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18/04/2008 | FRANCE | N°07/00971

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 18 avril 2008, 07/00971


COUR D' APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 18 avril 2008

(Rédacteur : Madame Edith O' YL, Conseiller)

No de rôle : 07 / 00971

IT

L' ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG
Madame Colette X... épouse Y...

c /

Monsieur Yves Y...
Madame Sylvie Z... épouse Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 janvier 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant décla

ration d' appel du 22 février 2007

APPELANTS :

L' ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, venant aux droits et
obligations de l' ETABLISSEMENT F...

COUR D' APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 18 avril 2008

(Rédacteur : Madame Edith O' YL, Conseiller)

No de rôle : 07 / 00971

IT

L' ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG
Madame Colette X... épouse Y...

c /

Monsieur Yves Y...
Madame Sylvie Z... épouse Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 janvier 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d' appel du 22 février 2007

APPELANTS :

L' ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, venant aux droits et
obligations de l' ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, 20, avenue du Stade de France 93218 LA PLAINE SAINT DENIS CEDEX

Représenté par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour assisté de Maître RAVAUT avocat au barreau de BORDEAUX

Madame Colette X... veuve Y..., agissant en son nom personnel et en qualité d' héritière de son mari Monsieur Charles Y...
née le 03 Juillet 1936 à HENDAYE (64100) de nationalité française demeurant... 64600 ANGLET

Représentée par la SCP CASTEJA- CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour assistée de Maître LOYCE- CONTY avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur Yves Y... né à BAYONNE (64100) de nationalité
française demeurant... 33400 TALENCE

Représenté par la SCP CASTEJA- CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour assisté de Maître LOYCE- CONTY avocat au barreau de BORDEAUX

Madame Sylvie Z... épouse Y... née le 06 Mai 1960 à BAYONNE (64100) de nationalité française demeurant... 33140 VILLENAVE D' ORNON

Représentée par la SCP CASTEJA- CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour assistée de Maître LOYCE- CONTY avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L' affaire a été débattue le 20 février 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,
Madame Josiane COLL, Conseiller,
Madame Edith O' YL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date
du 17 janvier 2007.

Vu l' appel interjeté le 22 février 2007 par L' ETABLISSEMENT
FRANÇAIS DU SANG (EFS) venant aux droits de l' ETABLISSEMENT
FRANÇAIS DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN.

Vu ses conclusions récapitulatives déposées au greffe de la cour et
signifiées le 23 janvier.

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 7
janvier 2008 par Madame Colette Y..., Madame Sylvie
Z... et Monsieur Yves Y... qui interviennent
volontairement aux débats à la suite du décès de Monsieur Charles
Y... et forment appel incident.

Vu l' ordonnance de clôture en date du 6 février 2008.

*
* *

Il convient à titre liminaire de recevoir en leur intervention volontaire Madame Colette Y..., Madame Sylvie Z... et Monsieur Yves Y... en leur qualité d' ayants droit de Monsieur Charles Y... décédé le 20 février 2007 ;

Des examens pratiqués avant une intervention chirurgicale qu' il devait subir ayant mis en évidence une hémophilie atténuée, Monsieur Charles Y... a reçu le 9 février 1983 des transfusions de facteur VIII au CRTS de BORDEAUX et a présenté dès le 11 mars 1983 une hépatite aiguë, dénommée alors non A non B, qui a conduit au report de l' intervention au mois de novembre 1983 ; avant celle – ci, le 25 novembre 1983, il a de nouveau reçu des produits sanguins de facteur VIII ;

Des tests pratiqués le 5 août 1985 ont révélé que Monsieur Y... était atteint par le virus HIV tandis que des tests pratiqués le 20 septembre 1991 ont révélé qu' il était atteint d' une hépatite C ;

Monsieur Y... qui a été indemnisé de son préjudice lié à sa contamination par le HIV par le fonds d' indemnisation des transfusés et hémophiles, a, après avoir obtenu en référé la désignation du professeur A..., saisi avec son épouse en responsabilité et indemnisation le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX qui par la décision critiquée a :

- déclaré l' EFSAL responsable de la contamination de Monsieur Y...
par le virus de l' hépatite C
- condamné l' EFSAL à payer à Monsieur Y... la somme de 150 000 € en réparation de son préjudice de contamination
- sursis à statuer sur son préjudice soumis au recours des organismes sociaux
- condamné l' EFSAL à payer à Madame Y... la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral
- dit que la MACSF ne devait pas sa garantie à l' EFSAL
- fait application des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile
- ordonné l' exécution provisoire.

L' EFS, qui ne conteste pas sa responsabilité dans la contamination de Monsieur Y... par le virus de l' hépatite C, estime que la somme de 150 000 € qui lui a été allouée en réparation de son préjudice de contamination est excessive et estime que celui- ci sera justement indemnisé par l' allocation d' une somme de 7000 € ;

Madame Colette Y..., qui forme appel incident, demande que le préjudice de contamination de son défunt époux soit fixé à la somme de 200 000 € et que son propre préjudice moral soit évalué à celle de 70 000 €, tandis que Madame Sylvie Z... et Monsieur Yves Y..., enfants de Monsieur Charles Y..., demandent la condamnation de l' EFS à leur payer chacun une somme de 30 000 € en réparation de leur préjudice moral ;

Sur le préjudice de contamination :

Le lien de causalité entre les transfusions effectuées en 1983 et l' hépatite C dont est atteint Monsieur Y... n' est plus contesté ;

Monsieur Y..., né le 23 juin 1934, lorsqu' il a été examiné par le professeur A... présentait une hépatite C au stade de la cirrhose confirmée avec une atteinte virale évolutive et cytolyse chronique ;

Cette hépatite, est survenue trois semaines après qu' il ait été transfusé, soit le 2 mars 1983, lors l' épisode d' hépatite aiguë qualifiée alors de non A non B, et son diagnostic exact a été posé le 20 septembre 1991 ;

Il est constant que lors des transfusions qu' il a subies en 1983 Monsieur Y... a aussi été contaminé par le VIH ; toutefois il résulte des conclusions expertales que la bithérapie mise en place en 1987 a permis de maitriser cette infection qui est restée sans expression clinique mais qui néanmoins a entraîné une immunodépression modérée ; par ailleurs il est établi qu' il souffrait depuis une dizaine d' années d' hypertension traitée par l' association de cinq médicaments ;

Monsieur Y... selon l' expert a subi plusieurs traitements qui n' ont pas réussi à éradiquer le virus de l' hépatite C :

- un traitement à l' interféron du 13 octobre 1993 au 19 octobre 1994
- un second traitement associant interféron retard et ribavérine du 4 octobre 2002 au 14 mars 2003 qui a généré des effets secondaires (anémie, hypotension) ;
Il justifie avoir subi en outre un traitement d' entretien antifibrosant au viraféron de février à novembre 2005 et de février à juin 2006 ;

L' expert judiciaire a relevé à cet effet qu' il n' y avait pas de traitement nouveau à envisager dans les cinq ans à venir, qu' il ne pouvait y avoir d' amélioration spontanée mais qu' une aggravation était en revanche possible ;

Dans ses conclusions qui ne font l' objet d' aucune critique, il a fixé ainsi que suit le préjudice de Monsieur Y... lié à la contamination par le virus C :

- incapacité temporaire totale (déficit temporaire total) du 7 mars au 15 avril 1983
- incapacité temporaire partielle (déficit temporaire partiel) de 15 % à partir du 16 avril 1983
- consolidation 14 mars 2003
- incapacité permanente partielle (déficit fonctionnel permanent) : 20 % caractérisée par une asthénie et une fatigue importantes
- souffrances endurées : 3 / 7 ;

L' indemnité allouée au titre du préjudice spécifique de contamination a pour objet de réparer l' ensemble des préjudices de caractère personnel subis par le victime et résultant notamment du fait pour celle- ci de se savoir atteinte d' une pathologie évolutive pouvant mettre en jeu à plus ou moins brève échéance le pronostic vital, des perturbations générées dans sa vie personnelle et sociale, du préjudice d' agrément ainsi que des souffrances endurées et de leur crainte ;

D' une part le fait que Monsieur Y... ait été âgé de 72 ans lorsque le premier juge a statué ne doit pas conduire à réduire cette indemnité ; c' est depuis 1983 que celui- ci savait souffrir de cette maladie et a vécu avec la menace de son évolution vers une issue fatale ; cette angoisse qui s' est donc prolongée sur plus de vingt ans doit être réparée à proportion de sa durée ;

D' autre part, les souffrances liées à sa maladie, les quatre traitements qu' il a subis, difficiles à supporter et qui ont généré des effets secondaires non négligeables, doivent aussi être justement réparés ;

De même il s' induit nécessairement de l' infection dont il était atteint que Monsieur Y... a subi pendant de trop longues années des perturbations inévitables dans sa vie familiale et sociale et dans ses activités de loisirs ;

Enfin il ne peut être soutenu que réparer ce chef de préjudice revient à réparer le déficit fonctionnel permanent sur lequel le premier juge a sursis à statuer : si l' indemnité réparant un tel préjudice inclut les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques objectivement liées à l' atteinte séquellaire, elle n' inclut ni les souffrances endurées avant consolidation, ni le préjudice d' agrément ni le fait de se savoir atteint par une pathologie évolutive non maitrisée ;

Ce préjudice sera justement réparé par l' allocation d' une somme de 60 000 € ;

Sur le préjudice moral de Madame veuve Y... et des deux enfants issus de son union avec Monsieur Charles Y... :

Monsieur Charles Y... est décédé le 20 février 2007 de mort naturelle selon le certificat médical versé aux débats ; aucun élément ne permet donc d' affirmer qu' il soit décédé des suites de l' hépatite C qu' il a contractée à la suite des transfusions pratiquées en 1983 ;

En revanche il est certain que Madame Y... qui a accompagné son époux tout au long de sa maladie, l' a vu souffrir et a partagé ses angoisses quant à l' avenir, a subi un préjudice moral indéniable que la somme de 20 000 € réparera justement ;

Madame Sylvie Z... née en 1960 et Yves Y... né en 1961 avaient respectivement 23 et 22 ans et poursuivaient des études universitaires lorsque leur père a été contaminé par le virus de l' hépatite C ; s' ils n' étaient pas présents au foyer familial lors de la déclaration de la maladie et de son évolution, il n' en demeure pas moins que de voir leur père malade et de le savoir atteint par cette pathologie évolutive est à l' origine pour chacun d' entre eux d' un préjudice moral qu' une somme de 4000 € indemnisera ;

Sur les demandes annexes :

L' équité ne commande pas de faire application des dispositions de
l' article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant dans les limites de l' appel.

- Reçoit en leurs interventions volontaires, Madame Colette Y..., Madame Sylvie Z... et Monsieur Yves Y...

- Réforme le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 17 janvier 2007 en ce qu' il a condamné l' EFS à payer à Monsieur Charles Y... une somme de 150 000 € en réparation de son préjudice de contamination et la somme de 10 000 € en réparation du préjudice d' affection de Madame Colette Y....

Statuant à nouveau,

- Condamne l' EFS à payer à Madame Colette Y..., Madame Sylvie Z... et Monsieur Yves Y... la somme de 60 000 € en réparation du préjudice de contamination subi par Monsieur Charles Y....

- Condamne l' EFS à payer à Madame Colette Y... la somme de 20 000 €, à Madame Sylvie Z... la somme de 4000 € et à Monsieur Yves Y... la somme de 5000 € en réparation de leur préjudice d' affection.

- Dit n' y avoir lieu à application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile

- Confirme le jugement déféré pour le surplus

- Dit que les parties conserveront à leur charge les dépens qu' elles ont exposés
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Hervé GOUDOT Robert MIORI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 07/00971
Date de la décision : 18/04/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-04-18;07.00971 ?
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