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17/01/2008 | FRANCE | N°06/03424

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 17 janvier 2008, 06/03424


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 17 janvier 2008

CINQUIEME CHAMBRE

No de rôle : 06 / 03424

IT

Monsieur Alain X...
S. A. R. L. " LA MAISON DU PASSEUR ", agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
S. C. I. MOULIN DE CAUDON, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,
S. C. P. PIMOUGUET- LEURET, ès- qualités de rerprésentant des créanciers au redressement

judiciaire de la S. C. I. Moulin de Caudon désignée à cette fonction par jugement prononcé par le Tribunal de Gra...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 17 janvier 2008

CINQUIEME CHAMBRE

No de rôle : 06 / 03424

IT

Monsieur Alain X...
S. A. R. L. " LA MAISON DU PASSEUR ", agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
S. C. I. MOULIN DE CAUDON, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,
S. C. P. PIMOUGUET- LEURET, ès- qualités de rerprésentant des créanciers au redressement judiciaire de la S. C. I. Moulin de Caudon désignée à cette fonction par jugement prononcé par le Tribunal de Grande Instance de Bergerac du 29 mai 2006, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

c /

Monsieur Johannes Hermanus Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 17 janvier 2008

Par Madame Edith O'YL, Conseiller
en présence de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CINQUIEME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

Monsieur Alain X... né le 15 Janvier 1952 à RIBERAC (24)
de nationalité française demeurant...

S. A. R. L. " LA MAISON DU PASSEUR ", agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
...

S. C. I. MOULIN DE CAUDON, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,...

S. C. P. PIMOUGUET- LEURET, ès- qualités de rerprésentant des créanciers au redressement judiciaire de la S. C. I. Moulin de Caudon désignée à cette fonction par jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Bergerac du 29 mai 2006, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Mandataire judiciaire 37 rue Pozzi 24100 BERGERAC

Représentés par la SCP Michel PUYBARAUD, avoués à la Cour assistés de Maître MALTERRE avocat au barreau de la Charente

Appelants d'un jugement au fond rendu le 01 juin 2006 par le Tribunal d'Instance de SARLAT suivant déclaration d'appel en date du 03 Juillet 2006,

à :

Monsieur Johannes Hermanus Y... né le 21 Avril 1945 demeurant...

Représenté par la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoués à la Cour assisté de Maître LIFFARD avocat au barreau de PARIS

Intimé,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue en audience publique, le 08 Novembre 2007 devant :

Madame Edith O'YL, Conseiller magistrat chargé du rapport tenant seule l'audience pour entendre les plaidoiries, les Avocats ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assistée de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

Que Madame le Conseiller en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, celle- ci étant composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,
Madame Josiane COLL, Conseiller,
Madame Edith O'YL, Conseiller,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ci- dessus désignés.

Vu le jugement du Tribunal d'Instance de SARLAT en date du 1er juin 2006.

Vu l'appel interjeté le 3 juillet 2006 par Monsieur Alain
X..., la SARL LA MAISON DU PASSEUR (LMDP) et par la SCP
PIMOUGUET- LEURET en sa qualité de représentant des créanciers de la
SCI MOULIN DE CAUDON.

Vu leurs conclusions déposées au greffe de la Cour et
signifiées le 31 octobre 2007.

Vu les conclusions déposées au greffe de la Cour et
signifiées le 19 octobre 2007 par Monsieur Johannes Y....

Vu l'ordonnance de clôture en date du 8 novembre 2007.

Les époux Y... / D... ont acheté les 15 et 18 octobre 1983 en indivision, chacun pour moitié, une propriété « le moulin de Caudon » cadastrée section A no 1155 et 734 et section B no 725 et 418 située au lieudit « les Pechs » à DOMME ; Madame D... y a ouvert un restaurant sous l'enseigne « la maison du passeur » et s'est inscrite pour ce faire au RCS de SARLAT en 1984.

Le divorce des époux Y... a été prononcé en 1987 et il est acquis qu'ils ont alors quitté la FRANCE.

Diverses conventions ont alors été conclues relatives à l'immeuble et au fonds de commerce qui y était exploité :

- le 9 juillet 1988 Monsieur Y... a consenti à Monsieur X... une location gérance portant sur le fonds de commerce de restaurant avec promesse de vente pour une durée de 12 mois reconductible moyennant une redevance mensuelle de 2600 francs payable entre les mains du crédit agricole qui avait consenti deux prêts pour l'acquisition de l'immeuble, ceci dans l'attente des pièces nécessaires permettant la vente du fonds et de l'immeuble et pour permettre à Monsieur X... d'exploiter le restaurant ;
- le 14 juillet 1988 Monsieur Y... a donné pouvoir à Monsieur X... de vendre la propriété et le fonds de commerce, de faire le nécessaire auprès des diverses administrations et créanciers, de faire les travaux de toiture jugés utiles, étant précisé d'une part que monsieur X... prend en charge le remboursement des deux emprunts souscrits auprès de crédit agricole et d'autre part que ces divers frais viendront en déduction de la vente de l'immeuble et du fonds de commerce ;
- le 1er août 1988 Madame D... a donné à bail commercial à Monsieur X... la propriété moyennant un loyer annuel de 12000 francs ;
- le 28 août 1988 elle consentait une location gérance, avec promesse de vente sur l'immeuble et le fonds, à Monsieur X... moyennant une redevance mensuelle de 2600 francs payable entre les mains du crédit agricole en remboursement des deux prêts souscrits « dans l'attente de la passation de l'acte authentique devant maitre E..., notaire à Meyrals » ;
- le 1er août 1990 Madame D... a consenti sur la propriété indivise « un engagement de location, bail à loyer » à la SCI MOULIN DE CAUDON » dont le gérant est Monsieur X... moyennant un loyer annuel de 12000 francs qui viendra en déduction de l'achat et de la vente de la propriété ; la SCI était autorisée à passer tout bail commercial concernant cette propriété ;
- selon un avenant du 1er octobre 1991 passé entre Madame D... et la SCI MOULIN DE CAUDON il était décidé que les loyers pourraient être compensés avec les travaux réalisés par cette dernière, ceux ci venant en outre en déduction de l'achat / location vente de la propriété ;
- le 4 octobre 1991 Madame D... donnait à Monsieur X... ou à la SCI DU CAUDON pouvoir de vendre la propriété et les autorisait à faire exécuter les travaux conformément à l'avenant du 1er octobre précédent ; elle déclarait en outre que Monsieur X... s'était acquitté des loyers.

Monsieur X... qui occupe les lieux depuis 1988 et exploite le restaurant à titre personnel ou es qualités de gérant des sociétés MOULIN DE CAUDON ou LMDP ne justifie que du versement entre les mains de maitre E..., notaire, d'une somme totale de 9000 francs en 1989 au titre du bail commercial consenti par Madame D... le 1er août 1988 et de la réalisation de travaux sur les immeubles ; il n'établit notamment pas avoir remboursé les prêts souscrits auprès du crédit agricole ni avoir remis à l'intimé une somme en espèces de 500 000 francs.

Monsieur Y..., devenu aux termes d'un acte en date du 15 avril 2005 seul propriétaire de l'immeuble acquis en indivision en 1983 à la suite de la liquidation de ses intérêts patrimoniaux avec Madame D..., a fait assigner Monsieur X..., la SCI MOULIN DE CAUDON et la SARL LMDP devant le Tribunal d'Instance de SARLAT sur le fondement de l'article 815-3 du code civil pour obtenir leur expulsion en leur qualité d'occupants sans droit ni titre et leur condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation au motif que le bail du 1er août 1990 lui est inopposable et à titre subsidiaire pour obtenir la résiliation de ce bail et leur expulsion ; par le jugement critiqué l'engagement de location du 1er août 1990 lui a été déclaré inopposable et l'expulsion des défendeurs était ordonnée et une indemnité d'occupation mise à leur charge ; toutefois par ordonnance du 12 octobre 2006 l'exécution provisoire concernant la mesure d'expulsion a été arrêtée.

Les appelants font valoir que Monsieur Y... n'a ni qualité ni intérêt à agir au motif qu'il n'a jamais été propriétaire indivis du fonds de commerce de restauration et que Madame D..., seule propriétaire, était donc libre d'en disposer et de consentir le 1er août 1988 un bail commercial, ce fonds n'étant pas soumis aux règles de l'indivision et en conséquence aux dispositions de l'article 815-3 du code civil.
Il est exact que Madame D..., qui en 1984 a créé le fonds de commerce de restaurant « le moulin du passeur » et s'est immatriculée au RCS de SARLAT, était propriétaire de ce fonds de commerce lorsqu'elle a consenti seule le 1er août 1988 le bail commercial litigieux à Monsieur X... ; toutefois il n'en demeure pas moins que ce bail porte sur l'intégralité de la propriété qui était alors indivise avec l'intimé ; celui ci a donc qualité et intérêt à agir sur le fondement de l'article 815-3 du code civil.

De même il avait qualité à agir à l'encontre de l'engagement de location consenti sans son accord par son ex épouse le 1er août 1990 à la SCI DU MOULIN DE CAUDON sur la propriété indivise.

Les appelants estiment que ce bail conclu sans l'accord de Monsieur Y... lui est cependant opposable compte tenu de son acceptation tacite et de sa mauvaise foi.

Il ne peut être fait état de l'acceptation tacite de Monsieur Y... : en effet celui- ci en réponse au notaire, Maître E..., qui lui faisait part de la proposition d'achat faite par monsieur X... de la propriété et du fonds de commerce à hauteur de 500 000 francs, a par lettre du 9 février 1989 estimé ce prix insuffisant et a contesté la validité du bail commercial consenti par son épouse, et dont il avait appris l'existence, au motif qu'il ne l ‘ avait pas signé, que le loyer était dérisoire et impayé, et signalait que la redevance mensuelle de 2600 francs n'était pas non plus payée ; de plus il est justifié que son opposition à ce bail a été communiquée à Monsieur X... qui est d'autant plus mal fondé à s'en prévaloir.

Les seuls actes signés entre Monsieur Y... et Monsieur X... en 1988 témoignent de leur volonté d'aboutir à la vente de la propriété indivise à celui- ci et, dans l'attente de sa réalisation, de lui permettre d'exploiter le fonds de commerce de restauration à titre onéreux et de faire s'il le jugeait utile des travaux de toiture venant en déduction du prix de vente, ceci pour une période ne pouvant qu'être temporaire ; en conséquence le seul fait que Monsieur Y... ait connu en 1989 l'existence de ce bail commercial – qu'il a contesté- et su que Monsieur X... continuait à occuper les lieux ne signifie nullement qu'il l'ait accepté en qualité de locataire, celui- ci ne justifiant s'acquitter au surplus d'aucun loyer à compter de 1989 ; l'indifférence ou la négligence dont a pu faire preuve l'intimé qui réside à l'étranger ne sont pas constitutifs de mauvaise foi et ne peuvent être à l'origine d'un quelconque titre au profit des appelants.

En outre les appelants ne peuvent de bonne foi invoquer la qualité de propriétaire ou de mandataire apparente de Madame D... puisqu'ils savaient que le bien était indivis entre elle et son époux comme le démontrent les actes établis avec l'un et l'autre.

Enfin il est à observer qu'il n'est pas prétendu ni que Monsieur Y... ait eu connaissance avant la présente procédure de l'engagement de location conclu le 1er août 1990 entre Madame D... et la SCI MOULIN DE CAUDON, dont le gérant est Monsieur X..., pouvoir étant donné à cette SCI de conclure tout bail commercial, ni qu'il ait eu connaissance du bail commercial consenti par celle- ci ultérieurement à la SARL LMDP ; or ce bail qui vise les mêmes biens emporte à l'évidence novation du bail de 1988 au regard des dispositions de l'article 1273 du code civil.

En conséquence tant le bail du 1er août 1988 que celui du 1er août 1990 sont inopposables à Monsieur Y... et les appelants sont occupants sans droit ni titre.

L'indemnité d'occupation mise à la charge des appelants à hauteur de 1 500 € par mois par le premier juge qui n'a pas seulement pour objet de compenser la perte locative mais aussi d'inciter l'occupant à quitter les lieux a été justement appréciée.

Les appelants faisant état des travaux qu'ils ont exécutés sur l'immeuble invoquent à titre subsidiaire leur droit à une juste rémunération de leur ouvrage par application de l'article 1787 du code civil et à titre encore plus subsidiaire l'enrichissement sans cause de Monsieur Y... et sollicitent l'organisation d'une expertise pour déterminer la plus value apportée à sa propriété.

Ils ne sauraient faire état de factures (EDF, taxes …) qui sont la contre partie de leur occupation des lieux.

Il est certes justifié par les factures et les photographies produites aux débats que les appelants ont effectué sur la propriété des époux Y... / D... devenue celle de monsieur Y... des travaux.

Toutefois le seul document faisant état de travaux et opposable à Monsieur Y... est le pouvoir qu'il a donné le 14 juillet 1988 à Monsieur X... de signer tous actes concernant la vente ou l'achat de la propriété et du fonds de commerce par lequel il l'autorise entre autres dispositions à « faire s'il le juge utile les travaux de toiture de l'immeuble du restaurant », ces travaux devant venir en déduction du prix de vente.

Ainsi Monsieur Y... n'a nullement commandé la réalisation des nombreux travaux qu'invoquent les appelants, mais a seulement autorisé Monsieur X... dans son seul intérêt de futur propriétaire des biens concernés à exécuter des travaux de toiture ; ces travaux exécutés alors qu'il n'était pas propriétaire l'ont donc été à ses risques et périls et ne peuvent en conséquence rentrer dans le cadre des dispositions de l'article 1787 du code civil.

Par ailleurs il ne peut être affirmé par les appelants que leur patrimoine s'est appauvri : s'il est exact qu'ils ont réalisé des travaux sur la propriété qui ont pu apporter à celle- ci une certaine plus value, il n'en demeure pas moins qu'ils ont occupé l'immeuble et exploité le fonds de commerce gratuitement pendant dix huit ans sans verser de loyer et en ont tiré des profits dont ils ne font nullement état.

De plus l'éventuel enrichissement de Monsieur Y... lié à la plus value apportée à son bien résulte de leur faute : à savoir s'être comportés comme des propriétaires de biens qu'ils savaient pertinemment ne pas leur appartenir.

En conséquence les appelants seront déboutés de leur demande d'expertise.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'intimé à hauteur de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Confirme le jugement du Tribunal d'Instance de SARLAT en date du 1er juin 2006.

Y ajoutant,

- Déclare inopposable à Monsieur Y... le bail commercial conclu le 1er août 1988 entre Madame D... et Monsieur X....

- Déboute les appelants de leur demande d'expertise.

- Les condamne à payer à Monsieur Y... une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- Les condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Hervé GOUDOT Robert MIORI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 06/03424
Date de la décision : 17/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Sarlat, 01 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-01-17;06.03424 ?
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