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07/04/2008 | FRANCE | N°07/01536

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre civile 1, 07 avril 2008, 07/01536


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

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ARRÊT DU : 07 AVRIL 2008

(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président,)

No de rôle : 07/01536

S.C.I. RESIDENCE VICTORIA I

c/

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE VICTORIA II

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 mars 2007 (R.G. 06/10925) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 22 mars 2007
> APPELANTE :

S.C.I. RESIDENCE VICTORIA I, représentée par son gérant Monsieur X... domicilié en cette qualité au siège social sis Place ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 07 AVRIL 2008

(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président,)

No de rôle : 07/01536

S.C.I. RESIDENCE VICTORIA I

c/

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE VICTORIA II

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 mars 2007 (R.G. 06/10925) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 22 mars 2007

APPELANTE :

S.C.I. RESIDENCE VICTORIA I, représentée par son gérant Monsieur X... domicilié en cette qualité au siège social sis Place du Fougard - Bâtiment 2 - 47200 MARMANDE

représentée par la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoués à la Cour, et assistée de Maître François DELMOULY, avocat au barreau d'AGEN

INTIMÉ :

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE VICTORIA II, dont le siège social est sis 15 Rue Pierre Curie - 33000 BORDEAUX, prise en la personne de son Syndic la SAS URBANIA BORDEAUX, domicilié en cette qualité en ses bureaux 185 boulevard du Maréchal Leclerc 33000 BORDEAUX

représenté par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour, et assisté de la SCP TONNET-GOUYON-LESPRIT-BAUDOUIN, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 février 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Franck LAFOSSAS, Président,

Jean-Claude SABRON, Conseiller,

Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

Faits et procédures antérieures :

Le 25 juin 1973, Jean-Claude X..., rapatrié d'Algérie, constituait avec son épouse dans la proportion 90/10, la Société civile immobilière Résidence Victoria I.

Cette société civile immobilière, dont le siège social est à Marmande (47), s'est vu fixer pour objet social la construction d'un ensemble immobilier à Bordeaux (33) appelé "Résidence Victoria II".

En fin de commercialisation, la Sci Résidence Victoria I est restée propriétaire de 8 lots, appartements et garages, dans la copropriété de la Résidence Victoria II.

Par ailleurs, suite à des difficultés financières personnelles, Jean-Claude X... a fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire prononcée à son encontre par le tribunal de commerce de Marmande le 20 mars 1979. Par jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 27 mai 1981, cette mesure a été étendue à diverses sociétés civiles, dont la Sci Résidence Victoria I, dont il était gérant. Maître Z... était désigné comme syndic.

En sa qualité de rapatrié, bénéficiant des dispositions protectrices de la loi, la cour d'appel de Bordeaux a déclaré, dans un arrêt du 6 novembre 2001, la suspension des procédures collectives ouvertes à l'encontre des sociétés civiles par suite de la saisine des commissions ad hoc. Et, dans un arrêt du 21 mai 2002, par interprétation de la décision qui précède, la cour a déclaré l'arrêt total des effets et du déroulement des procédures collectives, a prononcé le dessaisissement des organes de procédure collective et a ordonné la reddition des comptes.

Par arrêt du 5 février 2002, sur renvoi de cassation, la cour d'appel de Bordeaux a ordonné l'arrêt total des effets de la liquidation prononcée par le tribunal de commerce de Marmande le 20 mars 1979 et a dit que Jean-Claude X... devait recouvrer la libre disposition de ses biens.

Entre temps, le syndicat des copropriétaires de la Résidence Victoria II avait poursuivi le recouvrement d'une créance de charges de copropriété impayées dues par la Sci Résidence Victoria I.

Suite à un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux, rendu le 18 avril 1989, ayant condamné le syndic de la liquidation des biens de la société civile, maître Z..., à payer au syndicat la somme de 310.221,78 F, ce dernier avait inscrit une hypothèque sur les lots appartenant à la Sci Résidence Victoria I au sein de l'ensemble immobilier Résidence Victoria II.

Ce jugement a été confirmé par la cour d'appel de Bordeaux dans un arrêt du 29 septembre 1992, et le syndicat, poursuivant la procédure de saisie immobilière, a acquis les actifs de la Sci Résidence Victoria I, faute d'enchérisseur.

Mais, par arrêt du 22 septembre 1998, la cour d'appel de Bordeaux, considérant que Jean-Claude X... était fondé à bénéficier de la protection des rapatriés réinstallés, a annulé le commandement de saisie immobilière et déclaré nulle l'adjudication.

Dans la logique de cette décision, et dans une procédure actuellement toujours en cours, la Sci Victoria I a demandé au tribunal de grande instance de Bordeaux d'ordonner la radiation des inscriptions d'hypothèques grevant ses biens.

Par arrêt de la Cour de cassation rendu en assemblée plénière le 7 avril 2006 il a été jugé de l'incompatibilité d'une protection illimitée des rapatriés avec l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par acte du 14 novembre 2006, le syndicat s'est fait autoriser à assigner à jour fixe la Sci Résidence Victoria I aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des charges de copropriétés toujours impayées.

Par jugement du 6 mars 2007, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

.condamné la Sci Résidence Victoria I à payer au syndicat la somme de 117.022,99 € arrêtée le 16 janvier 2007, avec exécution provisoire,

.condamné la Sci Résidence Victoria I à payer 1.500 € au titre de l'article 700 ncpc.

Procédure d'appel :

Par acte remis au greffe de la Cour le 22 mars 2007, la Sci Résidence Victoria I a déclaré relever appel contre le syndicat des copropriétaires de la Résidence Victoria II du jugement rendu le 6 mars 2007 par le tribunal de grande instance de Bordeaux.

La société civile immobilière appelante précise dans ses dernières conclusions signifiées le 20 juillet 2007 que la décision déférée est critiquable. Il est en conséquence demandé d'infirmer et de :

.vu l'article 100 de la loi de finances pour 1998, juger, relativement aux créances postérieures au 21 mai 2002, que leur exécution forcée ne pourra être poursuivie tant qu'il n'aura pas été définitivement statué sur la demande présentée à la CONAIR,

.juger irrecevables, en vertu des arrêts rendus par la cour d'appel de Bordeaux les 6 novembre 2001 et 21 mai 2002, les demandes de condamnation relatives aux charges antérieures au 21 mai 2002,

.subsidiairement, juger au visa des articles 480 et 500 ncpc qu'il n'y aura lieu à exécution forcée relativement aux charges appelées antérieurement au 20 mai 1992,

.condamner l'intimé à payer 5.000 € au titre de l'article 700 ncpc.

Le syndicat de copropriété intimé, par ses dernières conclusions signifiées le 31 octobre 2007, sollicite la confirmation outre la condamnation de la Sci Résidence Victoria I, pour appel abusif et dilatoire, à lui payer 10.000 € de dommages et intérêts et 5.000 € au titre de l'article 700 ncpc.

Sur quoi, la Cour :

Le syndicat des copropriétaires de la Résidence Victoria II intimé soutient sans être contredit que depuis de nombreuses années la société civile Victoria I appelante ne paie pas ses charges de copropriété, imposant aux autres copropriétaires de les assumer seuls, alors pourtant qu'elle est propriétaire de 8 lots dans cet ensemble qu'elle a commercialisé, son gérant Jean-Claude X... étant promoteur immobilier.

Le long énoncé du cursus judiciaire figurant en première partie du présent arrêt démontre qu'il y a plus de vingt ans, le 15 septembre 1987, cette société civile devait déjà à titre de charges impayées la somme de 310.221,78 F, selon jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 18 avril 1989 condamnant le syndic de sa liquidation des biens à payer ce montant.

L'arrêt confirmatif du 29 septembre 1992 de la cour de Bordeaux actualisera l'impayé à la somme de 419.419,03 F au 20 mai 1992.

Par la suite cette société civile opposera en permanence au syndicat de copropriété le fait que son gérant devait bénéficier de la protection apportée aux rapatriés.

C'est ainsi que les procédures collectives mises en place seront annulées, avec retour à la situation antérieure et que la vente ordonnée et déjà réalisée des lots appartenant à la société civile sera annulée.

C'est ainsi que le syndicat des copropriétaires intimé soutient dans ses écritures du 31 octobre 2007, sans être démenti, que "la Sci Résidence Victoria I et son propriétaire, Monsieur X..., ne reprenaient pas le règlement de l'arriéré de charges de copropriété, ni d'ailleurs des charges courantes".

Il est ainsi démontré que depuis de très nombreuses années la société civile appelante se sert de lois de protection successives, résultant des articles 100 de la loi du 30/12/97, 76 de la loi du 2/7/98, 25 de la loi du 30/12/98, 2 du décret du 4/6/99, et 77 de la loi du 17 janvier 2002, pour organiser en l'imposant au juge une suspension automatique des poursuites, d'une durée indéterminée, portant atteinte, dans leur substance même, aux droits des créanciers, privés de tout recours alors que le débiteur dispose de recours suspensifs devant les juridictions administratives.

Même dans l'actuelle procédure d'appel, la société civile appelante ne peut citer la date de la fin de la suspension des poursuites qu'elle impose à son créancier, tandis que celui-là prouve que le dernier recours en date exercé par Jean-Claude X... devant la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée a déclaré le débiteur inéligible parce qu'il lui avait soumis une situation qui n'était pas sincère et exhaustive de son actif, oubliant de déclarer divers éléments de sa patrimoine, dissimulant ainsi une valeur de 1.748.550 €.

Il convient de considérer que cette suspension ainsi imposée au créancier viole les dispositions de l'article 6-1 de la Convention et de ne plus appliquer cette suspension des poursuites.

Afin de limiter la portée de la fin de cette suspension des poursuites, la société civile appelante considère que certaines décisions judiciaires ont autorité de chose jugée et la protègent.

Elle demande d'abord que l'arrêt du 29 septembre 1992 condamnant le syndic de sa liquidation des biens à payer au syndicat la somme de 419.419,03 F soit mis à exécution. Mais les procédures collectives ont été annulées et Jean-Claude X... et ses sociétés civiles, dont la Sci Résidence Victoria I, ont été remis retro-activement dans leurs biens, avec reddition des comptes, une décision interprétative en ce sens ayant été rendue le 21 mai 2002 par la cour d'appel de Bordeaux, sur sa requête, afin d'éviter toute méprise sur la portée totale de cette sentence.

La société civile est donc la seule débitrice des charges de copropriété, et non pas son syndic temporaire dont la fonction n'a existé que par suite de la procédure collective annulée.

Ensuite, la société civile immobilière appelante estime que les décisions ayant suspendu la procédure de saisie immobilière et les différentes poursuites engagées contre elle sont "opposables erga omnes en vertu du caractère d'ordre public de la législation sur les faillites" si bien que l'arrêt du 22 septembre 1998 s'imposerait en sa motivation "Monsieur X... est fondé à bénéficier des dispositions édictées à l'article 11 de la loi du 30 décembre 1997 et relative à la protection des rapatriés réinstallés". En conséquence il s'opposerait à ce que le syndicat procède à l'exécution forcée des créances objet de la poursuite.

Mais, précisément, il a été jugé plus haut contraire à la convention européenne des droits de l'homme de se servir indéfiniment d'un texte protecteur des rapatriés pour imposer sans limite une atteinte aux droits de ses créanciers. La société civile ne peut donc pas opposer cette autorité de chose jugée.

Pour cette même raison, la société appelante ne peut demander un nouveau délai dans l'attente d'une nouvelle décision à venir de la commission CONAIR, étant rappelé que la dernière saisine en date a abouti à un refus en 2005 pour cause de dissimulation du patrimoine par fausse déclaration.

L'appelante considère enfin que l'arrêt de la cour de cassation du 7 avril 2006 impose de traiter différemment la prises d'un titre exécutoire par un créancier et les actes d'exécution forcée. La prise d'un titre serait seule autorisée tandis que leur exécution resterait interdite, ce dont il use pour demander à la cour d'interdire l'exécution forcée du titre relative aux charges appelées antérieurement au 20 mai 1992 (condamnation prononcée par l'arrêt du 29 septembre 1992).

Mais le même raisonnement que plus haut suivi interdit de prolonger ainsi cette impossibilité pour le créancier de faire valoir ses droits à indemnisation.

Comme le premier juge, la cour observe que les charges de copropriété ont été régulièrement notifiées. Elles ne font pas l'objet de critiques dans leur montant par l'appelante qui ne conteste pas leur calcul.

La décision déférée, qui a condamné la société civile immobilière Victoria I à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence Victoria II la somme de 117.022,99 € (cent dix sept mille vingt deux euros et quatre vingt dix neuf centimes d'euro), pour compte arrêté au 16 janvier 2007, sera en conséquence confirmée, avec adoption de ses motifs non contraires.

Le premier juge avait également exactement apprécié à 1.500 € (mille cinq cents euros) le montant de l'indemnité nécessaire au titre de l'article 700 ncpc.

L'appel ne peut être considéré comme dilatoire et abusif, même s'il aboutit à une confirmation intégrale.

En revanche cet appel a généré pour le syndicat intimé des frais injustes non compris aux dépens qu'une somme de 3.000 € (trois mille euros) viendra indemniser en vertu de l'article 700 ncpc.

Par ces motifs :

Confirme la décision déférée,

Condamne la société civile immobilière Résidence Victoria I à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence Victoria II la somme de 3.000 € (trois mille euros) au titre de l'article 700 ncpc,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

La condamne aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Luc Boyreau et Raphaël Monroux, avoué.

L'arrêt a été signé par le Président Franck Lafossas et par Annick Boulvais, Greffier auquel il a remis la minute signée de la décision.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07/01536
Date de la décision : 07/04/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 06 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-04-07;07.01536 ?
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