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20/11/2007 | FRANCE | N°05/004584

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre civile 1, 20 novembre 2007, 05/004584


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le 20 novembre 2007,

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

No de rôle : 05/04584

LA S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE ET FILS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

c/

Monsieur Gilles X...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o

alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 20 novembre 2007,

Par Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président

en présence de Madam...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

---------------------------

Le 20 novembre 2007,

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

No de rôle : 05/04584

LA S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE ET FILS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

c/

Monsieur Gilles X...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 20 novembre 2007,

Par Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président

en présence de Madame Armelle FRITZ, Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

LA S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE ET FILS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

sis 2, avenue du Général Balfourier - 75016 PARIS

Représentée par la S.C.P. Corine ARSENE-HENRY et Pierre LANCON, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Christian de SAINT BLANCARD, Avocat au barreau de Paris,

Appelante d'un jugement au fond rendu le 22 juillet 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC suivant déclaration d'appel en date du 01 Août 2005,

à :

Monsieur Gilles X... né le 03 Août 1948 à EYMET (24), de nationalité Française, Agriculteur, demeurant ...

Représenté par la S.C.P. FOURNIER, Avoués à la Cour, et assisté de Maître Olivier ARGUESO substituant Maître Christian REY, Avocat au barreau de Bergerac,

Intimé,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 17 Septembre 2007 devant :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,

Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,

Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,

Madame Armelle FRITZ, Greffier,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :

Vu le jugement rendu le 22 juillet 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC, qui a constaté l'inexécution par la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS de son obligation contractuelle, qui a en conséquence condamnée cette société à payer à Gilles X... une somme de 80.000,00 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision, qui a condamné Gilles X... à payer à la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS une somme de 5.492,59 € avec intérêts au taux légal à compter du 01 avril 2004, qui a dit y avoir lieu à compensation entre ces deux créances, qui a débouté la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS du surplus de sa demande reconventionnelle, qui a ordonné l'exécution provisoire, et qui a condamné la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS à payer à Gilles X... une somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens ;

Vu la déclaration d'appel de la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS du 01 août 2005 ;

Vu les dernières écritures de Gilles X..., déposées et signifiées le 11 avril 2006 ;

Vu les dernières écritures de l'appelante, déposées et signifiées le 16 juin 2006 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 03 septembre 2007 ;

DISCUSSION :

Au début du mois de février 2004, Gilles X... a acheté à la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS 8.750 kilogrammes de semences de pommes de terre de référence "Ambra 35/50" pour un prix de 5.492,59 € TTC. Il en a reçu livraison le 11 février 2004 et les a mis en serre le même jour en vue de la pré-germination, puis les a plantés le 03 mars 2004.

Le 01 avril 2004, Gilles X... s'est plaint auprès de son vendeur de ce que la moitié des tubercules n'avaient pas germé. Par lettre du 12 mai 2004, la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS lui a indiqué qu'à la suite d'une visite de son exploitation qui avait eu lieu le 06 mai 2004, il avait été constaté que les symptômes présentés par les pommes de terre étaient dus au gel et que la serre en plastique dans laquelle les semences avaient été entreposées présentaient une déchirure sur trois mètres au-dessus de l'emplacement du stockage, alors que des températures négatives, allant de moins 0,5o C à moins 4,5o C avaient été enregistrées pendant treize nuits entre le 11 février et le 03 mars 2004. Elle en a conclu que l'absence de levée était due à un "coup de froid" et elle re jeté la réclamation de Gilles X..., tout en sollicitant le paiement de sa facture.

Le 20 septembre 2004, Gilles X... a fait assigner la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS devant le Tribunal d'Instance de BERGERAC pour la faire condamner, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, à lui payer une somme de 80.000,00 € en réparation de son préjudice. Par voie reconventionnelle, la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS a sollicité le paiement de sa facture, avec intérêt au taux de 1,5 fois le taux de l'intérêt légal.

Par le jugement déféré, le tribunal a estimé que la moitié environ des plants vendus n'ayant pas levé, il était établi le vendeur n'avait pas exécuté son obligation contractuelle de moyen "de livrer des semences aptes à devenir des pommes de terre". Il a ajouté que "pour se dégager de sa responsabilité contractuelle", il ne démontrait pas avoir "mis tous les moyens en oeuvre pour satisfaire à son obligation". En conséquence, statuant au visa de l'article 1147 du Code civil, il a fait droit à la demande principale. Il a également fait droit à la demande reconventionnelle, tout en n'accordant que des intérêts au taux légal.

En cause d'appel, la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS soutient que dans la mesure où Gilles X... se plaint d'un prétendu vice affectant les semences vendues, son action relève nécessairement de la garantie des vices cachés et qu'il lui appartient de prouver l'existence d'un vice de cette nature. Estimant que cette preuve n'est pas rapportée en l'espèce, elle conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a fait droit à la demande principale, et sollicite le rejet de celle-ci. Elle conclut au contraire à la confirmation de la décision en ce qu'elle a fait droit à sa demande reconventionnelle, sauf pour le taux des intérêts qu'elle prie la Cour de fixer à 1,5 fois le taux de l'intérêt légal.

Gilles X... fait valoir que "le défaut de la chose livrée marque l'inexécution d'une obligation de délivrance pouvant être sanctionnée par la responsabilité contractuelle de droit commun". Il en déduit que le tribunal a statué sur le fondement juridique approprié. Il estime cependant que sur le terrain de la garantie des vices cachés, il rapporte la preuve d'un vice caché antérieur à la vente. Il conclut en conséquence à la confirmation pure et simple du jugement.

1o) Sur la demande principale :

Attendu que la livraison d'une chose conforme à la chose convenue mais atteinte de défauts la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée ne constitue pas un manquement du vendeur à son obligation de délivrance, sanctionné par l'action en responsabilité contractuelle de droit commun régie par l'article 1147 du Code civil, mais un manquement à son obligation de garantie, ouvrant droit à l'action en garantie des vices cachés dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants du même code ; que ces derniers textes sont donc l'unique fondement possible de l'action d'un acheteur se plaignant de défauts rendant la chose vendue impropre à sa destination normale ;

Attendu en l'espèce que Gilles X... ne conteste pas que les semences de pommes de terre qui lui ont été vendues par la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS étaient de la référence "Ambra 35/50" qui avait été spécifiée dans la commande ; qu'il se plaint seulement de l'insuffisance de leurs qualités germinatives ; qu'il apparaît ainsi que la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS a exécuté son obligation de délivrance et que l'action de Gilles X..., fondée sur le défaut précité, est nécessairement soumise au régime de l'action en garantie des vices cachés ;

Attendu que celui qui agit sur le fondement de la garantie des vices cachés doit apporter la preuve d'un vice d'une certaine gravité, antérieur à la vente, et non apparent pour lui lors de celle-ci ; que pour apporter cette preuve, Gilles X... produit d'abord un procès-verbal de constat d'huissier du 11 mai 2004, dressé de manière non contradictoire à sa requête et démontrant un manque important de plants dans les parcelles ensemencées avec les semences litigieuses, ainsi que l'existence de plusieurs tubercules pourris ; que toutefois, dans la mesure où une mauvaise germination peut résulter des conditions de conservation et de préparation des plants avant leur mise en terre, ainsi qu'il ressort d'une lettre de L'INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE (INRA) du 18 novembre 2005 versée aux débats par l'appelante, la seule constatation de l'insuffisance de la germination, pour une cause qui n'est pas déterminée, ne suffit pas à démontrer l'existence d'un vice caché antérieur à la vente ;

Attendu que Gilles X... produit ensuite un rapport d'analyse du 25 mai 2004, établi de manière non contradictoire à sa demande par le Laboratoire Régional de la Protection des Végétaux de Bretagne, sur des échantillons de pomme de terre prélevés par l'huissier de justice ; que ce document, très bref, mentionne une méthode d'analyse par examen visuel et comporte les observations suivantes : "Aucun pathogène n'a été observé sur l'échantillon transmis. L'origine des symptômes est vraisemblablement physiologique : l'absence de germination peut être due à une mauvaise conservation, un âge physiologique des tubercules incorrect ..." ; que ces considérations, purement dubitatives, n'apportent pas la preuve d'un vice caché antérieur à la vente ;

Attendu que Gilles X... produit enfin un rapport d'expertise officieux, daté du 26 juin 2004, réalisé à sa requête par Jean-Dominique B..., expert inscrit sur la liste des experts judiciaires près la présente Cour ; que ce technicien, après avoir pris connaissance du constat d'huissier et du rapport d'analyse précités et visité les parcelles du demandeur, émet l'avis que les manquants "sont liés à un phénomène physiologique explicable par la canicule de l'été précédent. En effet, nombre de végétaux ont vu leur dormance levée en fin d'automne au lieu d'attendre le printemps. Il est donc plus que probable que ces plants ont voulu démarrer en végétation lors de leur mise en stockage pour l'hiver chez le fournisseur, et qu'il s'en est suivi un blocage physiologique" ; que toutefois, outre le fait que cet avis est purement dubitatif ("Il est donc plus que probable"), il ne s'appuie sur aucune constatation objective permettant d'imputer de manière certaine le manque de germination à des conditions de stockage des semences antérieures à la vente ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que Gilles X... n'apporte pas la preuve d'un vice caché antérieur à la vente ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande, et de le débouter de toutes ses prétentions ;

2o) sur la demande reconventionnelle :

Attendu qu'aucune partie ne critique la disposition du jugement ayant condamné Gilles X... à payer le prix des semences litigieuses ; que la décision déférée sera donc confirmée sur ce point ;

Attendu que sur la facture émise par la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS, il est indiqué : "Majoration retard paiement : 1,5 fois le taux d'intérêt légal en vigueur par mois de retard" ; que toutefois, comme l'a justement estimé le tribunal, une telle mention, dont il n'est pas démontré qu'elle ait reçu l'approbation préalable de Gilles X..., ne présente aucun caractère contractuel; que la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS peut donc seulement prétendre au paiement des intérêts au taux légal, par application de l'article 1153 du Code civil ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a accordé ces intérêts;

Attendu que la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS sollicite une somme de 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ; que toutefois, elle ne démontre pas que Gilles X... lui ait, par mauvaise foi, causé un préjudice indépendant du simple retard dans le paiement, lequel est réparé par l'allocation des intérêts au taux légal sur le montant de la créance ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande ;

3o) Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que Gilles X... succombant en toutes ses prétentions, il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ; que par ailleurs, il serait inéquitable que la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS conserve à sa charge la totalité des frais irrépétibles exposés par elle à l'occasion de cette affaire; qu'il convient de lui accorder une somme de 2.000,00 € en vertu de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Reçoit la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS en son appel ;

Confirme le jugement rendu le 22 juillet 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC en ce qu'il a condamné Gilles X... à payer à la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS une somme de 5.492,59 € avec intérêts au taux légal à compter du 01 avril 2004, en ce qu'il a débouté la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS du surplus de sa demande reconventionnelle, et en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire ;

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau :

Déboute Gilles X... de toutes ses demandes ;

Le condamne à payer à la S.A. ETABLISSEMENTS FILIATRE et FILS une somme de 2.000,00 € en vertu de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, et par Madame Armelle FRITZ, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 05/004584
Date de la décision : 20/11/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bergerac, 22 juillet 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-11-20;05.004584 ?
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