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17/06/2008 | FRANCE | N°05/03197

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre civile 1, 17 juin 2008, 05/03197


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 17 JUIN 2008

(Rédacteur : Madame Marie-José GRAVIE PLANDE, Conseiller)

No de rôle : 05 / 03197

LA S. C. I. CHATEAUX DU CIRON

LA S. A. R. L. VIGNOBLES X...

c /

LA S. C. E. A. ELIANE Y...

Madame Eliane Z... veuve Y...

Madame Myriam Y...

Mademoiselle Astrid Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : jugement rendu

le 05 avril 2005 (R. G. 03 / 5939) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 25 mai 2005

APPELANTES :

LA S. C. I...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 17 JUIN 2008

(Rédacteur : Madame Marie-José GRAVIE PLANDE, Conseiller)

No de rôle : 05 / 03197

LA S. C. I. CHATEAUX DU CIRON

LA S. A. R. L. VIGNOBLES X...

c /

LA S. C. E. A. ELIANE Y...

Madame Eliane Z... veuve Y...

Madame Myriam Y...

Mademoiselle Astrid Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 avril 2005 (R. G. 03 / 5939) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 25 mai 2005

APPELANTES :

LA S. C. I. CHATEAUX DU CIRON, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis Château Bechereau de Ruat-33210 BOMMES

LA S. A. R. L. VIGNOBLES X..., prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis Château Bechereau de Ruat-33210 BOMMES

Représentées par la S. C. P Claire-Marie TOUTON-PINEAU et Rémi FIGEROU, Avoués Associés à la Cour, et assistées de Maître Patrick GUILLEMOTEAU, Avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉES :

LA S. C. E. A. ELIANE Y..., prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 2, Avenue du Professeur Paul Lamarque-33430 BAZAS

Madame Eliane Z... veuve Y..., née le 13 Décembre 1943 à TALENCE (33), de nationalité Française, demeurant...

Madame Myriam Y..., née le 23 Mai 1967 à BAZAS (33)
de nationalité Française, demeurant...

Mademoiselle Astrid Y..., née le 09 Janvier 1975 à BAZAS (33), de nationalité Française, demeurant...

Représentées par la S. C. P Solange CASTEJA-CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, Avoués Associés à la Cour, et assistées de Maître Christian LAVAL substituant Maître Pierre BLAZY, Avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 avril 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,
Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,
Madame Marie-José GRAVIE-PLANDE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Armelle FRITZ

ARRÊT :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

Vu l'assignation délivrée le 26 octobre 2000 par la SCI CHATEAU DU CIRON et la SARL VIGNOBLES X... à l'encontre des consorts Y... et de la SCEA Eliane Y... pour les entendre principalement déclarer responsables du dol commis contre elles et condamner en réparation au paiement de diverses sommes, si nécessaire après expertise ;

Vu le jugement rendu le 5 avril 2005 par le Tribunal de Grande d'Instance de BORDEAUX, rejetant l'exception d'incompétence portant sur la vente du stock de vins, disant que le dol invoqué n'était pas établi, rejetant la demande d'expertise et la demande d'exécution provisoire et allouant aux consorts Y... et à la SCEA Eliane Y... une indemnité de procédure ;

Vu la déclaration d'appel formée le 25 mai 2005 par la SCI CHATEAU DU CIRON et la SARL VIGNOBLES X... ;

Vu la constitution déposée le 21 juin 2005 pour le compte de la SCEA Eliane Y... et les consorts Y... prénommés Eliane née Z..., Myriam et Astrid ;

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 7 mars 2008 par les Sociétés appelantes ;

Vu l'ordonnance de clôture décernée le 18 mars 2008 ;

Vu les conclusions signifiées et déposées le 21 mars 2008 par les intimées.

Vu la mention au dossier du 1 avril 2008 par laquelle le Président de la Chambre a révoqué l'ordonnance de clôture susvisée et prononcé une nouvelle clôture, avant l'ouverture des débats, à la demande des avoués des parties ;

RAPPEL DES FAITS

Le Château BECHEREAU, ancien domaine du Marquis A..., est une propriété viticole d'environ 33 hectares située à BOMMES (33), comprenant les terres (3 parcelles dont une en fermage) le château LA BROUILLERE au bord du CIRON, les bâtiments (aux normes européennes réalisés en 1989) et matériel (inventaire) d'exploitation, dotée des appellations SAUTERNES (10 hectares) GRAVES ROUGES (16 hectares) et GRAVES BLANCS (6, 5 hectares) évaluée, selon la fiche technique dressée par la SA LAMY, à 18 000 000 francs ;

Cette propriété a fait l'objet le 11 avril 1999 d'un compromis de vente entre Jean Pierre X..., agissant tant en son nom personnel que pour le compte de toute société à créer, et Eliane Veuve Y... agissant tant en son nom, qu'au nom de ses deux filles Myriam et Astrid, et pour le compte de la SCEA Eliane Y... ;

Dans cet acte, le promettant Jean Pierre X... s'est engagé au vu du descriptif LAMY, sur le prix de 18 000 000 Francs, " frais d'intermédiaire, frais de vente de stocks et frais de culture non compris " ;

Un acte notarié du 22 octobre 1999 est venu confirmer, entre la SCI LES CHATEAUX DU CIRON et les consorts Y..., la vente de l'exploitation viticole à raison de 17 300 000 Francs ;

Le second acte notarié du 22 octobre 1999, au seul profit de Jean Pierre X... est venu adjoindre la vente par les consorts Y... d'une petite maison d'habitation dépendant de l'exploitation, située à LANDIRAS, lieu-dit les plantes, pour 200 000 Francs ;

Enfin, la SARL VIGNOBLES X..., ayant son siège social CHATEAU BECHEREAU A..., a acheté directement à la SCEA Eliane Y..., le matériel d'exploitation pour 635 803 Francs, et lui a remboursé les frais de culture pour 108 912 Francs ;

Le même jour, par convention signée, les parties ont expressément convenu que :

- les ventes comprenaient la totalité des marques et étampes déposées ou en cours de dépôt, qui pourront être utilisées à partir de la récolte 1999 par la Société VIGNOBLES X..., sous la propriété de la SCI ;

- faisaient partie du matériel et mobilier vendus, tout le matériel, le mobilier de bureau, celui de la salle de dégustation et le matériel courant servant à l'exploitation ;

Liant les ventes mobilières et immobilières comme formant un tout, provenant du compromis signé le 11 avril 1999, les époux X..., pour le compte de leurs sociétés, ont fait reproche, dès août 2000, à Eliane Y... de les avoir trompés sur les qualités et les conditions substantielles de la propriété vendue, en soulignant notamment que :

- le bail à ferme, accordé à l'origine aux seules fins de vente, n'allait pas être reconduit, et les obligeait à acheter ;

- il n'existait que quelques clients réels sur les 6 à 7000 référencés informatiquement et très peu de ventes directes ;

- les marques commerciales vendues étaient irrégulières ;

- le matériel tombait en panne, l'installation électrique n'était pas conforme, les circuits téléphone et télévision étaient hors d'usage, les dernières prescriptions de l'inspection du travail n'avaient pas été respectées ;

Ils ont de ce fait bloqué le paiement des deux dernières traites à venir, portant sur le paiement des stocks de vins, à l'origine d'un premier contentieux de recouvrement ;

***

Contrôlée le 8 octobre 2002 par la DECCRF pour avoir utilisé des marques fictives, sous des noms de propriétés indues (château Haut Bechereau, Château Le Marquis de Ruat, Château Labrouillère, Château les Trois Plantes) ne correspondant pas, selon l'administration, à une exploitation agricole existant réellement, la SARL LES VIGNOBLES X... a été pénalement poursuivie ;

Ayant, dans ces circonstances confié à un expert, l'évaluation de leur préjudice commercial, subi selon eux dès les premiers mois d'exploitation de la propriété viticole et s'étant rappelés que le prix d'acquisition avait été fixé en fonction du chiffre d'affaire 1998, les époux X..., pour le compte de leurs sociétés, ont estimé avoir été trompés, notamment par dissimulations, par leurs venderesses et se trouver en droit d'en demander réparation à raison notamment d'une perte commerciale de 644 323 Euros ;

Le Tribunal, dans sa décision du 5 avril 2005, n'a pas suivi les époux X... dans leur analyse et a examiné chaque vente ainsi que chaque grief pour rejeter l'intégralité de leur demande ;

En cet état, l'affaire a été déférée à la Cour.

MOYENS DES PARTIES DEVANT LA COUR

Les deux Sociétés aujourd'hui appelantes constituées par les époux X... pour devenir propriétaires et exploiter le Château BECHEREAU, sont la SCI CHATEAU DU CIRON et la SARL VIGNOBLES X... ;

Elles demandent à la Cour de :

- déclarer la SCEA Eliane Y... et les consorts Y... responsables du dol commis à leur préjudice lors de la conclusion du contrat et à l'occasion de son exécution ;

- condamner la SCEA Eliane Y... et les consorts Y... (solidairement entre eux) à payer à la SCI la somme de 87879, 42 Euros, et (in solidum) à la SARL la somme de 644323, 04 Euros ;

- constater, à titre subsidiaire, que les venderesses ont failli à leur obligation de délivrance ;

- plus subsidiairement encore, sur le poste du préjudice lié à la perte du chiffre d'affaires, désigner un expert pour examiner les exercices 97 / 2003 ;

- en tout état de cause, condamner les consorts Y... à payer à la SCI une somme de 4573, 47 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et la SCEA Eliane Y... à la même somme au profit de la SARL ;

***

Les intimés répondent que les écritures ayant été déposées au visa des articles 1116, 1117, 1147 et 1151 du Code Civil, le débat s'instaure sur ces seuls fondements, à l'exclusion de l'article 1382 du Code Civil non cumulable ;

Elles concluent à la confirmation du jugement, et demandent à la Cour de :

- mettre les consorts Y... hors de cause sur les prétentions de la SARL ;

- mettre la SCEA hors de cause sur les demandes de la SCI ;

- déclarer les appelantes irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes ;

- les condamner à payer à chacun des consorts Y... et à la SCEA une somme de 5000 Euros ;

DISCUSSION

Sur l'autonomie des actes passés

Attendu que si Jean Pierre X... s'est engagé en avril 1999, pour lui même et ses sociétés à venir, à acquérir le Château BECHEREAU, il n'en demeure pas moins que plusieurs actes, juridiquement distincts, ont été signés le 22 octobre 1999 entre des personnes juridiquement différentes, avec des objets précis, mobilier ou immobilier ;

Que c'est donc au regard de cette complexité juridique que le Tribunal a estimé légitime de ne pas lier les ventes, tout en rappelant avec précaution que si l'existence de réticences dolosives était avérée dans les différents types de vente, elle viendrait renforcer sa conviction de réelles manoeuvres ;

Que la Cour procédera donc, à son tour, à l'analyse de chaque lien contractuel pour cerner les deux griefs formulés, à savoir celui du dol par dissimulation volontaire au moment de l'échange des volontés et celui de la mauvaise foi dolosive à l'occasion de l'exécution ;

La vente immobilière à la SCI LES CHATEAUX DU CIRON

Attendu que Jean Pierre X... agissant comme futur dirigeant de la SCI LES CHATEAUX DU CIRON n'a pas acquis la propriété viticole des mains de la famille Y..., sans prendre l'avis d'intermédiaires éclairés, à savoir d'une part, la SA LAMY, professionnelle de l'immobilier, rédactrice de la plaquette informative du Château BECHEREAU, d'autre part le GAEC Vignoble ZAUSA de BUDOS, exploitant de Graves, rédacteur d'un courrier du 7 avril 1999 aux termes duquel, selon ce voisin l'exploitation bien gérée devait faire un chiffre d'affaire de 6 000 000 Francs, pour un prix global d'acquisition, très inférieur à sa valeur, puisque les 10 à 12 hectares de Sauternes pouvaient être évalués à 9 000 000 Francs, les 15 hectares de Graves Rouges à 6 000 000 Francs, les 5 hectares de Graves Blancs à 1 500 000 Francs, les bâtiments à 7 000 000 Francs et la maison avec ses caves souterraines à 3 000 000 Francs... soit un total avoisinant les 27 000 000 Francs ;

Que si aujourd'hui Jean Pierre X... critique la sincérité de ses informateurs, il ne les a cependant pas appelés à la cause ;

Qu'il apparaît donc comme certain que la vente de la propriété dont la prise de possession avait été fixée au 1er octobre 1999, soit antérieurement à la signature devant le notaire, a été faite sans précipitation, dans des conditions de description acceptées, facilement contrôlables ;

Attendu qu'au regard de l'importance de la propriété viticole, les éléments matériels sur lesquels reposent les griefs de dissimulation apparaissent quelques peu dérisoires ;

Que toutefois, le premier Juge y a répondu point par point, en essayant de cerner l'élément intentionnel exclusif du simple oubli ;

- que s'agissant du ballon d'eau chaude, de la chaudière, de la pompe, affectés de pannes dès les premiers mois de l'acquisition, il n'a pas relevé d'élément pertinent, antérieur à la vente, pouvant accréditer la thèse d'une retenue volontaire d'informations et c'est au terme d'une juste analyse qu'il a placé ce contentieux plutôt dans la garantie du vice caché ;

- Que s'agissant de l'installation électrique, il n'a pas non plus admis l'omission dolosive ; qu'en effet il n'apparaît pas sérieux de reprocher à Eliane Y... d'avoir volontairement dissimulé des non-conformités relevées dans un rapport du 17 décembre 1999- au demeurant sans aucune conséquence sur la sécurité des employés-, au seul motif que le contrôle ayant eu lieu le 19 octobre, elle devait en connaître la teneur, alors qu'à cette date, les époux X... avaient déjà eux-mêmes la jouissance des lieux et voyaient fonctionner une installation dont ils savaient qu'elle était régulièrement contrôlée ;

- Que la même analyse vaut pour les extincteurs, à propos desquels le grief de dissimulation est dénué de toute pertinence dès lors que ces équipements étaient parfaitement visibles au moment de la prise de possession du 1er octobre 1999, et parfaitement contrôlables en nombre et en validité ;

- Que s'agissant par ailleurs du téléphone, le premier Juge a tiré de la production aux débats des contrats de maintenance-notamment celui du 1er juillet 1998 au 1 juillet 1999- que les venderesses n'avaient rien dissimulé sur une éventuelle vétusté de l'installation et qu'au contraire elle rapportaient la preuve d'un entretien régulier ;

- Que s'agissant enfin de bail à ferme LALANDE, c'est avec pertinence qu'il a été rappelé que Jean Pierre X... avait expressément reçu en septembre 1999 la copie des trois baux en cours ; que la lecture de ces baux devait le renseigner exactement sur leur durée de validité, notamment celui des soeurs LALANDE venant à expiration le 1er novembre 1999 ; qu'il ne pouvait sûrement pas être reproché à Eliane Y... d'avoir dissimulé l'existence d'une résiliation alors que celle-ci n'était intervenue que le 29 décembre 1999, soit postérieurement à la vente, à la seule initiative des bailleresses qui avaient opposé un refus de renouvellement à Jean Pierre X..., l'obligeant sans doute, sans que cela soit établi, à négocier une cession onéreuse ;

Attendu qu'au total, il n'est pas établi l'existence de dissimulations fautives lors de la vente immobilière conclue entre la SCI LES CHATEAUX DU CIRON et les consorts Y... ;

Les ventes de biens à la SARL VIGNOBLES X...

Attendu que la SARL VIGNOBLES X... a expressément dirigé, en cause d'appel, sa demande concernant le matériel, les marques et les stocks à l'encontre de la SCEA Eliane Y... à qui elle réclame réparation à hauteur de 644 323 Euros ;

- Que s'agissant des barriques, visées à l'inventaire LAMY au nombre de 320 dont 1 / 3 neuves, il est fait reproche à la SCEA de n'avoir laissé sur place que 164 barriques toutes usagées ; que pour autant la SARL VIGNOBLES X... n'a jamais fait dresser un constat d'huissier pour prouver ses dires ; que factures à l'appui, il est seulement démontré que de la même manière que Eliane Y... avait fait rentrer en 1997, 40 fûts usagés et en 1998, 25 fûts neufs,
Jean Pierre X... a fait rentrer dès janvier 2000, 40 fûts usagés et 20 fûts neufs ;

Qu'il ne résulte pas de ce qui précède, une faute dolosive ;

- Que s'agissant du matériel d'exploitation, le premier Juge a exactement tiré des factures et attestations d'entretien produites par Eliane Y... et de celles remises à Jean Pierre X... avant la vente, pour attester du caractère régulier et effectif de l'entretien des engins et outillages, qu'il n'a jamais existé de la part de la venderesse une réticence dolosive et que si une panne définitive est venue postérieurement affecter le girobroyeur, Jean Pierre X... ne se trouve pas en mesure de l'imputer à faute à Eliane Y... ;

- Que sur le rapport rédigé à la suite du contrôle de l'Inspection du Travail, au siège de l'Entreprise le 15 janvier 1999, dont il est avéré que Eliane Y... n'a pas porté les conclusions à la connaissance de son acquéreur, il résulte de sa lecture que les rappels de la législation applicable et les préconisations faites par l'administration ne sont assortis d'aucune mise en demeure, aucun délai d'exécution, aucune menace de fermeture de l'Etablissement, aucune poursuite pénale ; que dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier Juge n'en a pas déduit une mauvaise foi caractérisée de la venderesse ;

Que s'agissant des marques, il est reproché à Eliane Y... par son acheteur Jean Pierre X... la vente de noms de châteaux fictifs ; qu'il est établi par l'attestation notariale dressée par Maître E..., Notaire à LANGON que les marques déposées ou en cours de dépôt " Château Bechereau, Château La Copère, Domaine Terrefort, Château Haut Tristan, Château Labrouillère " ont bien été cédées, l'acquéreur faisant son affaire personnelle de la conservation de ces marques ; Qu'il résulte de la consultation ultérieure des titres déposés auprés de L'Institut National de la Propriété Industrielle (I. N. P. I.) que sur l'ensemble, trois marques (Château Bechereau, Château La Copère, Domaine Terrefort) n'ont pas été régulièrement mises à jour lors des transfert de propriétaires (au sein de la famille Y...) en 1993 et 1998, expliquant la mention " en cours " portée au moment de la vente ; que surtout, l'incrimination de fictivité a seulement été portée à l'encontre de la SARL VIGNOBLES X... pour l'emploi des noms Château les plantes, Domaine de Coche, Marquis de Ruat, non concernés par l'acte de transfert ; qu'en conséquence, Jean Pierre X... ne rapporte pas la preuve qu'Eliane Y... lui a fait croire à un crédit imaginaire ;

Attendu en conséquence que le retentissement commercial dont fait état la SARL VIGNOBLES X... n'est pas à mettre à la charge de la SCEA Eliane Y..., qui n'a commis ni dol ni faute prouvée d'exécution ;

La vente de vins

Attendu qu'il résulte d'un acte sous seing privé passé le 24 juin 1999 entre Eliane Y... et Jean Pierre X..., agissant pour son propre compte et celui de ses Sociétés à créer, une vente de vins de 960 hectolitres pour un prix global de : 1556000 F HT, pouvant être augmenté de graves rouges à raison de 220 hectolitres au prix HT de 293000 F, disponible au jour de la signature de la vente du Château BECHEREAU, et payable selon modalités par tiers, du 1er avril 2000 au 1er février 2001 (traites) ;

Attendu que la facture émise le 21 octobre 1999, lors de la reprise, ne porte que sur une livraison de 830 hectolitres et de 220 hectolitres de graves rouges pour un total de 1623702 F TTC ;

Qu'il est de ce fait reproché à Eliane Y... d'avoir entre juin et octobre 1999 vendu partie des vins qui avaient déjà été cédés et d'avoir livré en octobre non pas 1050 hectolitres mais seulement 1033 hectolitres comme le démontrait la vérification faite par le maître de chai ;

Qu'à ce manque quantitatif, Jean Pierre X... ajoute une perte qualitative, reprochant la livraison de vins impropres à leur destination à hauteur de 32 hectolitres (défaut de ouillage et acidité) ;

Mais attendu que ce qui ne peu être qu'un défaut de délivrance, comme l'a justement requalifié le premier juge et que Jean Pierre X... a finalement laissé à l'appréciation de la Cour, suppose de la part de ce dernier qu'il ait pu le démontrer et le dénoncer dès la livraison ;

Que tel n'a pas été le cas, en l'espèce, Jean Pierre X... souhaitant seulement rapporter la preuve d'une tromperie volontaire supplémentaire de la part de sa venderesse ;

Or attendu que Jean Pierre X... se plaint de la dégradation de 32 hectolitres de vin, sans pouvoir caractériser une faute antérieure à la vente laquelle ne peut en aucun cas être présumée et sans non plus pouvoir démontrer par quelle manoeuvre précise Eliane X... aurait trompé sa vigilance d'acheteur ;

Que dans ces conditions, son action entreprise sur le dol et sur la faute contractuelle rejetée en première instance, sera également rejetée en cause d'appel ;

- La perte de chiffre d'affaires

Attendu que la SARL VIGNOBLES X... reproche spécialement à Eliane X... sa duplicité en ce qu'elle aurait fait mettre dans le descriptif LAMY l'indication de 70000 bouteilles en commercialisation, soit un tiers de la récolte, et laissé espérer un chiffre d'affaires annuel de 4 millions de francs ;

Que selon Jean Pierre X..., la Société n'aurait réalisé, sur 10 mois d'activité, qu'un chiffre d'affaires de 300000 Francs (45734 Euros), très loin de celui annoncé ;

Mais attendu qu'Eliane Y... a expressément produit à l'appui de la vente son compte de résultat sur l'exercice 1998 ;

Que si Jean Pierre X... souhaitait alors approfondir les éléments comptables sur lesquels il devait prendre sa décision, rien ne lui interdisait de s'adjoindre l'avis d'un homme de l'art ;

Que même privé de cet appui il n'en demeure pas moins qu'il a acheté sans être la victime de manoeuvres de la part de son co-contractrant ;

Que sur ce point encore, son action ne saurait aboutir ;

- Le surplus des demandes

Attendu que les Sociétés SCI LES CHATEAUX DU CIRON et la SARL VIGNOBLES X... succombent en leur appel ;

Qu'il apparaît équitable de mettre à leur charge, chacune par moitié, l'indemnité de procédure à servir à chacune des parties intimées ;

Qu'elle supporteront l'intégralité des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Déclare la SCI LES CHATEAUX DU CIRON et la SARL VIGNOBLES X... recevables en leurs appels ;

Les en déboute intégralement.

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 5 avril 2005 ;

Et y ajoutant :

Condamne la SCI LES CHATEAUX DU CIRON et la SARL VIGNOBLES X..., chacune par moitié, à payer à chacune des parties intimées, à savoir la SCEA Eliane Y..., et ensemble les consorts Y... prénommées Eliane, Myriam et Astrid, la somme de DEUX MILLE EUROS (2000 Euros) ;

Condamne la SCI LES CHATEAUX DU CIRON et la SARL VIGNOBLES X..., aux entiers dépens d'appel avec distraction conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Signé par Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Présidente et par Madame Armelle FRITZ, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 05/03197
Date de la décision : 17/06/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 05 avril 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-06-17;05.03197 ?
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