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15/04/2008 | FRANCE | N°08/01031

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0165, 15 avril 2008, 08/01031


QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE- SECTION A
--------------------------
ARRÊT DU : 15 AVRIL 2008
(Rédacteur : Madame Marie- Paule DESCARD- MAZABRAUD, Président)

No de rôle : 08 / 01031

La S. A. S. LIS 33
La S. A. S. SADIMA ETIQUETTES
c /
Monsieur Bernard D...
Nature de la décision : DEMANDE DE RECUSATION D'UN CONSEILLER PRUD'HOMMES

Grosse délivrée le :

à :
Décision déférée à la Cour : rendue le 12 février 2008 par le Conseil de Prud'hommes de LIBOURNE, suivant requêtes en récusation en date du 12 et 19 février 2008,
r>DEMANDERESSES EN RECUSATION D'UN CONSEILLER PRUD'HOMMES DE LIBOURNE :

1o) La S. A. S. LIS 33, prise en la personne ...

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE- SECTION A
--------------------------
ARRÊT DU : 15 AVRIL 2008
(Rédacteur : Madame Marie- Paule DESCARD- MAZABRAUD, Président)

No de rôle : 08 / 01031

La S. A. S. LIS 33
La S. A. S. SADIMA ETIQUETTES
c /
Monsieur Bernard D...
Nature de la décision : DEMANDE DE RECUSATION D'UN CONSEILLER PRUD'HOMMES

Grosse délivrée le :

à :
Décision déférée à la Cour : rendue le 12 février 2008 par le Conseil de Prud'hommes de LIBOURNE, suivant requêtes en récusation en date du 12 et 19 février 2008,

DEMANDERESSES EN RECUSATION D'UN CONSEILLER PRUD'HOMMES DE LIBOURNE :

1o) La S. A. S. LIS 33, prise en la personne de son Président Directeur Général Monsieur Serge X..., domicilié en cette qualité au siège social, 3, Rue Sellenik- Z. I. La Ballastière-33500 LIBOURNE,

2o) La S. A. S. SADIMA ETIQUETTES, prise en la personne de son Président Directeur Général Monsieur Serge X..., domicilié en cette qualité au siège social, 3, Rue Sellenik- Z. I. La Ballastière-33500 LIBOURNE,
Représentées par Maître Hélène JANOUEIX, avocat au barreau de LIBOURNE,

DEFENDEUR EN RECUSATION :

Monsieur Bernard D..., conseiller prud'homme, demeurant...

Comparant et assisté de Monsieur Christian Y..., délégué syndical CGT, muni d'un pouvoir spécial,

PARTIES INTERVENANTES :

1o) Monsieur Abdelkader Z..., demeurant... ...,

2o) Monsieur Alfonso A..., demeurant...
3o) Madame Sandra B..., demeurant...
4o) Madame Monique C..., demeurant...
5o) Le SYNDICAT FILPAC CGT, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Bourse du Travail-44, Cours Aristide Briand-33075 BORDEAUX CEDEX,
Représentés par Maître Agnès COURTY, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 mars 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie- Paule DESCARD- MAZABRAUD, Président, Madame Raphaëlle DUVAL- ARNOULD, Conseiller, Monsieur Francis TCHERKEZ, Conseiller,

qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Françoise ATCHOARENA,
en présence de Monsieur Yves LERNOUT, Substitut Général, entendu en ses observations.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***** *** *

Le 12 février 2008, à l'audience de jugement du Conseil de Prud'hommes de Libourne Madame B..., Madame C... et Monsieur A... présentaient des demandes contre la société Imprimerie Lis 33 et l'Union CGT du Livre, Syndicat Filpac était partie jointe, les salariés formant des réclamations en vue d'obtenir des dommages- intérêts pour discrimination syndicale et harcèlement moral.

Le même jour à la même audience, Monsieur Z... présentait le même type de demande contre la société dénommée Lis 33 Sadima.
Ce jour, la société Lis 33 a déposé avant l'ouverture des débats, une requête en récusation à l'endroit de Monsieur Bernard D... qui présidait la formation de jugement devant laquelle avaient été appelés ces quatre dossiers, Monsieur D... étant conseiller prud'homme salarié élu sur des listes CGT.
Le conseil de la société S. A. S. Lis 33 a formé une demande de récusation en se fondant sur le fait que celui- ci avait été élu sur une liste CGT, que de multiples procédures avaient opposé la société Lis 33 au Syndicat CGT du livre, du papier et de la communication dit Filpac CGT, et que dès lors, sa présence dans une formation de jugement d'un litige où la CGT était partie en demande ne permettait pas de garantir un procès équitable au sens de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.

Le 19 février ont été déposées deux réquêtes rectificatives, l'une au nom de la société Lis 33 pour les dossiers de Madame B..., Madame C... et Monsieur A..., l'autre au nom de la société Sadima Etiquettes pour le dossier de Monsieur Z....

Monsieur D... ayant fait, le 19 février 2008 des observations écrites pour exposer qu'il n'entendait pas se retirer, la demande de récusation a été transmise à la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de Bordeaux.
Lors de l'audience, le conseil de la société Lis 33 a soutenu sa demande de récusation en faisant valoir que :
- Monsieur D... devait statuer sur un litige où le syndicat qui l'avait présentée pour les élections prud'homales était partie en demande,
- des procédures opposaient déjà la société Lis 33 à la CGT devant le Tribunal d'Instance,
- une telle situation ne garantissait pas l'impartialité et l'indépendance indis- pensables pour un procès équitable,
- le nombre de litiges l'ayant déjà opposé dans un court laps de temps au Syndicat CGT renforce la nécessité d'un juge impartial.
Monsieur D... a fait valoir tout d'abord que cette demande de récusation était tardive dans la mesure où la société Lis 33 et la société Sadima ne pouvaient ignorer la composition des deux juridictions de jugement du Conseil de Prud'hommes et qu'il y avait des conseillers prud'hommes salariés élus sur des listes de la CGT dans chaque section.
Il critique également le fait que les dirigeants de la société Lis 33 et la société Sadima n'auraient pas donné de pouvoirs spéciaux.
Il a ensuite soutenu que les arguments que développait la société Lis 33 ne pouvaient justifier sa récusation.

En outre, le Syndicat Filpac CGT de Bordeaux, par intervention volontaire à l'audience, soutient que les arguments de la société, que la Cour de Cassation a déjà jugé qu'il n'y avait pas lieu à récusation lorsqu'un juge élu sur une liste soutenue par un syndicat devait être amené à trancher un litige où ce même syndicat se trouvait impliqué.
Monsieur Z... de son côté rappelle que la société Sadima a déposé une requête en récusation tardive et les autres salariés de Lis 33 estiment également que les cas de récusation étaient connus de l'employeur.
Le Ministère Public a déposé des observations écrites qu'il a développées oralement, dans lesquelles il demande le rejet de la demande de récusation.
MOTIVATION
Sur la recevabilité des requêtes en récusation
En application de l'article 342 du code de procédure civile, la requête en récusation doit être formée dès que le motif allégué de récusation est connue de l'intéressé.

En l'espèce, il est établi que la société Lis 33 a déposé cette requête dès le début de l'audience, c'est à dire dès le moment où les représentants de la société Lis 33 et leur conseil ont pu identifier les membres de la formation du Conseil de Prud'hommes qui allait connaître de leur dossier.

Il ne peut être sérieusement soutenu que cette requête aurait du être déposée plus tôt par la société Lis 33 dans la mesure où la section Industrie comprend dans ses diverses formations, nécessairement un conseiller prud'hommes élu sur une liste CGT. En effet, la requête en récusation vise par nature un juge en particulier et aucun élément dans le dossier ne permet d'établir qu'à l'avance, la société Lis 33 ou la société Sadima était parfaitement informée de la composition des deux formations de la section Industrie.
Il s'en déduit que la société Lis 33 en formant sa demande de récusation dès le début de l'audience, a respecté les conditions posées par l'article 342 du code de procédure civile.
Il ressort des pièces soumises à l'examen de la Cour que le 12 février 2008, si la seule société Lis 33 figure sur la requête en récusation déposée dans les procédures concernant les quatre salariés, Mesdames B... et Broussard et Messieurs Z... et A..., il n'en demeure pas moins que les services du Greffe du Conseil de Prud'hommes de Libourne ont bien enregistré une demande en récusation émanant de la société Lis 33 et pour ce qui est du dossier concernant Monsieur Z..., une demande émanant de la société Lis 33 Sadima.
Monsieur D... s'est également expliqué sur les demandes de récusation émanant tant de la société Lis 33 que de la société Sadima.
Il s'en déduit que le Secrétariat Greffe a reçu une déclaration émanant des deux sociétés et que la requête rectificative qui a été faite par la suite au nom de la société Sadima ne peut avoir pour effet de la considérer comme tardive.
Les requêtes en récusation émanant tant de la société Lis 33 que de la société Sadima sont recevables de ce chef.
Pour ce qui est de la validité du mandat spécial, l'article 343 du code de procédure civile décide que le mandataire d'une partie qui fait une requête en récusation, doit être muni d'un pouvoir spécial.
Tant Monsieur D... que les autres parties intervenantes contestent la validité du pouvoir donné par Monsieur X... PDG des deux sociétés.
Ce dernier a établi un pouvoir en date du 1er décembre 2007 ainsi rédigé :
" Je soussigné Serge X..., PDG de la société Lis 33 / Sadima donne par la présente pouvoir spécial à mes conseils Maître Jean Philippe Magret et Maître Hélène Janoueix, conformément aux articles 345 de former une demande de récusation contre tous juges prud'homaux appartenant à :
- l'Union Départementale CGT de la Gironde
- l'Union Locale CGT de Libourne
- le syndical CGT du Livre, du Papier de la Communication de Bordeaux dans les instances opposant Lis 33 à M. A..., Mme B..., Mme C... et M. Z.... "

Il ressort des pièces versées au dossier que la première audience sur le fond était fixée au 9 décembre 2007. C'est clairement dans cette perspective qu'a été rédigé ce pouvoir spécial. Il n'y avait pas lieu d'exiger de Monsieur X... d'en refaire un pour l'audience de renvoi dont la date avait été portée contradictoirement à la connaissance de toutes les parties.

Si le nom du juge dont la récusation est souhaitée par le représentant des sociétés n'est pas mentionné, il est aisément déterminable, Monsieur X... précisant les litiges dans lesquels il demande la récusation et délimitant le motif invoqué pour la récusation, à savoir l'appartenance du juge à un syndicat précisément dénommé.
Si besoin en était, Monsieur X... en reformant un pouvoir spécial, le 19 février a montré que sa volonté avait été clairement interprétée par ses conseils.
Enfin, sa qualité pour agir au nom de la société Lis33 et la société Sadima ne peut être remise en cause par des tiers puisqu'il est PDG de ces structures et est censé agir en leur nom, seuls les organes de la société pouvant éventuellement tirer argument d'un dépassement de ses prérogatives.
En la forme la requête en récusation formée au nom de la société Lis 33 et de la société Sadima est recevable.
Sur le bien fondé de la récusation
Il est constant que Monsieur D..., Conseiller Prud'homme salarié a été élu sur la liste présentée par le Syndicat CGT et que dans les affaires dans lesquelles les société Lis 33 et société Sadima sont défenderesses, le Syndicat Filpac CGT de la Gironde est partie intervenante, agissant aux côtés des salariés demandeurs.
Au soutien de sa demande de récusation, l'employeur fait valoir que le Syndicat Filpac CGT de la Gironde est partie aux litiges et que les sociétés Lis 33 et Sadima se sont trouvées très souvent opposées à la CGT dans le cadre de diverses procédures tant devant le Tribunal d'Instance que devant les juridictions pénales ou le Juge de l'Exécution. Il soutient que ces circonstances ne lui garantissent pas le droit à un procès équitable.
En matière prud'homale, le respect d'exigence d'impartialité imposé tant par les règles de droit interne que par l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales est assuré par la composition même des Conseils de Prud'hommes qui comprennent un nombre égal de salariés et d'employeurs élus, par la prohibition d'ordre public de tout mandat impératif, par la faculté de recourir à un juge départiteur, extérieur aux membres élus et par la possibilité selon le cas d'interjeter appel ou de faire un pourvoi en cassation.
Par suite, la circonstance que des membres d'un Conseil de Prud'hommes appartiennent à l'organisation syndicale qui est partie au procès pour soutenir les réclamations de salariés n'est pas de nature à affecter l'équilibre d'intérêts inhérents au fonctionnement de la juridiction prud'homale ou à mettre en cause l'impartialité de ses membres et, sauf éléments particuliers de fait non caractérisés en l'espèce, ne suffit pas à établir l'existence d'une inimitié notoire entre un juge et une partie ou d'un intérêt personnel d'un membre de la juridiction.

Contrairement à ce que soutient les sociétés Lis 33 et Sadima, le fait que, en dehors des instances concernées par la présente requête, elles se soient trouvées opposées au Syndicat CGT dans diverses procédures devant plusieurs juridictions pénales ou civiles, n'est pas une circonstance susceptible de modifier cette analyse, les pièces produites démontrant que Monsieur D... était totalement étranger à ces divers litiges et que les procédures examinées par ces juridictions se sont déroulées de manière loyale et régulière.

Il y a lieu de rejeter la demande de récusation formée par Les sociétés Lis 33 et Sadima.
Il est donné acte aux salariés et au Syndicat Filpac CGT de ce qu'ils se réservent de réclamer, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Déclare recevables en la forme les requêtes en récusation formées par la société Lis 33 et la société Sadima.
Rejette sur le fond la demande de récusation formée par les sociétés Lis 33 et Sadima à l'encontre de Monsieur Bernard D....
Dit n'y avoir lieu en l'état à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Renvoie le dossier de l'affaire au Conseil de Prud'hommes de Libourne pour continuation.
Condamne les sociétés Lis 33 et Sadima aux dépens de la présente instance.
Signé par Madame Marie- Paule DESCARD- MAZABRAUD, Président, et par Mademoiselle Françoise ATCHOARENA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F. ATCHOARENA M- P. DESCARD- MAZABRAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0165
Numéro d'arrêt : 08/01031
Date de la décision : 15/04/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Libourne, 12 février 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-04-15;08.01031 ?
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