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17/04/2008 | FRANCE | N°07/4418

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale, 17 avril 2008, 07/4418


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 17 Avril 2008

CHAMBRE SOCIALE- SECTION B

PRUD'HOMMES

No de rôle : 07 / 4418

Monsieur Christian X...

c /

LA SAS DE LAMA
prise en la personne de son représentant légal,

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'hui

ssier)

Certifié par le Greffier en Chef

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les p...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

----------------------------------------------

pp

Le : 17 Avril 2008

CHAMBRE SOCIALE- SECTION B

PRUD'HOMMES

No de rôle : 07 / 4418

Monsieur Christian X...

c /

LA SAS DE LAMA
prise en la personne de son représentant légal,

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier)

Certifié par le Greffier en Chef

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 17 Avril 2008

Par Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président,
en présence de Madame Chantal TAMISIER, Greffier,

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

Monsieur Christian X..., demeurant ...

Représenté par Maître Marie- Claude BARRAILLE, SCP Patrice REBOUL, avocats au barreau de PÉRIGUEUX,

Appelant d'un jugement (R. G. F 04 / 00181) rendu le 17 janvier 2005 par le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC, Section Industrie, suivant déclaration d'appel en date du 15 février 2005,

à :

LA SAS DE LAMA, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social Route de Souillac- CARSAC-24200 SARLAT LA CANEDA,

Représentée par Maître Maxence DUCELLIER, SELAFA BARHELEMY et ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX,

Intimée,

rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 31 Janvier 2008, devant :

Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président,
Monsieur Eric VEYSSIERE, Conseiller,
Monsieur Claude BERTHOMME, Conseiller,
Madame Nathalie BELINGHERI, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci- dessus désignés.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS DE LAMA (la SAS) a pour objet la production de liens de cerclage et sangles en textiles composites, de fils et câbles pour l'agriculture, pour lieu d'exploitation Sarlat, pour PDG Monsieur Y..., elle emploie moins de 50 salariés ;
jusqu'en septembre 2000 elle a appliqué la convention collective de l'industrie textile, et à partir de cette date celle de la plasturgie ;
l'article 14 de cette dernière convention prévoit le paiement d'une prime d'ancienneté qui n'a pas été réglée.

Par lettres recommandées du 03 mai 2004, 23 salariés ont réclamé le paiement de cette prime.

Par lettre du 10 mai 2004 la SAS a écrit à son comptable, la Société ECE chargée de l'établissement de la paie, pour lui demander les raisons techniques ou juridiques pour lesquelles la prime d'ancienneté ne figure pas sur les feuilles de paie. .

Par lettre du 17 mai 2004 ECE a répondu que la prime d'ancienneté était due, précisant le fait d'avoir un salaire supérieur à un salaire conventionnel majoré de la prime d'ancienneté n'est pas suffisant pour démontrer que la prime a bien été réglée... en cas de contentieux social il est raisonnable de penser que les salariés auront gain de cause ,
ajoutant effectuer une déclaration de sinistre auprès de son propre assureur.

Le 26 mai 2004 la SAS a pourtant écrit aux salariés que selon la convention collective de la plasturgie les primes d'ancienneté peuvent être incluses dans le montant brut des salaires et que la présentation du bulletin de salaire du mois de mai serait seulement modifiée.

Le 21 juin 2004, selon le rapport du médiateur désigné par la suite, Monsieur Z..., directeur commercial de la SAS, a lu aux salariés le communiqué de la direction suivant :
Il a été décidé que les salariés ne peuvent pas prétendre à la fois faire partie de l'équipe DE LAMA et en même temps faire un procès à la Société DE LAMA. Les deux positions sont antinomiques et incompatibles. Les salariés qui le désirent sont libres d'engager une procédure devant le Tribunal mais en ce qui nous concerne, nous ne conserverons pas ces personnes dans notre équipe. Donc des procédures individuelles de licenciement seront engagées car il n'est pas concevable de travailler normalement avec une personne qui vous fait un procès. .

Le 12 juillet 2004, de nombreux salariés se sont mis en grève.

Le 1er septembre 2004 les salariés en grève ont attesté que Monsieur Y... leur avait adressé les propos suivants le 16 juillet 2004 :

Vous êtes tous des cons, vous n'obtiendrez rien de moi, je vous dois rien, vous passerez sous ma toise et vous me demanderez à genoux du travail, je vous éliminerai tous un par un et trouverai un motif pour chacun. .

Le 16 juillet 2004, les salariés en grève ont écrit :
DE LAMA la grève continue, le grand ménage prend de l'ampleur,... en grève depuis lundi 12 juillet ils réclament l'ouverture de négociations pour le paiement de la prime d'ancienneté et la réintégration d'une collègue licenciée, pour s'être un peu trop impliquée dans le mouvement... toute tentative des salariés et de leur représentant syndical pour engager un réel dialogue a échoué... coup de théâtre... tous les grévistes ont eu la mauvaise surprise d'apprendre que chacun d'entre eux, 18 personnes, avait reçu une lettre recommandée, les invitant à un entretien préalable à un éventuel licenciement... les menaces sont donc mises à exécution. .

Par lettre du 29 juillet 2004 la SAS a informé ses salariés que les rappels de prime d'ancienneté seraient réglés ce qui fut fait sur le bulletin de salaire d'août 2004.

Par lettre du 29 juillet 2004 " l'union locale CGT " a écrit " malgré le courrier qui a été remis ce matin aux grévistes par le directeur commercial de la Société DE LAMA, les salariés reprendront le travail uniquement si Monsieur Y... signe le protocole de fin de conflit qui lui a été remis en main propre le lundi 26 juillet, qui sera déposé à la DDTE et au Conseil de prud'hommes ",
et précise que la SAS ne s'était pas engagée à appliquer la convention collective pour l'avenir, à payer les jours de grève, à organiser les élections des délégués du personnel, à arrêter les procédures engagées contre les salariés.

La SAS a fermé pour congés pendant le mois d'août.

Le 23 août 2004 " la section syndicale CGT DE LAMA " a écrit " Après trois semaines de congés payés la grève se poursuit ", dénonçant les méthodes de Monsieur Y..., le licenciement d'un nouveau salarié, ses propositions financières pour mettre fin aux contrats de certains des salariés.

Par lettre du 26 août 2004 la SAS a notifié à ses salariés qu'à compter du 1er janvier 2005 la convention collective applicable sera celle de l'industrie textile.

Le 30 août 2004 une grande partie des salariés a repris la grève, subordonnant la reprise du travail à :
la rectification des bulletins de paie,
l'organisation d'élection de délégués des personnels,
la signature d'un protocole de fin de conflit,
et protestant contre les licenciements en cours et à venir.

Le 10 septembre 2004, le Préfet de la Dordogne a désigné Monsieur A..., directeur de recherche au CNRS, directeur du centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale de l'Université MONTESQUIEU, Bordeaux IV en qualité de médiateur ;
il a établi des recommandations le 19 septembre 2004 puis un rapport le 20 septembre 2004,
il a constaté que Monsieur Y... s'opposait à toute conciliation et avait déclaré pour nous il n'est pas question de reprendre ces gens là mais il s'agit dorénavant de se séparer d'eux par des moyens légaux... ,
il a effectué des propositions pour une solution au conflit.

Le 28 septembre 2004 Monsieur Y... a répondu à Monsieur A... : Quand on lit votre rapport on comprend pourquoi la CGT a demandé l'intervention d'un médiateur. Votre rapport ne présente pas l'objectivité requise par l'exercice et laisse apparaître un parti pris manifeste... votre culture ne vous permet pas de concevoir la liberté d'embaucher et de débaucher, principe fondamental de toutes les économies libérales... .

La grève a perduré,
les manifestations aussi jusqu'à février 2005,
beaucoup des salariés grévistes ont été licenciés.

Le 21 septembre 2004 Monsieur B..., délégué syndical CGT et le personnel gréviste de la Société DE LAMA ont écrit au médiateur, accepter ses propositions sauf à demander un rappel de prime d'ancienneté antérieurement à septembre 2000, à obtenir la rectification des bulletins de salaire, à préciser que la signature d'un protocole de fin de conflit par un membre de l'union locale CGT ne constituait pas une condition, que devait être élaboré un protocole électoral pour l'élection des délégués du personnel.

Ces événements ont donné lieu a plusieurs procédures.

Par arrêt du 27 juin 2005 la présente Cour, statuant sur la demande de la SAS tendant à voir déclarer la grève illicite, a confirmé les ordonnances de référé du Président du Tribunal de grande instance de Bergerac des 08 octobre et 05 novembre 2004 ayant dit n'y avoir lieu d'ordonner la libération des accès au lieu de travail aux abords de l'entreprise de la SAS, et déclaré irrecevable la demande de cette dernière tendant à voir dire la grève illicite.

Par arrêts des 02 mars et 20 septembre 2006, la chambre correctionnelle de la présente Cour a condamné Monsieur Y... du chef d'entrave à la liberté de réunion et de manifestation rappelant : qu'il convient encore d'ajouter qu'il résulte de la procédure et notamment des déclarations de Sylvain et Jacques C... que c'est avec l'assentiment et le soutien de Y... que ceux- ci ont déversé le contenu d'une tonne de lisier d'une capacité de 2. 000 litres à proximité immédiate du portail d'entrée de l'usine lieu où se tenaient les grévistes de l'entreprise afin que l'odeur pestilentielle dégagée les incite à se déplacer.

Que de même l'intervention de Y... Gérard ayant consisté à renverser les tables et chaises utilisées par les grévistes, constitue au même titre que le déversement de purin, une voie de fait qui caractérise l'infraction reprochée. .
et déclaré bien fondées les constitutions de partie civile de l'UD CGT et des salariés grévistes.

Le 04 août 2004, Monsieur X... qui avait été engagé le 26 juin 1989 a saisi le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC d'une demande tendant à des rappels de salaires et de prime d'ancienneté.

Par jugement du 17 janvier 2005, le Conseil de Prud'hommes a statué ainsi :
- ordonne à la SAS DE LAMA de remettre à Monsieur X... Christian les bulletins de salaire rectifiés depuis le 01 septembre 2000 dans un délai de 15 jours à partir de la notification de la présente décision et ce sous astreinte de 10 euros (DIX EUROS) par jour de retard au delà du 15 ème jour.
Le Conseil de Prud'hommes se réserve le droit de liquider l'astreinte.
- condamne la SAS DE LAMA à verser à Monsieur X... Christian au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS).
- déboute Monsieur X... Christian de toutes ses autres demandes.
- déboute la SAS DE LAMA de ses demandes reconventionnelles... .

Par lettre du 06 février 2005, la SAS a notifié à Monsieur X... son licenciement pour les motifs suivants :

Monsieur X... a alors sollicité sa réintégration.

Monsieur X... a interjeté régulièrement appel du jugement du 17 janvier 2005 ;
cet appel enrôlé sous le no 05 / 999 a été radié puis ré- enrôlé sous le no 07 / 4418.

Par conclusions écrites et développées à l'audience, Monsieur X... demande à la cour de :
Dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur Christian X... à l'encontre du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC le 17 janvier 2005,
Constater que les salariés grévistes de la société DE LAMA n'ont pas abusé du droit de grève,

En conséquence, Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC,
Statuant à nouveau, Dire et juger nul et nul effet le licenciement pour faute
lourde notifié à Monsieur Christian X... le 08 février 2005 puisque contraire aux dispositions combinées des articles L. 122-45 et L. 521-1 du Code du Travail.
En conséquence,
Condamner la SAS DE LAMA prise en la personne de son représentant légal à payer à Monsieur Christian X... les sommes suivantes :
* 68. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
* 6. 107, 35 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 3. 770, 22 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
377, 02 € au titre des congés payés sur préavis,
* 11. 022, 29 € au titre de salaire des jours de grève du 12 juillet 2004 au 08 février 2005,
* 11. 845, 30 € au titre de l'application de la clause de non concurrence,
* 1. 578, 20 € au titre des arriérés de prime d'ancienneté,
* 2. 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Ordonner la remise sous astreinte de bulletins de paie rectifiés depuis le 1er janvier 1998 sous astreinte de 10 € par bulletins de paie et par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,
Dire que les sommes mises à la charge de la SAS DE LAMA seront assorties d'intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du Conseil de Prud'hommes de BERGERAC (4 août 2004)... .

De son côté la SAS, par conclusions écrites et développées à l'audience, demande à la cour de :
Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de BERGERAC en date du 17 janvier 2005,
Dire que seule la Convention Collective de l'Industrie Textile trouvait à s'appliquer à la société DE LAMA entre les années 2000 et 2005,
Confirmer le caractère illicite du mouvement de grève, à compter du 29 juillet 2004,
Dire le licenciement de Monsieur X... fondé sur une faute lourde.
A titre principal, Débouter Monsieur X... de :
- sa demande au titre d'un licenciement abusif :
* paiement d'un préavis,
* paiement de congés payés sur préavis,
* paiement de 68. 000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- sa demande de paiement de prime d'ancienneté entre août 1999 et août 2000,
- sa demande de remise sous astreinte de bulletins de paie rectifiés depuis le 1er janvier 1998.
Dire que la prime de confidentialité se calcule sur le salaire net et non sur le salaire brut et de dire que le montant de cette indemnité ne saurait excéder 9. 851, 57 €.
Débouter Monsieur X... de toutes ses autres demandes.

Sur les demandes reconventionnelles de la société DE LAMA, Condamner Monsieur X... au remboursement du rappel de prime d'ancienneté payée au mois d'août 2004 pour une valeur nette de 5. 694, 75 €,
Le condamner au paiement de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Le condamner aux entiers dépens.
A titre subsidiaire En ce qui concerne la demande en paiement des jours de grève, il plaira à la cour de débouter Monsieur X... de sa demande à compter du 29 juillet 2004, date de l'annonce du paiement des primes d'ancienneté à l'ensemble du personnel.
Dire que l'indemnité de licenciement ne peut être calculée que selon les dispositions de la Convention Collective de l'industrie textile, soit pour un montant de 3. 711, 31 € .

DISCUSSION

Sur le licenciement

Par application de l'article L. 521-1 du Code du travail la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde du salarié ;
la faute lourde est définie comme celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à son employeur ;
il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute lourde énoncée dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

En l'espèce le licenciement s'inscrit dans le cadre d'une grève dont le caractère licite est discuté.

Sur le caractère licite ou abusif de la grève et de sa poursuite

Le conflit est né de la revendication par un grand nombre de salariés de l'application des dispositions de la convention collective de la plasturgie relatives à la prime d'ancienneté,
cette prime était due en l'état du droit alors applicable antérieurement aux arrêts de la cour de Cassation du 15 novembre 2007,
et l'employeur en a très tardivement convenu après le déclenchement de la grève le 12 juillet 2004 seulement par son courrier du 29 juillet 2004, avant la prise des congés en août et la fermeture de l'entreprise,
jusqu'au 29 juillet 2004 la grève était manifestement licite.
A la réouverture de l'entreprise malgré l'octroi de la prime d'ancienneté payée selon le bulletin de salaire du mois d'août, la grève s'est poursuivie.
Il ressort de l'exposé des faits plus haut reproduit que le comportement de l'employeur avait exacerbé les passions,
et les salariés étaient fondés à demander :
- la rectification des bulletins de salaire, conséquence du paiement de

la prime d'ancienneté qui n'a été tardivement réalisée qu'en 2005,
- l'organisation d'élections de délégués du personnel, aucun processus électoral n'ayant été engagé depuis plus de 10 ans,
- l'établissement d'un protocole de sortie de grève, les licenciements se poursuivant dans le cadre de la politique décidée par la S. A. S. de se séparer, par tous les moyens, des salariés âgés et / ou grévistes,
le médiateur ayant noté à cet égard dans son rapport : Aux revendications de départ et de fin de conflit est venue s'ajouter centralement celle du respect non pas du droit formel de grève, mais de l'exercice effectif d'un droit constitutionnellement reconnu à tout salarié ; la question est tout simplement celle de la continuation des contrats de travail des deux tiers des salariés grévistes ; au 15 septembre et au 34ème jour de grève, il y avait 5 personnes licenciées et 7 autres convoquées à un entretien préalable de licenciement.
Nous sommes de ce point de vue devant un cas de figure aussi exceptionnel qu'évident, Monsieur Y... a, parmi ses qualités, celle d'affirmer aussi bien par écrit qu'à l'oral, ses objectifs et singulièrement son projet d'exclusion de la majorité en grève de son personnel dont l'ancienneté se situe entre 8 et 25 ans et qui, pour la première fois dans son entreprise, participe à une grève .
il s'ensuit que la poursuite de la grève était licite.

Reste donc à examiner le bien fondé des autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement.

Sur la distribution de tracts mensongers et diffamatoires à l'égard du fondateur de la S. A. S.

La SAS vise dans ses écritures et à l'audience les tracts des 15, 23 juillet et 23 août 2004.

Elle reproche au tract du 15 juillet de préciser pas de nouvelles du PDG , le bateau coule et le capitaine a déserté ,
celui du 23 juillet mentionne, selon l'employeur, à tort qu'une salariée, secrétaire trilingue, ne perçoit qu'un salaire net de 6. 400 francs par mois, alors qu'elle perçoit plus ;
aucun élément n'établit que le salarié ait été personnellement auteur de ces deux tracts ;
au demeurant les faits allégués, à les supposer même imputables au salarié, ne caractérisent pas la faute lourde au sens de la définition plus haut retenue.

La SAS fait enfin valoir que le tract du 23 août 2004 est particulièrement outrageant en ce qu'il emploie les termes " son argent sale " ;
elle justifie que par jugement du 28 juin 2005 le Tribunal correctionnel de Bergerac a condamné les salariés grévistes, dont le salarié, à ce titre pour injure publique ;

si effectivement les termes litigieux sont caractéristiques d'une faute, il convient de les resituer dans leur contexte,
en effet le contenu du tract révèle que les grévistes ont utilisé les termes litigieux non pas pour faire état de revenus occultes ou illicites, mais pour reprocher à l'employeur d'avoir proposé à un salarié qu'il envisageait de licencier, une transaction, de façon, à diviser les grévistes,
ce fait ne caractérise pas non plus une faute lourde.

Sur les arrêts de travail pour maladie

Il n'appartient pas à l'employeur d'apprécier la validité de ces arrêts à défaut d'avoir sollicité une contre visite ;
ce grief ne peut être retenu.

Le licenciement est donc nul et le salarié, qui ne demande pas sa réintégration, a droit à des dommages et intérêts au moins égaux à ceux prévus par l'article L. 122-14-4 du Code du Travail ; son préjudice sera fixé comme il suit au dispositif en l'absence de justification de sa situation après licenciement, la SAS précisant qu'il a retrouvé du travail en novembre 2006 auprès de l'entreprise SUTUREX REVODEX

Sur les dommages et intérêts sollicités par le salarié en réparation du préjudice causé par le non paiement des salaires pendant les jours de grève

Le salarié invoque le manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations,
toutefois, ce manquement, essentiellement le non paiement des primes, n'est pas suffisamment caractérisé par la violation d'un droit essentiel susceptible de justifier l'allocation de l'indemnité sollicitée

Sur la demande en répétition de l'indu présentée par la S. A. S. et la Convention Collective applicable entre septembre 2000 et décembre 2004

La S. A. S. poursuit à ce titre le remboursement du rappel de prime d'ancienneté payée au mois d'août 2004 faisant valoir :
- que c'est à tort que la cour de cassation estimait, avant son arrêt du 15 novembre 2007, que la mention d'une Convention Collective sur les bulletins de paie valait reconnaissance de l'application de la convention à l'entreprise,
- que la S. A. S. a payé cette prime, cédant aux pressions des salariés, d'autant qu'en l'état de la jurisprudence de l'époque, ces derniers pouvaient prendre acte de la rupture de leurs contrats de travail en cas de non paiement,

- que la S. A. S. n'a jamais appliqué volontairement la Convention Collective de la plasturgie, celle- ci ayant été mentionnée par l'erreur de son comptable chargé de l'édition des bulletins de paie,
- qu'en fait, elle n'a jamais appliqué aucune des dispositions de la Convention Collective, ne versant pas la prime d'ancienneté, les primes de panier de nuit, n'accordant pas les jours de congés supplémentaires à ses cadres,...,
- que personne n'a contesté la dénonciation de la Convention Collective de la plasturgie,
- que son activité principale entre, depuis le début de son activité, dans le cadre de la Convention Collective des textiles à nouveau appliquée sans discussion.

Toutefois, il doit être constaté :
- que la Convention Collective de la plasturgie a été appliquée par la S. A. S. volontairement ainsi qu'en font foi les mentions des bulletins de salaire,
- qu'un des indices du champ d'application d'une Convention Collective est l'activité de l'entreprise telle qu'elle résulte du code APE définissant celle- ci,
- que pendant tout le temps de l'application de la Convention Collective de la plasturgie, la S. A. S. a volontairement choisi un code APE entrant dans le champ d'application de la plasturgie,
- qu'en fait, pendant tout le temps de cette application, il est reconnu et établi que la S. A. S. avait une telle activité, l'enrobage par polyéthilène de sangles d'arrimage,
- qu'il n'est pas démontré, pendant la période litigieuse, que cette activité ait été accessoire, bien au contraire,
- qu'en effet, la S. A. S. a écrit le 26 mai 2004 à un salarié : A partir de 1998 notre société s'est orientée vers la fabrication de bandes de renforcement pour l'industrie plastique, avec notamment la fabrication des bandes pour le renforcement des tubes en PEHD, c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de changer de code APE a été fait débouté septembre 2000 ,
- que dans ces conditions, les salariés sont fondés à revendiquer la Convention Collective de la plasturgie pendant tout le temps de son application et il n'y a donc pas lieu à répétition de l'indu.

Sur les indemnités compensatrices de préavis et de licenciement

Le licenciement a été prononcé alors qu'était applicable dans l'entreprise depuis le 1er janvier 2005 la Convention Collective des textiles ; en l'absence d'éléments contraires, cette convention, ainsi que le soutient la SAS, doit être appliquée à partir de cette date et en particulier ses articles 55 et 58 dans les conditions qui suivent.

Sur la demande en paiement d'un rappel de prime d'ancienneté pour la période d'août 1999 à août 2000

Cette demande est fondée sur la reconnaissance faite par la lettre adressée aux salariés le 26 mai 2004 plus haut reproduite.

Sur la contrepartie financière de la clause de confidentialité

La SAS reconnaît le principe du paiement de cette contrepartie financière et fait justement valoir que le montant de celle- ci est limité contractuellement aux " revenus perçus ", soit aux salaires nets,
la demande du salarié est donc fondée dans la limite de 9. 851, 57 €.

PAR CES MOTIFS
La cour,

Infirme le jugement,

Dit que le licenciement de Monsieur X... est nul, et que ce dernier est fondé à revendiquer le bénéfice de la Convention Collective nationale de la plasturgie, jusqu'au 31 décembre 2004,

Condamne la SAS DE LAMA à payer à Monsieur X... les sommes de :
* 26. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour,
* 3. 711, 31 € à titre d'indemnité de licenciement,
* 3. 770, 22 € et 377, 02 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 1. 578, 20 € au titre de l'arriéré de prime d'ancienneté,
* 6. 107, 35 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 9. 851, 57 € au titre de la contrepartie financière de la clause de confidentialité,
outre les intérêts au taux légal à compter des demandes en justice,
* 1. 500 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et d'appel,

Invite, sans astreinte, la SAS DE LAMA à adresser à Monsieur X..., dans les 3 mois, un bulletin de salaire récapitulatif rectificatif,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la SAS DE LAMA aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Benoît Frizon de Lamotte, Président, et par Chantal Tamisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. Tamisier B. Frizon de Lamotte


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07/4418
Date de la décision : 17/04/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bergerac, 17 janvier 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-04-17;07.4418 ?
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