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12/06/2008 | FRANCE | N°07/00343

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0356, 12 juin 2008, 07/00343


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 12 juin 2008

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Conseiller,)

No de rôle : 07 / 00343

LA COMMUNE DE CAZALIS

c /

Frédéric X...
Françoise Y... épouse X...
S. C. I. DU DOMAINE DE CAZALIS
Yves Z...
Jeanine A... épouse Z...
Jean- Christophe Z...
Guy B...
Jeanine C... épouse B...
GFA DE GIRLANDRI
Jean- Pierre D...
Pascal E...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :



aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 novembre 2006 (R. G. 05 / 8261) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 12 juin 2008

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Conseiller,)

No de rôle : 07 / 00343

LA COMMUNE DE CAZALIS

c /

Frédéric X...
Françoise Y... épouse X...
S. C. I. DU DOMAINE DE CAZALIS
Yves Z...
Jeanine A... épouse Z...
Jean- Christophe Z...
Guy B...
Jeanine C... épouse B...
GFA DE GIRLANDRI
Jean- Pierre D...
Pascal E...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 novembre 2006 (R. G. 05 / 8261) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 22 janvier 2007

APPELANTE :

LA COMMUNE DE CAZALIS, agissant en la personne de son Maire demeurant en cette qualité Hôtel de Ville-33113 CAZALIS

représentée par la SCP ANNIE TAILLARD et VALERIE JANOUEIX, avoués à la Cour, et assistée de Maître Jacques BORDERIE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Frédéric X...
né le 30 Mars 1974 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
profession : exploitant
demeurant ...

Françoise Y... épouse X...
née le 15 Mai 1935 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
demeurant ...

représentés par la SCP TOUTON- PINEAU et FIGEROU, avoués à la Cour, et assistés de Maître Fabien DUCOS- ADER, avocat au barreau de BORDEAUX

S. C. I. DU DOMAINE DE CAZALIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis Lieudit Bernic-33113 CAZALIS

Yves Z...
né le 13 Août 1927 à PIERREFONDS (60350)
demeurant ...

Jeanine A... épouse Z...
née le 29 Mars 1927 à PARIS (75)
demeurant ...

Jean- Christophe Z...
né le 1er Janvier 1952 à NEUILLY SUR SEINE (92200)
de nationalité Française
demeurant ...

représentés par la SCP MICHEL PUYBARAUD, avoués à la Cour, et assistés de Maître Philippe DE FREYNE, avocat au barreau de BORDEAUX

Guy B...
né le 18 Janvier 1931 à ROAILLAN (33210)
de nationalité Française
retraité
demeurant ...

représenté par la SCP LABORY- MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour, et assisté de Maître Jacques CAVALIE, avocat au barreau de BORDEAUX
Jeanine C... épouse B...
demeurant ...

représentée par la SCP LABORY- MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour, et assistée de Maître Jacques CAVALIE, avocat au barreau de BORDEAUX

LE GFA DE GIRLANDRI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis route de Callen-40430 LUXEY

représentée par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour, et assistée de Maître Christophe SAINT- LAURENT, avocat au barreau de MONT- DE- MARSAN

Jean- Pierre D...
demeurant ...

non représenté, assigné à personne

Pascal E...
demeurant ...

non représenté, assigné à personne

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 avril 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Franck LAFOSSAS, Président,
Jean- Claude SABRON, Conseiller,
Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Olivier X... a hérité en 1962 de la nue propriété d'une propriété familiale composée de 300 parcelles pour 463 hectares de pins sur la commune de CAZALIS (Gironde).

A son décès en juin 2000, son épouse Françoise X..., qui a été maire de la commune de CAZALIS de 1977 à 2001, a hérité de l'usufruit des terres et leur fils Frédéric X... de la nue propriété.

Le 17 décembre 2002, Monsieur le Maire de CAZALIS a mis en demeure Françoise X... d'avoir à remettre en état les deux chemins ruraux numéros 29 et 30 dits " de Callen à Caplane " et " du Gua de Labri à Lanan " traversant ses parcelles, qu'elle aurait détériorés par des travaux de labour et de reboisement après la tempête de décembre 1999.

Devant le refus de Françoise X..., qui contestait l'existence de ces chemins ruraux, la commune de CAZALIS a saisi le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX qui le 1er septembre 2003 a ordonné une expertise confiée à Jean- Pierre L..., ultérieurement étendue aux propriétaires riverains aux fins de :

- rechercher s'il existe sur l'emprise de la propriété X... des chemins ruraux

- dire s'il existe des dommages ou entraves affectant ces chemins

- dans l'hypothèse d'une disparition même partielle du tracé de ces chemins, donner tous éléments permettant d'en déterminer la date ainsi que l'ampleur

- délimiter et indiquer les superficies à remettre en état, chiffrer le coût des travaux nécessaires.

L'expert a déposé son rapport le 27 septembre 2004.

Il conclut notamment qu'il a bien existé des chemins ruraux traversant les parcelles X... au lieudit La Lande du Mineur mais que toute trace de ceci a disparu depuis plus de trente ans au moins sur partie de leur tracé, sans pour autant qu'il soit établi qu'au cours des trente dernières années, les consorts X... seraient intervenus activement dans cette disparition si ce n'est par le refus en 1994 d'autoriser le passage des chemins de randonnées sur leur propriété et si ce n'est par le reboisement tout récent à une date où le chemin n'existait déjà plus.

Par actes des 16 et 17 décembre 2004 et 4 janvier 2005, la commune de CAZALIS a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX Frédéric X... et Françoise Y... veuve X... ainsi que les autres propriétaires riverains des chemins litigieux aux fins de :

- voir homologuer le rapport d'expertise de Jean- Pierre L...

- voir juger responsables les consorts X... des dommages causés aux chemins ruraux entre les points de piquetage 200 et 207 relevés par l'expert

- les condamner à l'indemniser d'une somme de 1. 541 euros en remboursement des frais de remise en état des chemins ruraux avec intérêts légaux et ce avec exécution provisoire.

Par jugement du 21 novembre 2006, la première chambre du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX a rejeté les demandes de la commune de CAZALIS et l'a condamnée au paiement des dépens en ce compris les frais d'expertise et d'indemnités au titre des frais irrépétibles aux divers défendeurs.

Le tribunal a considéré que si les chemins 29 et 30 devaient être considérés à l'origine comme des chemins ruraux appartenant au domaine privé de la commune, toute trace en avait disparu depuis plus de trente ans, à une date où Françoise X... n'était pas encore maire de la commune, laquelle n'a effectué aucun entretien de ces chemins, et que les propriétaires des parcelles traversées les ont débroussaillées, plantées et replantées, s'appropriant ainsi de manière active, continue et non équivoque pendant plus de trente ans les chemins litigieux, de sorte que la qualification de chemin rural avait été perdue par prescription acquisitive trentenaire au profit d'un propriétaire privé, laquelle requiert aucun formalisme.

La commune de CAZALIS a interjeté appel de cette décision dans des conditions de régularité non contestées.

Aux termes de ses dernières conclusions du 1er avril 2008, elle demande à la Cour :

- vu les articles 544 et 545 du Code Civil

- vu l'article 1382 du Code Civil

- de réformer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX du 21 novembre 2006

- constatant que le droit de la propriété de la commune de CAZALIS sur l'assiette des chemins ruraux litigieux n'est pas contredite par preuve ou présomption contraire, d'homologuer le rapport d'expertise judiciaire établi le 27 septembre 2004 par Jean- Pierre L... et de valider le tracé et l'assiette des chemins ruraux de " CALLEN à CAPLANE " et de " GUA DE LABRI à LANAN " au travers de la propriété X... et de le déclarer opposable à Frédéric X..., à Françoise Y... épouse X..., à la SCI Domaine de CAZALIS, à Yves Z..., à Jeanine A..., à Guy B..., à Jeanine C..., à Jean- Christophe Z..., au GFA de GIRLANDRI, à Jean- Pierre D..., à Pascal E..., propriétaires riverains.

- de dire et juger, in solidum, les consorts X... responsables des dommages causés aux chemins ruraux dit de " CALLEN à CAPLANE ", et de " GUA DE LABRI à LANAN ", propriété de la commune de CAZALIS, entre les points de piquetage 200 et 207 relevés par l'expert judiciaire

- de condamner, in solidum, les consorts X... à indemniser la commune d'une somme de 1. 541 euros au titre du remboursement des frais de remise en état des chemins ruraux, avec intérêts légaux à compter de la délivrance de l'assignation

- de débouter l'ensemble des intimés de leurs demandes reconventionnelles

- de condamner les consorts X..., à payer, in solidum, à la commune de CAZALIS une somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris ceux d'expertise judiciaire.

Elle fait valoir :

- que le tribunal a renversé la charge de la preuve en déduisant du défaut d'entretien par la commune des chemins ruraux et de l'usage possible bien que restreint dans le temps et l'espace de certains tronçons un accaparement implicite de la totale propriété du sol par les consorts X..., propriétaires riverains

- que les chemins ruraux concernés sont présumés être la propriété de la commune sans que celle- ci ait à justifier d'un titre notarié

- que les consorts X... n'ont initialement pas contesté l'existence du chemin rural du GUA DE LABRI à LANAN

- que l'assiette du chemin rural dit de CALLEN à CAPLANE a été modifiée au couchant de la voie communale numéro 4 en 1990 sur une partie aboutissant à la commune de CALLEN dans le prolongement même du tracé traversant la propriété X..., ce qui implicitement impliquait qu'il existait une autre partie du dit chemin rural qui ne pouvait qu'être celle située sur des parcelles des consorts X...

- que ce même chemin communal vient de connaître un autre déplacement d'assiette contemporain dans sa partie traversant la propriété Z... et la SCI du domaine de CAZALIS, contigüe à la propriété X...

- que la circonstance qu'aucun acte administratif écrit n'ait formalisé avant 1955 le droit de propriété communale sur les chemins concernés est sans influence sur l'effectivité de ce droit de propriété

- que le grief tiré du défaut d'entretien et de la désaffection du l'usage public des chemins ruraux est inopérant dans la mesure où un défaut d'entretien qui n'est pas contesté ne confère pas pour autant la propriété du sol au propriétaire riverain qui n'apporte pas la preuve d'actes de possession conformes à l'article 2229 du Code Civil

- qu'en toute hypothèse les consorts X... n'ont pu démonter le caractère absolu du délaissement de l'assiette de ces chemins ruraux par la commune dès lors que l'expert fait état par examen stéréoscopique des photos aériennes de 1973 de la possibilité de faits de passage à pied notamment de chasseurs, alors que la chasse est dans cette région une institution sociale vivante, et qu'elle produit des attestations de chasseurs faisant état de leur circulation sur ces chemins ruraux

- que le chemin rural du GUA DE LABRI à LANAN est resté praticable entre deux points s'intercalant entre des propriétés distinctes appartenant au GFA DE GIRLANDRI, aux époux B... et à Pascal E...

- qu'un usage occasionnel suffit pour maintenir la qualification de chemin rural et qu'une simple modification de la configuration des lieux ne peut pas faire perdre à un chemin rural cette nature juridique en l'absence de désuétude absolue

- que le désengagement de la commune à l'égard de l'entretien des chemins, par négligence, ne révèle pas une volonté de se déposséder et n'emporte pas transfert de propriété au profit des consorts X...

- que les consorts X... n'apportent pas la preuve d'une prescription acquisitive trentenaire sur les chemins ruraux concernés au sens des articles 2259 et 2262 du Code Civil

- que dès lors que selon l'expert le tracé du chemin rural a disparu entre 1968 et 1993, en prenant en considération la date de 1973 la prescription trentenaire aurait été interrompue par la mise en demeure du 17 décembre 2002

- que les consorts X... ne sont pas intervenus activement de manière continue dans la disparition du chemin, témoignant ainsi d'une usucapion dès lors que n'est révélée qu'une volonté d'appréhension récente à travers le reboisement organisé sur certains tronçons très circonscrits après la tempête de 1999, les semis antérieurs étant naturels et ne résultant pas de l'intervention humaine

- que les factures produites par les consorts X... ne concernent pas des actes de gestion ou d'administration témoignant d'une volonté spéciale d'appréhension de l'assiette des chemins ruraux en cause mais se rapportent plus généralement à l'exploitation de leur domaine

- que les actes sporadiques de débroussaillage sommaire de l'assiette des chemins ruraux parallèlement à des travaux effectués sur son propre domaine ne témoignent pas d'un animus domini et ne caractérisent pas une possession continue emportant prescription acquisitive.

La commune de CAZALIS tire de ces éléments les conséquences suivantes :

- le rapport doit être homologué et déclaré opposable aux riverains de façon à ce que le tracé et l'assiette des chemins ruraux de " CALLEN à CAPLANE " et du " GUA DE LABRI à LANAN " puissent être homologués et que la commune puisse disposer pleinement de sa propriété et effectuer les travaux de réhabilitation sans s'exposer aux griefs d'empiétement sur les fonds voisins

- que l'expert ayant effectué des opérations de délimitation avec piquetage sur le terrain, lesquelles n'ont fait l'objet d'aucune critique de la part des parties à la procédure et que, le rapport comprenant une évaluation de la superficie des tronçons des chemins ruraux, il y a lieu de l'homologuer à l'égard de toutes les parties dès lors que les travaux de réhabilitation confineront aux limites des propriétés voisines, bien que celles- ci soient étrangères au litige opposant la commune de CAZALIS aux consorts X... sur la réparation des dommages causés par ceux- ci

- à cet égard que les dommages imputables aux consorts X... résultent du reboisement en 2002 entre les points de piquetage 200 à 2007, soit sur 460 mètres de longueur et pour une superficie de 1976 mètres carrés pour laquelle l'expert a fait chiffrer à 1541 euros TTC les frais de remise en état.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 28 mars 2008, les consorts X... demandent à la Cour, vu l'article 4 de la Loi du 26 août 1881, l'article 12 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, les articles L161 et L162 du Code Rural :

- de débouter la commune de CAZALIS de l'intégralité de ses demandes

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions

- y ajoutant, de condamner la commune au paiement des entiers dépens et d'une somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Les consorts X... font valoir :

- le contexte du litige qui résulte selon eux du fait qu'Olivier X... puis eux- mêmes ont conservé intégralement leurs droits de chasse sur leurs parcelles et qu'aucune demande indemnitaire n'est formée à l'encontre des autres propriétaires

- que l'action de la commune résulte d'allégations mensongères et d'une méconnaissance totale des lieux

- que la commune avait initialement dans son assignation en référé visé trois chemins dont il s'est avéré pour l'un que la chaîne qui y avait été posée l'avait été sur un chemin privé

- que les deux chemins visés par l'assignation au fond ont disparu depuis plus de trente ans comme le constate l'expert

- que la commune ne justifie pas de la propriété des deux chemins litigieux, le cadastre étant à cet égard insuffisant en l'absence d'actes administratifs classant les dits chemins comme chemins ruraux

- qu'en application de l'article L161-1 du Code Rural, trois critères cumulatifs sont nécessaires pour constater l'existence d'un chemin rural, ce chemin devant appartenir à la commune, être affecté à l'usage du public et n'avoir pas été classé comme voie communale

- qu'il s'agit de chemins d'exploitation appartenant de tout temps à la famille X...

- que la mairie de CAZALIS ne produit aucun arrêté de reconnaissance établissant le caractère rural des chemins

- que Frédéric X... justifie d'une possession plus que trentenaire sans aucune contestation antérieure, que l'ensemble de la propriété a toujours été exploité en sylviculture

- que le litige résulte en réalité du refus des consorts X... d'apporter leurs terres à l'association communale de chasse agréée, qu'il est fallacieux de reprocher à Françoise X... d'avoir en sa qualité de maire délaissé les chemins ruraux dans le but de faire tomber ceux- ci dans son patrimoine familial

- que l'indemnisation demandée, qui n'a été précédée d'aucune demande de réparation amiable, est excessive dans la mesure où ces chemins n'étaient pas carrossables antérieurement, ne faisaient pas une largeur de six mètres et que cette demande même révèle l'incohérence du raisonnement de la commune.

Aux termes de leurs conclusions du 25 septembre 2007, la SCI du domaine de CAZALIS, Yves Z..., Jeanine A... épouse Z..., et Jean- Christophe Z... demandent à la Cour

- de leur donner acte de ce que, comme en première instance, ils s'en remettent quant à la demande de la commune de CAZALIS

- de leur donner acte de ce qu'ils ont trouvé un accord de principe quant à l'assiette du chemin sur leur parcelle pour le cas où le caractère de chemin rural serait reconnu

- de condamner la commune au paiement des dépens et d'une somme de 1. 000 euros à chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Aux termes de ses conclusions du 24 septembre 2007, le GFA DE GIRLANDRI demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et sollicite une indemnité de 1. 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Aux termes de leurs conclusions du 15 juin 2007, les époux B... demandent à la Cour de confirmer le jugement et sollicitent une indemnité de 1. 500 euros au titre des frais irrépétibles, constatant qu'aucune demande spécifique n'est formée à leur encontre et qu'il est inopérant de demander que le rapport d'expertise de Jean- Pierre L... leur soit opposable.

Jean- Pierre D... et Pascal E..., qui n'avaient pas constitué avocat devant le tribunal, ont été assignés par la commune de CAZALIS le 4 avril 2008 à leur personne et n'ont pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 avril 2008.

MOTIFS :

Les dispositions du Code Rural applicables au présent litige tenant à la notion de chemin rural sont les suivantes :

Article L161-1 : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voie communale. Ils font partie du domaine privé de la commune. "

Article L161-2 (loi du 25 juin 1999) : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade ou de randonnée. "

Article L161-3 : " tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. "

Il est avéré que la commune de CAZALIS ne justifie d'aucun arrêté ou délibération du conseil municipal, à aucune époque, que ce soit avant la loi du 20 avril 1881 ou l'ordonnance du 7 janvier 1959, classant les chemins litigieux comme chemin rural.

En revanche, un tableau récapitulatif des chemins de la commune, non daté, mais dont les parties s'accordent à dire qu'il date de 1977, mentionne expressément le chemin numéro 29 du GUA DE LABRI à LANAN allant du chemin départemental numéro 9 au chemin rural numéro 30 d'une longueur de 1630 mètres et d'une largeur de 4 mètres d'une part et le chemin rural numéro 30 de CALLEN à CAPLANE, allant du chemin rural 19 à la limite de la commune sur 1040 mètres et d'une largeur de 4 mètres.

Les deux chemins litigieux ainsi précisément décrits sont indiqués comme affectés à l'usage des véhicules agricoles et l'expert L... confirme dans son rapport que ces chemins à l'origine reliaient des lieux dits, d'où leur dénomination, et non des exploitations, et ne figuraient pas sur des plans cadastraux en référence à des numéros de parcelles, ce qui confirme leur caractère rural et non de chemins d'exploitation.

La commune de CAZALIS, dont le maire était alors Françoise X..., a accepté en 1990 un déplacement de l'assiette du chemin rural numéro 30, après délibération du conseil municipal et enquête publique, le caractère rural du chemin était alors mentionné ; quand bien même ce déplacement visait une partie du chemin aboutissant à la voie communale numéro 4 et non concernée par le présent litige, cet élément est de nature à faire considérer que le dit chemin, qui va jusqu'à la commune limitrophe de CALLEN, se poursuivait alors au- delà du tronçon objet du déplacement d'assiette d'une part, et d'autre part que la commune a alors manifesté expressément sa qualité de propriétaire dudit chemin.

Par ailleurs, quand bien même le cadastre ne constitue pas en tant que tel un titre de propriété, il ne peut être fait abstraction de ce que, sur le cadastre napoléonien comme sur celui de 1955, les chemins litigieux sont mentionnés également en qualité de chemins ruraux.

Il importe peu que la commune ne soit pas, ce qui est usuel en cette matière, en mesure de produire un titre de propriété exprès, au regard notamment de ces éléments cadastraux, les consorts X... ne produisant pas davantage de titre leur attribuant expressément la propriété de l'assiette des chemins ruraux.

En outre, sur le chemin rural numéro 29 du GUA DE LABRI à LANAN, le chemin rural n'a pas disparu entre les parcelles 425 d'un côté et 472, 473 et 474 de l'autre côté, parcelles appartenant pour la première au GFA DE GIRLANDRI et pour les secondes aux époux B... et à Pascal E... et au GFA DE GIRLANDRI également, lesquels, s'agissant du même chemin, ne revendiquent aucun droit de propriété.

Les chemins 29 et 30 doivent donc être considérés à l'origine comme des chemins ruraux appartenant au domaine privé de la commune.

Appartiennent aux consorts X... :

- s'agissant du chemin de CALLEN à CAPLANE, les parcelles 422 et 423 situées de part et d'autre de ce chemin
- pour le chemin rural du GUA DE LABRI à LANAN, les parcelles 424 et 477 d'une part se situant de part et d'autre du chemin et 427 et 458 d'autre part se situant plus loin sur le dit chemin, après une portion du chemin demeuré existante entre les parcelles 425 d'un côté et 472, 473 et 474 de l'autre côté du chemin appartenant à des tiers.

Postérieurement à la tempête de décembre 1999, les consorts X... ont reboisé en 2002 les parcelles 422, 423, 424 et 477, le reboisement s'étant effectué sur l'assiette du chemin rural tel qu'il figure sur le cadastre.

Pour autant, quand bien même les deux chemins avaient initialement la qualité de chemins ruraux appartenant à la commune, ils peuvent faire l'objet d'une prescription acquisitive.

Cette prescription acquisitive doit répondre aux exigences des articles 2229 et 2262 du Code Civil et être constituée par des actes de possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire et pendant une durée de trente ans.

En l'espèce, il n'est pas contesté que, le long des parcelles appartenant aux époux X..., le tracé du chemin rural a disparu, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise.

La commune admet d'ailleurs implicitement avoir été défaillante dans son obligation d'entretien des dits chemins ruraux.

Cependant, en dépit même de cette absence d'entretien, le droit de propriété ne se perd pas par le non usage, et aucune aliénation n'a été réalisée dans les formes prescrites par la loi.

En tout état de cause, il résulte des témoignages de messieurs M..., N... et O... qu'ils circulaient librement sur les chemins ruraux traversant les propriétés de Françoise X... ; de même, Guy B..., propriétaire riverain, partie au dossier, confirme dans son attestation du 30 mai 2003 qu'il utilisait le chemin du GUA DE LABRI pour exploiter ou visiter ses terres, ce qui prouve que la désuétude du chemin n'était pas absolue et que l'usage public maintenait à ces voies le statut de chemins ruraux.

La circonstance que les attestants soient pour les trois premiers d'entre eux des chasseurs adhérant aux associations communales de chasse agréées ne suffit pas à faire mettre en doute la portée de leurs témoignages, dès lors que la notion d'usage d'un chemin rural doit s'apprécier au regard du contexte géographique et sociologique et de l'évolution du milieu rural.

De ce fait, si les chemins en cause n'ont plus nécessairement la même utilité en matière agricole ou en matière de déplacement d'une commune à l'autre, il n'en demeure pas moins que leur utilisation pour les activités de loisirs, comme la promenade ou la chasse, constitue une modalité de l'usage par le public, quand bien même cela ne serait pas de nature à donner aux personnes utilisant le chemin rural un droit de chasse sur les propriétés X..., qui sont constituées en chasse privée.

Par ailleurs, la commune a, lors d'un projet de création d'un itinéraire départemental de chemins de randonnées en 1994, par la voix de son maire, Françoise X..., fait part de son accord pour l'utilisation des chemins ruraux de la commune en général pour la mise en oeuvre de ce plan départemental, ce à quoi néanmoins Olivier X..., en sa qualité de propriétaire de certains des fonds avoisinants, s'était opposé à titre personnel.

La circonstance qu'il n'ait pas été créé de chemins de randonnées sur les chemins ruraux 29 et 30 objets du litige, mais en un autre lieu de la commune, ne suffit pas davantage à faire écarter la notion d'usage du public, l'affectation à la randonnée n'étant qu'un des éléments prévus par la loi, qui ne se livre pas à une énumération limitative, pour déterminer la qualité de chemin rural. Cette position exprimée par la commune en 1994 montrait que celle- ci ne considérait pas avoir désaffecté ces chemins ruraux, mais admettait au contraire pouvoir valoriser leur utilisation.

S'agissant de la prescription acquisitive invoquée par les consorts X..., il appartient à ceux- ci d'en rapporter la preuve.

Or, celle- ci ne résulte pas de diverses factures d'entretien portant sur de nombreuses parcelles des consorts X... dans leur ensemble (débroussaillage, coupe) ou de déclarations de sinistres, qui concernent de nombreuses parcelles sans viser expressément l'assiette des deux chemins ruraux concernés.

Les consorts X... ne sauraient davantage invoquer le fait qu'ils ont planté les dites parcelles, cet élément n'étant avéré que pour le reboisement intervenu en 2002 à la suite de la tempête de décembre 1999 sur les parcelles 422, 423, 424 et 477.

L'expert est en effet formel, aux termes d'une analyse précise, et ayant répondu sur ce point à des dires, pour indiquer que la forêt était en ces lieux au regard des photographies aériennes antérieures à la tempête de 1999 issue de semis naturels, ce dont il se déduisait que la présence éventuelle de pins sur l'assiette des anciens chemins ruraux ne découlait pas de l'intervention humaine.

L'expert par ailleurs répondant à un dire, et manifestant une connaissance particulièrement aiguë des modalités d'exploitation des propriétés sylvicoles, indique que les chemins ruraux sont toujours l'objet d'interventions des propriétaires concernés, dans la mesure où, s'agissant de grandes étendues, les propriétaires, par commodité, débardent ou débroussaillent sans trop d'égards à l'assiette des chemins ruraux, ce qui est habituellement toléré et n'est pas interprété comme une intention d'appropriation, de sorte que par référence au contexte les faits allégués par les consorts X... ne sont pas suffisamment explicites pour qu'il s'en déduise une volonté d'appropriation.

Le seul acte caractérisé d'appropriation résulte du reboisement effectué en 2002, et n'est pas à lui seul de nature à constituer une prescription acquisitive trentenaire.

Eu égard à ces éléments, il y a lieu de réformer le jugement, et de constater que la commune de CAZALIS est demeurée propriétaire de l'assiette des chemins ruraux litigieux et d'homologuer le rapport d'expertise en ce qu'il a déterminé le tracé et l'assiette des chemins ruraux de CALLEN à CAPLANE et du GUA DE LABRI à LANAN au travers de la propriété X..., ce tracé étant donc opposable à Françoise Y... veuve X... et Frédéric X....

La commune est également fondée à demander que ce tracé soit déclaré opposable à la SCI du domaine de CAZALIS, aux consorts Z..., aux époux B..., au GFA DE GIRLANDRI, à Jean- Pierre D... et à Pascal E....

En effet, leurs propriétés aboutent les parcelles de chemins sur lesquelles la propriété de la commune est reconnue, de sorte qu'il importe, pour que la commune puisse efficacement et effectivement délimiter les dits chemins ruraux et les entretenir en ce qui concerne ces portions, de leur déclarer opposable le tracé.

S'agissant de l'indemnisation sollicitée par la commune de CAZALIS, l'expert a chiffré à 1. 541 euros le coût des frais de remise en état des chemins ruraux entre les points de piquetage 200 et 207 sur la base d'un coût de 3, 35 euros TTC le mètre linéaire (devis du 1er juillet 2004 de l'entreprise POEYDOMENGE), et ce, sur une longueur de 460 mètres s'étendant entre les piquets métalliques plantés en profondeur des points 200 à 207, qui correspondent à la partie reboisée par les consorts X... sur les parcelles 422, 423, 424 et 477.

En ce qui concerne la délimitation du chemin rural entre les points 208 et 214, et 215 et 207, ces deux derniers points correspondant à partie des parcelles 424 et 477, la commune ne sollicite aucune indemnisation.

Les consorts X... seront en conséquence condamnés in solidum à verser cette somme à la commune avec intérêts légaux à compter de la délivrance de l'assignation.

Le caractère de chemin rural étant reconnu, il sera donné acte à la SCI du domaine de CAZALIS, et aux consorts Yves Z..., Jeanine A... épouse Z... et Jean- Christophe Z... de ce qu'ils ont trouvé un accord de principe quant à l'assiette du chemin sur leurs parcelles.

Les dépens tant de première instance que d'appel en ce compris les frais d'expertise seront mis à la charge des consorts X... qui seront, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, condamnés à verser à la commune de CAZALIS une somme de 3. 000 euros.

Les demandes formées au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile par la SCI du domaine de CAZALIS et les consorts Z... d'une part les époux B... de seconde part et le GFA DE GIRLANDRI de troisième part seront rejetées dès lors qu'elles ne sont formées qu'à l'encontre de la commune de CAZALIS, laquelle n'est pas condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Reçoit la commune de CAZALIS en son appel,

Au fond, réforme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que la commune de CAZALIS est propriétaire de l'assiette des chemins ruraux numéro 29 de CALLEN à CAPLANE et numéro 30 de GUA DE LABRI à LANAN au travers des parcelles appartenant aux consorts X... cadastrées B422, B423, B424, B477, B478, B427 et B458,

Dit que le tracé et l'assiette des dits chemins ruraux tels que déterminés par l'expert Jean- Pierre L... et matérialisés par des tiges métalliques d'une cinquantaine de centimètres enfoncées dans le sol et repérées par des jalonnettes en plastique numérotées de 200 à 215 sont opposables aux consorts Françoise Y... veuve X... et Frédéric X..., à la SCI du domaine de CAZALIS et aux consorts Yves Z..., Jeanine A... épouse Z..., Jean- Christophe Z..., au GFA DE GIRLANDRI, aux époux Guy B...- Jeanine C... épouse B..., à Jean- Pierre D... et à Pascal E...,

Condamne in solidum les consorts Françoise Y... veuve X... et Frédéric X... à indemniser la commune des dommages causés aux chemins ruraux numéro 29 dit de CALLEN à CAPLANE et numéro 30 de GUA DE LABRI à LANAN, propriétés de la commune de CAZALIS, entre les points de piquetage 200 et 207 relevés par l'expert judiciaire de la somme de 1. 541 euros au titre du remboursement des frais de remise en état des dits chemins ruraux, et ce, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

Donne acte à la SCI du domaine de CAZALIS et aux consorts Yves Z..., Jeanine A... épouse Z... et Jean- Christophe Z... de ce qu'ils ont trouvé un accord de principe quant à l'assiette du chemin sur leur parcelle pour le cas où le caractère de chemin rural serait reconnu,

Condamne in solidum les consorts Françoise Y... veuve X... et Frédéric X... à verser à la commune de CAZALIS une somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de la SCI du domaine de CAZALIS et des consorts Yves Z..., Jeanine A... épouse Z... et Jean- Christophe Z..., du GFA DE GIRLANDRI, et des époux Guy B...- Jeanine C...,

Condamne in solidum les consorts Françoise Y... veuve X... et Frédéric X... au paiement des dépens tant de première instance que d'appel, en ce compris les frais d'expertise, et en ordonne la distraction au profit de la SCP TAILLARD- JANOUEIX, avoués, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Franck LAFOSSAS, Président, et par Annick BOULVAIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0356
Numéro d'arrêt : 07/00343
Date de la décision : 12/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 21 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-06-12;07.00343 ?
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