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29/11/2007 | FRANCE | N°04/002617

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre civile 1, 29 novembre 2007, 04/002617


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 29 NOVEMBRE 2007

PREMIERE CHAMBRE SECTION B

No de rôle : 04 / 02617

L'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE BORDEAUX, (Association des personnels des groupes LA POSTE et FRANCE TELECOM),

c /

LA S. C. P. X...-Z..., ès-qualités de liquidateur à liquidation judiciaire de la S. A. R. L. MERIA

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préa

lablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 29 NOVEMBRE 2007,...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

---------------------------

Le : 29 NOVEMBRE 2007

PREMIERE CHAMBRE SECTION B

No de rôle : 04 / 02617

L'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE BORDEAUX, (Association des personnels des groupes LA POSTE et FRANCE TELECOM),

c /

LA S. C. P. X...-Z..., ès-qualités de liquidateur à liquidation judiciaire de la S. A. R. L. MERIA

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 29 NOVEMBRE 2007,

Par Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,
en présence de Madame Armelle FRITZ, Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIERE CHAMBRE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

L'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE BORDEAUX, (Association des personnels des groupes LA POSTE et FRANCE TELECOM), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 10-12, rue Gouffrand 33300 BORDEAUX,

Représentée par la S. C. P. FOURNIER, Avoués à la Cour, et assistée de Maître Franck AUCKENTHALER, Avocat au barreau de BORDEAUX,

Appelante d'un jugement rendu le 8 avril 2004 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 10 Mai 2004,

à :

LA S. C. P. X...-Z..., mandataires judiciaires, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis ..., ès-qualités de liquidateur à liquidation judiciaire de la S. A. R. L. MERIA,

Représentée par la S. C. P. Solange CASTEJA-CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, Avoués Associés à la Cour,

Intimée,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 4 Juin 2007 devant :

Madame Monique CASTAGNEDE, Président,
Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,
Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,
Madame Armelle FRITZ, Greffier,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :

Par contrat du 17 avril 2002, la SARL MERIA a donné en location à l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE POUR LE PERSONNEL LA POSTE ET FRANCE TELECOM un lot de cassettes vidéo et DVD pendant une durée de 12 mois au prix mensuel de 3. 100 €, soit 37. 200 € au total.

Deux chèques postaux de 18. 600 € ont été remis en règlement à la SARL MERIA, dont le premier, destiné à l'encaissement immédiat, a été honoré sans difficultés.

Le second chèque en revanche est revenu impayé le 30 juillet 2002.

Par acte du 7 janvier 2003, l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE a assigné la SARL MERIA devant le tribunal de grande instance de BORDEAUX en nullité du contrat souscrit, subsidiairement en résolution de ce contrat, en remboursement de la somme de 18. 600 € et en paiement d'une somme de 3. 000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Par jugement du 8 avril 2004, le tribunal de grande instance de BORDEAUX a débouté l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SARL MERIA les sommes de 18. 600 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2003,2. 000 € à titre de dommages et intérêts et 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

L'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE a relevé appel de ce jugement dans des conditions de régularité non contestées.

Par conclusions signifiées le 4 mai 2007, elle demande à la Cour de :

-à titre principal,

* réformer le jugement ;

* dire que le contrat de location de vidéogrammes est nul pour défaut de pouvoir de Mme Y..., signataire du contrat au nom de l'association, ;

-subsidiairement, dire que le contrat est nul pour défaut de cause,

-plus subsidiairement, dire que le contrat est nul pour vice du consentement,

-encore plus subsidiairement, dire que le contrat est résolu pour inexécution de son obligation de délivrance conforme de la part de la SARL MERIA,

-en conséquence,

* condamner la SARL MERIA et la SCP X...-Z..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL MERIA, à restituer à l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE la somme de 18. 600 € augmentée des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 2 septembre 2002, lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts au terme d'une année entière sur le fondement de l'article 1154 du Code civil,

* condamner la SARL MERIA et la SCP X...-Z... ès qualités à payer à l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens de l'instance.

Par conclusions signifiées le 1er août 2005, la SARL MERIA demande à la Cour de :

-déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE,

-confirmer l'intégralité des dispositions du jugement critiqué, sauf à faire droit à l'appel incident formé par la société intimée et à majorer le montant des dommages et intérêts arbitrés par le tribunal en les fixant à la somme de 5. 000 €,

-y ajoutant, condamner l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE au paiement des sommes de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et de 2. 000 € pour appel abusif.

Par acte signifié le 10 avril 2007, la SCP X...-Z..., mandataire judiciaire, a déclaré reprendre l'instance à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la SARL MERIA, et de sa nomination en qualité de liquidateur par le tribunal de commerce de BORDEAUX, et faire siennes les conclusions déposées et signifiées le 1er août 2005 par la SARL MERIA.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mai 2007.

MOTIFS :

-Sur la demande de nullité du contrat pour défaut de pouvoir du signataire au nom de l'association :

L'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE fait observer que le contrat a été signé en son nom par sa secrétaire générale Mme Y..., laquelle en cette qualité n'avait pas le pouvoir de la représenter dans la mesure où les statuts prévoyaient que le pouvoir de représenter l'association appartenait à sa présidente, et où Mme Y... ne justifiait ni d'un pouvoir légal ni de délégation de signature.

L'article 15 des statuts de l'association prévoit en effet que celle-ci est représentée en justice et dans tous les actes de la vie civile par son président ou à défaut, par tout autre membre du bureau spécialement habilité par le président.

Il est constant que Mme Y... n'était pas la présidente de l'association au moment où elle a signé le contrat au nom de celle-ci, et qu'elle ne justifie d'aucun mandat exprès à cet effet.

La SARL MERIA et la SCP X...-Z... soutiennent néanmoins que l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE s'est trouvée engagée sur le fondement du mandat apparent.

Celui qui a laissé créer à l'égard des tiers une apparence de mandat est tenu, comme le mandant, d'exécuter les engagements contractés par le mandataire.

Le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.

En l'espèce, il n'est pas contesté que lorsque la SARL MERIA s'est rapprochée de l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE pour lui présenter son système de location de cassettes et de DVD pour vidéothèque interne, elle a eu comme interlocutrice unique Mme Y... ; que cette dernière a négocié seule le contrat dont les pourparlers ont commencé début avril 2002 et se sont prolongés jusqu'au 17 avril, date de la signature ; que Mme Y... a fait usage du carnet de chèques de l'association, dont elle était en possession.

Cet ensemble de circonstances a été de nature à laisser créer à l'égard de la SARL MERIA la croyance légitime que Mme Y... était investie du pouvoir de contracter au nom de l'association, sans que la SARL MERIA soit tenue de vérifier l'existence d'un tel pouvoir.

Il ne peut en effet être exigé de la SARL MERIA, dans le contexte décrit ci-dessus, qu'elle se fît communiquer les statuts de l'association pour s'assurer que son interlocutrice, membre de cette association, avait bien la qualité pour représenter cette dernière dans les actes de la vie civile.

Par ailleurs, l'absence de relations d'affaires antérieures et le montant élevé de la commande ne suffisaient pas, dans le cas d'espèce, à faire douter la SARL MERIA de l'étendue des pouvoirs de Mme Y... dont l'attitude a toujours donné l'apparence qu'elle était une mandataire régulière de l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que cette association était tenue sur le fondement du mandat apparent.

-Sur la demande de nullité pour absence de cause :

L'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE soutient que le contrat est dépourvu de cause en ce qu'il lui était impossible de rentabiliser la location de 468 cassettes et 120 DVD loués pour 37. 200 € pendant un an, alors qu'elle ne compte que 300 membres.

Aux termes de l'article 1131 du Code civil, " l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une clause illicite, ne peut avoir aucun effet. "

Lorsque l'obligation d'une partie est dépourvue d'objet, l'engagement du cocontractant est nul faute de cause.

En l'espèce, l'objet du contrat, envisagé du point de vue de l'association, était de louer des cassettes et des DVD en vue de les diffuser à ses membres, au nombre d'environ 300, constitués de personnels de la POSTE et de FRANCE TELECOM.

Il ressort d'un extrait de compte de résultat versé aux débats que pour l'année 2001, l'actif de l'association, composé des immobilisations, du stock billetterie, des créances et des avoirs portés sur le compte CCP, le livret et la caisse, s'est élevé à la somme de 115. 310 F soit 17. 578,90 €.

Il apparaît ainsi que l'engagement résultant du contrat souscrit avec la SARL MERIA, d'un montant de 37. 200 €, représentait plus du double de l'actif apparaissant sur les documents comptables au titre de l'exercice 2001, alors que les pièces du dossier ne révèlent pas que l'appelante fût appelée à disposer au titre de l'année 2002 de ressources exceptionnelles ou susceptible d'accroître notablement le budget de l'exercice précédent, puisqu'au contraire il ressort d'une attestation du commissaire aux comptes que les subventions versées en 2002, seul poste pouvant donner lieu à une augmentation importante, se sont élevées à 19. 931 € (contre 10. 465,32 € en 2001).

La location des cassettes et DVD répondait à l'objet, défini par les statuts, de permettre " le prêt ou la location de divers matériels pouvant faciliter l'éveil ou l'information, conformément à la réglementation en vigueur ".

Indépendamment de cet objet, l'association avait aussi bien d'autres buts dans le domaine touristique et culturel, comme ceux d'organiser des excursions en France et à l'étranger, des voyages à l'étranger, des conférences et des manifestations à des fins de loisirs.

Il est alors certain que le budget de l'association ne lui permettait pas de financer la location des vidéogrammes, et qu'a fortiori l'importance de l'engagement financier mis à sa charge par le contrat l'empêchait de financer les autres objectifs poursuivis tels qu'énumérés dans les statuts.

Dans la mesure où les cassettes et DVD étaient destinés non seulement à être loués, mais aussi à être prêtés aux membres de l'association, le produit attendu des locations ne pouvait en aucun cas permettre d'assurer l'équilibre financier de l'opération.

Il en résulte que le contrat, qui en l'absence de contrepartie réelle pour l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE, ne pouvait être exécuté selon l'économie voulue par les parties, doit être déclaré nul pour absence de cause, l'argument selon lequel le preneur est une association à but non lucratif et non une société commerciale n'étant pas pertinent dans la mesure où les associations doivent au même titre que les sociétés commerciales respecter l'équilibre de leurs comptes faute de s'exposer au risque de cessation des paiements et de dépôt de bilan.

Il convient par suite d'infirmer le jugement entrepris et d'annuler le contrat litigieux.

En conséquence de cette annulation, la somme de 18. 600 € doit être restituée par la SCP X...-Z... ès qualités, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 septembre 2002, date de la mise en demeure, les intérêts produisant eux mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare l'appel de l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE recevable et bien fondé,

Infirme le jugement prononcé le 8 avril 2004 par le tribunal de grande instance de BORDEAUX,

Statuant à nouveau :

Vu l'article 1131 du Code civil,

Prononce l'annulation, pour absence de cause, du contrat de location conclu le 17 avril 2002 entre l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE et la SARL MERIA,

Condamne la SCP X...-Z..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL MERIA, à payer à l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE la somme de 18. 600 €, outre intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2002,

Dit que ces intérêts produiront eux mêmes intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil,

Déboute l'ASSOCIATION TOURISME ET CULTURE de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

Condamne la SCP X...-Z... ès qualités aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux d'appel au profit de la S. C. P. FOURN IER, Avoué à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Signé par Madame Monique CASTAGNEDE, Président, et par Madame Armelle FRITZ, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 04/002617
Date de la décision : 29/11/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 08 avril 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-11-29;04.002617 ?
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