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07/02/2008 | FRANCE | N°06/003856

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 07 février 2008, 06/003856


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 7 février 2008

CINQUIEME CHAMBRE

No de rôle : 06 / 03856

IT

S. A. D. DUCHESNE exerçant sous l'enseigne TV DIRECT DISTRIBUTION

c /

Madame Françoise X...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 200613508 du 07 / 09 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrê

t au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 7 février 2008

CINQUIEME CHAMBRE

No de rôle : 06 / 03856

IT

S. A. D. DUCHESNE exerçant sous l'enseigne TV DIRECT DISTRIBUTION

c /

Madame Françoise X...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 200613508 du 07 / 09 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 7 février 2008

Par Madame Edith O'YL, Conseiller
en présence de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CINQUIEME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

S. A. D. DUCHESNE exerçant sous l'enseigne TV DIRECT DISTRIBUTION dont le siège social est 30 rue de l'Industrie 1400 NIVELLE 01853 BELGIQUE

Représentée par la SCP Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, avoués à la Cour assistée de Maître CHAS avocat au barreau de NICE

Appelante d'un jugement au fond rendu le 29 juin 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 21 Juillet 2006,

à :

Madame Françoise X... née le 31 Octobre 1938 à SAINT EMILION (33330) de nationalité française demeurant ... 33880 SAINT CAPRAIS DE BORDEAUX

Représentée par la SCP Luc BOYREAU et Raphael MONROUX, avoués à la Cour assistée de Maître LE GIGAN avocat au barreau de BORDEAUX

Intimée,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue en audience publique, le 06 Décembre 2007 devant :

Madame Edith O'YL, Conseiller magistrat chargé du rapport tenant seule l'audience pour entendre les plaidoiries, les Avocats ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assistée de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

Que Madame le Conseiller en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, celle-ci étant composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,
Madame Josiane COLL, Conseiller,
Madame Edith O'YL, Conseiller,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 29 juin 2006.

Vu l'appel interjeté le 21 juillet 2006 par la SA D. DUCHESNE exerçant sous l'enseigne « TV direct distribution ».

Vu ses conclusions déposées au greffe de la Cour et signifiées le 21 juillet 2006.

Vu les conclusions déposées au greffe de la Cour et signifiées le 8 février 2007 par Madame Françoise X....

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 novembre 2007.

A la fin de l'année 2002 et au début de l'année 2003 Madame X... a reçu de la SA DUCHESNE, société de vente par correspondance de produits ménagers qui diffuse auprès de sa clientèle des catalogues, divers documents personnalisés attirant son attention sur le fait qu'elle était la gagnante d'un chèque de 10 000 €.

Incitée par ces documents à passer commande pour recevoir plus vite son gain, Madame X... a passé trois commandes mais n'a pas obtenu la délivrance de celui-ci ; elle saisissait le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX sur le fondement de l'article 1371 du code civil et à titre subsidiaire sur celui de l'article 1382 du même code pour obtenir la condamnation de la SA D DUCHESNE au paiement de la somme de 10 000 € et de celle de 1 500 € de dommages et intérêts, outre le bénéfice de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par le jugement critiqué la SA D DUCHESNE a été condamnée à lui payer la somme de 10 000 €, montant du gain, outre 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il est acquis que sur le fondement des dispositions de l'article 1371 du code civil l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige par ce fait purement volontaire à le délivrer.
La SA D DUCHESNE fait essentiellement valoir au soutien de son appel, après avoir souligné qu'elle respecte les dispositions de l'article L 121-36 du code de la consommation, qu'elle n'a pris aucun engagement ferme de délivrance de gain dans la mesure où elle a seulement proposé à Madame X... de recevoir les documents lui permettant de participer à un prochain jeu promotionnel avec pré-tirage, ce que la lecture de bonne foi et moyennement attentive des documents litigieux mentionnant l'existence d'un aléa et le règlement du jeu lui permettait d'appréhender.

Les documents adressés par la SA D DUCHESNE à Madame X... doivent être examinés afin d'établir si par leur intitulé, leur présentation, leur formulation, leur libellé et la nature des termes employés ils peuvent être considérés aux yeux d'un destinataire normalement attentif et diligent comme contenant une promesse de gain ferme et dénuée d'aléa.

Madame X... a ainsi reçu, entre autres documents :

-une « confirmation officielle de gain », personnalisée, indiquant : « c'est officiel ! les résultats définitifs viennent de tomber : Madame X... vous avez vraiment gagné ! votre numéro personnel a été légalement choisi !... nous vous garantissons l'envoi de 10 000 € à votre exclusif ! ce n'est pas une plaisanterie ; le procès verbal de l'huissier de justice le certifie et le confirme … » ; au bas de ce document figure en outre le fac-similé d'un chèque libellé au nom de Madame X... d'un montant de 10 000 €.

-des « conclusions officielles de gain » selon lesquelles : « Madame X... vous êtes bien la seule personne à pouvoir réclamer le chèque unique de 10 000 €, oui c'est bien à la personne gagnante, Madame X..., que nous devons remettre les 10 000 €, oui le chèque de 10 000 € vous sera expédié sous 48 H … »

-un « constat définitif de gain d'huissier de justice » mentionnant sous l'intitulé « annonces légales aux gagnants » : Madame X... vous êtes la grande gagnante d'un chèque en contre valeur euros, les résultats sont immuables et définitifs, l'unique gagnante du chèque bancaire est formellement identifié, vous êts bien l'unique personne habilitée à réclamer votre chèque, le montant du chèque garanti est de 10 000 € … envoi garanti sous contrôle d'huissier … »

-« communiqué au grand gagnant du 1er prix, vous avez officiellement gagné 10 000 €, en outre Mdame X... vous êtes autorisée depuis ce matin à gagner votre chèque ! »

Ces envois personnalisés, formulés au présent et non au
conditionnel, péremptoires, revêtus pour certains d'un caractère officiel comme en témoignent les références faites au contrôle d'un huissier de justice, aux avis conformes de la direction, aux annotations précisant « ceci est un document officiel pas un jeu » sont dépourvus de toute ambiguité sur le fait que Madame X... est gagnante de la somme de 10 000 €.

La SA D DUCHESNE ne peut jouer sur le caractère équivoque du mot « règlement » qui peut signifier soit versement soit convention et qui figure sur le document intitulé « avis unique d'envoi de règlement » ainsi rédigé : « sincères félicitations Madame X..., après délibération de la commission de la remise des prix et des règlements, la publication des conclusions est officiellement autorisée, il est incontestablement établi que dès réception de votre prochaine commande, le règlement de « l'envoi du chèque de 10 000 € en recommandé » vous sera expédié sous pli scellé ; envoi garanti sous contrôle d'un huissier de justice ; oui madame X... c'est un engagement ferme et définitif ! nous n'attendons que votre commande pour procéder à l'envoi sous 15 jours de votre règlement » ; même si une astérisque renvoie à une mention figurant en bas de page, celle-ci est elle même ambiguë puisqu'elle indique à la fois et cela en tous petits caractères « ceci n'est pas un jeu. règlement du jeu 320 version AT210 » ; cette ambiguité calculée dans l'emploi du mot règlement ne peut être utilisée par l'appelante pour prétendre qu'elle ne s'est engagée auprès de Madame X... qu'à lui adresser le règlement du jeu et non le chèque de 10 000 €.

L'aléa lorsqu'il est mentionné, ce qui n'est pas la cas de tous les documents adressés à Madame X..., l'est de façon si discrète et dans une phrase tellement abstraite et de pure forme qu'il ne peut être soutenu qu'il est mis en évidence eu égard aux affirmations péremptoires de l'obtention d'un gain.

Le règlement du jeu figure certes sur une partie du verso de certains des documents envoyés à Madame X... mais il est rédigé en tout petits caractères serrés, sans espace ni ponctuation, sur un fond grisé ou coloré rendant sa lecture encore plus difficile de sorte que compte tenu de la formulation nominative du gain il n'apparaît pas utile au lecteur moyen de s'y référer puisqu'il est persuadé d'avoir gagné au vu de l'engagement sans réserve de la SA DUCHESNE de délivrer le gain contenu dans ces mêmes documents.

La présentation se voulant officielle de ces documents, les formulations employées visent bien au contraire à convaincre le destinataire qu'il a gagné pour l'inciter à passer de nouvelles commandes.

En conséquence la SA DUCHESNE qui a annoncé à Madame X... un gain sans mettre en évidence l'existence d'un aléa doit le lui délivrer.

Par ailleurs la bonne foi de Madame X... qui a passé trois commandes pour hâter l'obtention de son gain n'est pas sujette à discussion.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'intimée à hauteur de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

-Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 21 juillet 2006.

-Condamne la SA DUCHESNE à payer à Madame X... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

-La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Hervé GOUDOTRobert MIORI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 06/003856
Date de la décision : 07/02/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 29 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-02-07;06.003856 ?
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