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10/03/2008 | FRANCE | N°04/05529

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 10 mars 2008, 04/05529


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 10 mars 2008

(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)

No de rôle : 04 / 05529

IT

S. A. D. DUCHENE

c /

Monsieur Guy X...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués : Décision déférée à la Cour : décision rendue le 17 septembre 2004 par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX (GREFFE DETACHE DE PESSAC) suivant déclaration d'appel du 25 octobre 2004

APPELANTE :

S. A. D

. DUCHENE, exerçant sous l'enseigne commerciale TV DIRECT
DISTRIBUTION, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 10 mars 2008

(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)

No de rôle : 04 / 05529

IT

S. A. D. DUCHENE

c /

Monsieur Guy X...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués : Décision déférée à la Cour : décision rendue le 17 septembre 2004 par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX (GREFFE DETACHE DE PESSAC) suivant déclaration d'appel du 25 octobre 2004

APPELANTE :

S. A. D. DUCHENE, exerçant sous l'enseigne commerciale TV DIRECT
DISTRIBUTION, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, et en son értablissement en FRANCE : 8 rue du Maréchal de Lattre de Tassigny 59000 LILLE,
30 rue de l'Industrie 1400 NIVELLE BELGIQUE

Représentée par la SCP Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, avoués à la Cour
assistée de Maître CHAS avocat au barreau de NICE

INTIMÉ :

Monsieur Guy X... né le 05 Juillet 1926 à BLAIGNEAUX, demeurant ... 33170 GRADIGNAN

Représenté par la SCP TOUTON-PINEAU et FIGEROU, avoués à la Cour assisté de Maître DANGLADE avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2008 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Edith O'YL, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,
Madame Josiane COLL, Conseiller,
Madame Edith O'YL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

-contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu le jugement du Tribunal d'Instance de BORDEAUX en date du 17
septembre 2004.

Vu l'appel interjeté le 25 octobre 2004 par la SA D. DUCHESNE.

Vu l'arrêt de la présente Cour en date du 17 octobre 2006 ordonnant la
réouverture des débats.

Vu les conclusions déposées au greffe de la Cour et signifiées le 11
décembre 2007 par la SA D DUCHESNE.

Vu les conclusions récapitulatives déposées au greffe de la Cour et
signifiées le 21 décembre 2007 par Monsieur Guy X... qui forme
appel incident.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27 décembre 2007.

A la fin de l'année 2003 et au début de l'année 2004 Monsieur X... a reçu de la SA D DUCHESNE, société de vente par correspondance qui exerce sous diverses enseignes (TV direct distribution, TVD santé, les indispensables …), des documents personnalisés attirant son attention sur le fait qu'il avait gagné un chèque de 10 000 €.

Monsieur X... qui pas obtenu la délivrance de ce chèque saisissait le Tribunal d'Instance de BORDEAUX sur le fondement des articles 1382 du code civil, L 121-36 et L 121-37 du code de la consommation pour obtenir la condamnation de la SA D DUCHESNE au paiement de la somme de 7500 € de dommages et intérêts et de celle de 1000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par le jugement critiqué la SA D DUCHESNE a été condamnée à lui payer la somme de 4000 € de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil et une somme de 800 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par arrêt en date du 17 octobre 2006 la présente Cour a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur l'application des dispositions de l'article 1371 du code civil.

Monsieur X... conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SA D DUCHESNE sur le fondement de l'article 1382 du code civil et à titre subsidiaire estime sur le fondement de l'article 1371 du code civil que la SA D DUCHESNE s'était engagée sans aucune équivoque à lui délivrer les lots annoncés en ne mettant pas en évidence l'existence d'un aléa ; formant appel incident il réclame la condamnation de la SA D DUCHESNE au paiement de la somme de 7 500 € de dommages et intérêts,5000 € de dommages et intérêts pour appel abusif outre 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SA D DUCHESNE fait essentiellement valoir au soutien de son appel, après avoir souligné qu'elle respecte les dispositions de l'article L 121-36 et L 121-37 du code de la consommation, qu'elle n'a commis aucune faute et n'a pris aucun engagement ferme de délivrance de gain dans la mesure où elle a seulement adressé à Monsieur X... des documents lui permettant de recevoir le règlement d'une prochaine opération promotionnelle et de prendre part à des jeux publicitaires avec pré-tirage, ce que la lecture de bonne foi et moyennement attentive des documents litigieux mentionnant l'existence d'un aléa et le règlement du jeu lui permettait d'appréhender.

Les documents adressés par la SA D DUCHESNE à Monsieur X... doivent être examinés afin d'établir si par leur intitulé, leur présentation, leur formulation, leur libellé et la nature des termes employés ils peuvent être considérés aux yeux d'un destinataire normalement attentif et diligent comme contenant une promesse de gain ferme et dénuée d'aléa.

Il est à observer à titre liminaire que la SA D DUCHESNE, société de vente par correspondance exerçant sous plusieurs enseignes telles que « TV direct distribution », « TVD santé », « olivéal » ou « les indispensables », adresse à ses clients potentiels, sous l'une ou l'autre de ses dénominations commerciales, un catalogue de vente de produits spécialisés auquel sont joints les documents litigieux relatifs à des jeux promotionnels fonctionnant selon la règle du pré tirage au sort du nom des gagnants qui se voient attribuer un numéro leur permettant de participer au jeu.

Monsieur X... justifie avoir ainsi notamment reçu parmi les documents qui lui ont été adressés par la SA D DUCHESNE :

-en octobre 2003, de TV SANTE, un « dossier officiel de réclamation de gain » énonçant « monsieur X... c'est officiel, la somme de 10 000 € va vous être obligatoirement adressée par chèque bancaire à votre nom par pli recommandé » ; le fac-similé d'un chèque est reproduit sur le bas de ce document ; le caractère aléatoire de ce gain n'est mentionné que par un tampon d'apparence officielle indiquant « gain garanti soumis à l'aléa » ; en revanche au dos de ce document figure en caractères aisément lisibles le règlement du jeu « 10 000 € payés par chèque à votre nom-B310 » de la lecture duquel il ressort que le nom de monsieur X... a seulement fait l'objet d'un pré-tirage lui permettant de participer au tirage de ce chèque selon une procédure variant suivant qu'il y a ou pas commande ; il y est encore précisé que « le tirage au sort de ce jeu gratuit a déjà eu lieu et le gain quel qu'il soit est soumis à cet aléa ; vous avez réellement la possibilité d'être gagnant c'est certain car le jeu est sous contrôle d'un huissier de justice et le gain est toujours attribué ; vous devez avant tout prendre part dans les délais pour réclamer ce qui vous revient de doit le cas échéant en conformité avec le règlement et le procès verbal de l'huissier » ;

-un « document nominatif officiel » sous forme de dépliant, portant la même date, comportant un « engagement officiel de gain » : «.. en retournant la fiche personnelle de validation attendue par l'huissier monsieur X... les 10 000 € sont pour vous tout de suite ! …. » ainsi qu'un « dernier avis » : « … j'ai véritablement une excellente nouvelle aussi pour vous … la somme de 10 000 € va être envoyée par LRAR !... de plus notre huissier de justice est formel : en renvoyant la fiche personnelle de validation gagnante qu'il attend dans les plus brefs délais, c'est bien vous qui êtes déclaré gagnant et qui allez recevoir ce chèque … » ; la référence à un aléa et au règlement est discrète et le statut de grand gagnant est qualifié de potentiel ;

-de TV SANTE, au mois de décembre 2003, une « attribution définitive de prix » sous forme de dépliant : « c'est bien à la personne gagnante monsieur X... que nous devons remettre les 10 000 € ; vous êtes bien la seule personne à pouvoir réclamer l'unique somme de 10 000 € » ; au dos figure une attestation de garantie de paiement, certifiant que l'unique chèque bancaire certifié d'un montant de 10 000 € sera remis « sous les aléas habituels » au porteur de ce document, suivie du règlement du jeu en caractères serrés et petits ; deux tampons d'apparence officielle rappellent que le prix est soumis à aléa ; sur la deuxième page « la procédure l égale à suivre pour recevoir les 10 000 € » est énoncée ; la formule soulignant qu'il s'agit d'un jeu telle que figurant sur « le dossier d'attribution de gain » y est rappelée ; au verso de cette page se trouvent le bon de commande et « l'accusé de réception de réclamation du chèque » devant être retourné pour participer au jeu et dans lequel le consommateur indique « j'ai tout compris et j'accepte le règlement et ses aléas habituels » ;

-un « acte officiel de convocation avant remise nationale de chèque filmée » le félicitant car les 10 000 € doivent lui être remis en direct chez lui devant une caméra et expliquant les modalités de cette remise ; cependant au dos de ce document figure en caractères de bonne dimension, lisibles, le règlement du jeu précisant que seul le gagnant officiel recevra le chèque mis en jeu ; cet acte est accompagné d'un document intitulé « gagnant officiellement et formellement identifié » portant un gros tampon d'aspect officiel mentionnant « prix mis en jeu soumis à l'aléa » ; le bordereau de rendez vous indique que le participant accepte le règlement et les aléas habituels ; le fait qu'il ne s'agit que d'un pré-tirage est mentionné par la formule portée sur le dossier d'attribution de gain.

Certes ces documents sont personnalisés, contiennent des affirmations catégoriques, sont revêtus pour certains d'un caractère se voulant officiel comme en témoignent les références faites au contrôle d'un huissier de justice et aux avis conformes de « la direction » et multiplient les mentions attractives ; d'autres sont rédigés de telle sorte que de prime abord, suite à une lecture rapide et sélective, ils peuvent laisser croire à l'existence d'un gain.

Toutefois une lecture complète et moyennement attentive, ne s'arrêtant pas seulement aux formules alléchantes, des envois adressés par la SA D DUCHESNE à Monsieur X... qui contiennent à chaque fois les règlements des divers jeux et se réfèrent à plusieurs reprises à l'existence d'aléas, lui permettait à l'évidence de se rendre compte qu'il avait uniquement gagné le droit de participer à un tirage au sort et non celui de se faire remettre le chèque mis en jeu.

Monsieur X..., dont il n'est pas invoqué qu'il n'a pas toute sa capacité et qui n'a d'ailleurs passé aucune commande ne pouvait à l'évidence raisonnablement croire qu'il avait gagné les chèques mis en jeu.

Par ailleurs il ne peut faire grief à la SA DUCHESNE, société de vente par correspondance dont l'objectif est de prospecter et de fidéliser des clients et qui utilise des moyens licites pour cela même s'ils sont grossiers, aucune infraction au code de la consommation ne lui étant reprochée en cause d'appel, de troubler sa tranquillité par l'envoi massif de publicités quelque soient les désagréments générés ou de lui avoir occasionné un choc émotionnel.

En conséquence la société DUCHESNE n'ayant contracté aucun engagement réel à son égard de lui remettre les gains litigieux et n'ayant commis aucune faute de nature à faire naitre de fausses espérances de gain, le jugement déféré sera infirmé.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'intimée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant par arrêt contradictoire.

-Infirme le jugement du Tribunal d'Instance de BORDEAUX en date du 17 septembre 2004.

Statuant à nouveau.

-Déboute Monsieur X....

-Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

-Condamne Monsieur X... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Président, Le Greffier,

Robert MIORIHervé GOUDOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 04/05529
Date de la décision : 10/03/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-03-10;04.05529 ?
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