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03/06/2008 | FRANCE | N°07/01802

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale, 03 juin 2008, 07/01802


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE- SECTION A
--------------------------

ARRÊT DU : 03 JUIN 2008
(Rédacteur : Madame Marie- Paule DESCARD- MAZABRAUD, Président)
PRUD'HOMMES
No de rôle : 07 / 01802

Monsieur Charles X...
c /
Madame Marie- Line Z...

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,

Gross

e délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 février 2007 (R. G. no F 06 / 0003) par le Conse...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE- SECTION A
--------------------------

ARRÊT DU : 03 JUIN 2008
(Rédacteur : Madame Marie- Paule DESCARD- MAZABRAUD, Président)
PRUD'HOMMES
No de rôle : 07 / 01802

Monsieur Charles X...
c /
Madame Marie- Line Z...

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 février 2007 (R. G. no F 06 / 0003) par le Conseil de Prud'hommes de COGNAC, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 06 avril 2007,

APPELANT :

Monsieur Charles X..., né le 25 août 1956 à SANTOS (BRÉSIL), de nationalité Française, demeurant ...
Représenté par Maître Stéphane MARTIANO, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

Madame Marie- Line Z..., demeurant ...,
Représentée par Maître Olivier BRUNET, avocat au barreau de la CHARENTE,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 avril 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie- Paule DESCARD- MAZABRAUD, Président,
Madame Raphaëlle DUVAL- ARNOULD, Conseiller,
Monsieur Francis TCHERKEZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Françoise ATCHOARENA,

ARRÊT :

- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Monsieur Charles X... a été engagé par contrat à durée indéter- minée en date du 20 juillet 2004 en qualité d'assistant parlementaire par Madame Z..., député au parlement européen. Il percevait un salaire de 2. 800 € avec un treizième mois et ses frais de déplacement étaient pris en charge par l'AGAPES, association parlementaire.
Le 30 mars 2005, Madame Z... a adressé un avertissement à Monsieur X... pour avoir notamment envoyé un communiqué de presse le 10 février 2005 à de nombreux journaux et à l'insu de son employeur et pour un abandon de poste le 9 février 2005 à 17 heures.
Le 22 décembre 2005, il était licencié pour plusieurs manquements professionnels qualifiés de faute grave.
Le 12 janvier 2006, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Cognac pour contester son licenciement et il formait les réclamations suivantes :
~ 150. 000, 00 € de dommages- intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
~ 3. 809, 40 € au titre du non respect de la procédure de licenciement,
~ 380, 94 € ai titre des congés payés afférents,
~ 3. 809, 40 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
~ 380, 94 € au titre des congés payés afférents,
~ 1. 580 € au titre de rappel de prime du 13ème mois pour l'année 2004,
~ 158, 00 € au titre des congés payés afférents,
~ 295, 13 € au titre de rappel de prime de 13ème mois pour l'année 2005,
~ 29, 51 € au titre des congés payés afférents,
~ 3. 541, 61 € au titre du rappel de prime du 13ème mois pour l'année 2006,
~ 354, 16 € au titre des congés payés afférents,
~ 1. 952, 96 € au titre du rappel d'heures supplémentaires,
~ 195, 20 € au titre des congés payés afférents.
Par jugement en date du 26 février 2007, le Conseil de Prud'hommes de Cognac a retenu que le licenciement était bien justifié par une faute grave. Il a considéré que la procédure de licenciement avait bien été respectée et il a débouté le salarié de ses demandes au titre du treizième mois et des heures supplémentaires.
Monsieur X... a régulièrement relevé appel de jugement.
Par conclusions déposées le 12 décembre 2007, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, il reprend toutes ses demandes antérieures, tant au titre du licenciement que pour les primes et les heures supplémentaires.

Par des conclusions déposées le 14 février 2008, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Madame Z... demande confir- mation du jugement déféré.
MOTIVATION
Sur le licenciement
La lettre de licenciement adressée le 22 décembre 2005 à Monsieur X... dont les termes fixent les limites du litige est ainsi rédigée :
"... Cette décision est dictée en raison de l'imitation sur trois amendements de ma signature par vous même sans avoir eu aucune délégation de signature et sans m'en avoir avertie comme vous l'a demandé Madame A... Martine, coordinatrice de la commission LIBE.
De plus vos critiques orales à l'ensemble des députés français au Parlement Européens lors de la réunion de section du 14ème arrondissement, samedi 12 novembre 2005, taxés de ne pas être présents et de ne rien faire.
En outre, le lundi 31 octobre 2005 vous avez quitté votre travail en fin de matinée et êtes demeuré absent sans justification jusqu'au 2 novembre 2005 inclus le 1er novembre 2005 étant chômé et férié. A maintes reprises je vous ai demandé oralement les originaux des justificatifs de vos frais qui devraient être en ma possession puisque je vous rembourse vos frais sur justificatifs. Vous m'avez uniquement envoyé en recommandé les copies de ces frais.... "
L'employeur ayant retenu l'existence d'une faute grave, a la charge de la preuve.
Madame Z... avait déjà adressé un avertissement à Monsieur X... le 3 mars 2005, lui reprochant d'avoir outrepassé ses fonctions en faisant un communiqué de presse à sa place, d'avoir critiqué un député socialiste en public et d'avoir abandonné son poste pour se rendre à Paris.
Cet avertissement n'a pas été contesté par Monsieur X....
Les griefs articulés dans la lettre de licenciement reprennent les critiques formulées dans l'avertissement.
Sur l'imitation de la signature de Madame Z... sur trois amen- dements, la matérialité des faits n'est pas contestée par Monsieur X... mais celui- ci indique que c'était un procédé habituellement toléré.
Madame Z... soutient que les amendements dont elle critique la signature par Monsieur X... le 25 novembre 2005, dits amendements Catana, ont été signés par Monsieur X..., sans son autorisation.
Si l'on peut admettre que pour résoudre des problèmes matériels liés à l'éloignement géographique de certains députés par rapport au parlement européen, un attaché parlementaire puisse signer un amendement à la place de son employeur en revanche, compte tenu du niveau de responsabilité d'un député dans sa participation à l'élaboration de la norme législative, une telle délégation de signature doit être précédée d'une instruction formelle et non équivoque du député.

Le 25 novembre 2005, les trois assistants parlementaires de Madame Z..., Madame A... et Monsieur B... devaient formaliser l'accord des trois députés sur une rédaction commune et ces amendements devaient être déposé avant 17 heures.
Il ressort des documents produits que Madame Z... était présente à Bruxelles jusqu'au 24 novembre. Une attestation de Madame A... témoigne de ce que dans la matinée du 25 novembre, elle avait été contactée pour signer un amendement et indiquait n'accepter de le signer que si Madame Z... en était d'accord. Elle exposait que Monsieur X... déposait l'amendement signé par Madame Z... vers 14 heures 30 et à 16 heures 30, elle était en contact avec Madame Z... qui indiquait qu'elle n'était au courant de rien.
Finalement, elle indiquait que Monsieur X... lui avait dit vers 17 heures n'avoir pu contacter Madame Z.... Madame Z... ayant finalement refusé cet accord, l'avenant n'a pas été déposé.
Des échanges de courriels démontrent que l'amendement avait été signé par Monsieur X... alors qu'il n'avait pas l'accord de Madame Z....
Il ressort des documents produits par Monsieur X... lui- même que les attachés parlementaires peuvent signer à la place de leur député avec accord écrit, accord oral ou sans accord préalable en cas d'urgence.
En l'espèce, aucun élément ne permet de considérer qu'il y avait une urgence telle que Monsieur X... n'avait pas le temps de contacter Madame Z.... Il ressort de l'attestation de Madame A... qu'elle a pu contacter Madame Z... sans difficulté et que manifestement Monsieur X... n'avait pas cherché à le faire et avait signé de lui même cet amendement sans en plus l'expliquer clairement.
Les courriels produits par Monsieur X... sur la journée du 25 novembre émanent de lui même et à 16 heures 23, il ressort du courriel qu'il adresse qu'il n'a pas l'accord formel de Madame Z....
Il se déduit des aspects particuliers des fonctions de Madame Z... et de Monsieur X... que le fait pour Monsieur X... d'avoir signé à la place de Madame Z... trois amendements sans demander son accord préalable et sans que soit caractérisée une situation d'urgence, doit être analysé comme fautif d'autant qu'un avertissement précédent de son employeur lui avait déjà rappelé les exigences de Madame Z... sur leur rôle respectif.
Sur les critiques qu'aurait formulées Monsieur X... sur les députés européens, lors d'une réunion du 12 novembre 2005, une attestation de Madame D...député européen, rapporte les propos tenus par l'appelant lui- même qui disait avoir critiqué les députés européens pour leur manque d'assiduité, leur manque de travail...
De son côté, Monsieur X... verse deux attestations qui indiquent que leurs auteurs ne se rappellent pas de propos particulièrement critiques mais lui- même ne conteste pas réellement la réalité de ces propos puisqu'il donne un certain nombre d'éléments pour justifier le bien- fondé des critiques formulées et qu'il met en avant sa liberté de parole. Si effectivement tout salarié a droit à sa liberté d'expression, dans le cas de Monsieur X..., il y a lieu de rappeler les clauses du contrat de travail aux termes desquelles Monsieur X... s'engageait à " s'abstenir de toute prise de position personnelle pouvant gêner l'activité de l'employeur ".

Sur l'absence du 2 novembre 2005, s'il est exact que le 2 novembre était un jour férié pour les fonctionnaires européens et un jour de fermeture pour le parlement, ces dispositions ne pouvaient s'appliquer ipso facto dans le contrat de travail de Monsieur X... et il appartenait à ce dernier au moins de consulter son employeur sur la destination de cette journée plutôt que de décider seul qu'il s'agissait pour lui d'un jour férié.
Ce grief est établi.
Sur la remise des documents en original pour justifier des frais de déplacement, si Madame Z... demandait effectivement en vain la remise des justificatifs en original, notamment dans un courriel du 16 septembre 2005, en revanche, Monsieur X... produit des extraits de règlement et un courriel d'un responsable de l'AGAPES lui recommandant de garder ses originaux.
Un doute subsiste sur la réalité de ce grief qui doit profiter au salarié.
Il est exact que les causes du licenciement sont celles énoncées dans la lettre de licenciement et les allégations de Madame Z... sur d'autres faits ne peuvent être retenues.
Il ressort des observations faites ci- dessus que le premier juge a avec raison considéré que le licenciement de Monsieur X... était fondé sur une faute grave, les motifs retenus ne permettant pas le maintien du contrat de travail et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la procédure de licenciement
Le contrat de travail prévoit comme lieu de travail le parlement européen à Strasbourg ou les locaux du parlement européen à Bruxelles.
Madame Z... a convoqué Monsieur X... pour l'entretien préalable à sa permanence à Jarnac en Charente.
Il est constant que l'entretien préalable doit se dérouler au lieu où s'exécute le travail ou au siège social de l'entreprise, le choix entre les deux endroits appartenant à l'employeur.
Le premier juge a retenu que dès lors Madame Z... pouvait légitimement convoquer Monsieur X... à Jarnac, lieu de sa permanence.
Cependant il sera retenu que le seul lieu de travail était Bruxelles et Strasbourg. En outre, Jarnac ne peut être considéré valablement comme le siège social de l'entreprise. Il n'est pas allégué que Monsieur X..., domicilié en région parisienne ait jamais travaillé à Jarnac.
Dès lors, Madame Z... en convoquant son salarié à Jarnac, a considéré de manière inapropriée que le lieu de sa permanence pouvait être assimilé au siège social de l'entreprise et a abusivement imposé la tenue de l'entretien préalable dans un lieu qui n'était pas celui où s'accomplissait la prestation de travail.
Cette irrégularité a nécessairement causé un préjudice à Monsieur X... qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité que la Cour fixe à 3. 000 € et qui par sa nature non salariale ne peut donner lieu à congés payés afférents.

Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur le treizième mois
Il ressort des attestations fournies par l'association qui gère les bulletins de paie de Monsieur X... que le treizième mois lui a bien été réglé en 2004.
Pour ce qui est de l'année 2006, son licenciement étant intervenu pour faute grave, il n'a accompli aucune prestation de travail sur cette année et ne peut prétendre à un treizième mois sur cette année.
Le jugement qui l'a débouté de ses demandes sera confirmé.
Sur les heures supplémentaires
Si Monsieur X... produit des éléments pour démontrer l'amplitude de ses journées de travail, il n'en demeure pas moins qu'il disposait d'une rémunération élevée et d'une très grande liberté d'organisation, lui- même insistant sur les absences de son employeur.
Dès lors, Monsieur X... ne peut établir que les heures de travail dont il réclame le paiement se situent en dehors de ses heures légales et ont été faites à la demande expresse de l'employeur.
L'équité commande de ne pas allouer d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Réforme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande de dommages- intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et statuant à nouveau :
Condamne Madame Z... à lui verser 3. 000 € (trois mille euros) de dommages- intérêts pour procédure irrégulière de licenciement.
Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions.
Dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Met les dépens de la procédure de première instance et d'appel à la charge de Madame Z....
Signé par Madame Marie- Paule DESCARD- MAZABRAUD, Président, et par Mademoiselle Françoise ATCHOARENA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F. ATCHOARENA M- P. DESCARD- MAZABRAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07/01802
Date de la décision : 03/06/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Cognac, 26 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-06-03;07.01802 ?
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