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22/05/2008 | FRANCE | N°07/02236

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 22 mai 2008, 07/02236


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 22 mai 2008
(Rédacteur : Monsieur Patrick GABORIAU, Conseiller)

IT

No de rôle : 07 / 02236

Madame Annie Michèle Y... divorcée Z... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2007 / 7673 du 07 / 06 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c /

Madame Paule A... épouse X... Monsieur Philippe, Jean, François A...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :
aux avouésDécisio

n déférée à la Cour : jugement rendu le 04 avril 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 22 mai 2008
(Rédacteur : Monsieur Patrick GABORIAU, Conseiller)

IT

No de rôle : 07 / 02236

Madame Annie Michèle Y... divorcée Z... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2007 / 7673 du 07 / 06 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c /

Madame Paule A... épouse X... Monsieur Philippe, Jean, François A...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :
aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 avril 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 30 avril 2007

APPELANTE :

Madame Annie Michèle Y... divorcée Z... née le 11 Février 1944 à PLASSAC (33390) de nationalité française Profession : Femme de ménage demeurant ...

Représentée par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour assistée de Maître EXSHAW avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Madame Paule A... épouse X... née le 10 Mai 1937 à BORDEAUX (33000) de nationalité française demeurant ...

Monsieur Philippe, Jean, François A... né le 04 Novembre 1956 à TALENCE (33400) de nationalité française Profession : Employé demeurant ...
Représentés par la SCP Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, avoués à la Cour assistés de Maître COURTECUISSE avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 mars 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrick GABORIAU, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Edith O'YL, Conseiller, Monsieur Pierre LEROUX, Conseiller,. qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame Annie Y... et Monsieur Francis A... amis d'enfance domiciliés dans la région de BLAYE, ont entretenu des relations amoureuses entre 1994 et 1996 date à laquelle ils y ont mis fin d'un commun accord, conservant une complicité sentimentale qui a amené Madame Annie Y... à confier à Monsieur Francis A... qu'elle entretenait une liaison avec Monsieur Jean-Marie D... à partir d'août 1999.
A partir de cette confidence, Madame Annie Y... entre le 21 août 1999 et le 27 novembre 2000 a reçu 14 lettres anonymes et une enveloppe contenant un cadavre de souris et a fait l'objet d'appels téléphoniques malveillants entre 1999 et 2001.
Ces actes ainsi que des dégradations sur son véhicule et son immeuble ont conduit Madame Annie Y... après de multiples plaintes non suivies d'effet à déposer une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des Juges d'Instruction.
Par ordonnance du 30 juin 2003, Monsieur Francis A... qui avait dans le cours de la procédure pénale, avoué être l'auteur des lettres anonymes et des communications téléphoniques malveillantes destinées à son ancienne amie, a été renvoyé devant le Tribunal Correctionnel de BORDEAUX pour ces faits et devait comparaître à l'audience du 26 novembre 2003 date à laquelle il s'est volontairement donné la mort.
Par jugement du 28 janvier 2004, le Tribunal Correctionnel de BORDEAUX a constaté le décès du prévenu et déclaré l'action publique éteinte.
Monsieur Francis A... ayant laissé à sa succession ses soeur et frère, Madame Annie Y... qui n'avait pu se constituer partie civile et obtenir l'indemnisation de son préjudice en raison du décès du prévenu a, par exploits d'huissier des 2 et 16 novembre 2004, fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX les deux héritiers, Madame Paule A... épouse X... et Monsieur Philippe A... afin d'obtenir sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil cette indemnisation qu'elle évaluait à 38 000 euros.
Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 4 avril 2007 qui a, entre autres dispositions,
- condamné in solidum les deux héritiers à payer à Madame Annie Y... la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné in solidum Madame Paule A... épouse X... et Monsieur Philippe A... aux dépens.
Vu l'appel limité au chef du jugement ayant statué sur le montant des dommages et intérêts régulièrement interjeté contre cette décision le 30 avril 2007par madame Annie Y....
Vu les conclusions signifiées et déposées au greffe de la Cour :
- le 28 février 2008 par l'Appelante qui reprend ses demandes initiales, et le remboursement de ses frais non compris dans les dépens.
- le 11 février 2008 par les Intimés qui, faisant valoir l'absence de lien de causalité entre la faute de leur frère et le prétendu préjudice de Madame Y... d'une part et l'inexistence de ce préjudice d'autre part, concluent au rejet des demandes de l'appelante et à sa condamnation à leur payer une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 5 mars 2008.
La Cour demeure saisie du litige dans les termes suivants, en application des dispositions de l'article 1382 du code civil qui exige une faute, un préjudice et une relation causale entre ladite faute et le préjudice.

Sur l'existence d'une faute de Francis A... :

L'existence de cette faute n'est plus contestée aujourd'hui par les intimés et résulte abondamment à la fois du propre aveu de Francis A... qui a reconnu à plusieurs reprises être l'auteur des lettres et envoi anonymes ainsi que des communications téléphoniques malveillantes à destination de Madame Y... et de la production des dites lettres.

Cette faute ressort non seulement de l'envoi anonyme de nombreux courriers mais également de leur contenu particulièrement ordurier pour Madame Y... qui, à très juste titre, s'est sentie injuriée et avilie eu égard aux termes employés mais également aux moeurs et pratiques sexuelles qui lui étaient prêtées portant ainsi gravement atteinte à sa dignité de femme et entraînant pour elle un dommage physique, social et psychologique non négligeables.

Sur le préjudice de Madame Y... :

Ce préjudice est particulièrement mis en évidence par la remarquable attestation de ses employeurs Monsieur et Madame F... en date du 4 février 2003 qui l'employaient comme femme de ménage depuis de nombreuses années et l'estimant en raison de ses compétences et qualités d'honnêteté et de tact notamment ont ressenti chez elle une modification de son attitude non à leur égard mais se manifestant par un certain rembrunissement et une certaine tristesse de plus en plus visibles dans la période où Madame Y... était sous le coup d'un choc émotif, renouvelé par la réitération des envois de lettres et de communications téléphoniques véritables agressions de nature à la plonger dans un désarroi profond.

Ce préjudice est d'autant plus réel que Madame Y... avait une totale confiance en Francis A... qu'elle considérait comme son ami et son confident et qu'elle ne pouvait imaginer que l'intéressé qui lui faisait des cadeaux et lui rendait service le jour puisse, comme elle l'a dit, se livrer la nuit à des actes de malveillance à son égard.
Ce désarroi source d'un préjudice tout à fait compréhensible est parfaitement visible dans le rapport d'examen psychologique de Madame Y... établi par l'expert psychologue Madame G... le 10 février 2003.
Cet examen a révélé que l'intéressée avait été fortement traumatisée par les agressions qu'elle avait subies de la part de Monsieur Francis A... au point de réveiller une souffrance que des défenses rigides ne lui permettaient pas forcément d'évacuer mais qui l'aidaient sans doute à la mettre à distance,
que ces faits avaient entraîné pour elle des troubles psychiques importants.

Sur la relation causale entre la faute de Monsieur A... et le dommage de Madame Y... :

Les consorts A... font valoir que la déstabilisation psychique est la résultante d'un état mental antérieur qui était perturbé.

Il convient cependant de relever,
que les failles de l'édification de la personnalité de Madame Y... et sa souffrance auxquelles fait allusion Madame G... dans son expertise psychiatrique étaient parfaitement maîtrisées et mises à distance par des dépenses rigides qu'avait su édifier l'intéressée désarmée et en plein désarroi depuis les actes de Monsieur Francis A...
qu'avant ces faits, comme le souligne l'expert, Madame Y... avait su surmonter ses carences affectives,
que les époux F... dans leur attestation du 4 février 2003 font état d'une personnalité équilibrée dévouée, gentille, délicate et sensible confirmant ainsi que le désarroi et la dépression de Madame Y... après les faits de Monsieur A... résultent directement de ceux-ci et n'auraient pas eu lieu sans ces actes réitérés et particulièrement déstabilisants.
C'est donc à bon droit, que les premiers juges ont retenu la faute, le dommage et la relation causale entre les deux.
Eu égard à ce qui précède, à la gravité des faits reconnus par Monsieur Francis A... et à leur impact psychologique très important sur Madame Y..., il convient d'allouer à celle-ci à titre d'indemnisation et non de réparation une somme globale de 10 000 euros et de réformer en conséquence, sur ce point seul la décision déférée.

Sur les frais de procédure :

Madame Y... qui bénéficie de l'aide judiciaire partielle recevra une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel.

Les intimés qui succombent seront condamnés aux dépens d'appel et déboutés de leurs demandes devant la Cour.

PAR CES MOTIFS : LA COUR

Vu l'article 1382 du code civil.

Confirme dans la limite de sa saisine la décision déférée à l'exception de la disposition portant sur les dommages et intérêts alloués à Madame Annie Y... élevés à la somme de 10 000 euros.
Condamne in solidum Madame Paule A... épouse X... et Monsieur Philippe A... à payer à Madame Annie Y... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Condamne in solidum Madame Paule A... épouse X... et Monsieur Philippe A... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick GABORIAU, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Hervé GOUDOT Patrick GABORIAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 07/02236
Date de la décision : 22/05/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 04 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-05-22;07.02236 ?
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