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16/04/2008 | FRANCE | N°07/00099

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 16 avril 2008, 07/00099


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 16 avril 2008

(Rédacteur : Monsieur Robert MIORI, Président)

No de rôle : 07/00099

CT

Madame Françoise X... épouse Y...

c/

Monsieur Jean Z...

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 décembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 09 jan

vier 2007

APPELANTE :

Madame Françoise X... épouse Y..., née le 03 Novembre 1946 à SAINTE FOY LA GRANDE (33220), demeurant 10 Allée C de Du...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 16 avril 2008

(Rédacteur : Monsieur Robert MIORI, Président)

No de rôle : 07/00099

CT

Madame Françoise X... épouse Y...

c/

Monsieur Jean Z...

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 décembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 09 janvier 2007

APPELANTE :

Madame Françoise X... épouse Y..., née le 03 Novembre 1946 à SAINTE FOY LA GRANDE (33220), demeurant 10 Allée C de Duraignes - 33850 LEOGNAN

représentée par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour et assistée de Maître Josiane A... avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur Jean Z..., demeurant ...

représenté par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour et assisté de Maître Clotilde SAINT RAYMOND loco Maître Olivier C... avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

3 Place de l'Europe - ...

représentée par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour et assistée de Maître Delphine D... loco Maître Yves E... avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 février 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,

Madame Edith O'YL, Conseiller,

Madame Caroline F..., Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX du 6 décembre 2006.

Vu la déclaration d'appel de Madame Y....

Vu les conclusions de Madame Y... déposées le 15 janvier 2008.

Vu les conclusions de Monsieur Z... déposées le 21 novembre 2007.

Vu les conclusions de la Caisse Primaire d'Assurances Maladie de la GIRONDE (la CPAM) déposées le 19 septembre 2007.

Vu l'ordonnance de clôture du 6 février 2008.

OBJET DU LITIGE :

Entre le 27 septembre 1981 et le 11 janvier 1982 le Docteur Z... a procédé à 9 séances de sclérose des varices affectant les jambes de Madame Y....

Un examen sérologique pratiqué en novembre 2001 a mis en évidence que cette dernière était affectée par le virus de l'hépatite C.

Estimant que cette contamination résultait du traitement pratiqué par le Docteur Z..., Madame Y... a fait assigner l'intéressé devant le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX afin de voir organiser une expertise médicale.

Selon ordonnance en date du 8 décembre 2003, le Juge des référés a fait droit à sa demande et a désigné les professeurs ARBUS et DUFFAUT pour réaliser l'expertise sollicitée.

Dans leur rapport déposé le 17 avril 2004, les deux experts ont précisé :

- que Madame Y... n'avait aucun antécédent pathologique notable jusqu'en 1981 date du début des soins dispensés par le Docteur Z...,

- qu'il apparaissait fortement probable que l'hépatite C présentée par Madame Y... soit consécutive aux soins effectués par le Docteur Z...,

- qu'au jour de l'examen Madame Y... n'était plus contaminée par le virus de l'hépatite C.

C'est dans ces conditions que Madame Y... a fait assigner le Docteur Z... et la CPAM de la GIRONDE devant le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX pour obtenir la réparation de son préjudice.

Par jugement du 6 décembre 2006, le Tribunal a débouté Madame Y... et la CPAM de la GIRONDE de leurs demandes et a condamné Madame Y... à verser à Monsieur Z... une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame Y... a relevé appel de cette décision.

Elle en poursuit l'infirmation et sollicite :

- que le Docteur Z... soit déclaré responsable de la contamination par le virus de l'hépatite C génotype 2 qu'elle a subie.

- qu'il soit condamné à lui verser :

- au titre de l'ITT.......................................................................... 5 000 €

- au titre de pretium doloris.......................................................... 8 000 €

- au titre du préjudice de contamination...................................... 30 000 €

- au titre du préjudice matériel ................................................... 1 500 €

- au titre de l'article 700 du Nouveau Code Procédure Civile... 2 500 €

Monsieur Z... conclut à titre principal à la confirmation du jugement et à la condamnation de Madame Y... à lui verser une indemnité de 2 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code Procédure Civile.

A titre subsidiaire il demande que les sommes réclamées au titre des troubles dans les conditions d'existence durant l'ITT et du pretium doloris, soient réduites à de plus justes proportions, et, que Madame Y... soit déboutée de ses demandes présentées au titre de préjudice de contamination et des frais de transport et à défaut que celles ci soient réduites.

Pour le cas ou la responsabilité de Monsieur Z... serait retenue la CPAM de la GIRONDE conclut à la condamnation de l'intéressé à lui payer 5 874,85 € au titre des prestations qu'elle a versées et une indemnité de 300 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

* Sur la responsabilité

Pour obtenir la réparation du préjudice consécutif à la contamination du virus de l'hépatite C dont elle a été victime Madame Y... doit rapporter la preuve du lien de causalité entre les actes médicaux accomplis par le Docteur Z... et le préjudice qu'elle a subi.

Cette preuve peut être faite par tous moyens y compris par des présomptions qui doivent cependant être graves précises et concordantes. Contrairement à ce que soutient Monsieur Z... il n'est pas donc nécessaire qu'il existe un lien de causalité certain entre les scléroses des varices qu'il a pratiquées et la contaminations.

Exiger que la victime rapporte de manière incontestable la preuve objectivement constatée d'un fait médical, qui par essence ne peut être établie scientifiquement de façon certaine, reviendrait en effet à priver la victime de toute indemnisation.

Pour considérer qu'il est fortement probable que l'hépatite C présentée par Madame Y... est consécutive aux soins effectués par le Docteur Z... les experts retiennent en page 7 de leur rapport que :

- la sclérose de varices est une pratique à risques de transmission de virus de l'hépatite C,

- il n'existe pas chez Madame Y... avant les soins du Docteur Z... d'antécédent d'ictère ou d'hépatite virale, de toxicomanie, de tatouage, de transfusion sanguine, d'antécédent pathologique médical ou chirurgical nécessitant des injections multiples, de soins dentaires importants, d'examen endoscopique, d'EMG, de soins de manucurie et de pédicure, de voyages dans les pays ou la prévalence du virus de l'hépatite C est élevée,

- la survenue d'une hépatite au décours de séances de sclérose est compatible avec une contamination par les injections sclérosantes puisque la période d'incubation d'hépatite C est en moyenne de 4 à 8 semaines (début de l'hépatite C se situe en février 1982 et les scléroses ont été réalisées entre le 21 septembre 1981 et le 11 janvier 1982),

- le caractère clinique et chronologique de cette hépatite aiguë est compatible avec une attitude due au virus C qui est peu souvent symptomatique ou asymptomatique,

- la normalité du taux des transaminases en 1992 et avant le traitement en 2003 n'est pas incompatible avec une infection par le virus de l'hépatite C car environ 20 % des hépatites chroniques ont des transaminases normales,

Le contexte épidémiologique :

-existence dans la région bordelaise de nombreux cas d'infection par le virus de l'hépatite C chez des patients chez qui la seule cause détectée était la sclérose de varices. Le travail de l'équipe du Professeur G... a mis en évidence de nombreux cas d'infection par le virus de l'hépatite C de génotype 2 au cours de séances de sclérose de varices de membres inférieurs alors que Madame Y... est traitée par un virus de génotype 2,

- le Conseil Régional de l'Ordre des Médecins d'Aquitaine, dans un rapport concernant la plainte d'une patient du Docteur Z... et sa radiation du Conseil de l'Ordre fait état d'une enquête épidémique qui révèle que 45 patients infectés par le virus de l'hépatite C ont été traités par le Docteur Z....

Monsieur Z... maintient que les éléments retenus par les experts ne sont pas pertinents, que le mécanisme exact de la contamination reste inconnu, que Madame Y... présentait des facteurs de transmission puisqu'elle a subi des soins dentaires, une nucléolyse pour hernie discale et qu'elle a travaillé comme préparatrice en pharmacie.

Il ajoute qu'aucune pièce ne permet d'établir que le diagnostic d'hépatite virale aurait été établi en 1982, que l'enquête épidémiologique sur laquelle se sont fondés les experts, est contestable, qu'il apparaît peu scientifique d'affirmer que la présence d'un génotype 2 résulterait probablement des scléroses de varice qu'il a pratiquées, et que sa pratique correspondait à celle en vigueur à l'époque des soins.

Il s'avère cependant tout d'abord que les analyses subies par Madame Y... de février à octobre 1982, et le traitement qui a été mis en place par le Docteur H..., sur lesquels se sont fondés les experts leur a permis d'affirmer que le diagnostic d'hépatite virale était alors porté (page 4 du rapport) et que le début de l'hépatite se situe en février 1982 ce qui permet de mettre en évidence la proximité dans le temps existant entre l'intervention du Docteur Z... qui s'est déroulée de septembre 1981 à janvier 1982 et la contamination.

Cette proximité permet d'exclure d'autres causes de contamination puisque l'intervention par nucléolyse pour une hernie discale dont a bénéficié Madame Y... est intervenue 3 ans plus tôt en 1999, et que les experts revèlent qu'il s'agit d'une infection simple, peu invasive, avec une durée d'hospitalisation courte (4 jours) et à une date ou les conditions d'hygiène requises, si elles étaient respectées, mettaient à l'abri de toute infection par le virus de l'hépatite C. Ils ajoutent qu'on peut considérer que Madame Y... n'avait aucun antécédent pathologique notable jusqu'en 1981 date du début des soins dispensés par le Docteur Z... (rapport p5).

Il ne peut dans ces conditions être considéré que Madame Y... ait présenté des facteurs de transmission .

L'enquête épidémiologique menée par le Professeur G... ne prouve pas à elle seule que Madame Y... ait personnellement été contaminée à l'occasion des soins pratiqués par le Docteur Z..., il ne peut non plus être exclu que certains des autres patients qu'il a eu et qui étaient victimes d'une contamination par l'hépatite C, aient pu être soumis à d'autres causes de contamination.

Elle révèle cependant que 17 des malades du docteur Z... ont été affectés par le virus de l'hépatite C, que toutes les souches étaient de génotype 2, ce qui est également le cas de Madame Y..., et qu'ils présentaient une très grande similitude, "confirmant une source de contamination unique", ce qui est de nature à démontrer que la situation de Madame Y... n'était pas unique.

Si les experts n'ont pas fourni de précision sur la manière exacte dont la contamination a pu intervenir, Madame I... produit une étude qui a porté sur les patients du Docteur Z... laquelle fait ressortir que l'infection s'est propagée par de minuscules gouttelettes de sang restées dans les seringues en verre sur lesquelles étaient fixées les aiguilles.

Ces éléments établissent l'existence d'un ensemble de présomptions graves précises et concordantes qui permettent de retenir que la contamination de Madame Y... par le virus de l'hépatite C résulte des soins qui lui ont été prodigués par le Docteur Z....

Ils démontrent en conséquence que celui-ci est responsable de l'infection nosocomiale subie par Madame Y.... Il importe peu dès lors que Monsieur Z... ait pu ne pas avoir commis de faute par rapport aux règles d'asepsies qui étaient applicables à l'époque, puisqu'il est tenu à une obligation de sécurité de résultat.

Il y a lieu à ce titre de préciser que le fait que le Docteur Z... ne soit pas lui même porteur du virus n'établit pas que la contamination n'ait pas eu lieu à l'occasion de ses interventions, et qu'il en va de même en ce qui concerne la date d'identification du virus de l'hépatite C, dès lors que le risque de contamination des patients lors d'actes chirurgicaux était connu bien avant 1981.

En l'absence de cause étrangère démontrée sa responsabilité sera retenue.

* Sur le préjudice

Madame Y... sollicite que lui soient attribuées les indemnités suivantes :

ITT pendant 107 jours ......................................................................... 5 000 €

Souffrances endurées 3/7..................................................................... 8 000 €

Préjudice de contamination.................................................................. 30 000 €

Frais de transport................................................................................. 1 500 €

* Sur l'incapacité temporaire

Celle-ci s'est prolongée durant 107 jours. Sur le base de 20 € par jour (600 : 30) il sera attribué à Madame Y... une indemnité de 2 140 €.

* Sur le préjudice de contamination

Même si Madame Y... doit être considérée comme guérie, depuis le 1er octobre 2003 il n'en reste pas moins qu'elle a eu connaissance pendant plusieurs années de sa contamination par un agent exogène ce qui comportait le risque d'apparition à plus au moins brève échéance d'une pathologie pouvant mettre en jeu son processus vital.

Elle est donc en droit de réclamer la réparation du préjudice de contamination qu'elle a subi.

Dans la mesure ou les souffrances physiques endurées seront indemnisées séparément il y a lieu de lui allouer à ce titre une indemnité de 20 000 €.

* Sur les souffrances endurées

Les experts notent qu'il y a lieu de prendre en considération les douleurs consécutives à la fonction biopsie hépatique et surtout les effets secondaires du traitement dont la tolérance a été difficile.

Les problèmes psychologiques inhérents au diagnostic se rattachent par contre au préjudice de contamination.

Il sera dès lors attribué à ce titre à Madame Y... une indemnité de 6 000 € au titre des souffrances endurées.

Pour se rendre aux consultations médicales, et suivre les traitements qui lui ont été prescrits Madame Y... a du exposer surtout les dernieres années des frais de déplacement pendant près de 20 ans. Une indemnité de 1 200 € lui sera attribuée de ce chef.

Le total revenant à l'intéressé s'élève donc à :

2 140 € + 20 000 € + 6 000 € + 1 200 € = 29 340 €

La CPAM est endroit de réclamer le montant des sommes dont elle a déjà fait l'avance au titre des prestations en nature (4 421,25 €) et des pertes de gains professionnels actuels (1 433,60 €) ce qui représente un total de 5 874,85 €.

Il lui sera attribué la somme de 300 € qu'elle réclame sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Une indemnité de 2 500 €sera accordée sur le même fondement à Madame Y....

PAR CES MOTIFS :

Infirme la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

Déclare Monsieur Z... responsable de la contamination de Madame Y... par le virus de l'hépatite C.

Le condamne à verser :

1/ à Madame Y... une indemnité 29 340 € à titre principal en réparation de son préjudice outre une indemnité de 2 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

2/ à la CPAM de la GIRONDE la somme principale de 5 874,85 € outre une indemnité de 300 € au titre de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile.

Le condamne aux dépens ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Hervé J... Robert MIORI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 07/00099
Date de la décision : 16/04/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-04-16;07.00099 ?
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