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17/03/2008 | FRANCE | N°07/01422

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 17 mars 2008, 07/01422


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 17 mars 2008

(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)

No de rôle : 07 / 01422

IT

Monsieur Antonio X... Y...X...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 5516 du 05 / 04 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Madame Maria Z...Y...X...

c /

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG
La MUTUELLE D'ASSURANCE DU CORPS SANITAIRE FRANCAIS (M. A. C. S. F.)
La CPAM DE LA GIRONDE
r>Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 février ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 17 mars 2008

(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)

No de rôle : 07 / 01422

IT

Monsieur Antonio X... Y...X...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 5516 du 05 / 04 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Madame Maria Z...Y...X...

c /

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG
La MUTUELLE D'ASSURANCE DU CORPS SANITAIRE FRANCAIS (M. A. C. S. F.)
La CPAM DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 février 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 16 mars 2007

APPELANTS :

Monsieur Antonio X... Y...X... né le 12 Mars 1939 à FOLHADA
(PORTUGAL), demeurant ...

Madame Maria Z...Y...X... née le 20 Juillet 1936 à FREIXE DE ESPADA (PORTUGAL), demeurant ...

Représentés par la SCP Michel PUYBARAUD, avoués à la Cour assistés de Maître A...avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG pris en la personne de son représentant légal dont le siège social est ...PLAINE SAINT DENIS

Représenté par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour assisté de Maître B...avocat au barreau de BORDEAUX

La MUTUELLE D'ASSURANCE DU CORPS SANITAIRE FRANCAIS (M. A. C. S. F.) prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est ...

Représentée par la SCP LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour assistée de Maître C...avocat au barreau de PARIS

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est 3 place de l'Europe ...

Représentée par la SCP Luc BOYREAU et Raphael MONROUX, avoués à la Cour assistée de Maître D...loco Maître E...avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 janvier 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,
Madame Josiane COLL, Conseiller,
Madame Edith O'YL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

-contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date
du 14 février 2007.

Vu l'appel interjeté le 16 mars 2007 par Monsieur Antonio X...
Y...X... et par Madame Maria Z...Y...X....

Vu leurs conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 27
décembre 2007.

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 31
décembre 2007 par l'Etablissement Français du Sang Aquitaine Limousin
(EFSAL).

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 21
décembre 2007 par la Mutuelle d'Assurance du Corps Sanitaire Français
(MACSF).

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 3
décembre 2007 par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 janvier 2008.

Le 19 juin 1974 Madame Z...Y...X... a subi une hystérectomie à l'hôpital suburbain du BOUSCAT au cours de la laquelle des produits sanguins lui ont été administrés ; le diagnostic d'une hépatite C a été porté au mois d'août 2001 lors d'un bilan de fatigue ; la biopsie pratiquée le 27 septembre 2001 a mis en évidence une hépatite chronique avec des lésions d'activité et de fibrose modérées, le score metavir étant A2 F2.

Après avoir obtenu en référé l'organisation d'une expertise confiée au professeur QUINTON MadameZ...Y...X... a saisi le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en responsabilité et indemnisation ; celui-ci par la décision critiquée l'a déboutée de sa demande au motif qu'elle n'apportait pas d'éléments permettant de présumer que sa contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins au sens de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002.

Sur l'imputabilité de la contamination de Madame Z...Y...X... :

L'article 102 de la loi du 4 mars 2002, applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, dispose qu'« en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à l'application de la loi, dès lors que le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion n'est pas à l'origine de la contamination ; le doute profite au demandeur ».

Le rapport d'expertise du professeur G...désigné par ordonnance de référé du 27 octobre 2003 met en évidence les éléments suivants :

-Madame Z...Y...X... présente des anticorps contre le virus de l'hépatite C et l'ARN du virus ;

-lors de l'intervention qu'elle a subie le 19 juin 1974 elle a reçu un concentré globulaire no71738 ; l'enquête de l'Etablissement Français du Sang a permis d'identifier le donneur mais celui-ci n'a pu être contacté n'habitant plus à l'adresse qu'il avait mentionnée lors du don ; son statut virologique est donc inconnu ;

-le mode de vie et les antécédents de madame Z...Y...X... ne permettent pas d'évoquer une autre cause de contamination ; elle n'a eu en effet ni traitement par acupuncture ou mésothérapie, ni sclérose des varices ; elle n'a pas fait usage de drogues et n'a pas de tatouage ;

Certes d'une part le professeur G..., ainsi que le soulignent l'Etablissement Français du Sang et la Mutuelle d'Assurance du Corps Sanitaire Français MACSF, ne conclut qu'à une possibilité de contamination par les produits sanguins administrés le 19 juin 1974 et estime que la probabilité que le donneur du concentré globulaire ait pu être contaminateur n'est que de 2, 5 pour mille.

D'autre part l'Etablissement Français du Sang et la Mutuelle d'Assurance du Corps Sanitaire Français MACSF font valoir que les risques nosocomiaux auxquels a été exposée Madame Z...Y...X... lors de l'intervention qu'elle a subie le 19 juin 1974 sont supérieurs aux risques transfusionnels.

Toutefois le professeur G...indique que personne ne peut chiffrer quel était le risque nosocomial en 1974 et que par analogie avec des périodes plus récentes il estime intuitivement que le risque de contamination transfusionnelle a toujours été plus important que le risque de contamination nosocomiale.

En tout état de cause Madame Z...Y...X..., qui démontre avoir subi une transfusion de produits sanguins dont le donneur n'a pas été retrouvé et qui est donc susceptible d'être porteur du virus, avoir contracté ultérieurement une hépatite C et ne présenter aucune autre cause de contamination, apporte des éléments suffisants permettant de présumer que sa contamination a pour origine la transfusion pratiquée le 19 Juin 1974 et satisfait ainsi aux obligations mises à sa charge par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002.

En revanche l'Etablissement Français du Sang et la Mutuelle d'Assurance du Corps Sanitaire Français MACSF en faisant état de la faible probabilité que le donneur du concentré globulaire ait été contaminateur, de l'absence d'épisode d'hépatite aiguë après l'administration de produits sanguins et de l'éventualité d'une maladie nosocomiale ne rapportent pas la preuve qui leur incombe aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, à savoir prouver que les produits sanguins administrés le 19 juin 1974 ne sont pas à l'origine de la contamination par le virus de l'hépatite C.

En conséquence l'incertitude qui subsiste quant à l'origine de la contamination ne pouvant profiter qu'à la victime, l'Etablissement Français du Sang EFS doit être déclarée responsable de l'hépatite C dont est atteint Madame Z...Y...X... et tenu d'en réparer les conséquences dommageables in solidum avec la Mutuelle d'Assurance du Corps Sanitaire Français MACSF.

Le jugement déféré sera de ce fait infirmé.

Sur l'indemnisation du préjudice :

Le professeur G...explique que l'atteinte virale dont souffre l'appelante a entrainé une hépatite chronique active, confirmée par biopsie hépatique et responsable d'une cytolyse chronique et que les lésions hépatiques d'intensité moyenne qu'elle présente ne peuvent être rattachées à aucune autre cause que l'hépatite ; il signale qu'un traitement associant interféron retard et ribavérine a été commencé en novembre 2001 mais que la ribavérine a été interrompue en raison de sa mauvaise tolérance hématologique tandis que l'inteféron qui a été poursuivi seul jusqu'en juin 2002 a du être arrêté en raison de la persistance d'un taux élevé de transaminases et de la survenue d'une pansinusite aiguë ; il estime que son état est consolidé et souligne qu'il ne s'améliorera pas de façon spontanée.

Il précise que Madame Z...Y...X... est soignée depuis 1976 pour une hypertension artérielle qui participe à sa fatigue.

Ses conclusions sont les suivantes :

-ITP de 20 % à compter du mois d'août 2001, date du constat de la cytolyse et de la virémie
-ITT de deux jours correspondant à son hospitalisation pour biopsie hépatique
-date de consolidation : 28 juin 2002
-IPP (déficit fonctionnel permanent) : 10 %
-souffrances endurées : 3 / 7 ;

Il convient d'évaluer ainsi que suit le préjudice de Madame Z...Y...X... âgée de 66 ans à la date de consolidation :

- dépenses de santé actuelles que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde justifie avoir déboursées : 3348. 10 €
- dépenses de santé futures : 639. 51 € ;

- déficit fonctionnel temporaire total pendant deux jours et de 20 % du mois d'août 2001 au 28 juin 2002 :

La demande de Madame Z...Y...X..., fondée sur une indemnisation mensuelle de 600 € par mois, sera accueillie et l'Etablissement Français du Sang Aquitaine Limousin L'EFSAL condamnée in solidum avec la MACSF à lui payer une somme de 1320 €.

- déficit fonctionnel permanent de 10 % :
les séquelles dont reste atteinte et parfaitement décrites par l'expert judiciaire Madame Z...Y...X... justifient l'allocation d'une somme de 8000 € ;

- Madame Z...Y...X... demande au titre de son préjudice de contamination la somme de 150 000 €, au titre des souffrances endurées la somme de 15 000 € et au titre du préjudice d'agrément celle de 10 000 €.

Or le préjudice spécifique de contamination a pour objet de réparer l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques subis par la victime et résultant notamment du fait pour celle-ci de se savoir atteinte d'une pathologie évolutive pouvant mettre en jeu à plus ou moins brève échéance le pronostic vital, des perturbations de sa vie personnelle, sociale et familiale, ainsi que des souffrances endurées et de leur crainte, du préjudice d'agrément et de toutes les affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie.

En conséquence indemniser d'une part le préjudice de contamination et d'autre part les souffrances endurées et le préjudice d'agrément reviendrait à indemniser deux fois le même préjudice.

Il convient au vu des éléments apportés par le professeur G...de fixer à la somme de 50 000 € le préjudice de contamination de Madame Z...Y...X..., lequel inclut les souffrances endurées et le préjudice d'agrément dont elle souffre.

Monsieur X... Y...X... qui explique accompagner au quotidien son épouse, partager ses angoisses et accomplir des tâches « dépassant la norme de l'entraide entre époux » sollicite en réparation de ce préjudice l'allocation d'une somme de 15 000 €.

L'hépatite dont souffre Madame Z...Y...X... est modérée et s'il est patent qu'elle subit un préjudice fonctionnel de 10 % caractérisé par de l'asthénie et un préjudice spécifique de contamination, il n'est pas démontré en l'espèce d'une part que les obligations auxquelles est astreint son époux dépassent la norme de l'entraide entre époux et d'autre part que l'état de son épouse génère une inquiétude telle qu'elle justifie l'allocation de dommages et intérêts.

Monsieur X... Y...X... sera débouté de sa demande.

En conséquence Etablissement Français du Sang Aquitaine Limousin
l'EFSAL sera condamné in solidum avec la Mutuelle d'Assurance du Corps Sanitaire Français MACSF à payer à Madame Z...Y...X... la somme de 59 320 € et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde les dépenses de santé actuelles et futures exposées.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de Madame Z...Y...X... à hauteur de 1 500 € et de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde à hauteur de 300 €.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant par arrêt contradictoire.

-Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 14 février 2007.

-Déclare l'Etablissement Français du Sang Aquitaine Limousin EFSAL responsable de la contamination de Madame Z...Y...X... par le virus de l'hépatite C.

-Le condamne in solidum avec la Mutuelle d'Assurance du Corps Sanitaire Français MACSF à payer :

. à Madame Z...Y...X... la somme de 59 320 € de dommages et intérêts

. à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde la somme de 3 348. 10 € au titre des dépenses de santé actuelles et les frais futurs au fur et à mesure qu'ils seront exposés à moins qu'ils ne préfèrent se libérer immédiatement par le versement du capital représentatif soit 639. 51 €

. à Madame Z...Y...X... la somme de 1500 € et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde 300 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

-Condamne l'Etablissement Français du Sang Aquitaine Limousin
(EFSAL) et la Mutuelle d'Assurance du Corps Sanitaire Français (MACSF) aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Edith O'YL, Conseiller par suite d'un empêchement du Président et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,

Hervé H...Edith O'YL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 07/01422
Date de la décision : 17/03/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-03-17;07.01422 ?
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