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10/03/2008 | FRANCE | N°05/05528

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 10 mars 2008, 05/05528


CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 10 mars 2008

(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)

No de rôle : 04 / 05528

IT

S. A. D. DUCHENE

c /

Monsieur René X...
Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués : Décision déférée à la Cour : décision rendu le 17 septembre 2004 par le Tribunal d'Instance de PESSAC (GREFFE PERMANENT) suivant déclaration d'appel du 25 octobre 2004
APPELANTE :

S. A. D. DUCHENE, exerçant sous l'enseigne commerciale TV DI

RECT DISTRIBUTION, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, et en son ...

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------

ARRÊT DU : 10 mars 2008

(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)

No de rôle : 04 / 05528

IT

S. A. D. DUCHENE

c /

Monsieur René X...
Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués : Décision déférée à la Cour : décision rendu le 17 septembre 2004 par le Tribunal d'Instance de PESSAC (GREFFE PERMANENT) suivant déclaration d'appel du 25 octobre 2004
APPELANTE :

S. A. D. DUCHENE, exerçant sous l'enseigne commerciale TV DIRECT DISTRIBUTION, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, et en son értablissement en FRANCE : 8 rue du Maréchal de Lattre de Tassigny 59000 LILLE,30 rue de l'Industrie 1400 NIVELLE BELGIQUE

Représentée par la SCP Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, avoués à la Cour assistée de Maître CHAS avocat au barreau de NICE

INTIMÉ :

Monsieur René X... né le 16 Mars 1919 à BORDEAUX (33000), demeurant ... 33170 GRADIGNAN

Représenté par la SCP TOUTON-PINEAU et FIGEROU, avoués à la Cour assisté de Maître DANGLADE avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2008 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Edith O'YL, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Robert MIORI, Président, Madame Josiane COLL, Conseiller, Madame Edith O'YL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :

-contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.
* * * Vu le jugement du Tribunal d'Instance de BORDEAUX en date du 17 septembre 2004.

Vu l'appel interjeté le 25 octobre 2004 par la SA D. DUCHESNE.
Vu l'arrêt de la présente cour en date du 17 octobre 2006 ordonnant la réouverture des débats.

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 11 décembre 2007 par la SA D DUCHESNE.

Vu les conclusions récapitulatives déposées au greffe de la cour et signifiées le 21 décembre 2007 par Monsieur René X... qui forme appel incident.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27 décembre 2007.

Au cours des années 2000 à 2003 Monsieur X... a reçu de la SA D DUCHESNE, société de vente par correspondance qui exerce sous diverses enseignes (TV direct distribution, TVD santé, les indispensables …), de nombreux documents personnalisés attirant son attention sur le fait qu'il avait gagné des chèques de 100 000 francs,62 000 francs,49 000 francs,100 000 €,10 000 €,9750 €,8500 €,7500 €,7470 € ….

Monsieur X... a passé plus d'une trentaine de commandes mais n'a pas obtenu la délivrance de ceux-ci ; il saisissait le Tribunal d'Instance de BORDEAUX sur le fondement des articles 1382 du code civil, L 121-36 et L 121-37 du code de la consommation pour obtenir la condamnation de la SA D DUCHESNE au paiement de la somme de 7 500 € de dommages et intérêts et de celle de 1 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par le jugement critiqué la SA D DUCHESNE a été condamnée à lui payer la somme de 5 000 € de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil et une somme de 800 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par arrêt en date du 17 octobre 2006 la présente cour a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur l'application des dispositions de l'article 1371 du code civil.
Monsieur X... conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SA D DUCHESNE sur le fondement de l'article 1382 du code civil et à titre subsidiaire estime sur le fondement de l'article 1371 du code civil que la SA D DUCHESNE s'était engagée sans aucune équivoque à lui délivrer les lots annoncés en ne mettant pas en évidence l'existence d'un aléa ; formant appel incident il réclame la condamnation de la SA D DUCHESNE au paiement de la somme de 7 500 € de dommages et intérêts,5000 € de dommages et intérêts pour appel abusif outre 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SA D DUCHESNE fait essentiellement valoir au soutien de son appel, après avoir souligné qu'elle respecte les dispositions de l'article L 121-36 et L 121-37 du code de la consommation, qu'elle n'a commis aucune faute et n'a pris aucun engagement ferme de délivrance de gain dans la mesure où elle a seulement adressé à Monsieur X... des documents lui permettant de recevoir le règlement d'une prochaine opération promotionnelle et de prendre part à des jeux publicitaires avec pré-tirage, ce que la lecture de bonne foi et moyennement attentive des documents litigieux mentionnant l'existence d'un aléa et le règlement du jeu lui permettait d'appréhender ; elle signale à cet effet que Monsieur X... a participé à de très nombreuses opérations promotionnelles.
Les documents adressés par la SA D DUCHESNE à Monsieur X... doivent être examinés afin d'établir si par leur intitulé, leur présentation, leur formulation, leur libellé et la nature des termes employés ils peuvent être considérés aux yeux d'un destinataire normalement attentif et diligent comme contenant une promesse de gain ferme et dénuée d'aléa.
Il est à observer à titre liminaire que la SA D DUCHESNE, société de vente par correspondance exerçant sous plusieurs enseignes telles que « TV direct distribution », « TVD santé », « olivéal » ou « les indispensables », adresse à ses clients potentiels, sous l'une ou l'autre de ses dénominations commerciales, un catalogue de vente de produits spécialisés auquel sont joints les documents litigieux relatifs à des jeux promotionnels fonctionnant selon la règle du pré tirage au sort du nom des gagnants qui se voient attribuer un numéro leur permettant de participer au jeu.
Monsieur X... a ainsi notamment reçu parmi les nombreux documents qui lui ont été adressés par la SA D DUCHESNE depuis l'année 2000 :

-en janvier 2003 un « avis de remise de gain » mentionnant son no personnel de gain, le montant du prix (10 000 e) et le mode de paiement (chèque de banque) et affirmant « toutes mes félicitations Monsieur X... ! vous êtes déclaré grand gagnant d'un chèque sous le contrôle d'un huissier de justice ; dès réception de votre commande si vous le souhaitez je vous garantis l'envoi de votre chèque sous 15 jours maximum ; aussi ce qui est sûr monsieur X... c'est que la somme de 10 000 € est bien à vous ; ce document est à l'entête de TV direct distribution « département des pré tirages gratuits, règlement joint et liste des prix soumis à l'aléa » ; au verso est reproduit en caractères lisibles le règlement du jeu « grand prix des 10000 €-version avis remise de gain » de la lecture duquel il ressort clairement que Monsieur X... a seulement gagné à la suite d'un pré-tirage le droit de participer au tirage au sort de ce chèque et doit pour ce faire suivre une procédure détaillée.
-courant 2002 des documents intitulés « dernier avertissement officiel » sous forme de dépliant, portant au recto des no d'identification différents, affirmant « Monsieur X... c'est officiel le chèque de 10 000 e est à vous » ; à l'intérieur sous l'intitulé « dossier du titulaire » sont énumérées les pièces jointes ; sous l'une de celles-ci, à savoir l'enveloppe réponse, il est mentionné « si vous ne souhaitez pas béneficier du traitement prioritaire vous devez respecter l'article 8 du règlement … » ; le règlement du jeu est reproduit au bas de ce document en caractères serrés et peu engageants ; un « document officiel » joint à cet avertissement comprend un « engagement officiel de gain » qui explique la procédure à suivre pour la remise du chèque, comporte des affirmations selon lesquelles Monsieur X... est le seul à même de recevoir le chèque ; en revanche le bon de commande mentionne en petits caractères italiques « le fait que vous possédiez ce document jeu promotionnel logiquement attractif prouve que vous avez participé à un pré tirage contrôlé par un huissier de justice ce qui signifie que le ou les gagnants potentiels ont d'ores et déjà été définis et que vous avez réellement d'être parmi eux ; il s'agit bien pour vous d'une éventualité et non d'une certitude ; le règlement du jeu est joint dans cet envoi … nous vous conseillons de le lire attentivement.. » ;
-une « confirmation expresse de gain » relative à un chèque de 49 000 francs selon laquelle « les résultats sont définitifs Monsieur X..., dès réception de votre commande, nous vous garantissons la remise de votre chèque sous 15 jours » ; au verso est reproduit le règlement du jeu V104 / V124 / X104 JEU No288 et la procédure à suivre, conformément au règlement, est exposée ;
-les nombreux autres envois dont il a été destinataire reposent sur le même mode opératoire : affirmations de gains tempérées par la production du règlement du jeu et des formules permettant de comprendre que la remise du prix est soumise à l'aléa du tirage au sort.
Certes ces documents sont personnalisés, contiennent des affirmations catégoriques, sont revêtus pour certains d'un caractère se voulant officiel comme en témoignent les références faites au contrôle d'un huissier de justice et aux avis conformes de « la direction » et multiplient les mentions attractives ; d'autres sont rédigés de telle sorte que de prime abord, suite à une lecture rapide et sélective, ils peuvent laisser croire à l'existence d'un gain.

Toutefois une lecture complète et moyennement attentive, ne s'arrêtant pas seulement aux formules alléchantes, des envois adressés par la SA D DUCHESNE à Monsieur X... qui contiennent à chaque fois les règlements des divers jeux et se réfèrent à plusieurs reprises à l'existence d'aléas, lui permettait à l'évidence de se rendre compte qu'il avait uniquement gagné le droit de participer à un tirage au sort et non celui de se faire remettre les chèques mis en jeu.
Il est à observer en outre que Monsieur X..., habitué à ce type d'opérations comme le démontre l'envoi que lui a adressé une Société BIOTONIC, qui a participé à de très nombreuses opérations promotionnelles proposées par l'intimée depuis l'année 2000 comme en témoignent les pièces versées aux débats ne pouvait à l'évidence raisonnablement croire qu'il avait gagné tous les chèques mis en jeu depuis cette date.
Par ailleurs il ne peut faire grief à la SA DUCHESNE, société de vente par correspondance dont l'objectif est de prospecter et de fidéliser des clients et qui utilise des moyens licites pour cela, aucune infraction au code de la consommation ne lui étant reprochée en cause d'appel, de troubler sa tranquillité par l'envoi massif de publicités quelque soient les désagréments générés ou de lui avoir occasionné un choc émotionnel ; il est à noter à cet effet que Monsieur X... s'il n'a pas bénéficié des chèques mis en jeu a bénéficié à plusieurs reprises des bons de 2 € de réduction prévus par les règlements de jeux pour les clients participants.
En conséquence la Société DUCHESNE n'ayant contracté aucun engagement réel à son égard de lui remettre les gains litigieux et n'ayant commis aucune faute de nature à faire naitre de fausses espérances de gain, le jugement déféré sera infirmé.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'intimée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant par arrêt contradictoire.

-Infirme le jugement du Tribunal d'Instance de BORDEAUX en date du 17 septembre 2004.
Statuant à nouveau.
-Déboute Monsieur X....
-Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
-Condamne Monsieur X... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Président, Le Greffier,
Robert MIORI Hervé GOUDOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 05/05528
Date de la décision : 10/03/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-03-10;05.05528 ?
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