désignation du professeur G... et du docteur A..., elle saisissait en déclaration de responsabilité et en indemnisation de son préjudice au contradictoire de l'EFS, de la SA AS, de la MACSF et de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie 33 le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX qui par la décision critiquée la déboutait de sa demande au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve de la matérialité de la transfusion d'un quatrième concentré globulaire, les trois autres, identifiés, s'étant avérés HCV négatif.

Sur la matérialité des transfusions et l'imputabilité de la contamination :

Selon l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 « en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang ; au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; le doute profité au demandeur »

Le dossier médical de Madame Z... a été détruit lors d'une inondation de la clinique JEAN VILLAR où elle avait été opérée.

L'enquête transfusionnelle réalisée par l'EFS a donc été limitée à une enquête informatique comptable qui a mis en évidence la distribution le 14 novembre 1984 vers la clinique JEAN VILLAR au nom de Madame Z... de seulement trois concentrés de globules rouges dont les donneurs ont été identifiés et contrôlés HCV négatif par des tests de troisième génération ; ces trois concentrés, dont la preuve de l'administration est ainsi rapportée, ne peuvent donc être à l'origine de la contamination de Madame Z....

Cependant d'une part le docteur I..., dans une lettre du 8 février 1985 où il résume l'hospitalisation de Madame Z... à la suite de l'ictère avec cytolyse hépatique importante qu'elle a présenté en janvier 1985, mentionne « au cours de son hospitalisation (en novembre 1984) elle aurait bénéficié de quatre transfusions sanguines ».

D'autre part les experts judiciaires relèvent qu'avant l'intervention du 14 novembre 1984 Madame Z... était exempte de toute affection hépatique, n'avait pas reçu d'autre transfusion, et ne présentait pas d'autre facteur de contamination.

Ensuite ils n'excluent pas compte tenu du 4ème concentré globulaire non identifié et dont l'administration reste incertaine une contamination post transfusionnelle, la probabilité se contamination s'élevant à 2, 5 pour 1000 ; en réponse à un dire de l'EFS ils précisent qu'il est plausible qu'à l'époque, en 1984, Madame Z... ait reçu un produit sanguin resté en stock à la clinique.

En outre ils estiment que l'existence d'une hépatite aiguë virale, étiquetée non A non B deux mois après cette intervention au cours de laquelle elle a reçu des transfusions, est en faveur d'une contamination au moment de son hospitalisation ; ils précisent que la survenue d'une hépatite c au décours de l ‘ événement « intervention / transfusion » impose d'établir un lien de causalité entre l'événement et la contamination, une contamination transfusionnelle étant plus probable qu'une contamination nosocomiale non transfusionnelle.

Ces éléments suffisent à faire présumer que la contamination de Madame Z... a pour origine la transfusion des produits sanguins le 14 novembre 1984.

L'EFS, qui justifie certes que trois des concentrés globulaires administrés à Madame Z... étaient exempts, n'apporte toutefois aucun élément de nature à faire exclure l'origine transfusionnelle de la contamination de Madame Z... par le virus de l'hépatite C ; notamment il ne produit aucun élément autre que ses affirmations, contredites par les experts judiciaires, que la contamination par le virus de l'hépatite C serait d'origine nosocomiale permettant de retenir la responsabilité de la SA AQUITAINE SANTE.

En conséquence les conditions d'application de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 étant réunies le jugement déféré sera réformé et l'EFS tenu de réparer le préjudice subi par Madame Z... du fait de sa contamination.

Sur la garantie de la MACSF :

La MACSF fait valoir que la garantie qu'elle consentait au CRTS DE BORDEAUX devenu l'EFS est limitée à 2 500 000 francs par année d'assurance et que ce plafond de garantie a été atteint pour l'année 1984, année de la contamination, de même que pour l'année 1985, année de la mise en évidence de celle- ci.

La garantie E « responsabilité civile après livraison des produits, sang et dérivés » est certes limitée contractuellement aux termes de l'article 5 des conditions particulières souscrites le 1er décembre 1982 à 2 500 000 francs par victime et par année ; cependant l'article 5 des conditions générales précise que pour l'application de la garantie E le montant par année se réduit et finalement s'épuise par tout règlement amiable et judiciaire d'indemnités, quels que soient les dommages auxquels ils se rapportent, sans reconstitution automatique de la garantie après règlement.

Il s'ensuit qu'existe un plafond de garantie de 2 500 000 francs constituant la limite de l'indemnisation due par l'assureur pour une même année d'assurance quel que soit le nombre de sinistres ou de victimes.

La MACSF justifiant par les pièces qu'elle produit que ce plafond a été atteint pour les années 1984 et 1985 ne doit donc pas sa garantie à l'EFS pour ce présent litige.

Sur le préjudice de Madame Z... :

Les conclusions expertales sont les suivantes :

- ITT du 5 janvier au 30 janvier 1985 période pendant laquelle Madame Z... a été hospitalisée pour traiter l'ictère fébrile qu'elle présentait,

- ITP de 30 % du 1er février au 3 mai 1985 pour la fatigue fonctionnelle enrapport avec l'hépatite,

- consolidation : 3 mai 1985, date de normalisation des transaminases,

- incapacité permanente nulle, l'hépatite ayant été spontanément résolutive et ne laissant subsister aucune séquelle fonctionnelle,

- souffrances endurées : 1 / 7 caractérisées par les bilans biologiques, les suivis de l'hépatite, l'hospitalisation et le vécu de cette hospitalisation,

- absence de préjudice esthétique, de préjudice d'agrément et de préjudice professionnel.

Il convient de fixer ainsi que suit le préjudice de Madame Z... :

- gêne dans les actes de la vie courante pendant l'ITT : 600 €

- gêne dans les actes de la vie courante pendant la période d'ITP : 540 €

- souffrances endurées : 1500 €

- préjudice moral : l'hépatite ayant guéri spontanément, l'ARN viral n'ayant pas été retrouvé en 2001 et 2003 et les transaminases étant devenues normales, une somme de 4000 € réparera ce chef de préjudice.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie 33 justifie avoir déboursé au titre de cette hépatite une somme de 529. 68 €.

En conséquence l'EFS sera condamné à payer à Madame Z... une somme de 6640 € et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie 33 la somme de 529. 68 €.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Madame Z... à hauteur de 1500 €, de la SA AS de 1500 € et de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie 33 de 300 €.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Réforme le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 23 mai 2007.

- Déclare l'EFS responsable du préjudice subi par Madame Z....

- Le condamne à payer à Madame Z... une somme de 6640 € outre 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Le condamne à payer à la SA AS une somme de 1500 € et à la
Caisse Primaire d'Assurance Maladie 33 une somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Le condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Hervé GOUDOT Robert MIORI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 07/03511
Date de la décision : 18/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 23 mai 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-06-18;07.03511 ?
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