La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2008 | FRANCE | N°07/01638

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 09 avril 2008, 07/01638


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 avril 2008

(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)

No de rôle : 07/01638

CT

Monsieur Christian X...

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007/9485 du 05/07/2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

Monsieur Thierry Y...

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision défér

ée à la Cour : jugement rendu le 07 février 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 29 mars 2007

APPE...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 avril 2008

(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)

No de rôle : 07/01638

CT

Monsieur Christian X...

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007/9485 du 05/07/2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

Monsieur Thierry Y...

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 février 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 29 mars 2007

APPELANT :

Monsieur Christian X..., né le 23 Janvier 1943 à VILLENAVE D'ORNON (33140), demeurant ...

représenté par la SCP LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour et assisté de la SCP Maître MARTIN Z... avocats au barreau de SAINTES

INTIMÉS :

Monsieur Thierry Y... de nationalité Française, demeurant Clinique Saint Augustin - 114 avenue d'Arès - 33000 BORDEAUX

représenté par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour et assisté de Maître Laurence A... avocat au barreau de BORDEAUX

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Place de l'Europe - 33000 BORDEAUX

représentée par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour et assistée de Maître B... loco Maître Yves C... avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 février 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,

Madame Edith O'YL, Conseiller,

Madame Caroline D..., Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu le jugement du tribunal de grande instance de BORDEAUX en date du 7 février 2007

Vu l'appel interjeté le 29 mars 2007 par monsieur CHRISTIAN X...

Vu ses conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 27 juillet 2007

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 14 décembre 2007 par monsieur THIERRY Y... qui forme appel incident

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 19 décembre 2007 par la CPAM 33

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 janvier 2008

*

* *

Monsieur X... qui souffrait depuis plusieurs années de troubles de la miction, a présenté au début du mois d'avril 2001 une rétention aigue d'urine et a été traité en urgence à l'hopital Pellegrin de BORDEAUX par la mise en place d'une sonde vésicale; il a ensuite consulté le 17 avril le docteur Y..., urologue, qui le 20 avril suivant a pratiqué une adénomectomie prostatique ;

Se plaignant d'impuissance depuis cette intervention et après avoir obtenu en référé la désignation du professeur E..., il saisissait en responsabilité et indemnisation le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX qui par la décision critiquée a estimé que le manquement du docteur Y... à son devoir d'information avait fait perdre à Monsieur X... une chance d'échapper au risque dont il n'avait pas été informé et qui s'est réalisé, perte de chance évaluée à 30 % du montant de son préjudice ; le docteur Y... était ainsi condamné à payer à Monsieur X... une somme de 12 440 € en réparation de son préjudice et la somme de 1668.60 € à la CPAM 33 ; il était en outre fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Monsieur X..., faisant valoir que le tribunal avait sous évalué son préjudice et estimé à tort que le docteur Y... n'avait pas commis de faute dans son suivi post opératoire, demande sa condamnation au paiement des indemnités suivantes :

-50 000 € au titre du manquement au devoir d'information,

-50 000 € au titre de la négligence dans le suivi post opératoire,

-135 000 € au titre de son préjudice physiologique, personnel et économique ;

Le docteur Y... formant appel incident conclut à titre principal à l'infirmation du jugement déféré ; il estime à titre subsidiaire que si un manquement à son devoir d'information est retenu à son encontre, celui-ci n'est pas à l'origine d'un préjudice et à titre infiniment subsidiaire au cas où l'existence une perte de chance serait reconnue, celle-ci ne saurait être supérieure à 10% du montant du préjudice de Monsieur X... ;

La CPAM 33 conclut à la confirmation du jugement entrepris et au bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Le professeur E... désigné par ordonnance de référé en date du 11 mars 2003, après avoir rappelé que Monsieur X... qui avait une vie sexuelle intense a souffert d'une rétention d'urine liée à un adénome prostatique qui a imposé la mise en place en urgence d'une sonde vésicale, explique que la rétention d'urine telle que celle qu'a présentée Monsieur X... est une complication de l'adénome prostatique qui impose un traitement instrumental d'urgence pour permettre l'évacuation nécessaire du point de vue vital des urines ; il souligne que la sonde urinaire lorsqu'on doit la laisser en place fait courir un risque d'infection potentiellement grave et qu'il est impératif de traiter l'adénome prostatique sans tarder afin de rétablir la perméabilité et de pouvoir enlever la sonde ;

Il estime que l'impuissance sexuelle complète que présente Monsieur X... est imputable à l'intervention et en est la conséquence mais que cette intervention a été pratiquée dans les règles de l'art et qu'elle était nécessaire ; il précise qu'il n'y avait pas d'alternative à cette intervention et que celle-ci devait être pratiquée sans tarder en raison du risque d'infection que faisait courir la sonde vésicale ;

Après avoir recueilli l'avis d'un sapiteur psychiatre , le docteur F..., il fixe ainsi que suit le préjudice de Monsieur X... :

-déficit physiologique permanent : 15%

-absence d'incidence professionnelle

-souffrances endurées : 1.5 / 7

-existence d'un préjudice d'agrément

-existence d'une gêne dans la vie affective ;

sur le suivi post opératoire

Monsieur X... fait reproche au premier juge de ne pas avoir retenu de négligence de la part du docteur Y... dans son suivi post opératoire alors que celui-ci ne l'a pas vu à sa sortie de la clinique, ne lui a fixé qu'un seul rendez vous un mois plus tard et n'a pu ainsi constater l'étendue de son préjudice et y remédier ; il souligne qu'alors qu'il a présenté d'intenses douleurs rectales, un défaut total d'érection et d'importants troubles psychologiques, il n'a pas en raison de cette négligence bénéficié des traitements ou du soutien psychologique qui auraient pu améliorer son état ;

Toutefois le fait que ce ne soit pas le docteur Y... qui ait vu monsieur X... à sa sortie de la clinique mais un autre urologue, ce d'autant que l'intervention s'était bien passée, ne peut lui être reproché ;

En outre le docteur Y... , après l'intervention, l'a reçu une première fois en consultation le 25 mai 2001 comme prévu lors de sa sortie de clinique puis une seconde fois le 16 juillet 2001 ; à la suite de cette dernière consultation il a écrit le 18 juillet 2001 au docteur G... lui indiquant qu'il n'avait pas détecté à l'examen clinique d'élément permettant d'expliquer les douleurs anales dont se plaignait monsieur X... et qu'il lui avait en conséquence conseillé de prendre contact avec un proctologue ; il lui précisait revoir Monsieur X... dans un délai de trois mois pour juger de son état ; il est acquis que Monsieur X... n'a pas repris contact avec le docteur Y... ;

Or faute par Monsieur X... de prendre rendez vous avec le docteur Y..., celui ci ne pouvait assurer le suivi post opératoire qu'il lui est reproché de ne pas avoir assumé correctement ;

Par ailleurs aucun élément ne démontre que le docteur Y... au cours de ces deux consultations n'ait porté que peu d'attention à son patient comme celui-ci le soutient ;

C'est donc en faisant une juste appréciation des faits qui lui étaient soumis que le premier juge par des motifs que la cour fait siens a estimé que le docteur Y... n'avait commis aucune faute dans le suivi post opératoire de Monsieur X... ;

Sur le devoir d'information

Monsieur X... contrairement à ce que soutient l'intimé justifie bien d'un préjudice caractérisé par l'impuissance dont il souffre depuis l'intervention et qui a été retenue expressément par l'expert judiciaire ; cette impuissance, qui ne résulte pas de ses seuls dires, a d'ailleurs été établie par les divers examens qu'il a subis mettant en évidence des facteurs physiologiques et pas seulement psychologiques ;

Aux termes du rapport d'expertise du professeur E... le risque d'impuissance après une adénomectomie prostatique, indépendamment de toute faute ou anomalie technique, est inférieur à 5% ;

Il est acquis au moment de l'intervention litigieuse qu'hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé , le médecin était tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et n'était pas dispensé de cette obligation par le seul fait qu'un tel risque ne se réalise qu'exceptionnellement ;

Si le docteur Y... justifie avoir l'habitude de remettre à ses patients à la suite de la consultation préopératoire un document standardisé d'information qu'il leur fait signer et si Monsieur X... reconnaît avoir été informé du risque d'éjaculation rétrograde généré par l'intervention projetée , le docteur Y... , alors que cette preuve lui incombe, ne justifie pas comme il le soutient avoir informé Monsieur X... du risque de troubles érectiles qu'il encourait aussi ;

Certes l'adénomectomie était nécessaire voire indispensable compte tenu des risques d'infection potentiellement grave générés par la mise en place d'une sonde vésicale et devait être effectuée rapidement ;

Cependant le docteur Y... ne peut être dispensé de son devoir d'information quant aux risques inhérents à l'intervention par le seul fait que celle-ci était médicalement nécessaire , sauf à ôter tout intérêt à ce devoir d'information puisque toute intervention qui porte par nature atteinte à l'intégrité physique ne peut être justifiée que par une nécessité médicale ;

Le manquement de l'intimé à son devoir d'information est donc établi ;

Monsieur X... fait valoir que s'il avait été informé des risques encourus , il n'aurait pas subi l'intervention effectuée par le Docteur Y... , "il aurait pris du recul" et attendu le retour du docteur H... qui lui avait été recommandé et qu'il souhaitait consulter personnellement ; il estime en conséquence avoir perdu une chance d'échapper au risque dont il n'a pas été informé et qui s'est réalisé ;

Cependant , outre que l'adénomectomie était justifiée et a été effectuée dans les règles de l'art , l'expert judiciaire précise qu'il n'y avait pas d'autre alternative et qu'elle devait être pratiquée sans tarder en raison du risque d'infection que faisait courir la sonde vésicale ; aussi il est peu probable que monsieur X..., dûment averti des risques de troubles érectibles qu'il encourait du fait de cette intervention, aurait renoncé à celle-ci et continué à porter une sonde vésicale qui non seulement lui faisait courir des risques importants de contracter une infection grave mais lui interdisait aussi toute activité sexuelle alors qu' il indique que celle-ci était particulièrement intense; en outre la prise de recul dont il indique avoir été privé n'aurait conduit qu'à aggraver le risque d'infection généré par le port d'une sonde vésicale ;

De plus il ne justifie nullement avoir voulu être opérer par le Docteur H... et n'avoir à opter que par défaut le Docteur Y... ;

Il ne peut donc être soutenu que ce défaut d'information a fait perdre à monsieur X... une chance d'échapper par une décision plus judicieuse au risque qui s'est réalisé ;

En conséquence le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a retenu une perte de chance ;

Monsieur X... sera débouté de ses demandes

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour ,

Réforme le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 7 février 2007

Statuant à nouveau ,

Déboute Monsieur X... de ses demandes

Le condamne à payer à Monsieur Y... une somme de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Le condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Hervé I... Robert MIORI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 07/01638
Date de la décision : 09/04/2008

Références :

ARRET du 03 juin 2010, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 juin 2010, 09-13.591, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-04-09;07.01638 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award