La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2008 | FRANCE | N°07/04420

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale, 17 avril 2008, 07/04420


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

----------------------------------------------

pp

Le : 17 Avril 2008

CHAMBRE SOCIALE- SECTION B

PRUD'HOMMES

No de rôle : 07 / 4420

Monsieur Thierry X...

c /

La SAS DE LAMA
prise en la personne de son représentant légal,

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huiss

ier)

Certifié par le Greffier en Chef

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les par...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

----------------------------------------------

pp

Le : 17 Avril 2008

CHAMBRE SOCIALE- SECTION B

PRUD'HOMMES

No de rôle : 07 / 4420

Monsieur Thierry X...

c /

La SAS DE LAMA
prise en la personne de son représentant légal,

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier)

Certifié par le Greffier en Chef

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 10 Avril 2008

Par Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président,
en présence de Madame Chantal TAMISIER, Greffier,

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

Monsieur Thierry X..., demeurant ...

Représenté par Maître BARAILLE, SCP Patrice REBOUL, avocats au barreau de PÉRIGUEUX

Appelant d'un jugement (R. G. 04 / 167) rendu le 14 février 2005 par le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC, Section Industrie, suivant déclaration d'appel en date du 09 mars 2005,

à :

La SAS DE LAMA, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social Route de Souillac- CARSAC-24200 SARLAT,

Représentée par Maître Thierry CHEVALIER, avocat au barreau de CAHORS,

Intimée,

rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 31 Janvier 2008, devant :

Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président,
Monsieur Eric VEYSSIERE, Conseiller,
Monsieur Claude BERTHOMME, Conseiller,
Madame Nathalie BELINGHERI, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci- dessus désignés.

***

FAITS- PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS DE LAMA (la SAS) a pour objet la production de liens de cerclage et sangles en textiles composites, de fils et câbles pour l'agriculture, pour lieu d'exploitation Sarlat, pour PDG Monsieur Y..., elle emploie moins de 50 salariés ;
jusqu'en septembre 2000 elle a appliqué la convention collective de l'industrie textile, et à partir de cette date celle de la plasturgie ;
l'article 14 de cette dernière convention prévoit le paiement d'une prime d'ancienneté qui n'a pas été réglée.

Par lettres recommandées du 03 mai 2004, 23 salariés ont réclamé le paiement de cette prime.

Par lettre du 10 mai 2004 la SAS a écrit à son comptable, la Société ECE chargée de l'établissement de la paie, pour lui demander les raisons techniques ou juridiques pour lesquelles la prime d'ancienneté ne figure pas sur les feuilles de paie. .

Par lettre du 17 mai 2004 ECE a répondu que la prime d'ancienneté était due, précisant le fait d'avoir un salaire supérieur à un salaire conventionnel majoré de la prime d'ancienneté n'est pas suffisant pour démontrer que la prime a bien été réglée... en cas de contentieux social il est raisonnable de penser que les salariés auront gain de cause ,
ajoutant effectuer une déclaration de sinistre auprès de son propre assureur.

Le 26 mai 2004 la SAS a pourtant écrit aux salariés que selon la convention collective de la plasturgie les primes d'ancienneté peuvent être incluses dans le montant brut des salaires et que la présentation du bulletin de salaire du mois de mai serait seulement modifiée.

Le 21 juin 2004, selon le rapport du médiateur désigné par la suite, Monsieur Z..., directeur commercial de la SAS, a lu aux salariés le communiqué de la direction suivant :
Il a été décidé que les salariés ne peuvent pas prétendre à la fois faire partie de l'équipe DE LAMA et en même temps faire un procès à la Société DE LAMA. Les deux positions sont antinomiques et incompatibles. Les salariés qui le désirent sont libres d'engager une procédure devant le Tribunal mais en ce qui nous concerne, nous ne conserverons pas ces personnes dans notre équipe. Donc des procédures individuelles de licenciement seront engagées car il n'est pas concevable de travailler normalement avec une personne qui vous fait un procès. .

Le 12 juillet 2004, de nombreux salariés se sont mis en grève.

Le 1er septembre 2004 les salariés en grève ont attesté que Monsieur Y... leur avait adressé les propos suivants le 16 juillet 2004 :

Vous êtes tous des cons, vous n'obtiendrez rien de moi, je vous dois rien, vous passerez sous ma toise et vous me demanderez à genoux du travail, je vous éliminerai tous un par un et trouverai un motif pour chacun. .

Le 16 juillet 2004, les salariés en grève ont écrit :
DE LAMA la grève continue, le grand ménage prend de l'ampleur,... en grève depuis lundi 12 juillet ils réclament l'ouverture de négociations pour le paiement de la prime d'ancienneté et la réintégration d'une collègue licenciée, pour s'être un peu trop impliquée dans le mouvement... toute tentative des salariés et de leur représentant syndical pour engager un réel dialogue a échoué... coup de théâtre... tous les grévistes ont eu la mauvaise surprise d'apprendre que chacun d'entre eux, 18 personnes, avait reçu une lettre recommandée, les invitant à un entretien préalable à un éventuel licenciement... les menaces sont donc mises à exécution. .

Par lettre du 29 juillet 2004 la SAS a informé ses salariés que les rappels de prime d'ancienneté seraient réglés ce qui fut fait sur le bulletin de salaire d'août 2004.

Par lettre du 29 juillet 2004 " l'union locale CGT " a écrit " malgré le courrier qui a été remis ce matin aux grévistes par le directeur commercial de la Société DE LAMA, les salariés reprendront le travail uniquement si Monsieur Y... signe le protocole de fin de conflit qui lui a été remis en main propre le lundi 26 juillet, qui sera déposé à la DDTE et au Conseil de prud'hommes ",
et précise que la SAS ne s'était pas engagée à appliquer la convention collective pour l'avenir, à payer les jours de grève, à organiser les élections des délégués du personnel, à arrêter les procédures engagées contre les salariés.

La SAS a fermé pour congés pendant le mois d'août.

Le 23 août 2004 " la section syndicale CGT DE LAMA " a écrit " Après trois semaines de congés payés la grève se poursuit ", dénonçant les méthodes de Monsieur Y..., le licenciement d'un nouveau salarié, ses propositions financières pour mettre fin aux contrats de certains des salariés.

Par lettre du 26 août 2004 la SAS a notifié à ses salariés qu'à compter du 1er janvier 2005 la convention collective applicable sera celle de l'industrie textile.

Le 30 août 2004 une grande partie des salariés a repris la grève, subordonnant la reprise du travail à :
la rectification des bulletins de paie,
l'organisation d'élection de délégués des personnels,
la signature d'un protocole de fin de conflit,
et protestant contre les licenciements en cours et à venir.

Le 10 septembre 2004, le Préfet de la Dordogne a désigné Monsieur A..., directeur de recherche au CNRS, directeur du centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale de l'Université MONTESQUIEU, Bordeaux IV en qualité de médiateur ;
il a établi des recommandations le 19 septembre 2004 puis un rapport le 20 septembre 2004,
il a constaté que Monsieur Y... s'opposait à toute conciliation et avait déclaré pour nous il n'est pas question de reprendre ces gens là mais il s'agit dorénavant de se séparer d'eux par des moyens légaux... ,
il a effectué des propositions pour une solution au conflit.

Le 28 septembre 2004 Monsieur Y... a répondu à Monsieur A... : Quand on lit votre rapport on comprend pourquoi la CGT a demandé l'intervention d'un médiateur. Votre rapport ne présente pas l'objectivité requise par l'exercice et laisse apparaître un parti pris manifeste... votre culture ne vous permet pas de concevoir la liberté d'embaucher et de débaucher, principe fondamental de toutes les économies libérales... .

La grève a perduré,
les manifestations aussi jusqu'à février 2005,
beaucoup des salariés grévistes ont été licenciés.

Le 21 septembre 2004 Monsieur B..., délégué syndical CGT et le personnel gréviste de la Société DE LAMA ont écrit au médiateur, accepter ses propositions sauf à demander un rappel de prime d'ancienneté antérieurement à septembre 2000, à obtenir la rectification des bulletins de salaire, à préciser que la signature d'un protocole de fin de conflit par un membre de l'union locale CGT ne constituait pas une condition, que devait être élaboré un protocole électoral pour l'élection des délégués du personnel.

Ces événements ont donné lieu a plusieurs procédures.

Par arrêt du 27 juin 2005 la présente Cour, statuant sur la demande de la SAS tendant à voir déclarer la grève illicite, a confirmé les ordonnances de référé du Président du Tribunal de grande instance de Bergerac des 08 octobre et 05 novembre 2004 ayant dit n'y avoir lieu d'ordonner la libération des accès au lieu de travail aux abords de l'entreprise de la SAS, et déclaré irrecevable la demande de cette dernière tendant à voir dire la grève illicite.

Par arrêts des 02 mars et 20 septembre 2006, la chambre correctionnelle de la présente Cour a condamné Monsieur Y... du chef d'entrave à la liberté de réunion et de manifestation rappelant : qu'il convient encore d'ajouter qu'il résulte de la procédure et notamment des déclarations de Sylvain et Jacques C... que c'est avec l'assentiment et le soutien de Y... que ceux- ci ont déversé le contenu d'une tonne de lisier d'une capacité de 2. 000 litres à proximité immédiate du portail d'entrée de l'usine lieu où se tenaient les grévistes de l'entreprise afin que l'odeur pestilentielle dégagée les incite à se déplacer.

Que de même l'intervention de Y... Gérard ayant consisté à renverser les tables et chaises utilisées par les grévistes, constitue au même titre que le déversement de purin, une voie de fait qui caractérise l'infraction reprochée. .
et déclaré bien fondées les constitutions de partie civile de l'UD CGT et des salariés grévistes.

Le 04 août 2004, Monsieur X... qui avait été engagé le 21 avril 1992 en qualité de conducteur de machine, a saisi le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC d'une demande tendant à la condamnation de la SAS à lui payer une prime d'ancienneté.

Par lettre du 10 septembre 2004, la SAS a notifié à Monsieur X... son licenciement immédiat pour faute lourde pour les motifs suivants :

Monsieur X... a alors sollicité sa réintégration.

Par jugement du 14 février 2005, le Conseil de Prud'hommes a statué ainsi :
Dit que la grève n'était pas licite au moment du licenciement de Monsieur X... Thierry.
Déboute Monsieur X... Thierry de sa demande de réintégration.
Prend acte que la SAS DE LAMA s'est engagée à refaire les bulletins de salaire rectifiés depuis le 1er septembre 2000.
Dit que ces documents seront à remettre dans un délai de 15 jours à partir de la notification de la présente décision et ce sous astreinte de 10 € par jour de retard au- delà du 15ème jour.
Condamne la SAS DE LAMA à verser à Monsieur X... Thierry au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, la somme de 2. 000 €... .

Monsieur X... a régulièrement interjeté appel de cette décision ;
par conclusions écrites et développées à l'audience, il demande à la cour :
Constater que les salariés grévistes de la société DE LAMA n'ont pas abusé du droit de grève.
En conséquence, dire nul et de nul effet le licenciement pour faute lourde intervenu à l'encontre de Monsieur Thierry X... le 02 septembre 2004,

puisque contraire aux dispositions combinées des articles L. 122-45 et L. 521-1 du Code du Travail.
En conséquence et compte tenu de l'impossibilité d'une poursuite de la relation contractuelle de travail entre Monsieur Thierry X... et la société DE LAMA, condamner la SAS DE LAMA à verser à Monsieur Thierry X... une indemnité de 59. 708, 52 € correspondant à 36 mois de salaire pris sur la base des 12 derniers mois de salaire (21. 658, 57 €) au titre de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail.
Condamner la SAS DE LAMA à verser à Monsieur Thierry X... une indemnité de 4. 158, 24 € au titre de l'indemnité conventionnelle.
Condamner la SAS DE LAMA à verser à Monsieur Thierry X... les sommes de 3. 317, 14 € et 331, 71 € au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents, en application des dispositions combinées des articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du Travail.
Dire et juger que les salariés grévistes ont été contraints, de part l'attitude de refus de leur employeur de leur verser la prime d'ancienneté de faire grève pour se voir reconnaître leurs droits professionnels essentiels.
En conséquence, condamner la SAS DE LAMA à verser à Monsieur Thierry X... des dommages et intérêts correspondant au montant des salaires pour les jours de grève sur la période du 12 juillet 2004 au 29 juillet 2004 soit une somme de 1. 198, 05 €.
Constater que Monsieur Thierry X... et la SAS DE LAMA avaient conclu le 21 avril 1992 un contrat constituant une clause de non concurrence.
En conséquence, condamner la SAS DE LAMA à verser à Monsieur Thierry X... la somme de 6. 054, 21 € en application de la clause de non concurrence.
Constater que la Convention Collective de la plasturgie avait vocation à l'appliquer à la SAS DE LAMA dès 1998.
En conséquence, condamner la SAS DE LAMA à verser à Monsieur Thierry X... les arriérés de prime d'ancienneté pour la période d'août 1999 à août 2000, soit 854, 25 €.
Dire et juger que les bulletins de salaire de Monsieur Thierry X... à compter du 1er janvier 1998 sont erronés.
En conséquence, ordonner la remise sous astreinte des bulletins de paie rectifiés depuis le 1er janvier 1998 sous astreinte de 10 € par bulletins de paie et par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.
En conséquence, réformer en son intégralité le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC le 14 février 2005.
Condamner la SAS DE LAMA à verser à Monsieur Thierry X... la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dire que les sommes mises à la charge de la SAS DE LAMA seront assorties d'intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du Conseil de Prud'hommes de BERGERAC (04 août 2004)... .

De son côté, la SAS, par conclusions écrites et développées à l'audience,, demande à la cour de :
...- confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions sauf à la parfaire compte tenu des nouvelles demandes de l'appelant,

- en conséquence, débouter Monsieur Thierry X... de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions sauf au titre du versement de la contrepartie financière à la clause de confidentialité et pour un montant de 6. 505, 09 € bruts pour lequel la SAS DE LAMA s'engage à procéder au règlement dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir,
- reconventionnellement, condamner Monsieur Thierry X... à payer à la SAS DE LAMA la somme de 3. 512, 87 € perçue à tort au titre du rappel de prime d'ancienneté et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
- condamner encore Monsieur Thierry X... à payer à la SAS DE LAMA la somme de 2. 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens. .

DISCUSSION

Sur le licenciement

Par application de l'article L. 521-1 du Code du travail la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde du salarié ;
la faute lourde est définie comme celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à son employeur ;
il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute lourde énoncée dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

En l'espèce le licenciement s'inscrit dans le cadre d'une grève dont le caractère licite est discuté.

Le conflit est né de la revendication par un grand nombre de salariés de l'application des dispositions de la convention collective de la plasturgie relatives à la prime d'ancienneté,
cette prime était due en l'état du droit alors applicable antérieurement aux arrêts de la cour de Cassation du 15 novembre 2007,
et l'employeur en a très tardivement convenu après le déclenchement de la grève le 12 juillet 2004 seulement par son courrier du 29 juillet 2004, avant la prise des congés en août et la fermeture de l'entreprise,
jusqu'au 29 juillet 2004 la grève était manifestement licite.

A la réouverture de l'entreprise malgré l'octroi de la prime d'ancienneté payée selon le bulletin de salaire du mois d'août, la grève s'est poursuivie.
Il ressort de l'exposé des faits plus haut reproduit que le comportement de l'employeur avait exacerbé les passions,
et les salariés étaient fondés à demander :
- la rectification des bulletins de salaire, conséquence du paiement de la prime d'ancienneté qui n'a été tardivement réalisée qu'en 2005,
- l'organisation d'élections de délégués du personnel, aucun processus électoral n'ayant été engagé depuis plus de 10 ans,

- l'établissement d'un protocole de sortie de grève, les licenciements se poursuivant dans le cadre de la politique décidée par la S. A. S. de se séparer, par tous les moyens, des salariés âgés et / ou grévistes,
le médiateur ayant noté à cet égard dans son rapport : Aux revendications de départ et de fin de conflit est venue s'ajouter centralement celle du respect non pas du droit formel de grève, mais de l'exercice effectif d'un droit constitutionnellement reconnu à tout salarié ; la question est tout simplement celle de la continuation des contrats de travail des deux tiers des salariés grévistes ; au 15 septembre et au 34ème jour de grève, il y avait 5 personnes licenciées et 7 autres convoquées à un entretien préalable de licenciement.
Nous sommes de ce point de vue devant un cas de figure aussi exceptionnel qu'évident, Monsieur Y... a, parmi ses qualités, celle d'affirmer aussi bien par écrit qu'à l'oral, ses objectifs et singulièrement son projet d'exclusion de la majorité en grève de son personnel dont l'ancienneté se situe entre 8 et 25 ans et qui, pour la première fois dans son entreprise, participe à une grève ;
il s'ensuit que la poursuite de la grève était licite.

La lettre de licenciement impute principalement à Monsieur X... d'abord le fait que depuis mars 2004 les deux lignes dont il avait la charge du réglage ne fonctionnaient pas normalement, ces deux lignes étant arrêtées en mai et juin ;
toutefois, entres mars et juin 2004 il n'a été fait aucun reproche, ni constaté que le mauvais fonctionnement pouvait être imputé à une faute volontaire de Monsieur X...,
bien plus, Monsieur F... a attesté : ... ayant occupé le poste de responsable de fabrication du 15. 06. 77 au 30. 09. 2002, atteste sur l'honneur, avoir formé Monsieur Thierry X..., entré à la STE DE LAMA le 21 avril 1992, comme aide conducteur de machines HOT MELT durant neuf ans.
Suite à ma décision de prendre ma retraite en octobre 2002. A partir de FÉVRIER de cette même année, j'ai anticipé la formation de Thierry X... en FÉVRIER (la direction n'ayant pas statué sur le choix de la personne qui allait me remplacer) celle- ci s'est poursuivie jusqu'à fin SEPTEMBRE. Mon choix s'est porté sur la personne de Thierry X..., en raison de ses qualités humaines (a très souvent pallié à la déficience physique et technique de ses collègues) et son expérience à conduire les machines HOT MELT. Monsieur Thierry X... a été formé aux techniques de production, selon les méthodes propres à la STE DE LAMA. Il s'et révélé être parfaitement à la hauteur de la fonction de responsable de fabrication, par sa conscience professionnelle irréprochable, par sa rigueur à s'investir totalement pour la bonne marche de la STE. En février 2004, Thierry X... m'a contacté pour la 1ère fois, pour me faire part, d'un souci technique concernant la machine B qui pose un problème de qualité de fabrication. Sur deux références de liens, à savoir : le 223 (3000) et le 185 (5000). Les autres types de liens : 139-239-187 étant de bonne qualité. En attente de solution à ce problème technique, suivant mon conseil, Thierry X... a pris la décision de produire ces deux références sur la machine afin de ne

pas prendre trop de retard pour la livraison de ces 2 produits. A plusieurs reprises, Thierry X... m'a de nouveau contacté pour me rendre compte de ses recherches sur l'origine de phénomène. Cette situation l'a fortement angoissé- stressé. A ma connaissance, je n'ai jamais rencontré ce problème technique. Après avoir demandé l'assistance du service de mécanique et de maintenance, celui- ci n'a pas pu trouver de solution au problème, malgré le remplacement de pièces d'usure (raclettes, roulements, surfaçage de cylindres du bas à colle). La production journalière n'a pas eu à souffrir des conséquences de ce phénomène, qui perdure, suite à sa décision de produire les références 223 et 185, sur la machine A... .

Monsieur G... a attesté : ... occupant le poste de conducteur machine (M. S. F.) et travaillant de 21 heures à 5 heures, certifie que Monsieur X... Thierry a embauché plusieurs mois à 5 heures, car il rencontrait un problème technique sur une machine B. Lors de ma reprise le 19 juillet 2004, Monsieur X... Thierry m'a demandé de me porter témoin pour constater que la température sur la machine A n'était pas conforme sur 3 zones (100o au lieu de 160o) en présence également du chef d'atelier et que le 19, 20, 27 et 28 juillet 2004 Monsieur X... Thierry a travaillé sur la machine A... ,
tous ces éléments attestant de la conscience professionnelle du salarié.

La SAS fait encore valoir qu'il a été constaté que le 12 juillet 2004 les distances entre les principaux éléments n'étaient plus aux côtes habituelles ;
qu'après réglage le 20 juillet 2004 en moins d'une heure, la ligne en marche ne pouvait plus produire,
qu'il a alors été constaté par Monsieur H... que les boulons du palier du tambour haut étaient complètement desserrés ;
il appartient donc à la SAS de rapporter la preuve des faits qu'elle invoque et que ceux- ci ont été commis dans l'intention de lui nuire ;
elle verse à cet égard plusieurs attestations qu'il convient d'examiner.

Monsieur I... ne dit rien des difficultés antérieures au 12 juillet 2004 et précise que suite à l'arrêt des trois lignes de production et au départ des grévistes ce jour- là il a fallu une heure avant de pouvoir remettre en production ces 3 machines , ce dont il résulte que les réglages n'étaient pas en cause à cette date là ;

Madame J... a certes attesté qu'une des trois lignes avait été arrêtée en mai et juin 2004, mais ne donne aucune explication sur la cause de ces arrêts ; elle ajoute que pendant une matinée de reprise de travail, Monsieur X... a modifié les réglages et la machine ne pouvait plus fabriquer avec le fil 3300 d tex ; toutefois, les machines, depuis mai 2004, ne fonctionnaient pas normalement ainsi qu'il est reconnu par la SAS.

Monsieur H... a certes déclaré qu'il pensait que la machine ne fabriquait plus avec le 3300 d tex parce qu'il le faisait exprès , mais aucun élément n'établit de façon certaine que ces dysfonctionnements qui remontaient bien avant le conflit aient été volontaires ;

Ainsi, il existe un doute sur le caractère volontaire des dysfonctionnements qui perduraient depuis une date bien antérieure au conflit,
en tout cas, à supposer ce fait établi, dans le contexte du conflit suscité par l'employeur, il ne caractérise pas la faute lourde.

Le licenciement est donc nul, et le salarié qui ne poursuite plus sa réintégration a droit en réparation de son préjudice à une indemnité au moins égale à celle de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail, indemnité qui sera évaluée comme il suit au dispositif.

Sur les dommages et intérêts sollicités par le salarié en réparation du préjudice causé par le non paiement des salariés pendant les jours de grève

Le salarié invoque le manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations,
toutefois, ce manquement, essentiellement le non paiement des primes, n'est pas suffisamment caractérisé par la violation d'un droit essentiel susceptible de justifier l'allocation de l'indemnité sollicitée.

Sur la demande en répétition de l'indu présentée par la S. A. S. et la Convention Collective applicable entre septembre 2000 et décembre 2004

La S. A. S. poursuit à ce titre le remboursement du rappel de prime d'ancienneté payée au mois d'août 2004 faisant valoir :
- que c'est à tort que la cour de cassation estimait, avant son arrêt du 15 novembre 2007, que la mention d'une Convention Collective sur les bulletins de paie valait reconnaissance de l'application de la convention à l'entreprise,
- que la S. A. S. a payé cette prime, cédant aux pressions des salariés, d'autant qu'en l'état de la jurisprudence de l'époque, ces derniers pouvaient prendre acte de la rupture de leurs contrats de travail en cas de non paiement,
- que la S. A. S. n'a jamais appliqué volontairement la Convention Collective de la plasturgie, celle- ci ayant été mentionnée par l'erreur de son comptable chargé de l'édition des bulletins de paie,
- qu'en fait, elle n'a jamais appliqué aucune des dispositions de la Convention Collective, ne versant pas la prime d'ancienneté, les primes de panier de nuit, n'accordant pas les jours de congés supplémentaires à ses cadres,...,
- que personne n'a contesté la dénonciation de la Convention Collective de la plasturgie,
- que son activité principale entre, depuis le début de son activité, dans le cadre de la Convention Collective des textiles à nouveau appliquée sans discussion.

Toutefois, il doit être constaté :
- que la Convention Collective de la plasturgie a été appliquée par la S. A. S. volontairement ainsi qu'en font foi les mentions des bulletins de salaire,
- qu'un des indices du champ d'application d'une Convention Collective est l'activité de l'entreprise telle qu'elle résulte du code APE définissant celle- ci,
- que pendant tout le temps de l'application de la Convention Collective de la plasturgie, la S. A. S. a volontairement choisi un code APE entrant dans le champ d'application de la plasturgie,
- qu'en fait, pendant tout le temps de cette application, il est reconnu et établi que la S. A. S. avait une telle activité, l'enrobage par polyéthilène de sangles d'arrimage,
- qu'il n'est pas démontré, pendant la période litigieuse, que cette activité ait été accessoire, bien au contraire,
- qu'en effet, à titre surabondant, la S. A. S. a pu écrire le 26 mai 2004 à un salarié : A partir de 1998 notre société s'est orientée vers la fabrication de bandes de renforcement pour l'industrie plastique, avec notamment la fabrication des bandes pour le renforcement des tubes en PEHD, c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de changer de code APE a été fait débouté septembre 2000 ,
- que dans ces conditions, les salariés sont fondés à revendiquer la Convention Collective de la plasturgie pendant tout le temps de son application et il n'y a donc pas lieu à répétition de l'indu.
- que de plus, les indemnités compensatrices de préavis et de licenciement doivent être calculées par application de la même Convention Collective conformément à la demande du salarié.

Sur la demande en paiement d'un rappel de prime d'ancienneté pour la période d'août 1999 à août 2000

Cette demande est fondée sur la reconnaissance faite par la lettre adressée aux salariés le 26 mai 2004 plus haut reproduite.

Sur la contrepartie financière de la clause de confidentialité

Cette demande n'est pas discutée, il convient d'y faire droit dans sa limite.

PAR CES MOTIFS
La cour,

Infirme le jugement,

Dit que le licenciement de Monsieur X... est nul et que dernier est fondé à se prévaloir de la Convention Collective nationale de la plasturgie,

Condamne la SAS DE LAMA à payer à Monsieur X... les sommes de :
* 22. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement, outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour,
* 3. 317, 14 € et 331, 71 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 4. 158, 24 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 6. 054, 21 € au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence,
* 854, 25 € au titre du solde de la prime d'ancienneté,
ces différentes sommes portant intérêts au taux légal à compter de leur demande en justice,
* 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et d'appel,

Invite, sans astreinte, la SAS DE LAMA à adresser à Monsieur X... dans les trois mois, un bulletin de salaire rectificatif récapitulatif,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la SAS DE LAMA aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Benoît Frizon de Lamotte, Président, et par Chantal Tamisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. Tamisier B. Frizon de Lamotte


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07/04420
Date de la décision : 17/04/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bergerac, 14 février 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-04-17;07.04420 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award