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11/12/2007 | FRANCE | N°07/003790

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0107, 11 décembre 2007, 07/003790


ARRÊT RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 11 DÉCEMBRE 2007

QUATRIÈME CHAMBRE-SECTION A

No de rôle : 07 / 03790

La SOCIÉTÉ SOGERMA SERVICES

c /

Le SYNDICAT C. G. T. DES SALARIES DE L'UNION LOCALE C. G. T. DE MERIGNAC

Monsieur Patrick X...

Monsieur Bruno Y...

Monsieur Francis Z...

Nature de la décision : AU FOND

DM / PH

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en a

yant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 11 DECEMBRE 2007
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ARRÊT RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 11 DÉCEMBRE 2007

QUATRIÈME CHAMBRE-SECTION A

No de rôle : 07 / 03790

La SOCIÉTÉ SOGERMA SERVICES

c /

Le SYNDICAT C. G. T. DES SALARIES DE L'UNION LOCALE C. G. T. DE MERIGNAC

Monsieur Patrick X...

Monsieur Bruno Y...

Monsieur Francis Z...

Nature de la décision : AU FOND

DM / PH

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 11 DECEMBRE 2007

Par Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Président, en présence de Mademoiselle Françoise ATCHOARENA, Greffier,

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, QUATRIÈME CHAMBRE-SECTION A, a, dans l'affaire opposant :

La SOCIÉTÉ SOGERMA SERVICES, prise en la personne de son Président Monsieur Philippe ROCHET domicilié en cette qualité au siège social,19, Rue Marcel Issartier-CS 500008-33693 MERIGNAC,

Représentée par la S. C. P. Luc BOYREAU et Raphaël MONROUX, avoués à la Cour et plaidant par Maître Joël GRANGE, avocat au barreau de PARIS,

Appelante d'un jugement (R. G. 07 / 04350) rendu le 26 juin 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel en date du 20 juillet 2007,

à :

1o) Le SYNDICAT C. G. T. DES SALARIES DE L'UNION LOCALE C. G. T. DE MERIGNAC, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Maison des Syndicats-Avenue Marcel Dassault-33700 MERIGNAC,

2o) Monsieur Patrick X..., né le 04 août 1953 à BORDEAUX (33), de nationalité Française, profession agent administratif, demeurant ...33370 ARTIGUES PRÈS BORDEAUX,

3o) Monsieur Bruno Y..., né le 08 juillet 1958 à BORDEAUX (33), de nationalité Française, profession technicien, demeurant ...-33710 PRIGNAC ET MARCAMPS,

4o) Monsieur Francis Z..., né le 23 avril 1954 à BORDEAUX (33), de nationalité Française, profession technicien, demeurant ...-33310 LORMONT,

Représentés par la S. C. P. Marc Jean GAUTIER et Pierre FONROUGE, avoués à la Cour et plaidant par Maître Monique GUEDON, avocat au barreau de BORDEAUX,

Intimés,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 15 octobre 2007, devant :

Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Président,
Madame Raphaëlle DUVAL-ARNOULD, Conseiller,
Monsieur Francis TCHERKEZ, Conseiller,
Mademoiselle Françoise ATCHOARENA, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

*****
***
*

La Société SOGERMA Services qui a pour activité la maintenance aéronautique, appartenait au groupe EADS jusqu'au mois de juillet 2006 où elle a été cédée au groupe TAT.

Lors d'un Comité d'Entreprise en date du 31 janvier 2007, les dirigeants de la société ont fait valoir que le prix de revient horaire actuel devait être amélioré et le pouvoir d'achat des travailleurs conservé.

Le 5 avril 2007, était signé un accord collectif entre la Société SOGERMA Services et les syndicats FO et CFE / CGC qui représentaient à eux deux plus de deux tiers des salariés.

Sur les 462 salariés concernés,393 ont signé un avenant à leur contrat de travail en application de l'accord collectif.

Autorisés par ordonnance en date du 20 avril 2007, le syndicat CGT des salariés de l'Union Locale de Mérignac et trois salariés ont assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, la Société SOGERMA afin de voir prononcer la nullité d'une partie de l'accord collectif.

Ils soulevaient :

-le défaut de qualité de Monsieur C..., délégué CFE / CGC qui n'aurait pas de caractère de représentativité dans l'entreprise,

-le fait que l'accord prévoyait la signature de toutes les parties, ce qui n'était pas le cas,
-la circonstance que l'accord n'aurait pas eu de cause.

Ils développaient ensuite que le système de rémunération proposé aboutissait à appliquer aux salariés un système moins favorable que le système légal.

La Société SOGERMA Services a soutenu :

-que l'assignation était nulle comme ne précisant pas suffisamment les moyens de droit,

-que la CGT n'étant pas signataire de l'accord critiqué n'avait pas qualité pour agir et qu'en tout état de cause n'ayant obtenu que 20 % des voix, elle n'avait pas la majorité d'opposition lui permettant d'engager une action,

-que Monsieur C... était délégué syndical du SNCTAA qui représen-tait la CGC dans le secteur aéronautique et qu'il pouvait donc signer un accord collectif.

Sur le fond, elle a fait valoir que l'accord était valable puisque basé sur le respect de la durée hebdomadaire du travail et qu'il sauvegardait le pouvoir d'achat des salariés.

Par jugement en date du 26 juin 2007, le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux a estimé l'assignation suffisamment détaillée et valable.

Il a considéré qu'en application des articles L 411-1 et L 135-4 et L 135-5 du Code du Travail, les syndicats étaient recevables à soutenir la nullité d'un accord collectif dont ils n'étaient pas signataires, dès lors qu'ils invoquaient une nullité absolue et la présence de salariés à côté de la CGT démontrant que les salariés, concernés par l'application de l'accord critiqué étaient informés et adhéraient à cette procédure.

Sur la qualité des signataires, il a retenu que Monsieur C... était délégué syndical du SNCTAA et que ce syndicat était affilié à la CFE / CGC, la CGC étant syndicat représentatif et le SNCTAA ayant obtenu avec FO plus de la majorité des voix. Dès lors, il en a déduit que les signataires de l'accord incriminé avaient bien qualité pour le faire.

Il a considéré que la mention de la condition suspensive de la signature par les parties avant le 6 avril 2007 ne voulait pas dire que toutes les parties devaient avoir signé mais avait pour but de limiter la durée de la négociation.

Sur le fond, il a rappelé le principe de faveur.

Il a exposé que l'accord prévoyait une baisse du taux horaire de 12,5 %, au 1er juin 2007 sachant qu'au 1er juin 2008, il y aurait une augmentation de 3,57 %.

Il a considéré que, si la durée hebdomadaire du travail restait fixée à 35 heures, chaque salarié signait une sorte de convention de forfait amenant la durée du travail effective à 39 heures, ces quatre heures de travail en sus étant payées en heures supplémentaires majorées et équivalentes en salaire à cinq heures pour la majorité des salariés et à six heures ou six heures 30 pour certaines catégories d'entre eux.

Il a noté qu'en cas de réduction d'activité, en revanche, le salarié restait rémunéré pour 35 heures de travail payé selon le régime décrit ci-dessus et qu'en cas de pleine activité, soit le salarié effectuait 39 heures de travail et il était rémunéré de la même manière, soit il effectuait plus de 39 heures et les majorations légales d'heures supplémentaires étaient appliquées au-delà des 39 heures.

Il a considéré que, du fait de la baisse de rémunération initiale affectant le taux horaire de base l'accord était défavorable au salarié. Il en a déduit qu'il y avait lieu à annuler les articles 2,3,4,5,6-4,8-2-1 alinéa 2 et 8-2-2 alinéa 2 de l'accord du 5 avril 2007.

La Société SOGERMA Services a régulièrement relevé appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture fixée au 1er octobre 2007, a été rabattue avec l'accord des parties, avant l'ouverture des débats et fixée à nouveau au jour de l'audience, soit le 15 octobre 2007.

Au soutien de son appel, dans des conclusions auxquelles il est expressément fait référence, elle rappelle le contexte économique très défavorable dans lequel le groupe TAT est intervenu.

Elle soutient que l'action des salariés est irrecevable puisqu'ils ne peuvent devant le Tribunal de Grande Instance venir demander la nullité d'un accord collectif, leur action pouvant se borner à demander l'exécution ou au contraire à faire juger de l'illégalité d'un accord collectif à l'occasion d'un litige individuel devant le Conseil de Prud'hommes.

Elle soutient ensuite que l'action de la CGT est irrecevable. En application de l'article L 135-4 du Code du Travail, la CGT ne pouvait agir que par substitution des salariés dont il vient d'être démontré qu'ils n'auraient pu engager une telle action.

Elle fait valoir enfin qu'une action en nullité imposait de mettre toutes les parties en cause.

Elle répond aux objections de la CGT sur la représentativité de l'un des signataires.

Sur le fond, elle soutient que l'accord n'est pas moins favorable que la loi et qu'il n'est pas interdit par le principe de faveur qu'un accord soit moins favorable que certains contrats de travail, la question se posant alors en terme d'opposabilité au salarié et non en termes de nullité.

Elle rappelle qu'un accord collectif peut revenir sur des avantages antérieurs et que cet accord a été signé en conformité avec les dispositions de la loi du 4 mai 2004 ; elle insiste sur les nécessités économiques qui fondent l'accord incriminé.

Elle fait valoir également que cet accord n'est pas un accord de révision, qu'il respecte les dispositions légales.

Elle demande de :

-juger irrecevables les demandes de la CGT et de Messieurs X..., Y... et Z... faute de qualité et d'intérêt à agir,

-juger irrecevables les demandes nouvelles en cause d'appel ayant trait à l'inopposabilité à tous les contrats de travail de l'annulation sollicitée,

à titre subsidiaire,

-constater la parfaite validité de l'accord conclu le 5 avril 2007 entre la Société SOGERMA Services et les syndicats FO et CFE / CGC,

-débouter les demandeurs de la totalité de leur prétentions,

à titre reconventionnel,

-condamner chacun des demandeurs à verser à la Société SOGERMA Services une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile d'un montant de 1. 500 €.

Dans des conclusions par lesquelles ils forment appel incident, l'Union Locale de Mérignac du syndicat CGT, Messieurs X..., Y..., Z... font valoir que l'argument de la Société SOGERMA Services selon lequel l'action des intimés aurait été irrecevable car ils n'auraient pas appelés en la cause, tous les signataires, doit être écarté.

Les intimés rappellent qu'ils agissent au nom de l'ordre public social et qu'ils ne forment aucune demande envers les autres syndicats.

Ils font valoir également que leur action respective est par-faitement recevable, le Code du Travail permettant l'ouverture de cette action en annulation d'un accord collectif tant aux organisations syndicales qu'aux salariés, le fait que le syndicat CGT n'ait pas signé cet accord étant inopérant.

Sur le fond, les intimés critiquent les relations entre la situation économique et l'accord collectif critiqué.

Ils rappellent qu'eu égard à la hiérarchie des normes, le principe de faveur doit guider l'interprétation de cet accord.

Les salariés font état de calculs d'un expert comptable qui ont chiffré les pertes financières subies du fait de l'application de leur accord.

Ils soutiennent que cet accord n'est pas conforme à la loi.

Ils font valoir également que cet accord n'est pas un accord de substitution ni un accord de révision.

Ils estiment également que cet accord est nul du fait de l'absence de contrepartie de la part de l'employeur.

Sur les conséquences de la nullité des clauses de l'accord sur les contrats de travail des salariés et sur l'opposabilité de la nullité des clauses litigieuses au contrat de travail, ils ajoutent que la nullité des clauses a donc une incidence sur les contrats de travail. De ce fait, la signature des avenants au contrat de travail n'a aucune incidence puisque l'accord collectif est nul.

Le syndicat CGT et les trois salariés demandent confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il les a déboutés des dommages-intérêts et sollicitent de la Cour de dire que la nullité des articles de l'accord collectif sera opposable à tous les contrats de travail, cette demande n'étant pas nouvelle devant la Cour mais déjà formée en première instance.

Ils demandent également 1. 500 € de dommages-intérêts outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIVATION

Il sera relevé que devant la Cour, la Société SOGERMA Services ne critique plus la validité de l'assignation du fait de son imprécision. Elle a également renoncé à soutenir que les intimés auraient du appeler dans la cause tous les signataires de l'accord.

De même, les intimés ne tirent plus argument de ce que le syndicat SNCTAA ne serait pas représentatif et n'aurait pu valablement signer l'accord critiqué. Ils renoncent également à soutenir que la validité de l'accord aurait été subordonnée à la survenance d'une condition suspensive, à savoir la signature de toutes les parties.

Le jugement qui a considéré que l'assignation était suffisamment précise dans sa rédaction, qui a rappelé que le SNCTAA, syndicat représentant la CGC dans le secteur aéronautique, démontrait sa représentativité et qui a rappelé que la condition de la signature avant le 6 avril 2007 impliquait seulement l'existence d'une date limite mais n'imposait pas la signature de toutes les parties sera donc confirmé sur ces points.

Sur la recevabilité de l'action en nullité de l'accord du 5 avril 2007 formée par le syndicat CGT et trois salariés

Le syndicat des salariés de l'Union Locale CGT de Mérignac, qui,
minoritaire au sein de l'entreprise, a été associé aux négociations, n'a finalement pas signé l'accord litigieux.

Le premier juge, pour considérer que tant le syndicat que les salariés étaient recevables en leur action, a visé les articles L 135-4, L 135-5 et L 411-1 du Code du Travail et en a déduit qu'ils pouvaient invoquer une nullité absolue en s'appuyant sur le fait que l'accord dénoncé n'était pas conforme à un accord collectif antérieur.

Il a admis également l'action menée par trois salariés en leur nom personnel, estimant que cette intervention démontrait que les salariés adhéraient pleinement à l'action menée par le syndicat auquel ils appartiennent.

Aux termes de l'article L 135-4 du Code du Travail, " les organisations ou groupements ayant la capacité d'ester en justice dont les membres sont liés par une convention ou un accord collectif de travail, peuvent exercer toutes les actions en justice qui naissent de ce chef, en faveur de leurs membres sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé, pourvu que celui-ci ait été averti et n'ait pas déclaré s'y opposer. L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'organisation ou le groupement.

Lorsqu'une action née de la convention ou de l'accord collectif est intentée soit par une personne soit par une organisation ou groupement, toute organisation ou groupement ayant la capacité d'agir en justice dont les membres sont liés par la convention ou l'accord peut toujours intervenir à l'instance engagée à raison de l'intérêt collectif que la solution du litige peut présenter pour ses membres ".

L'article L 135-5 du Code du Travail dispose que " Les organisations ou groupements ayant la capacité d'ester en justice, liés par une convention ou un accord collectif de travail, peuvent en leur nom propre intenter contre les autres organisations ou groupements, leurs propres membres ou toute personne liée par la convention ou l'accord toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et le cas échéant des dommages-intérêts ".

L'article 411-11 du Code du Travail, plus spécifiquement consacré aux syndicats professionnels est ainsi rédigé : " Ils ont le droit d'ester en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ".

En l'espèce, la SOGERMA fait remarquer que la CGT, syndicat minoritaire non signataire, ne peut être recevable à faire une action en annulation d'un accord collectif, non prévue par les textes et qu'elle ne peut agir par substitution des trois salariés, dont l'action est elle même irrecevable.

Il est exact que le syndicat CGT des salariés de l'Union Locale de Mérignac, étant minoritaire dans l'entreprise, ne pouvait exercer un droit d'opposition.

Cependant, comme l'a à juste titre relevé le premier juge, il y a
lieu de considérer que l'article 411-11 du Code du Travail confère aux syn-dicats professionnels, la capacité d'ester en justice dès lors qu'ils estiment que les intérêts qu'ils représentent doivent être défendus. En outre, les articles L 135-4 et L 135-5 prévoient cette même capacité pour permettre aux syndicats professionnels d'agir en justice dans les conflits pouvant survenir à propos des accords collectifs.

De la combinaison de ces dispositions, il ressort qu'un syndicat professionnel ayant participé à la négociation d " un accord, peut agir en nullité contre cet accord même s'il ne l'a pas signé dès lors qu'il invoque une nullité absolue, perspective dans laquelle s'est situé le syndicat CGT. C'est à juste titre que le premier juge a considéré l'action du syndicat CGT des salariés de l'Union Locale de Mérignac recevable.

Il se déduit de la rédaction de l'article L 135-4 que Messieurs
X..., Y... et Mercier dont la qualité de salariés de la SOGERMA Services et l'affiliation à l'Union Locale CGT Mérignac ne sont pas contestées, étaient recevables à intervenir aux côtés de leur syndicat dans l'action en nullité intentée par ce dernier.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Il sera relevé que dans ses dernières écritures, la Société
SOGERMA Services a renoncé à tirer argument d'une fin de non recevoir tenant à ce que l'Union Locale CGT de Mérignac et les trois salariés n'auraient pas mis en cause l'ensemble des signataires de l'accord critiqué. Il n'y a donc pas lieu d'examiner cette fin de non recevoir.

Sur le contenu de l'accord critiqué

Il sera rappelé que dans les premiers mois de l'année 2006, la Société SOGERMA EADS avait déjà connu des licenciements collectifs et que la fermeture du site de Mérignac était sérieusement envisagée.

Au mois de juillet 2006, le groupe TAT a proposé la reprise de ce site ; l'entreprise devenait la Société SOGERMA Services dont le groupe TAT était actionnaire à 100 % ; un certain nombre de salariés étaient soit reclassés, soit mis à la retraite avec poursuite des autres contrats de travail ; la nouvelle Société SOGERMA Services exploitait le site de Mérignac et devenait l'employeur des salariés repris à partir du 1er décembre 2006.

Il ressort des documents produits au dossier et particulièrement d'éléments de présentation pour le comité d'entreprise du 20 décembre 2006 ainsi que d'un rapport soumis au Comité d'Entreprise de SOGERMA Services du 31 janvier 2007 que l'activité de la société, à savoir la maintenance et les modifications d'aéronefs civils et militaires s'inscrivait dans un marché mondial marqué par une demande de transport aérien croissante et des perspectives de développement certaines.

Les dirigeants de la Société SOGERMA Services exposaient que le coût des interventions de la SOGERMA était trop élevé pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et que des mesures devaient être mises en oeuvre pour assurer à la société un volume d'activité lui permettant de se maintenir et de se développer.

Outre un certain nombre de dispositions tendant à alléger les frais généraux et à renégocier des contrats de services pour les rendre plus avantageux, il était exposé au comité d'entreprise qu'il était indispensable d'alléger le coût salarial afin de sauvegarder la pérennité de l'entreprise et donc de protéger le pouvoir d'achat des travailleurs.

Les documents de présentation indiquaient qu'en 2005, le prix de revient horaire de l'intervention était de 134 €, devait descendre en 2007 à 108 €, l'objectif à atteindre étant de 90 €.

C'est dans ce contexte qu'après des élections professionnelles, organisées le 17 janvier 2007 où effectivement les syndicats CFE / CGC et FO obtenaient à eux deux environ 70 % des voix qu'intervenait l'accord du 5 avril 2007.

Cet accord fait référence au contexte économique rappelé ci-dessus et se fixe pour objectif de trouver des moyens qui " permettraient de réduire les coûts salariaux de 20 % par heure travaillée en préservant le pouvoir d'achat des salariés ".

Les dispositions critiquées par les intimés et annulées par le premier juge, se présentent ainsi :

-il est décidé une diminution de la base salariale horaire de 12,50 % et la mise en oeuvre d'une convention de forfait aux termes de laquelle chaque salarié effectue 39 heures hebdomadaires, dont 35 au nouveau taux horaire, et les 4 autres en heures supplémentaires avec une majoration de 25 %.

En tout état de cause, l'employeur s'est engagé à assurer cette rémunération même si les salariés, compte tenu du travail à effectuer font moins de 39 heures.

En revanche, les heures effectuées éventuellement au-delà des 39 heures étaient rémunérées au taux majoré.

Il est indiqué que, cet accord touchant à la rémunération, chaque salarié signera un avenant à son contrat de travail afin d'incorporer les dispositions de l'accord collectif et le versement d'une indemnité de 1. 500 € est prévue à la signature de l'avenant.

Des dispositions particulières mais obéissant à la même logique ont été aménagées pour des catégories spéciales du personnel, salariés non cadres forfaités et cadres avec référence horaire.

Il est également prévu qu'en cas de circonstances exceptionnelles, le travail pourra être effectué sur la journée du samedi, l'amplitude hebdomadaire d'ouverture de la société étant de six jours.

Sont réduites dans les mêmes proportions que le taux de rémunération horaire, la prime d'harmonisation ainsi que la prime d'ancienneté.

Enfin, la Société SOGERMA Services s'est engagée à augmenter au 1er juin 2008, la rémunération horaire de 3,57 % et à proposer au bout d'un an d'application un rendez-vous aux fins de déterminer les critères de la mise en oeuvre d'une rétribution de la performance économique, mécanisme intitulé " clause de rendez-vous partage de succès ".

La SOGERMA indique dans ses conclusions que sur les 462 salariés de l'entreprise,39 auraient refusé de signer l'avenant à leur contrat de travail incorporant les dispositions de cet accord.

Sur la validité de l'accord du 5 avril 2007

Il y a lieu tout d'abord de déterminer la nature de l'accord collectif
signé entre l'employeur et les syndicats représentatifs de l'entreprise.

Cet accord intitulé " accord sur les dispositions à mettre en oeuvre pour garantir la compétitivité et le développement de l'entreprise portant sur l'aménagement, la durée et l'organisation du temps de travail et sur la révision, la suspension ou la suppression d'avantages collectifs, d'usages ou d'en-gagements unilatéraux ", a eu pour objet la remise en cause de l'ensemble des accords collectifs antérieurs applicables au sein de EADS SOGERMA Services et l'adaptation de tout ou partie de leurs dispositions au nouveau contexte juridique et économique au sein de SOGERMA Services.

L'accord litigieux, négocié et signé le 5 avril 2007, alors que la Société SOGERMA Services a repris l'entreprise, à partir du 1er décembre 2006, ne peut être analysé que comme un accord de substitution, ayant été conclu quatre mois après l'arrivée d'un nouvel employeur et non comme un accord de révision et les termes rappelés ci-dessus contenus dans le préambule confirment que c'est bien l'interprétation qu'en ont faite les parties signataires.

Il n'est ni soutenu ni même allégué que l'accord critiqué contien-drait des dispositions contraires à la loi ou à la Convention Collective applicable. En effet, la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires n'est pas remise en cause, la convention de forfait qui prévoit que le paiement des heures effectuées entre 35 heures et 39 heures, sera affecté du taux de majoration de 25 %, les heures effectuées éventuellement au-delà des 39 heures étant également payées au taux majoré, est parfaitement conforme aux dispositions légales et la possibilité laissée à l'employeur de faire ou non ces heures supplémentaires étant la contrepartie du paiement systématique d'heures majorées à l'intérieur de la convention de forfait. Enfin, il n'a nullement été prétendu que la diminution du salaire horaire le rendrait inférieur aux minima prévus par la Convention Collective.

Le premier juge, pour prononcer la nullité de certaines dispositions de cet accord a tout d'abord retenu qu'il était en contradiction avec le principe de faveur.

Selon l'avis du conseil constitutionnel en date du 29 avril 2004, ce principe constitue un principe fondamental du droit du travail au sens de l'article 34 de la constitution dont il appartient au législateur de déterminer le contenu et la portée.

Il trouve certaines illustrations notamment dans les articles L 132-4 et L 135-2 du code du travail et ses contours ont été redéfinis dans la loi du 29 avril 2004 qui a autorisé la signature d'accords dérogatoires.

Il sera retenu qu'il s'agit d'une règle destinée à résoudre les éven-tuels conflits entre des normes de niveaux différents, ainsi entre la loi et un accord collectif ou entre un accord collectif et un contrat de travail mais qu'elle n'a pas vocation à s'appliquer entre des normes successives de même niveau et son domaine d'application reste déterminé par la loi.

En l'espèce, aucun texte du Code du Travail ne prévoit qu'un accord collectif d'entreprise qui se substitue à un autre ne puisse prévoir certaines dispositions moins favorables.

C'est à tort que le premier juge a considéré que l'accord signé le 5 avril 2007 dont il a estimé qu'il était dans certaines de ses dispositions, moins favorable que les accords antérieurs devaient être annulés en application du principe de faveur, dans certaines de ses dispositions.

Il sera observé tout d'abord que si, effectivement le salaire est un élément essentiel du contrat de travail, il n'en est pas l'élément unique et l'en-gagement de l'employeur de fournir une prestation de travail régulière et durable ainsi que la mise en place d'une indemnité lors de la signature de l'avenant au contrat de travail, l'engagement d'un système de rétribution de la performance économique font également partie intégrante du contrat de travail.

Ensuite, conformément aux dispositions du Code du Travail, chaque salarié a été invité à signer un avenant à son contrat de travail et dans le concours entre l'accord collectif signé dans l'entreprise et le contrat de travail individuel, le principe de faveur peut éventuellement retrouver son domaine d'application, si les salariés individuellement soutiennent qu'un tel accord ne leur est pas opposable.

Le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux a fondé sa décision d'annulation également sur la violation du principe de réciprocité, retenant que seuls les salariés acceptaient des obligations plus contraignantes, l'employeur ne contractant aucun nouvel engagement.

Cependant, si effectivement les syndicats de travailleurs signataires ont accepté un nouvel engagement par la diminution du taux du salaire horaire, l'employeur s'est de son côté engagé à maintenir un niveau d'activité permettant à chaque salarié d'espérer une sécurité de l'emploi, à mettre en oeuvre un système de participation aux résultats économiques de l'entreprise et à procéder à une augmentation des salaires.

Les conventions étant présumées s'exécuter de bonne foi, les intimés n'apportent aucun élément probant pour établir que l'employeur aurait délibérément décider d'appliquer de mauvaise foi, cet accord, étant rappelé les circonstances économiques difficiles qui ont précédé la création de SOGERMA
Services et les menaces sérieuses qui ont pesé sur le maintien du site de Mérignac, la seule observation tirée du fait que l'activité de maintenance aéronautique est en plein développement, n'étant pas suffisante à expliquer que dans un contexte mondial, avec de fortes concurrences des entreprises dans la zone dollars, la survie de SOGERMA Services n'était pas menacée.

Il se déduit de ces observations que l'accord collectif respecte le principe de réciprocité et ne peut être annulé de ce chef.

Le jugement qui a annulé une partie de cet accord collectif sera réformé sur ce point.

De ce fait, les intimés seront déboutés de l'ensemble de leurs réclamations.

L'équité exige de laisser à chaque partie, la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR,

Confirme partiellement le jugement en ce qu'il a déclaré recevable le recours en annulation de l'accord collectif du 5 avril 2007 formé par le syndicat CGT des salariés de l'Union Locale de Mérignac et par Messieurs X..., Y... et Z....

Le Réforme pour le surplus et statuant à nouveau, les déboute de leur action tendant à voir annuler tout ou partie dudit accord.

Les déboute du surplus de leurs demandes.

Dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront à la charge du syndicat CGT des salariés de l'Union Locale de Mérignac, de Messieurs X..., Y... et Z... dont distraction pour ceux exposés en cause d'appel au profit de la S. C. P. Boyreau et Monroux, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Signé par Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Président, et par Mademoiselle Françoise ATCHOARENA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F. ATCHOARENA M-P. DESCARD-MAZABRAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0107
Numéro d'arrêt : 07/003790
Date de la décision : 11/12/2007

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs - Dispositions générales - Principe de faveur - Application - / JDF

Le principe de faveur constitue une règle destinée à résoudre les éventuels conflits entre des normes de niveaux différents, ainsi entre la loi et un accord collectif ou entre un accord collectif et un contrat de travail, mais il n'a pas vocation à s'appliquer entre des normes successives de même niveau et son domaine d'application reste déterminé par la loi. Aucun texte du Code du travail ne prévoit qu'un accord collectif d'entreprise qui se substitue à un autre ne puisse prévoir certaines dispositions moins favorables. C'est donc à tort qu'un juge considère qu'un accord, qu'il estime, dans certaines de ses dispositions, moins favorable que les accords antérieurs, doit être annulé en application du principe de faveur, dans certaines de ses dispositions. Si le salaire est un élément essentiel du contrat de travail, il n'en est pas l'élément unique et l'engagement de l'employeur de fournir une prestation de travail régulière et durable ainsi que la mise en place d'une indemnité lors de la signature de l'avenant au contrat de travail, l'engagement d'un système de rétribution de la performance économique font également partie intégrante du contrat de travail. Dès lors, quand, conformément aux dispositions du Code du travail, chaque salarié est invité à signer un avenant à son contrat de travail, dans le concours entre l'accord collectif signé dans l'entreprise et le contrat de travail individuel, le principe de faveur peut éventuellement retrouver son domaine d'application si les salariés individuellement soutiennent qu'un tel accord ne leur est pas opposable. Il y a violation du principe de réciprocité lorsque seuls les salariés acceptent des obligations plus contraignantes, l'employeur ne contractant aucun nouvel engagement. Tel n'est pas le cas lorsque les syndicats de travailleurs signataires ont accepté un nouvel engagement par la diminution du taux du salaire horaire et que l'employeur s'est engagé à maintenir un niveau d'activité permettant à chaque salarié d'espérer une sécurité d'emploi, à mettre en oeuvre un système de participation aux résultats économiques de l'entreprise et à procéder à une augmentation des salaires.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-12-11;07.003790 ?
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