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17/06/2008 | FRANCE | N°04/05503

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre civile 1, 17 juin 2008, 04/05503


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 17 JUIN 2008

PREMIERE CHAMBRE SECTION B

No de rôle : 04 / 05503

Madame Françoise Paulette Y... épouse Z...

c /

Madame Danielle Colette A... épouse B...

Monsieur Henry B...

Maître Philippe M...

Maître Philippe C...

Nature de la décision : AVANT DIRE DROIT

EXPERTISE

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisé

es dans les conditions prévues à l'article 450- 2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 17 JUIN 2008

Par Monsieur Pierre Louis CRABOL, Conseille...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

---------------------------

Le : 17 JUIN 2008

PREMIERE CHAMBRE SECTION B

No de rôle : 04 / 05503

Madame Françoise Paulette Y... épouse Z...

c /

Madame Danielle Colette A... épouse B...

Monsieur Henry B...

Maître Philippe M...

Maître Philippe C...

Nature de la décision : AVANT DIRE DROIT

EXPERTISE

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450- 2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 17 JUIN 2008

Par Monsieur Pierre Louis CRABOL, Conseiller,
en présence de Madame Armelle FRITZ, Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIERE CHAMBRE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

Madame Françoise Paulette Y... épouse Z...
née le 16 Juillet 1952 à MARCIAC (32), de nationalité française, pharmacienne, demeurant...

Représentée par la S. C. P. Corine ARSENE-HENRY et Pierre LANCON, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Isabelle CHOLLET substituant Maître Philippe BERLEAND, Avocat au barreau de PARIS,

Appelante d'un jugement rendu le 7 septembre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 12 Octobre 2004,

à :

1o / Madame Danielle Colette A... épouse B..., née le 2 Avril 1949 à MUSSIDAN (24),

2o / Monsieur Henry B..., né le 30 Août 1952 à ROUBAIX (59),

lesdits époux demeurant ensemble...,

Représentés par la S. C. P. TOUTON-PINEAU et FIGEROU, avoués à la Cour, et assistés de Maître Marie-Anne BLATT, Avocat au barreau de BORDEAUX,

Intimés,

3o / Maître Philippe M..., né le 23 Janvier 1949 à VILLERUPT (54), de nationalité française, avocat, demeurant...

4o / Maître Philippe C..., né le 31 Août 1950 à BORDEAUX (33)
de nationalité française, notaire associé, demeurant...,

Représentés par la S. C. P. Solange. CASTEJA-CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, Avoués Associés à la Cour, et assistés de Maître Francis BARRIERE, Avocat au barreau de BORDEAUX,

Intimés,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 14 Janvier 2008 devant :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président qui a entendu les plaidoiries, les Avocats ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame Valérie BRUNAS-LAPIERRE, Greffier,

Monsieur le Président, conformément aux dispositions du dit article en a fait rapport à la Cour dans son délibéré, celle-ci étant composée de :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,

Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,

Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,

Madame Valérie BRUNAS-LAPIERRE, Greffier,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :

Après la réalisation des conditions définies à l'acte sous signature privée en date du 8 FEVRIER 2002, les époux Henry B... et Danielle A..., pharmaciens, ont vendu à Françoise Y... épouse Z..., pharmacien, par acte sous acte sous signature privée en date du 14 MAI 2002, à l'en-tête de Philippe M..., avocat à la Cour, l'officine de pharmacie exploitée 41, avenue de la Libération à EYSINES (Gironde) au prix total de 1. 295. 816, 60 Euros, séquestré à l'acte entre les mains de Philippe C..., notaire à BORDEAUX.

Après avoir découvert à la réception d'un courrier de la chambre syndicale des pharmaciens de la Gironde en date du 9 JUILLET 2002 le projet de transfert de la pharmacie de la dame H... du 3 avenue du Médoc au 42 avenue de Picot à EYSINES, Françoise Y... formait, par acte d'huissier en date du 7 AOUT 2002, opposition au paiement du prix, en mentionnant aussi dans cet acte la perte de clientèle d'une maison de retraire et l'insuffisance de la documentation transmise.

Saisi, selon assignation enrôlée le 24 SEPTEMBRE 2002, par Françoise Y... contre les époux B...- A... d'une action en réparation du préjudice subi (359. 754, 35 Euros) et en validation de l'opposition et, selon assignation enrôlée le 15 MAI 2003, par les époux B...- A... contre l'avocat Philippe M... et le notaire Philippe C... d'une action tendant à relever indemnes les vendeurs, le tribunal de grande instance de BORDEAUX par jugement en date du 7 SEPTEMBRE 2004 déboutait la demanderesse, au motif qu'elle n'établissait pas de préjudice.

Dans ses dernières écritures déposées le 10 JANVIER 2008 au soutien de son appel, Françoise Z... invoque le dol commis par les vendeurs en lui dissimulant d'abord le transfert de la pharmacie H... entraînant une perte du chiffre d'affaires, ensuite le changement de fournisseur décidé par la maison de retraite " Le Moulin à Vent " dont la clientèle avait été intégrée dans le montant du prix d'achat du fonds, et enfin l'absence d'un certain nombre de registres et de matériels nécessaires à l'exploitation de la pharmacie ; elle demande l'indemnisation de son préjudice qu'elle chiffre au total à 458. 057, 00 Euros ; elle oppose à ses vendeurs le bien fondé de son opposition au paiement du prix exonératoire de toute indemnisation de leurs préjudices prétendus ; enfin, elle fait grief aux deux rédacteurs de l'acte de ne l'avoir jamais informée du projet de transfert de la pharmacie H..., manquant ainsi à leur obligation de conseil, alors même que le notaire C..., rédacteur des actes de la pharmacie H..., connaissait l'opération ; elle réclame une indemnité de procédure (5. 000, 00 Euros) aux époux B....

Les époux B..., intimés, ont conclu le 24 DECEMBRE 2007 à l'absence de dol et à l'absence de manoeuvre déterminante du consentement et subsidiairement à l'absence de préjudice ; reconventionnellement, ils demandent réparation du préjudice (743. 062, 00 Euros) causé par l'opposition au versement du prix de cession qui les a empêché de procéder au remploi des fonds ; très subsidiairement ils mettent en cause les rédacteurs auxquels ils demandent de les relever indemnes ; ils réclament une indemnité de procédure (5. 000, 00 Euros).

L'avocat Philippe M... dans ses écritures du 3 MARS 2006, conclut à la confirmation du jugement et réclame une indemnité de procédure (2. 500, 00 Francs).

Le notaire Philippe C..., dans ses écritures du 3 MARS 2006, conclut à la confirmation du jugement et réclame une indemnité de procédure (2. 500, 00 Euros).

A l'audience, avant l'ouverture des débats, l'ordonnance de clôture a été révoquée et une nouvelle clôture a été prononcée avec l'accord des parties.

SUR CE :

Attendu que l'action en dommages et intérêts compensatoires du préjudice causé par le dol du cocontractant est ouverte par l'article 1382 du code civil ;

Attendu en fait qu'il apparaît :

- de l'attestation de la dame J..., pharmacien, que le vendeur B... régulièrement informé et présent aux différentes réunions concernant le transfert de la pharmacie H... a téléphoné au témoin entre le 25 DECEMBRE 2001 et le 2 JANVIER 2002 pour former un recours contre la dame H...,

- de l'attestation du sieur Eric K..., pharmacien, que le témoin a assisté à une réunion le 22 JANVIER 2002 concernant le transfert de la pharmacie H..., à laquelle le vendeur B... était présent,

- du courrier en date du 11 JANVIER 2002 adressé par huit pharmaciens, dont le vendeur B..., au préfet de la Gironde, que les signataires s'émeuvent du détournement de clientèle susceptible de résulter de l'installation de la dame H... sur l'aire de stationnement d'un cabinet médical dont elle capterait à la source une grande partie des prescriptions, acculant notamment la pharmacie B..., par cette nouvelle amputation de clientèle, à un risque de dépôt de bilan ;

Attendu qu'en dissimulant à l'acquéreur cette information dont il avait connaissance avant la vente, le vendeur a commis une réticence dolosive à l'occasion de l'établissement des actes sous seing privés des 8 FEVRIER et 14 MAI 2002 auxquels l'acquéreur n'aurait pas consenti s'il avait connu le projet de transfert dont la gravité des conséquences est reconnue par le vendeur lui même admettant le risque d'un " dépôt de bilan " ;

Que l'action en réparation du dol est donc bien fondée, le jugement doit être infirmé de ce chef ;

Que le bien fondé de cette action exclut toute faute commise par l'acquéreur en s'opposant au paiement du prix de vente, le demande reconventionnelle en dommages et intérêts formulée de ce chef par les vendeurs doit être rejetée ;

Attendu toutefois que la Cour ne dispose pas des éléments pour apprécier le dommage consécutif au dol par dissimulation du transfert de la pharmacie H..., une mesure d'expertise est nécessaire ;

Attendu en revanche qu'il résulte de l'attestation du sieur L..., directeur de la Maison de retraite du Moulin à Vent à EYSINES suivant laquelle il a cessé de se fournir auprès de la pharmacie B... à compter du 11 MAI 2002, que les vendeurs à la date de l'acte du 14 MAI 2002 et a fortiori à la date du 8 FEVRIER 2002, portant vente sous des conditions suspensives d'un prêt et de l'agrément préfectoral mais définissant définitivement la chose et le prix en fonction du chiffre d'affaire réalisé en intégrant les fournitures à cette maison de retraite, ne connaissaient pas le changement de politique d'achat de cet établissement ;

Que le dol n'est donc pas établi des ce chef ;

Attendu enfin que si les deux actes en date des 8 FEVRIER et 14 MAI 2002 contiennent en annexe le même inventaire du mobilier et du matériel cédés, l'absence de procès-verbal de recolement à la prise de possession de l'officine ne permet pas à Françoise Z... d'apporter la preuve d'un manquement à l'inventaire ;

Que l'obligation par le vendeur de présenter les registres réclamés par l'acquéreur n'est pas justifiée ;

Que l'action en dommages et intérêts n'est pas fondée de ce chef ;

Attendu que la règle " Nemo auditur propriam turpitudinem alleguans " fait obstacle à ce que le vendeur auteur du dol recherche la garantie de sa propre faute ;

Que l'action des époux B... contre le notaire a été à juste titre rejetée par le tribunal ;

Attendu par ailleurs que s'il est constant que le notaire C... ayant assisté la dame H... dans la rédaction de l'acte en date du 11 DECEMBRE 2001 établi par le notaire D... dans lequel la société civile immobilière de LA BIBLANQUE 42, avenue de Picot, donnait à bail à construction à la S. N. C. H... PHARMACIE DU MEDOC, 3 avenue du Médoc, un terrain situé 5 avenue du Picot, connaissait parfaitement le projet de transfert de la pharmacie H..., cet officier public, astreint au secret professionnel, ne peut se voir imputer à faute de ne pas avoir révéler sa connaissance personnelle d'une opération intéressant des tiers à l'acte passé entre les époux B... et Françoise Z... ;

Que le recours de Françoise Z... contre le notaire a été à juste titre rejeté par le tribunal ;

Attendu que le manquement de l'avocat M... a son obligation de conseil n'est pas caractérisée ;

Attendu que l'action contre le notaire et l'avocat sera donc rejetée ;

Attendu que le notaire et l'avocat ont été assigné devant la Cour par les époux B... ceux-ci supporteront les dépens de l'appel provoqué et l'indemnité de procédure y afférent ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Réformant partiellement,

Dit que les époux B... ont commis un dol à l'égard de Françoise Y... épouse Z... par dissimulation du projet de transfert d'une officine concurrente,

En conséquence,

Déclare bien fondée l'action en dommages et intérêts formée par Françoise Z...,

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions notamment celles relatives :

- au rejet de la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par les époux B... sur le fondement de l'opposition exercée par Françoise Z...,

- au rejet des actions en responsabilité formées contre le notaire Philippe C... et l'avocat Philippe M...,

- au rejet des demandes de Françoise Y... relatives à l'indemnisation de la perte de la clientèle de la maison de retraite et de l'absence de registres et de matériels,

- à la condamnation des époux B... au paiement d'une indemnité de procédure au notaire C... et à l'avocat M... et aux dépens de l'appel en garantie,

Y ajoutant :

Condamne les époux B... à verser au notaire Philippe C... et à l'avocat Philippe M... une indemnité de procédure devant la Cour de MILLE EUROS (1. 000, 00 Euros) à chacun d'eux,

Condamne les époux B... aux dépens de l'appel provoqué contre le notaire Philippe C... et l'avocat Philippe M...,

Avant dire droit sur la réparation du préjudice :

Ordonne une expertise comptable :

Commet pour y procéder le sieur Jacques N..., demeurant ...(TEL : ...) avec mission de :

- se faire communiquer tous documents utiles, entendre les parties et tous sachants,

- fournir à la Cour les éléments de faits permettant de chiffrer les préjudices causés par le dol résultant de la dissimulation du transfert de la pharmacie H... à l'occasion de la cession de leur officine par les époux B... à Françoise Y...- Z...,

Dit que Françoise Y...- Z... consignera la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1. 500, 00 Euros) à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert, auprès de la Régie d'Avances et de Recettes de la Cour, dans les deux mois du présent arrêt,

Dit qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque, sauf prorogation du délai ou relevé de la caducité.

Dit que l'expert déposera son rapport au secrétariat-greffe de la Cour dans les six mois suivant le dépôt de la consignation,

Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert d'effectuer sa mission, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance de Monsieur le Conseiller de la mise en état,

Réserve les dépens.

Signé par Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, et par Madame Armelle FRITZ, Greffier, à laquelle la minute a été remise par le Magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 04/05503
Date de la décision : 17/06/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 07 septembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-06-17;04.05503 ?
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